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10/03/2022 | FRANCE | N°20/014221

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 10 mars 2022, 20/014221


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/03/2022
la SCP HARDY ANCIENNEMENT BULTEAU
la SCP SCP EGERIA AVOCATS
ARRÊT du : 10 MARS 2022

No : 52 - 22
No RG 20/01422 -
No Portalis DBVN-V-B7E-GFWY

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 07 Avril 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265256658559308
Monsieur [Z] [X]
né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 10]
La Jourdinerie
[Adres

se 7]

Ayant pour avocat Me Albane HARDY, membre de la SCP HARDY-BULTEAU, avocat au barreau de TOURS

Monsieur [N] [H]
né ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 10/03/2022
la SCP HARDY ANCIENNEMENT BULTEAU
la SCP SCP EGERIA AVOCATS
ARRÊT du : 10 MARS 2022

No : 52 - 22
No RG 20/01422 -
No Portalis DBVN-V-B7E-GFWY

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 07 Avril 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265256658559308
Monsieur [Z] [X]
né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 10]
La Jourdinerie
[Adresse 7]

Ayant pour avocat Me Albane HARDY, membre de la SCP HARDY-BULTEAU, avocat au barreau de TOURS

Monsieur [N] [H]
né le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 12]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Ayant pour avocat Me Albane HARDY, membre de la SCP HARDY-BULTEAU, avocat au barreau de TOURS

Madame [A] [H]
née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Ayant pour avocat Me Albane HARDY, membre de la SCP HARDY-BULTEAU, avocat au barreau de TOURS

S.E.L.A.R.L. [V] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL LA CAVERNE DE CIVRAY »
[Adresse 3]
[Adresse 6]

Ayant pour avocat Me Albane HARDY, membre de la SCP HARDY-BULTEAU, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265252002879505
S.C.I. LA SEVILLANE
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 8]
[Adresse 8]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Yves MOTTO, membre de la SCP EGERIA AVOCATS, avocat au barreau de TOURS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 Juillet 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 18 Novembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 13 JANVIER 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 10 MARS 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La SCI La Sévillane est propriétaire depuis 2008 d'une cave troglodyte aménagée en bar, restaurant, dancing, située [Adresse 9].

Après une première location conclue avec la société JBEM, la SCI La Sévillane, par acte recu par Maitre [I] le 15 juillet 2011, a consenti sur ses locaux un bail commercial à la SARL Le Grizzli, ayant pour gérant M. [Z] [X], ce pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer de 21.600€ HT. M. [X] s'est porté caution du règlement des loyers. Le bail stipulait que les locaux étaient destinés à l'exploitation d'un fonds de commerce de soirées dansantes, restaurant, bal musette, débit de boissons, banquets, mariage.

La société Le Grizzli a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Tours le 19 mars 2013, convertie en liquidation judiciaire le 21 mai 2013.

Par acte sous seing privé du 15 février 2014, la SCI La Sévillane a donné ces mêmes locaux en bail commercial à la SARL La Caverne de Civray ayant pour gérant M. [J] [H], pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer de 26.000€ HT. M. [J] [H] et M. [N] [H] se sont portés caution auprès de la Banque Populaire Val de France, avec le consentement de Mme [A] [H], pour un prêt à hauteur de 60 000 euros consenti à la SARL La Caverne de Civray.

Soutenant que l'échec de l'exploitation des lieux loués était imputable à des dysfonctionnements empêchant le locataire d'exercer correctement son activité, et notamment à une insuffisance de ventilation rendant les lieux humides, la société la Caverne de Civray a fait assigner la SCI La Sévillane en résolution du bail et indemnisation de son préjudice par acte d'huissier du 28 septembre 2015.

Cette société a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Tours le 6 octobre 2015.

Par conclusions du 29 janvier 2016, M. [J] [H], M. [N] [H] et Mme [A] [W] épouse [H] sont intervenus volontairement à la procédure, ces derniers s'étant portés cautions de leur fils [J].

Par acte d'huissier du 5 février 2016, M. [Z] [X] a fait assigner la SCI La Sévillane aux mêmes fins.

