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13/01/2022 | FRANCE | N°21/013041

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 13 janvier 2022, 21/013041


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/01/2022
la SELARL WALTER et GARANCE AVOCATS
la SCP BRILLATZ-CHALOPIN
ARRÊT du : 13 JANVIER 2022

No : 7 - 22
No RG 21/01304
No Portalis DBVN-V-B7F-GLMX

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 16 Avril 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265259814847837
S.A.R.L. 4G RESTAURATION
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUD

RY, membre de la SELARL WALTER et GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématéria...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/01/2022
la SELARL WALTER et GARANCE AVOCATS
la SCP BRILLATZ-CHALOPIN
ARRÊT du : 13 JANVIER 2022

No : 7 - 22
No RG 21/01304
No Portalis DBVN-V-B7F-GLMX

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 16 Avril 2021

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265259814847837
S.A.R.L. 4G RESTAURATION
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER et GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265269386522463
Monsieur [W] [L]
Pris en sa qualité de gréant de la société LA GRIGNOTINE TOURANGELLE
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Ayant pour avocat postulant Me Antoine BRILLATZ, membre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocat au barreau de TOURS et pour avocat plaidant Me Thierry BOISNARD, membre de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS

S.A.R.L. LA GRIGNOTINE TOURANGELLE
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Ayant pour avocat postulant Me Antoine BRILLATZ, membre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocat au barreau de TOURS et pour avocat plaidant Me Thierry BOISNARD, membre de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS

S.A.S. G6
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Ayant pour avocat postulant Me Antoine BRILLATZ, membre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocat au barreau de TOURS et pour avocat plaidant Me Thierry BOISNARD, membre de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau d'ANGERS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 Avril 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 23 Septembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 04 NOVEMBRE 2021, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 13 JANVIER 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La société La Grignotine tourangelle (La Grignotine), qui exerce une activité de briocherie, viennoiserie, pâtisserie, sandwicherie et restauration rapide, a pour gérant M. [W] [L].

Le capital de cette société est détenu à hauteur de 50,98 % par une société holding dénommée G6, dont le gérant est également M. [L], puis à hauteur de 49,02 % par une autre société holding dénommée 4G restauration (la société 4G), dont le gérant est M. [V] [N].

Il a été établi le 1er octobre 2008 entre la société La Grignotine et la société G6, actionnaire majoritaire, une convention de prestation de services aux termes de laquelle la société G6 s'engage à apporter son assistance générale et sa collaboration à la société La Grignotine, en matière, notamment, de suivi de comptabilité, établissement des paies, rédaction des contrats de travail, établissement et dépôt des déclarations fiscales et sociales, maintenance des logiciels informatiques.

Cette convention a été conclue pour une durée de douze mois stipulée renouvelable par tacite reconduction, sauf dénonciation par l'une des parties notifiée à l'autre par courrier recommandé trois mois au moins avant l'expiration du terme annuel, et contient en son article 6 une clause de résiliation de plein droit en cas d'inexécution par l'une ou l'autre des parties de ses obligations.

La rémunération de la société G6 est fixée à l'article 2 de la convention sous la forme d'une redevance annuelle calculée selon la formule suivante : charges de la société G6 pour la réalisation des prestations de services au titre de l'exercice concerné X chiffre d'affaires annuel de la société La Grignotine au titre de l'exercice concerné / chiffre d'affaires total à toutes les sociétés dans lesquelles la société G6 a fourni des prestations de services au titre de l'exercice concerné, le tout majoré de 2 % au titre de la marge commerciale de la société G6.

