COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/09/2022
la SCP BRILLATZ-CHALOPIN
Me Christine VAZEREAU
ARRÊT du : 08 SEPTEMBRE 2022
N° : 148 - 22
N° RG 20/02349
N° Portalis DBVN-V-B7E-GHUT
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 05 Novembre 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265253053790309
Monsieur [D] [I]
Assisté par l'Association ATIL en sa qualité de curateur, fonction à laquelle elle a été nommée par jugement du Tribunal d'Instance de TOURS du 28 juin 2015, sise [Adresse 8]
né le 31 Mai 1958 à [Localité 3] ([Localité 3])
[Adresse 6]
[Localité 3]
Comparant en personne,
Ayant pour avocat Me Antoine BRILLATZ, membre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°:1265264148685423
Madame [G] [A]
née le 30 Novembre 1964 à [Localité 9] ([Localité 9])
[Adresse 7]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Christine VAZEREAU, avocat au barreau de TOURS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 17 Novembre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 31 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du jeudi 12 MAI 2022, à 14 heures, devant Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 805 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats,
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors du prononcé de l'arrêt.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le jeudi 08 SEPTEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Par acte notarié de Maître [B] [O], Notaire à [Localité 11], en date du 28 février 2013, M. [D] [I] a acquis de Mme [G] [A] un « droit au bail » portant sur des locaux dans un immeuble sis à [Localité 3] (Indre et Loire), [Adresse 5] et [Adresse 2] comprenant au rez-de-chaussée : une pièce à usage commercial, ouvrant sur la [Adresse 10], d'une superficie de 32 m², l'ensemble cadastré section EH n° [Cadastre 1], [Adresse 6] pour 00 Ha 01 ar 46 ca et divers objets mobiliers garnissant les locaux et ce pour un prix global de 120.000 euros.
Par acte en date du 2 décembre 2014, M. [D] [I] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Tours Mme [G] [A] au visa des articles 1108, 1109, 1116 du code civil et de l'article L.141 du code de commerce afin de voir annuler la vente du droit au bail par acte du 28 février 2013, condamner la venderesse à lui restituer le prix de 120.000 euros et à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 14 janvier 2015, une mesure de curatelle renforcée a été ordonnée au bénéfice de M. [D] [I] et l'UDAF a été désignée en qualité de curateur. L'UDAF, désormais déchargée de la mesure de protection au profit de l'ATIL, est intervenue à la procédure par écritures du 8 novembre 2016.
Par ordonnance en date du 30 novembre 2016, le juge de la mise en état a ordonné une expertise médicale de M. [D] [I] confiée au Docteur [Y] [K] qui a été remplacée par le Docteur [U] [P] selon ordonnance du 7 mars 2017.
Par ordonnance en date du 31 mars 2017, l'expert a été autorisé à faire appel à un sapiteur, le Professeur [V] [X]. L'expert a déposé son rapport le 18 septembre 2017.
Par jugement du 5 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Tours a :
- mis hors de cause l'UDAF d'Indre et Loire,
- reçu l'ATIL en son intervention volontaire en qualité de nouveau curateur de M. [I] suite au jugement du 28 juin 2018,
- débouté [D] [I] de l'ensemble de sa demande,
- reçu [G] [A] en sa demande reconventionnelle,
- condamné [D] [I], assisté de son curateur l'ATIL, à verser à [G] [A] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral outre une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [D] [I], assisté de son curateur l'ATIL, aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christine Vazereau conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le premier juge a retenu qu'il résultait des différents avis médicaux émis que si M. [D] [I] présente bien une pathologie psychiatrique depuis plusieurs années, son état est relativement stable depuis 2001 en raison de son traitement régulier, que l'existence d'une décompensation dans un temps proche de la signature de l'acte du 28 février 2013 est exclue ; qu'en outre les éléments produits aux débats ne démontrent pas un acte impulsif signé sans aucune réflexion, qu'au contraire, les questions pertinentes posées par l'intéressé et les démarches effectuées en amont de l'acquisition démontrent l'existence de facultés intellectuelles lui permettant d'apprécier la portée de son engagement, que dès lors il n'est pas démontré l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte du 28 février 2013.