Par ordonnances du 27 avril 2017, le juge de la mise en état a joint les procédures et ordonné une expertise judiciaire aux fins de vérifier la réalité des désordres et des dysfonctionnements invoqués par les différents locataires successifs des locaux pris à bail.

L'expert a déposé son rapport début décembre 2018.

Par jugement du 7 avril 2020, le tribunal judiciaire d'Orléans a :
- débouté la SELARL [V] ès qualités de liquidateur de la SARL La Caverne de Civray, M. [J] [H], M. [N] [H] et son épouse Mme [A] [W] et M. [Z] [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions, y compris de leur demande d'indemnité de procédure,
- condamné in solidum la SELARL [V], ès qualités de liquidateur de la SARL La Caverne de Civray, M. [J] [H], M. [N] [H] et son épouse Mme [A] [W] et M. [Z] [X] à aux entiers dépens de l'incident, de la procédure au fond et de l'expertise judiciaire,
- condamné in solidum la SELARL [V], ès qualités de liquidateur de la SARL La Caverne de Civray, M. [J] [H], M. [N] [H] et son épouse Mme [A] [W] et M. [Z] [X] à verser à la SCI La Sévillane une somme globale de 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SELARL [V], ès qualités de liquidateur de la SARL La Caverne de Civray, M. [J] [H], M. [N] [H] et son épouse Mme [A] [W], M. [Z] [X] ont formé appel de la décision par déclaration du 28 juillet 2020 en intimant la SCI La SéVillane, et en critiquant tous les chefs du jugement. Dans leurs dernières conclusions du 26 octobre 2020, ils demandent à la cour de :
Vu les articles 1134 et suivants, 1719 et 1720 du code Civil
Recevoir la SELARL [V], prise en la personne de Maître [L] [V], agissant es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL La Caverne de Civray, selon jugement du Tribunal de Commerce de Tours du 6 octobre 2015, M. [N] [H] et Mme [A] [H], M. [Z] [X] en leur Demandes, fins et conclusions et les déclarer bien-fondées,
Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Par suite
Déclarer nulle l'expertise en application de l'article 15 du code de procédure civile
Prononcer et Ordonner la résiliation du bail commercial aux torts de la SCI la Sévillane du fait de l'inexécution de son obligation de louer un bien conforme au bail et utilisable en l'état des deux baux critiqués
Condamner la SCI La Sévillane à réparer le préjudice subi par la SARL La Caverne de Civray et en lien et à ce titre, à devoir régler à la SELARL [V] la somme de 85 000 euros
La débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
Condamner la SCI La Sévillane à verser la somme de 60 000 euros à M. [N] [H] et à Mme [A] [H] en réparation du préjudice subi et en lien.
Condamner la SCI La Sévillane à verser la somme de 15 000 euros à M. [N] [H] en réparation de son préjudice moral.
Condamner la SCI La Sévillane à verser la somme de 15 000 euros à Mme [A] [H] en réparation de son préjudice moral.
Condamner la SCI La Sévillane à verser la somme de 72 0000 euros à M. [X] [Z] en réparation de son préjudice matériel et 15 000 euros pour le préjudice moral.
Condamner la SCI La Sévillane au paiement des dépens au profit de la SCP Hardy anct Bulteau et au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à chacun des demandeurs.

A l'appui de leur demande de nullité de l'expertise judiciaire, ils indiquent que l'expert a rendu un pré-rapport qui n'a pas tenu compte de l'envoi de nouveaux éléments adressés le 23 octobre 2018, parmi lesquels un rapport d'expertise établi en 1999, qui sont en totale contradiction avec les conclusions de l'expert et démontrent la mauvaise foi de la SCI La Sévillane quant à l'état de la ventilation et à la connaissance parfaite qu'elle avait de son état de dysfonctionnement avéré, et qu'un second dire lui a été adressé le 8 novembre 2018 dont il n'a pas non plus tenu compte. Ils en déduisent que l'expertise n'est pas équitable ni conforme aux règles déontologiques de l'expertise judiciaire.