Exposant avoir vainement sollicité, en vue et à l'occasion de l'assemblée générale du 30 juin 2020, des éclaircissements sur le coût des prestations qui ont été facturées à la société La Grignotine, supérieur d'environ 70 % aux offres de services qu'elle a obtenues de trois cabinets d'experts comptables, outre des explications relatives à l'intégration de salariés « provenant d'un fonds de commerce » appartenant directement à la société G6, afin de vérifier que leur intégration était conforme à l'intérêt social de la société La Grignotine, la société minoritaire 4G, expliquant par ailleurs que le gérant de la société G6 fait en sorte que la question du renouvellement de la convention de prestation de services ne puisse être débattue en assemblée générale, en méconnaissant les dispositions de l'article L. 223-19 alinéa 1 du code de commerce, a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Tours la société La Grignotine, la société G6 ainsi que M. [L], pris en sa qualité de gérant de la première de ces sociétés, par actes des 26 janvier, 1er et 2 février 2021, afin d'obtenir, en application de l'article 145 du code de procédure civile, la désignation d'un expert chargé, notamment, de se faire remettre par M. [L], La Grignotine tourangelle et/ou la société G6 toutes les pièces justifiant des prestations réalisées par la société G6 au bénéfice de la société La Grignotine tourangelle, donner son avis sur le point de savoir au regard du coût de prestataires de service réalisant les mêmes prestations que celles effectuées par la société G6, de l'activité de la société La Grignotine tourangelle, de ses résultats, des prestations qu'il y a à réaliser dans son intérêt, si le coût des prestations facturées par la société G6 est proportionné au résultat et aux besoins de la société La Grignotine tourangelle, dire si la société La Grignotine tourangelle, en recourant aux services de tiers qui effectueraient des prestations identiques, pourrait supporter des coûts moins importants que ceux actuellement supportés du chef des prestations réalisées par la société G6.

Par ordonnance du 16 avril 2021, le juge des référés a :

-débouté la société 4G restauration de sa demande d'expertise
-débouté les sociétés G6 et La Grignotine tourangelle ainsi que M. [L] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
-condamné la société 4G restauration à payer à chacun des défendeurs une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné la société 4G restauration aux entiers dépens

Pour statuer comme il l'a fait, après avoir rappelé les termes des articles 145 et 146 du code de procédure civile, le premier juge a retenu que la société 4G, qui n'apportait la preuve d'aucune de ses allégations, n'établissait aucun motif qui puisse justifier la désignation d'un expert, puis a rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts en retenant que, de leur côté, les défendeurs ne justifiaient d'aucun préjudice.

La société 4G a relevé appel de cette décision par déclaration du 28 avril 2021, en critiquant expressément toutes les dispositions de l'ordonnance en cause lui faisant grief.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 21 septembre 2021, la société 4 G demande à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :

-dire et juger recevable et en tout cas bien fondé son appel formé à l'encontre de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Tours en date du 16 avril 2021
Y faisant droit
-infirmer « le jugement entrepris » en tous ses points
Statuant à nouveau :
A titre principal,
-dire que la société 4G restauration est bien fondée, au contradictoire de M. [L], de la société G6 et de la société La Grignotine tourangelle, à solliciter la désignation de tout expert qu'il plaira avec pour mission de :

etgt;se rendre au siège social de la société La Grignotine tourangelle, convoquer les parties, se faire remettre par elles tous documents ou éléments nécessaires à l'exercice de sa mission
etgt;se faire remettre par M. [L], La Grignotine tourangelle et/ou la société G6 toutes les pièces justifiant des prestations réalisées par la société G6 au bénéfice de la société La Grignotine tourangelle
etgt;décrire les prestations réalisées par la société G6 et déterminer pour chacune d'entre elles leur coût
etgt;donner avis s les prestations qui relèvent de prestations de services ou de la gestion de la société La Grignotine tourangelle
etgt;donner son avis sur le point de savoir au regard du coût de prestataires de service réalisant les mêmes prestations que celles effectuées par la société G6, de l'activité de la société La Grignotine tourangelle, de ses résultats, des prestations qu'il
y a à réaliser dans son intérêt, si le coût des prestations facturées par la société G6 (à l'exclusion des prestations qui relèvent de la gérance de la société La Grignotine tourangelle) est proportionné aux résultats et aux besoins de la société La Grignotine tourangelle et ce par catégorie de prestations
etgt;dire si la société La Grignotine tourangelle, en recourant aux services de tiers qui effectueraient des prestations identiques, pourrait supporter des coûts moins importants que ceux actuellement supportés du chef des prestations réalisées par la société G6
etgt;recueillir auprès de tiers le cas échéant des devis aux fins d'exécuter les mêmes prestations (à l'exclusion de celles relatives à la gestion) que celles réalisées dans l'intérêt de la société La grignotine tourangelle
-dire que l'expert aura la faculté de prendre l'avis de tout technicien de son choix dans une spécialité de la sienne s'il en était besoin pour réaliser l'exécution de sa mission, à charge pour l'expert de recueillir tous renseignements utiles et d'en indiquer la source
-dire que l'expert pourra entendre tous sachant sauf à ce que soit précisé leur identité et s'il y a lieu leur lien de parenté, d'alliance, de subordination ou de communauté d'intérêts avec les parties à la cause
-dire que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties, répondre à tous dires écrits de leurs parts, formulés dans le délai qui leur aura imparti avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat-greffe du tribunal de commerce de Tours dans le délai fixé par la cour,
-décrire avec précision les prestations réalisées par la société G6 dans l'intérêt de la société La Grignotine tourangelle
-décrire avec précision les conditions d'intégration des salariés venant d'un fonds de commerce appartenant directement ou indirectement à la société G6 dans la société La Grignotine tourangelle
-dire si l'intégration des salariés était conforme aux besoins et à l'intérêt social de la société La Grignotine tourangelle
-désigner tout juge compétent aux fins d'opérer au contrôle des opérations d'expertise et dire que les frais et honoraires de l'expert seront avancés par la société La Grignotine tourangelle puisque les opérations sont effectuées dans son intérêt et à défaut par la société G6 et/ou M. [L]
-fixer la provision à valoir sur les frais et honoraires de l'expert en indiquant son délai de consignation