M. [D] [I] a formé appel de la décision par déclaration du 17 novembre 2020 en intimant Mme [G] [A], et en critiquant le jugement en ce qu'il a:
- débouté M. [D] [I], assisté de son curateur, de ses demandes,
- condamné M. [I], assisté de son curateur, à verser à cette dernière la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, outre une indemnité de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [D] [I], assisté de son curateur, aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions du 18 janvier 2022, M. [D] [I] et l'ATIL ès qualités de curateur de M. [I] demandent à la cour de :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a donné acte à l'ATIL, nommée curateur de M. [I] par ledit jugement, de son intervention volontaire en cette qualité,
Vu l'article 414-1 du code civil,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande tendant à ce qu'il soit dit qu'il était atteint d'un trouble mental au moment de la conclusion, le 28 février 2013, de l'acte par lequel Mme [A] lui a cédé, pour le prix de 120.000 euros, le droit au bail portant sur des locaux sis à [Localité 3] [Adresse 5] et [Adresse 2],
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de sa demande tendant à ce qu'il soit dit en conséquence nul ledit acte, et condamner Mme [A] à restituer à M. [I] le prix de cette cession, soit la somme de 120.000 euros,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [I] à payer à Mme [A] la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [I] à payer à Mme [A] la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner également Mme [A] à payer à M. [I] la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner enfin Mme [A] aux entiers dépens.
M. [I] fait valoir que selon une jurisprudence constante, si l'état d'insanité d'esprit existe à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure à l'acte litigieux, il revient alors au défendeur d'établir l'existence d'un intervalle lucide au moment où l'acte a été passé, qu'en l'espèce, il est largement établi qu'il souffre d'une schizophrénie paranoïde depuis de nombreuses années et ne pouvait donc pas être considéré comme sain d'esprit ni avant ni après l'acte de cession, qu'il appartenait donc à Mme [A] de rapporter la preuve de sa lucidité à la date de la conclusion de l'acte, ce qu'elle ne fait pas.
Il ajoute que plusieurs médecins ont noté que sa personnalité pathologique complexe peut le rendre vulnérable, suggestible dans certaines situations ce qui a conduit, sans évolution notable de son état, à le placer sous curatelle et que les mails échangés quelques temps avant la cession du droit au bail et qui semblent rédigés de manière intelligible et raisonnée ne prouvent pas qu'il ne souffrait pas de troubles mentaux dès lors qu'il a à plusieurs reprises adressé des lettres au pape, au président de la République ou à la Reine d'Angleterre, semblant cohérentes dans leur syntaxe mais relevant d'une phase de paranoia et de non-dicernement.
Mme [G] [A] demande à la cour, par dernières conclusions du 30 mars 2022 de :
- déclarer M. [D] [I] recevable mais mal fondé en son appel et le rejeter,
- débouter M. [D] [I] de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
' mis hors de cause l'UDAF d'Indre et Loire,
' reçu l'ATIL en son intervention volontaire en qualité de nouveau curateur de M. [I] suite au jugement du 28 juin 2018,
' débouté M. [D] [I] de l'ensemble de sa demande,
' reçu [G] [A] en sa demande reconventionnelle,
- déclarer Mme [G] [A] recevable et bien fondée en son appel incident ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
' condamné M. [D] [I] assisté de son curateur l'ATIL à verser à Mme [G] [A] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
' débouter M. [D] [I] de ses demandes, fins et conclusions,
' condamner M. [D] [I] à payer à Mme [G] [A] la somme de 5000 euros à titre de dommages intérêts au visa de l'article 1382 (ancien) et de l'article 1240 du code civil,
- condamner M. [D] [I] à payer à Mme [G] [A] la somme de 6000 euros TTC sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Christine Vazereau avocat aux offres de droit par application de l'article 699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que M. [D] [I] est à la tête d'un patrimoine important qu'il a géré seul avant la mise en place de la mesure de curatelle en janvier 2015, qu'il s'occupait de la gestion des biens immobiliers et des baux commerciaux de sa mère et était rompu au fonctionnement du monde des affaires, que la mesure de protection est intervenue plus de deux ans après l'acte critiqué et qu'il a effectué plusieurs démarches préalables et consécutives à l'acte de cession lesquelles démontrent qu'il était parfaitement cohérent et réfléchi.
Elle ajoute qu'il résulte de l'expertise judiciaire psychiatrique diligentée en première instance que l'action de M. [I] n'est qu'opportune, son commerce n'ayant pas prospéré, qu'il présente des traits de caractère tenant à la manipulation et qu'il n'était pas sous l'emprise des symptômes invalidant de sa maladie lors de l'acte contesté passé le 28 février 2013.