Ils exposent sur le fond que si l'entretien courant d'une installation en bon état initial appartient aux preneurs, cet entretien ne doit pas avoir un coût disproportionné comme dans le cas présent et qu'ici, les deux devis sont de l'ordre de 37 841 euros H.T et que surtout, il ne s'agit pas d'un entretien mais bel et bien d'une remise en état d'un système de ventilation et d'un fonctionnement incompatible avec une activité d'accueil du public.

Ils estiment que le tribunal aurait dû prendre en compte les témoignages de clients des demandeurs qui établissent que la cave était tellement humide qu'ils glissaient sur le sol ainsi que les devis établis par la SCI La Sévillane elle-même pour changer le système de ventilation générale, auxquels elle n'a pas donné suite.

Ils en déduisent que l'obligation de délivrance d'un local commercial permettant la destination du bail n'a pas été remplie par la bailleresse et que la SCI doit indemiser les préjudices subis par les preneurs et les cautions et qui consistent :
- pour les époux [H], dans l'obligation de rembourser le prêt consenti à la société La Caverne de Civray, soit la somme de 60.000€ outre un préjudice moral à hauteur de 15.000€ chacun,
- pour Maître [V] ès qualités dans la somme de 85.000€,
- pour M. [X] en des dommages et intérêts à hauteur de 72.000€ en réparation du préjudice matériel subi lié aux sommes investies en pure perte dans cette affaire et la somme de 15.000€ au titre du préjudice moral très important subi car il a été appelé en qualité de caution, a fait l'objet d'une demande de saisie-rémunération en septembre 2020 et a tenté vainement pendant des mois de sauver son affaire, subissant l'impossibilité de rembourser ses charges, l'inscription au ficher des incidents de paiement des crédits aux particuliers et le divorce d'avec son épouse.

La SCI La Sévillane demande à la cour, par dernières conclusions du 2 novembre 2020 de:
Vu les articles 1134 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 561 et suivants du Code de procédure civile,
Vu les pièces versées au débat,
Voir déclarer irrecevable la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire, s'agissant d'une
demande nouvelle ;
Dire et juger la SELARL [V], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL La Caverne de Civray, M. [N] [H], Mme [A] [W] épouse [H] et M. [Z] [X] mal fondés en leur appel
Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tours du 07 avril 2020 (RG 15/03434);
Débouter la SELARL [V], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL La Caverne de Civray, M. [N] [H], Mme [A] [W] épouse [H] et M. [Z] [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Y ajoutant ;
Condamner in solidum la SELARL [V], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL La Caverne de Civray, M. [N] [H], Mme [A] [W] épouse [H] et M. [Z] [X] à payer à la SCI La Sévillane la somme de 4.000€ en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Les condamner in solidum aux entiers dépens d'appel.

Elle indique que la demande de nullité du rapport d'expertise est irrecevable car nouvelle pour n'avoir pas été soulevée en première instance.

Sur le fond, elle fait valoir qu'une cave recevant du public doit faire l'objet d'un entretien scrupuleux supposant notamment l'aération quotidienne des lieux, la vérification des aérations situées au niveau des façades et au dessus des portes, la mise en fonctionnement régulier de la tourelle de ventilation, l'utilisation des aérothermes comme outils de ventilation complémentaires et la mise en route régulière des déshumidificateurs, qu'elle en a informé ses locataires et pensait qu'ils avaient appliqué ces conseils puisqu'ils ne l'ont jamais sollicitée sur d'éventuels dysfonctionnements.

Elle ajoute que les lieux ont été visités à plusieurs reprises par Cavités 37, la commission de sécurité des établissements recevant du public et pour la vérification annuelle des extincteurs. Elle précise que si elle a sollicité en 2010 un devis pour un nouveau système de déshumidificateur, c'est seulement parce que les appareils en place fonctionnaient parfaitement mais sont manuels et doivent être vidés régulièrement, contrairement à ceux proposés dans le devis qui sont automatiques, et qu'après réflexion au regard du coût du devis, elle n'a pas donné suite.