En tout état de cause,
-débouter la société G6, M. [L] et la société La Grignotine tourangelle de toutes demandes plus amples ou contraires,
-condamner solidairement la société G6, M. [L] et la société La Grignotine tourangelle aux frais irrépétibles avancés par la société 4G restauration et s'élevant à une somme de 7 000 euros
-condamner solidairement la société G6, M. [L] et la société La Grignotine tourangelle aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Walter et Garance, avocats aux offres de droit, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Au soutien de son appel, l'appelante commence par souligner qu'en agissant sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, elle n'a rien d'autre à démontrer que l'existence d'un motif légitime, et le fait que l'expertise sollicitée sera utile à la solution du litige qui l'oppose aux intimés.

La société 4G rappelle ensuite qu'elle a vainement sollicité des explications, notamment sur le calcul de la redevance réclamée chaque année à la société La Grignotine en exécution de la convention de prestation de services qui lie cette dernière à la société G6, et fait valoir qu'en tant qu'associée minoritaire quasiment égalitaire, elle a intérêt à ce que la société ne supporte pas des charges disproportionnées à son activité et que cette prestation de services ne serve pas finalement à rémunérer des fonctions de gérance dont les associés avaient expressément décidé qu'elles ne seraient pas rémunérées.

En soulignant que cette redevance absorbe la quasi totalité du résultat de la société La Grignotine, alors que les cabinets d'expertise comptable qu'elle a consultés apparaissent pouvoir fournir des prestations similaires à un coût très nettement inférieur, l'appelante conclut qu'elle justifie d'un intérêt légitime à l'organisation d'une expertise in futurum, dont les résultats, seuls, lui permettront de savoir si elle a intérêt, en tant qu'associée minoritaire, à contester ou non la reconduction de cette conventions de prestation de services.

L'appelante indique enfin que les nombreuses procédures initiées contre elle ou son gérant, tant par l'épouse que par le beau-père de ce dernier, M. [L], révèlent selon elle que le dirigeant des sociétés intimées cherche par tous moyens à nuire à son propre gérant, M. [N], en le privant de revenus, notamment de ceux de la société La Grignotine, et cela dans un contexte qui nuit à l'intérêt social.

La société 4G en déduit qu'il devra être fait droit à sa demande d'expertise, en soulignant que les dispositions de l'article 146 du code de procédure civile ne peuvent lui être opposées, et en précisant que la mesure d'instruction devra être ordonnée aux frais avancés de la société La Grignotine, dans l'intérêt de laquelle elle est demandée.

En réplique aux écritures des intimés, la société 4G rappelle les dispositions de l'article 566 du code de procédure civile et fait valoir que les nouveaux chefs de mission d'expertise qu'elle sollicite en cause d'appel ne constituent pas des demandes nouvelles, en tant que telles irrecevables, mais sont le complément nécessaire des prétentions qu'elle avait soumises au premier juge.