Elle objecte, s'agissant des lettres adressées au président de la République, au pape [T] XVI, au Grand Orient de France et à la Reine d'Angleterre [E] II, que rien ne démontre ni qu'elles n'ont pas été rédigées pour les besoins de la cause, ni même qu'elles ont été envoyées à leur destinataire, qu'en tout état de cause, elles demeurent parfaitement censées dans leur objet.
Elle soutient qu'il est de jurisprudence constante que l'ouverture d'une mesure de protection ne fait pas présumer à elle seule le trouble mental, qu'en l'espèce, il n'est pas soutenu ni démontré qu'il présente de manière constante une altération profonde de ses capacités intellectuelles. Elle soutient en conséquence que contrairement à ses allégations, M. [I] a bien donné un consentement valable à l'acte de cession du droit au bail. Elle souligne avoir été profondément affectée par la procédure judiciaire engagée et les propos tenus par Monsieur [I] à son égard, lesquels l'ont conduite à une dépression.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 31 mars 2022.
A l'audience, puis par message transmis par voie électronique le 16 mai 2022, la cour a observé que M. [I] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a l'a débouté de sa demande tendant à ce que l'acte litigieux soit dit nul, sans toutefois sollicitier de la cour qu'elle annule l'acte. La cour a autorisé les parties à former des observations sur ce point par note en délibéré à transmettre avant le 2 juin 2022.
Par note du 18 mai 2022, Mme [A] a rappelé les dispostions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile selon lesquelles la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.
M. [I], par note du même jour, indique qu'en sollicitant l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à dire que l'acte du 18 février 2013 par lequel il a acquis le droit au bail des locaux, est nul, et en sollicitant la condamnation de Mme [A] à lui rembourser le prix de cette vente, il sollicite implicitement mais nécessairement de la cour qu'elle juge cet acte nul. Il indique que d'ailleurs, Mme [A] a conclu largement sur cette question, ce qui démontre qu'elle est dans le débat.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'insanité d'esprit
Aux termes des dispositions de l'article 414-1 du code civil :
'Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte'.
L'insanité d'esprit visée par ces dispositions comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence de l'intéressé aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée.
Cette notion ne doit pas être confondue avec celle d'altération des facultés mentales, cause d'ouverture d'une mesure de protection, même si, dans certaines circonstances, l'existence d'une mesure de protection peut constituer un indice de l'insanité d'esprit. La mise en place d'un régime de protection des majeurs au bénéfice de l'intéressé, a fortiori une curatelle renforcée, ne suffit donc pas à démontrer l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
La charge de la preuve de l'insanité d'esprit au moment de la signature de l'acte incombe à celui qui l'invoque. Néanmoins, une telle preuve est considérée comme établie si l'intéressé était dans un état habituel de démence avant et après la passation de l'acte. La preuve contraire pourra toutefois alors être rapportée par le défendeur qui peut alors démontré que l'intéressé a agi dans un intervalle de lucidité au moment de la signature de l'acte de cession du droit au bail.
En l'espèce, M. [D] [I], âgé de 54 ans lors de l'acte litigieux du 28 février 2013, verse aux débats les documents médicaux suivants :
- un certificat médical établi le 16 juillet 2014 par le Docteur [Z] [N], psychiatre traitant, qui indique : 'L'état de santé de M. [D] [I] nécessite une mesure de protection aux majeurs (avec maintien du droit de vote) afin d'apporter une aide à la gestion de son patrimoine (patrimoine immobilier important). Des troubles du jugement secondaires à un état de santé psychique perturbé peuvent le conduire à prendre des décisions contraires à ses intérêts',
- un certificat établi le 22 août 2014 par le Docteur [J] [F], médecin psychiatre inscrit sur la liste des médecins spécialistes établie par le procureur de la République prévue par l'article 391-1 du code civil, qui indique que : 'M. [D] [I] présente une pathologie psychotique réduite et contenue par le traitement neuroleptique et le suivi spécialisé mais il souffre de troubles graves de la personnalité qui ne lui permettent pas de gérer de manière adéquate son patrimoine et l'amènent à prendre des décisions déraisonnables',
- un certificat médical établi le 28 mars 2018 par le Docteur [C] [W] expert au titre de l'article 431 du code civil, après examen réalisé le 26 mars 2018, à la demande de M. [D] [I], qui indique en particulier que : 'M. [I] ne nécessite pas une assistance dans les actes de la vie civile à caractère personnel. En revanche, de par l'importance de son patrimoine et devant ses antécédents de vulnérabilité, il apparaît nécessaire qu'il bénéficie d'une mesure de curatelle simple pour le protéger sur le plan patrimonial',
- un compte rendu d'hospitalisation établi le 19 octobre 2020 par le Docteur [L] [R] qui indique notamment que 'M. [I] est suivi pour une schizophrénie stabilisée depuis 10 ans sous traitement, que sa dernière hospitalisation en psychiatrie remonte à 2001 et que l'hospitalisation de 2020 résulte de la rupture de son traitement neuroleptique alors qu'il effectuait un voyage touristique en Ukraine quelques semaines auparavant'.