Elle indique encore qu'après le départ de la société La Caverne de Civray, elle a découvert une situation catastrophique, les systèmes d'aération au niveau des façades étant colmatés à l'exception d'une aération, et des traces d'humidité et de moisissures existant à de nombreux endroits, ensemble de problèmes dont elle n'est pas responsable.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 18 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour observe que s'il est sollicité dans la déclaration d'appel la réformation de l'intégralité des dispositions de la décision "en ce qu'elles ont rejeté leurs demandes, fins et conclusions" les appelants ne demandent plus, dans le dispositif de leurs conclusions, les demandes formées à titre subsidiaire devant le tribunal tendant à constater la nullité de l'acte de cautionnement liant la SCI La Sévillane à M. [J] [H] et à condamner la SCI à verser à ce dernier les sommes de 5200€ et de 10.241,20€.

En application des articles 562 et 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour, à laquelle le chef du jugement ayant rejeté ces demandes subsidiaires est néanmoins dévolu, doit dès lors confirmer le jugement de ce chef.

Sur la demande de nullité de l'expertise

Au terme de l'article 564 du code de procédure civile invoqué par l'intimée à l'appui de sa demande d'irrecevabilité de la demande de nullité de l'expertise judiciaire formée par les appelants : "A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait".

La prétention est nouvelle en appel lorsqu'elle diffère de la prétention soumise aux premiers juges par son objet ou par les parties concernées ou les qualités de celles ci.

En l'espèce, les appelants, qui étaient demandeurs en première instance, demandent la nullité de l'expertise judiciaire au motif qu'à la suite de l'envoi de son pré-rapport daté du 8 octobre 2018, l'expert judiciaire n'a pas répondu dans son rapport définitif daté du 28 novembre 2018 à leurs dires envoyés les 23 octobre 2018 et 6 novembre 2018.

Or, devant le premier juge, ils ont conclu au fond en critiquant dans les motifs de leurs conclusions le contenu du rapport d'expertise judiciaire sans toutefois solliciter sa nullité dans le dispositif de leurs conclusions, étant rappelé qu'en vertu de de l'article 753 ancien du code de procédure civile devenu l'article 768 du même code, le tribunal statue seulement sur les prétentions énoncées au dispositif.

Au surplus, ils n'ont pas non plus demandé dans le dispositif de leurs conclusions d'écarter le rapport d'expertise judiciaire ou de "rejeter ses conclusions", ainsi qu'ils l'allèguent en page 3 de leurs écritures devant la cour.

La demande d'annulation de d'expertise judiciaire formée pour la première fois en appel ne tend pas aux mêmes fins que les prétentions soumises aux premiers juges et n'en est pas non plus l'accessoire, la conséquence ou les complément nécessaire au sens des articles 565 et 566 du code de procédure civile.

Les appelants sont donc irrecevables en leur demande de nullité qui est nouvelle en appel et c'est à titre tout à fait surabondant que la cour observe que l'expert judiciaire a bien répondu dans son rapport définitif au dire adressé le 23 octobre 2018 et que bien qu'ils demandent l'annulation de l'expertise judiciaire, les appelants se prévalent expressément d'une partie de l'analyse de l'expert dans leurs développements sur le fond.