Concernant la mise en cause de M. [L], l'appelante indique qu'il est indispensable que les opérations d'expertise soient personnellement opposables à ce dernier, pour le cas où elle serait amenée à engager sa responsabilité de gérant, laquelle ne peut être poursuivie que dans le cadre d'une instance dirigée contre le gérant à titre personnel, et non pas contre la société représentée par son gérant.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2021, M. [L], la société La grignotine et la société G6 demandent à la cour, au visa des articles 145 et 146 du code de procédure civile, de :

-dire et juger la société 4G irrecevable et en tout cas mal fondée en son appel,
-l'en débouter,
-recevoir M. [W] [L] en son appel incident et le mettre hors de cause,
-condamner la société 4G à payer à M. [W] [L] la somme de 5 000 à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et injustifiée
-condamner la société 4G Restauration à payer à chacun des défendeurs, la société La Grignotine tourangelle, la société G6 et M. [W] [L] une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouter la société 4G Restauration de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner la société 4G Restauration aux dépens

Les intimés commencent par rappeler qu'en mars 2018, la société 4G avait initié contre la société G6 et la société La Grignotine une procédure afin d'obtenir l'organisation d'une expertise de gestion, et que par décision irrévocable du 12 octobre 2018, le président du tribunal de commerce de Tours, statuant en la forme des référés, a rejeté cette demande. Ils indiquent que la société 4G a par ailleurs engagé une action contre les sociétés G6 et La Grignotine devant le tribunal de commerce d'Angers, en reprochant à la société G6 un abus de majorité, et en sollicitant, outre des dommages et intérêts, la désignation d'un mandataire ad hoc à fin de procéder à la convocation d'une assemblée générale de la société La Grignotine, et que par jugement du 25 septembre 2019, la société 4G a été déboutée de l'intégralité de ses demandes. Les intimés précisent que la société 4G a interjeté appel de cette décision, que la procédure est actuellement pendante devant la cour d'appel d'Angers, puis ajoutent que, préalablement, selon jugement du 25 juillet 2018, le tribunal de commerce d'Angers avait condamné la société 4G Restauration à payer à la société G6 une somme de 22 320 euros, au titre des prestation facturées d'avril à septembre 2016, en soulignant qu'il résulte selon elle de l'instance ayant donné lieu au jugement du 25 juillet 2018 que la convention en cause a été mise au point par la société 4G elle-même qui, dans ces circonstances, ne peut soutenir qu'elle méconnaîtrait les prestations qu'elle renferme.

Sur le contexte, les intimés précisent que M. [N] est le gendre de M. [L], mais qu'il est séparé de la fille de ce dernier, Mme [O] [L], avec laquelle il est en instance de divorce, et que depuis cette séparation, M. [N] entend selon eux tout faire pour nuire à son épouse et à ses beaux-parents, en précisant que la société 4G, dont M. [N] est le gérant, est contrôlée à hauteur de 50 % par la société SMG Invest, société holding au capital de laquelle M. [N] et son épouse sont associés à parts égales, et en indiquant que M. [N], dont la mauvaise gestion a déjà conduit à la liquidation judiciaire de la société La Gourmandise, filiale de la société 4G, ne peut leur imputer la déconfiture de cette société qui exploitait un fonds de commerce qu'elle avait reçu en donation de M. [L] et son épouse.

Faisant valoir que M. [L], qui n'a pas la qualité de commerçant, a été appelé personnellement à la cause dans une intention nuisible, les intimés demandent sa mise hors de cause, puis, considérant que l'appelante a formulé des demandes nouvelles en modifiant la mission d'expertise sollicitée, les intimés demandent à la cour de déclarer ces nouvelles demandes irrecevables.

Sur la demande d'expertise en elle-même, les intimés font valoir que la société 4G aspire à une expertise de gestion qui ne porte plus son nom, mais qui ne vise qu'à tenter de jeter le discrédit sur la gestion de la société La Grignotine par M. [L], alors que cette société est parfaitement gérée depuis sa création, en 1999, par M. [L], et que M. [N] n'a jamais émis la moindre critique sur la gestion de M. [L], ni sur les prestations de services de la société G6, jusqu'à sa séparation d'avec la fille de Mme [L].

Les intimés assurent ensuite que M. [L] a toujours répondu aux questions de M. [N], s'expliquent sur le montant des redevances dues à la société G6, sur les raisons de leur augmentation et sur la répartition des charges de cette société, en soulignant que le commissaire aux comptes de la société G6 n'a jamais relevé la moindre irrégularité.

Se prévalant des dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, les intimés soutiennent que, même sur le fondement de l'article 145 du même code, une expertise ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve et, en déduisent que la société 4G, qui propose une mission d'expertise qui suffit à établir que celle-ci n'est sollicitée que pour pallier sa carence probatoire, devra être déboutée de sa demande.

Les intimés ajoutent que l'appelante ne peut en toute hypothèse se prévaloir de l'existence d'un motif légitime alors qu'elle connaît le montant des facturations et la nature des prestations de services qui ont été réalisées, qu'avant chaque assemblée générale, une information complète lui a été communiquée, et que la société 4G connaît parfaitement la teneur de la convention de prestation de services sur laquelle elle indique s'interroger puisqu'elle applique la même convention auprès de ses propres filiales.

Sur le montant des redevances, les intimés produisent un devis accompagné d'explications d'un cabinet d'expertise comptable, en soulignant que les devis dont se prévaut l'appelante ne couvrent qu'une partie des prestations confiées à la société G6.

Sur la masse salariale de la société La Grignotine enfin, les intimés assurent qu'elle n'a pas augmenté ensuite de la reprise d'anciens salariés d'une boutique qu'exploitait également à [Localité 5] la société G6, puisque ces salariés ont été repris pour remplacer des salariés qui avaient quitté la société La Grignotine et faisaient défaut.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 septembre 2021, pour l'affaire être plaidée le 4 novembre suivant et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

La cour observe à titre liminaire qu'en dépit de la formulation de leur dispositif, les intimés ne développent dans le corps de leurs écritures aucun moyen relatif à la recevabilité de l'appel, qui sera tenue comme non discutée, et sur laquelle il n'y a donc pas lieu de statuer.

Sur l'allégation de demandes irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Outre que l'article 566 dont se prévaut l'appelante autorise les parties à ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, la société 4G ne sollicite pas en cause d'appel de « nouvelles demandes d'expertise », comme le soutiennent les intimés, mais sollicite une mission d'expertise plus large.

La société 4G demande en effet, en cause d'appel comme devant les premiers juges, l'organisation d'une expertise, et les chefs de mission qu'elle propose de voir confier à l'expert, qui ne lient pas la juridiction, ne constituent pas des prétentions qui, en tant que telles, pourraient être déclarées irrecevables comme nouvelles.

Sur la demande d'expertise

L'article 145 du code de procédure civile énonce que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Les dispositions de l'article 146 du même code relatives aux mesures d'instruction ordonnées au cours d'un procès ne s'appliquent pas lorsque, comme en l'espèce, le juge est saisi, avant tout procès, d'une demande d'expertise fondée sur l'article 145 (v. par ex. Chbre mixte 7 mai 1982, no 79-11.814 ; Com. 10 mars 2011, no 10-11.732).

La demande d'expertise de la société 4G ne saurait donc être rejetée au motif qu'elle n'établit pas la preuve des faits que la mesure d'instruction qu'elle sollicite a précisément pour objet de conserver ou d'établir.

La demande d'expertise sollicitée par l'appelante ne doit être appréciée qu'au regard de la légitimité du ou des motif(s) dont elle se prévaut.

En ce qu'elle vise à obtenir l'avis d'un expert, dont elle se garde de préciser la spécialité, « sur les prestations qui relèvent de la gestion de la société La Grignotine », sans préciser la nature de l'avis sollicité, ou encore à faire comparer par un technicien les différentes prestations fournies par la société G6 à celles qui pourraient être fournies par des tiers, dont elle ne précise pas non plus la qualification, la mesure d'instruction sollicitée ne peut s'analyser qu'en une mesure d'investigation générale, qui excède les prévisions de l'article 145 du code de procédure civile (v. par ex. Civ. 2, 7 janvier 1999, no 97-10.831 ; Com. 10 février 2009, no 08-10.532).