L'ensemble de ces éléments médicaux est postérieur à l'acte du 28 février 2013. S'il en ressort de manière certaine que M. [I] souffrait avant même cette date d'une pathologie psychiatrique qui est ancienne, il n'en résulte pas que l'état d'insanité d'esprit qu'il invoque existait avant et après cet acte, le Dr [R] précisant même en octobre 2020, ainsi qu'il vient d'être dit, que cette maladie est stabilisée depuis 10 ans soit depuis environ 2010 et que la dernière hospitalisation en psychiatrie remonte à 2001.
M. [I] produit aussi diverses copies de courriers qu'il indique avoir envoyés:
- au Président de la République française : le 12 décembre 2012 pour solliciter un emploi au sein du gouvernement et le 3 janvier 2013 pour lui adresser ses voeux de réussite et lui demander à qui il doit s'adresser pour trouver du travail,
- le 5 janvier 2013 au pape [T] XVI afin de recevoir sa bénédiction pour la recherche d'un travail et dans la vie de tous les jours,
- le 15 janvier 2013 au Grand Orient de France pour demander son adhésion,
- le 29 février 2020 à la Reine d'Angleterre, en anglais.
Ce dernier courrier est postérieur de 7 ans à l'acte litigieux et ne peux avoir de force probante dans le cadre du présent litige. Les autres courriers, même en supposant qu'ils ont bien été envoyés sont certes étonnant au regard des usages, mais ne révèlent pas un état d'insanité d'esprit avant l'acte litigieux du 27 février 2013.
M. [I] produit encore un certificat médical du 13 juin 2008 établi par le Docteur [M] médecin psychiatre, qui certifie que l'état de santé de M. [I] le rend inapte au travail. Ce document est toutefois antérieur de près de cinq ans à l'acte litigieux et il n'établit pas que M. [I] ne pouvait pas travailler en février 2013 dans le cadre du commerce dont il achetait le droit au bail, ce d'autant qu'il justifie avoir suivi en 2012 une formation de 864 heures dans un centre de formation en qualité d'animateur de tourisme local.
Il verse enfin aux débats une attestation établie par M. [S] enseignant qui indique 'avoir rencontré M. [I] en 2012 et 2013 alors qu'il n'avait pas toute sa raison ni la lucidité nécessaire lorsqu'il a repris le droit au bail commercial'. Ce témoignage, qui exprime une opinion sans citer des faits dont aurait été témoin l'attestant, n'est pas probant.
Aux termes du rapport d'expertise judiciaire établi par le Docteur [U] [P] le 3 août 2017, il est en particulier mentionné :
'Pour conclure, M. [I] est très probablement atteint d'une pathologie psychiatrique chronique, à savoir une schizophrénie paranoïde. Les éléments fournis par M. [I] et Maître [H], son avocat, vont dans ce sens et rien ne permet de les mettre en doute. Néanmoins, M. [I] est cliniquement stable au moment de l'expertise, et cela semble être le cas depuis de nombreuses années, grâce à la bonne observance qu'il a de son traitement médicamenteux. Il semble peu probable que M. [I] ait été décompensé sur le plan psychique au moment de la signature du droit au bail, auquel cas des modifications auraient été apportées par son psychiatre traitant (modification du traitement habituel, consultations de suivi plus rapprochées ou hospitalisation), ce qui semble ne pas avoir été le cas aux dires de M. [I].
En revanche, M. [I] montre des traits de personnalité pathologique, complexe qui le rendent vulnérable, suggestible dans certains aspects de sa vie notamment affective. Cependant, il a aussi fait la preuve d'un bon niveau intellectuel et cognitif, ainsi que de connaissances solides sur le fonctionnement de certains systèmes administratifs sociaux qui tendent à compenser pour partie, cette vulnérabilité'.