Sur le fond

C'est par une analyse approfondie du bail, des autres pièces produites par l'une et l'autre des parties et du rapport d'expertise judiciaire contenu dans le dossier de première instance transmis à la cour, et par des motifs pertinents en droit et en fait, que la cour adopte, que le tribunal a retenu :
- que si les deux constats d'huissier des 1er mars 2013 et 24 juillet 2015 établissaient bien l'existence d'humidité dans le local en 2013 et 2015, il appartenait au preneur, pour obtenir la résiliation du bail aux torts du bailleur, de rapporter la preuve que ces problèmes d'humidité étaient imputables au bailleur et étaient tels qu'ils empêchaient l'exploitation normale des lieux en fonction de la destination définie au bail,
- que cette preuve n'était pas rapportée puisque si l'expert judiciaire a constaté que l'installation de ventilation avait vieilli et n'était plus efficace, le débit d'extraction d'air mesuré en 2018 étant insuffisant, en raison d'un manque d'étanchéité de la gaine d'extraction qui comporte de nombreux percements dus principalement à une forte oxydation de la gaine d'extraction, rien ne permettait d'affirmer qu'elle n'était plus suffisante pendant les périodes d'exploitation de la SARL Le Grissli entre juillet 2011 et mai 2013 et de la SARL La Caverne de Civray entre février 2014 et octobre 2015 ; qu'en outre, l'expert indique que la présence d'humidité dans la salle provient d'un défaut d'utilisation des installations de traitement d'air tant à l'époque de l'occupation par la SARL Le Grizzly que pendant la période d'occupation de la SARL La Caverne de Civray, ce qu'indiquait déjà M. [M] dans son rapport du 22 décembre 2015, les systèmes d'aération au niveau des façades ayant été colmatés ; que M. [X] gérant de de la société Le Grizzli avait reconnu devant l'expert judiciaire qu'il était à l'origine de la non utilisation des aérothermes permettant de réchauffer l'air froid provenant des grilles d'aération ; qu'avant la conclusion du bail avec la SARL Le Grizzly en juillet 2011, le bureau Veritas avait vérifié le système de désenfumage qui est lié au système de ventilation et n'avait formulé aucune observation, la commission de sécurité le 18 juillet 2011 n'ayant pas non plus constaté d'anomalie ; que les locataires n'ont jamais adressé de doléances à leur bailleresse concernant des problèmes d'humidité, avant le 2 septembre 2015, et le bien n'a fait l'objet d'aucune déclaration de sinistre selon une attestation de l'assureur du 21 octobre 2015 :
- que les arguments soulevés par les demandeurs pour s'opposer aux conclusions de l'expert et affirmer que la SCI a délivré des locaux ne permettant pas au preneur d'exercer son activité n'étaient pas opérants puisque l'établissement par la bailleresse d'un devis en 2010 concernant la ventilation n'établit pas qu'elle avait connaissance d'une insuffisance du système de ventilation ; qu'il est vain de prétendre que M. [M] serait incompétent pour se prononcer sur le système de ventilation ; qu'il n'est pas démontré qu'il aurait des relations privilégiées avec les gérants de la SCI ; que le rapport de l'expert [Y] établi le 24 septembre 1999 est inopérant, le système de ventilation et d'aération ayant été modifié en 2008 ; qu'enfin les demandeurs ne démontrent pas avoir été contraints de colmater les grilles,
- qu'enfin, même à supposer que le système de ventilation et d'aération ait été insuffisant, le bail stipule que si le remplacement des installations ou appareils se trouvant dans les locaux devenait nécessaire par suite d'usure, vétusté, force majeure ou exigences administratives, son coût sera à la charge du preneur sans recours contre le bailleur.

Il convient dès lors d'adopter ces motifs du jugement et de répondre uniquement aux moyens et pièces invoquées par les appelants devant la cour, auxquels le tribunal n'a pas déjà répondu.

Ces derniers soutiennent que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ils rapportent la preuve que l'humidité est imputable au bailleur et empêche l'exploitation normale des lieux, par les témoignages des clients produits en leurs pièces 4 à 8 et 44 à 47.

Néanmoins, ces pièces, qui consistent dans le constat d'huissier du 1er mars 2013 que le tribunal a bien pris en compte, ainsi que dans des témoignages faisant état de problèmes d'humidité, d'une piste de danse glissante en raison d'un film d'eau et de sensations de froid, soit pendant l'exploitation des lieux par la SARL Le Grizzli (pièces 5 à 7), soit courant 2015 (pièces 44 à 47) permettent d'établir la preuve de problèmes d'humidité, ce que le tribunal a effectivement relevé, problèmes également constatés par M. [M] dans son rapport du 22 décembre 2015.

La cour observe d'abord que ces témoignages sont contrebalancés par le livre d'or que les appelants produisent eux-mêmes en pièce 50 et qui recence une vingtaine d'avis émanant de clients, dont aucun ne signale de problème d'humidité, ainsi que par dix témoignages versés aux débats par l'intimée, qui émanent d'autres clients n'ayant pas non plus constaté de problèmes d'humidité. Les problèmes d'humidité signalés plus haut n'ont donc été rencontrés et en tout cas signalés qu'à quelques reprises, durant les deux périodes d'exploitation, soit pour la SARL Le Grizzli entre juillet 2011 et mai 2013 et pour la SARL La Caverne de Civray entre février 2014 et octobre 2015. Il n'est donc pas établi que ces difficultés ont empêché l'exploitation normale des lieux pendant ces périodes d'exploitation.

En outre, les témoignages produits par les appelants n'établissent en aucune façon que ces problèmes d'humidité seraient imputables au bailleur.

Il ressort au contraire du rapport établi par M. [M] le 22 décembre 2015 qu'il a constaté lors de sa visite du 4 décembre 2015 que les systèmes d'aération au niveau des façades étaient colmatés par des panneaux de bois, seule une aération en façade étant maintenue libre dans les sanitaires, et que les problèems d'humidité étaient liés à des phénomènes de condensation et résultaient d'une neutralisation par l'exploitant, des systèmes d'aération ou de ventilation pourtant présents et potentiellement opérationnels. Deux témoins ont également constaté lors de la remise des clés le 4 décembre 2015 que les aérations étaient bouchées par de la laine de verre et ensuite une planche (pièces 3 et 4 produites par l'intimée). Il ressort aussi du rapport d'expertise judiciaire que les grilles de ventilation ont été obstruées et l'expert indique en outre que M. [X], gérant de la SARL Le Grizzli lui a indiqué que les aérothermes, chargés de réchauffer l'air froid provenant des grilles d'entrée étaient très consommateurs d'énergie et qu'il ne les faisait pas vraiment fonctionner.

Les appelants ne rapportent donc pas la preuve l'existence d'un problème d'humidité imputable au bailleur et empêchant l'exploitation normale des lieux.

Ils reprochent aussi au tribunal de ne pas s'être prononcé sur l'obligation de délivrance d'un local commercial en bon état permettant la réalisation de l'activité souhaitée.

En application de l'article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, notamment, de délivrer au preneur la chose louée et de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

Ces dispositions s'appliquent à tous les baux. Le bail notamment commercial peut toutefois prévoir des stipulations particulières concernant les travaux incombant au locataire.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire et des rapports établis par la société Caivtés 37 le 10 juin 2011, et par le bureau Véritas le 21 juin 2011 concernant les installations électriques, de gaz et de désenfumage qu'avant de louer le local à la société le Grizzli le 15 juillet 2011, la SCI La Sévillane avait commandé toutes les études nécessaires à l'ouverture d'un établissement destiné à recevoir du public. La commission de sécurité a donné un avis favorable à l'exploitation de l'établissement le 18 juillet 2011 et dans l'état des lieux d'entrée établi le 20 juillet 2011, aucun problème d'humidité ou de moisissure n'a été constaté (pièce 5 produite par les appelants).

L'expert judiciaire relève que le débit mesuré par le bureau de contrôle était erroné mais que la SCI Sévillane ne pouvait pas le savoir puisque la commission de sécurité a autorisé l'ouverture. Il indique en outre qu'en tout état de cause, l'installation d'extraction associée aux déshumidificateurs et aux aérothermes étiaent initialement capable de maintenir un taux d'hygrométrie en adéquation avec l'utilisation de la salle, même si ces installations très énergivores engendraient des charges très importantes.

La SCI La Sévillane a donc délivré à la SARL Le Grizzly un local conforme à sa destination et n'a pas commis de faute à ce titre.

Aucun état des lieux d'entrée établi lors de la prise à bail des lieux par la SARL La Caverne de Civray n'est produit. Celle-ci est toutefois réputée, par le bail (page 2), prendre les lieux en l'état. Il ressort en outre de deux témoignages de clients indiquant avoir assisté à des soirées fin février 2014 qu'aucun problème d'humidité n'a alors été constaté (pièces 9 et 15 produites par l'intimée). Il n'est donc pas non plus démontré que la SCI La Sévillane a manqué à son obligation de délivrance à l'égard de la SARL La Caverne de Civray.

S'agissant des devis réalisés par la SCI La Sevillane pour changer le système de ventilation générale, le tribunal a répondu et les appelants n'invoquent aucun nouvel élément sur ce point.

Le témoignage de M. [K] qui indique avoir constaté, durant la période où il a donné un "coup de main" à l'exploitant, que le matériel de sonorisation et d'éclairage s'oxydait et se corrodait, n'est pas probant puisqu'il situe lui-même cette période entre 2002 et 2004 soit, bien avant la modification en 2007 et 2008 des systèmes de ventilation et d'aération et avant les deux baux litigieux.

Il est exact, ainsi que le relèvent les appelants, que dans son rapport, l'expert judiciaire se questionne sur le point de savoir s'il est de la responsabilité du propriétaire ou du locataire de maintenir cette installation en service et de vérifier périodiquement ses capacités, et que les deux baux n'évoquant pas les installations de ventilation existantes, il ne peut se positionner sur le point de savoir si les installations de ventilation sont de la responsabilité du propriétaire ou de l'utilisateur du local, tout en ajoutant qu'il lui semble que le responsable vis à vis des autorités doit plutôt être l'utilisateur.

Néanmoins, les deux baux litigieux sont antérieurs à la loi Pinel du 18 juin 2014 et au décret du 3 novembre 2014 et l'article R 145-35 cité par les appelants dans sa rédaction issue de ce décret ne peut s'appliquer en l'espèce puisqu'il n'est applicable qu'aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du dit décret.

Avant l'entrée en vigueur de ces dispositions, les parties pouvaient par une clause spéciale, déroger au droit commun et mettre expressément à la charge du preneur des travaux y compris dus à la vétusté. Les baux contiennent une telle clause puisqu'ils stipulent en page 3 que "si pour une raison quelconque, le remplacement des installations ou appareils se trouvant dans les locaux devenait nécessaire par suite d'usure, vétusté, force majeure ou exigences administratives, son coût sera à la charge du preneur sans recours contre le bailleur".

L'entretien du local, y compris de l'installation d'aération et de ventilation incombait donc au preneur, étant ajouté, que les deux devis de l'ordre de 37.841€ ne correspondent pas au coût de l'entretien du système susvisé mais à son remplacement par un système plus perfectionné qui n'était pas obligatoire à l'époque, de sorte que le coût de l'entretien incombant au preneur pendant les deux baux ne s'élevait pas à cette somme.

Il ressort de l'ensemble de ces développements que les appelants ne rapportent pas la preuve d'un manquement de la bailleresse à ses obligations. Ils doivent donc être déboutés de la totalité de leurs demandes et le jugement confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de résiliation du bail aux torts de la SCI la Sévillane ainsi que les demandes de réparation des préjudices allégués, en l'absence de faute imputable à cette dernière.

Sur les autres demandes

Les appelants succombant en leurs demandes, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles et ces derniers doivent être condamnés in solidum à payer à la SCI La Sévillane les dépens exposés devant la cour et la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les appelants seront déboutés de leur propre demande fondée sur cette disposition.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Déclare irrecevable la demande de nullité de l'expertise judiciaire formée par les appelants ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées ;

Y ajoutant,

- Condamne in solidum la SELARL [V], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL La Caverne de Civray, M. [N] [H], Mme [A] [W] épouse [H] et M. [Z] [X] à verser à la SCI La Sévillane une indemnité de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette le surplus des demandes ;

- Condamne in solidum la SELARL [V], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL La Caverne de Civray, M. [N] [H], Mme [A] [W] épouse [H] et M. [Z] [X] aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 20/014221
Date de la décision : 10/03/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : Tribunal judiciaire de Tours, 07 avril 2020


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2022-03-10;20.014221 ?
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