Les mesures d'instruction légalement admissibles, au sens de l'article 145 du code de procédure civile, sont celles prévues aux articles 232 à 284-1.

Il en résulte qu'une expertise ne peut être ordonnée, même avant tout procès, que si l'examen des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige requiert les lumières d'un technicien.

En l'espèce, le montant des redevances perçues par la société G6 est connu, comme la nature des prestations réalisées par ladite société, qui sont définies de manière précise à la convention du 1er octobre 2008.

La société appelante ne s'interroge pas sur la qualité des prestations fournies par la société G6, mais sur leur nature, qu'elle connaît puisque ces prestations sont conventionnellement définies, et qu'elle-même assure ou a assuré des prestations similaires au profit de trois autres sociétés, La Grigotine rouennaise, La Grignotine de l'horloge et La Gourmandise, en vertu d'une convention de prestation de services conclue le 1er janvier 2014 sur le modèle de la convention litigieuse.

Le coût des prestations de la société G6, conventionnellement fixé selon les mêmes modalités que celles que la société 4G applique à ses cocontractantes en vertu de la convention qu'elle a conclue le 1er janvier 2014, est connu lui aussi, on l'a dit, et la société 4G peut, sans l'avis d'un technicien, apprécier si ce coût est raisonnable ou non au regard des résultats de la société La Grignotine et des services qui sont fournis à cette dernière par la société G6.

Il n'apparaît donc pas que la société 4G ait besoin de l'avis d'un expert qui, même avant tout procès, ne peut être chargé que d'investigations d'ordre technique, pour savoir si elle a intérêt ou non, en tant qu'associée minoritaire, à contester la reconduction de la convention de prestation de services liant la société La Grignotine à la société G6.

Il n'apparaît pas davantage que la mesure d'expertise sollicitée présente une utilité pour déterminer si la convention de prestation de services litigieuse sert ou non à rémuner, de manière illicite, les fonction de gérance de la société La Grignotine, alors que la réponse à cette question suppose une appréciation de la portée de la convention en cause et des décisions sociales qui relève, non pas de la mission qui peut être confiée à un technicien, mais de celle du juge.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société 4G sera déboutée de sa demande d'expertise, qui n'apparaît pas fondée sur un motif légitime.

Sur les demandes de mise hors de cause et de dommages et intérêts de M. [L]

M. [L] sollicite sa mise hors de cause en faisant valoir que la société 4G l'a attrait personnellement à cette procédure, sans aucune raison légitime.

Il résulte des pièces de procédure que M. [L] n'a pas été appelé à la cause personnellement, mais en qualité de gérant de la société La Grignotine.

Il n'y a pas lieu, dès lors, de mettre hors de cause M. [L].

Au soutien de la demande de dommages et intérêts qu'il forme à hauteur de 5 000 euros, M. [L] ne justifie d'aucun préjudice.

Cette demande ne peut en conséquence qu'être elle aussi rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société 4G et M. [L] succombent respectivement au sens de l'article 696 du code de procédure civile.

Il sera dès lors fait masse des dépens de première instance et d'appel, lesquels seront supportés pour moitié par chacun de M. [L] et de la société 4G, et ces derniers seront respectivement déboutés de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, la société 4G sera condamnée à régler à chacune des sociétés G6 et La Grignotine, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés en première instance, puis en cause d'appel, une indemnité de procédure 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise, en ses seules dispositions concernant les dépens de première instance et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant :

REJETTE la demande de mise hors de cause de M. [W] [L],

FAIT MASSE des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés pour une moitié par la société 4G Restauration et pour l'autre moitié par M. [W] [L],

CONDAMNE la société 4G Restauration à payer à chacune des sociétés La Grignotine tourangelle et G6 la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes de la société 4G Restauration et de M. [W] [L] formées sur le même fondement,

CONFIRME la décision entreprise pour le surplus de ses dispositions critiquées,

DIT n'y avoir lieu d'accorder à la SCP Walter et Garance le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 21/013041
Date de la décision : 13/01/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2022-01-13;21.013041 ?
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