Dans le corps de son expertise, l'expert précise que M. [I] peut se montrer manipulateur et a une très bonne connaissance des systèmes (de soins, judiciaires, finances) dont il sait, semble-t-il, tirer avantage à son profit. Il relève que questionné sur les raisons de la procédure engagée pour faire annuler la vente, M. [I] explique qu'il s'est 'aperçu qu'il n'était pas capable de gérer un commerce' et qu'il 'n'y avait pas assez de clients', ce qui pour l'expert, 'laisse à penser que si l'affaire avait été rentable, il n'aurait pas demandé l'annulation de la vente'. L'expert relève toutefois aussi qu'il existe des traits de sa personnalité qui le rendent vulnérable dans certaines situation, car il a tendance à changer souvent d'avis, à se montrer instable dans ses décisions et, qu'il semble que 'sa capacité à se projeter et à mesurer l'ensemble es conséquences d'un de ses actes est relativement limitée'.
L'expert judiciaire conclut ainsi :
'' M. [I] n'est pas atteint de perturbations des facultés intellectuelles.
' M. [I] souffre d'une pathologie psychotique chronique depuis le début de l'âge adulte, et son état est stabilisé actuellement et depuis plusieurs années grâce à un traitement efficace et adapté.
' Il montre également des signes d'une personnalité pathologique complexe, qui peuvent le rendre vulnérable, suggestible dans certaines situations, mais également manipulateur et inconstant dans ses prises de décisions, avec une tendance à faire les choses, à prendre des décisions sans en prévoir les conséquences, une difficulté à tenir ses engagements.
' Il est à noter que M. [I] a montré à plusieurs occasions qu'il était en capacité de mettre en place des stratégies pour tirer le meilleur profit des situations, en particulier sur un plan économique. Il n'a jamais fait état de grandes difficultés financières, ni de dettes, et sa demande de mise sous protection est en grande partie basée sur la présente affaire, et sa curatrice elle-même pose la question de l'intérêt de conserver cette mesure.
' Aucun élément n'est en faveur d'une quelconque décompensation de l'état psychique de M. [I] au moment de la signature de la vente du droit au bail le 28 février 2013".
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. [I] présente incontestablement une fragilité psychologique et des troubles liés à une schizophrénie stabilisée depuis plusieurs années. Néanmoins, il ne démontre pas qu'il se trouvait pas à une époque contemporaine de l'acte de cession du droit au bail, avant et après, dans un état d'insanité d'esprit. Par suite, le renversement de la charge de la preuve admis par la jurisprudence lorsque l'intéressé est dans un état habituel de démence avant et après la passation de l'acte n'a pas lieu à s'appliquer en l'espèce.
M. [D] [I], à qui il appartient en conséquence de rapporter la preuve de son insanité d'esprit au moment de la signature de l'acte, ne démontre pas cet état et ne démontre pas non plus une quelconque altération cognitive ayant une conséquence directe sur son intelligence à une date proche de la signature du droit au bail.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé pour ces motifs ajoutés aux siens, pertinents et que la cour adopte, en ce qu'il a débouté M. [D] [I] de ses demandes de nullité de l'acte de cession du droit au bail en date du 28 février 2013 et de restitution du prix de la cession à hauteur de 120.000€.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Mme [G] [A] sollicite la réparation de son préjudice moral, affirmant avoir été profondément affectée par la procédure judiciaire engagée et les propos tenus par M. [D] [I] à son égard, lesquels l'ont conduit à une dépression.
L'article 1240 du code civil dispose que 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.
En l'espèce, Mme [G] [A] produit un mail adressé par M. [D] [I] à son premier conseil, Maître [H], le 14 octobre 2014 et dans lequel il explique avoir porté plainte contre Mme [A] auprès du commissariat de police de [Localité 3] ainsi que des pièces médicales et témoignages qui font état d'un état depressif aigu nécessitant un traitement médical dispensé par son médecin traitant mais également par un psychiatre suite à la procédure engagée par M. [D] [I].
Ainsi que l'on a juste titre retenu les juges du fond, il est donc démontré un préjudice moral. Il n'y a toutefois pas lieu de modifier l'appréciation que le tribunal a effectué quant au montant des dommages et intérêts alloués en réparation et qui sera maintenu à la somme de 800€.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
L'appelant succombant dans ses demandes, le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a condamné aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour la même raison, ce dernier qui perd son appel doit être condamné aux entiers dépens exposés devant la cour et au paiement à Mme [G] [A] d'une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera débouté de sa propre demande sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme le jugement déféré en ses dispositions critiquées ;
Y ajoutant,
- Condamne M. [D] [I] à verser à Mme [G] [A] une indemnité de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [D] [I] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT