COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/12/2021
la SELARL NADAUD DEBEAUCE PARIS
Me Angela VIZINHO-JONEAU
ARRÊT du : 02 DECEMBRE 2021
No : 235 - 21
No RG 19/02308
No Portalis DBVN-V-B7D-F7FZ
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 18 Avril 2019
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265242712284592
SNC EUROPEAN HOMES PROMOTION 2
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme DEBEAUCE, membre de la SELARL NADAUD DEBEAUCE PARIS, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Maja ROCCO, membre de la SCP MAJA ROCCO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265240379795917
SARL TECHNICS AS
Prise en la personne de son gérant
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me Didier CLIN, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Angela VIZINHO-JONEAU, avocat au barreau de BLOIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 27 Juin 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 Mai 2020
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 14 OCTOBRE 2021, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 02 DECEMBRE 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
La SNC European Homes Promotion 2 et la société Eurinter font partie d'un même groupe, dénommé European Homes.
A une date et selon des conditions qui ne sont pas précisées, la société European Homes Promotion 2 a confié à la société Eurinter la réalisation d'un ensemble immobilier à édifier à [Adresse 5].
Le 27 avril 2015, la société Eurinter a sous-traité à la société Technibat le lot fondations, dalles et maçonnerie de quatorze maisons constituant une partie de cet ensemble immobilier.
L'entrepreneur principal n'a pas fourni de caution au sous-traitant, mais lui a délégué le maître de l'ouvrage dans les termes de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975.
Par un second contrat, lui aussi conclu le 27 avril 2015, la société Eurinter a sous-traité à la société Technibat le lot fondations, dalles et maçonnerie de sept autres maisons et de deux locaux poubelles de cet ensemble immobilier.
L'entrepreneur principal n'a pas fourni de caution là non plus au sous-traitant, mais une nouvelle délégation de paiement du maître.
La société Technibat a elle-même sous-traité à la Sarl Technics AS (la société Technics), moyennant un prix forfaitaire HT de 328 960 euros, la « fourniture et pose d'agglos, compris éléments béton et pose plancher haut poutrelle hourdis ».
Le 4 juin 2015, le maître de l'ouvrage a accepté ce sous-traitant de second rang et ses conditions de paiement.
Courant 2016 et 2017, la société Eurinter a adressé une série de courriers recommandés à son sous-traitant, la société Technibat, pour lui signaler certains désordres et lui demander d'y remédier.
La société Technibat a été placée en redressement judiciaire le 20 décembre 2016 par une décision du tribunal de commerce de Bourges, qui a converti cette procédure en liquidation judiciaire le 14 mars 2017.
Par courrier recommandé du 6 mars 2017, la société Technics a mis en demeure le maître de l'ouvrage de lui régler, pour solde du sous-traité, la somme de 67 546,85 euros.
En réponse, la société Technics a reçu un courrier daté du 3 avril 2017 n'émanant pas du maître lui-même, la société European Homes Promotion 2, mais de la société Eurinter. Sur papier à entête du groupe European Homes, l'entreprise principale a refusé de procéder au paiement en invitant le sous-traitant de second rang à se rapprocher du sous-traitant de premier rang [placé en liquidation judiciaire].
Le 8 mars 2017, la société Eurinter a déclaré au passif de la procédure collective de la société Technibat une créance de 152 729,65 euros, dont 67 546,85 euros « à titre conservatoire », en exposant que selon la délégation de paiement signée le 4 juin 2015, il aurait été convenu qu'elle [l'entreprise principale] règle directement à la société Technics les montants lui étant dus. Cette créance, contestée par la société Technibat et le mandataire à sa liquidation judiciaire, a été admise pour la somme déclarée de 152 729,65 par une ordonnance du juge-commissaire en date du 22 février 2019.
La société Technics a déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de la société Technibat par courrier recommandé adressé le 30 juillet 2017 au mandataire judiciaire à cette liquidation puis, indiquant à la fois exercer l'action directe prévue à l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 et se prévaloir de la délégation de paiement consentie par le maître en garantie de son paiement, la société Technics a fait assigner la société European Homes Promotion 2 en paiement devant le tribunal de commerce d'Orléans par acte du 16 octobre 2017.
Par jugement du 18 avril 2019, le tribunal a :
-condamné la société European Homes Promotion 2 à payer à la société Technics AS la somme de 67 546,85 euros pour solde du marché de travaux, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017
-ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 [ancien] du code civil
-condamné la société European Homes Promotion 2 à payer à la société Technics AS une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
-condamné la société European Homes Promotion 2 aux dépens.
Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont retenu que la déclaration de créance de la société Technics à la liquidation judiciaire de la société Technibat valait mise en demeure de l'entrepreneur principal et en ont déduit que le sous-traitant de second rang était recevable en son action directe en paiement.
Ils ont ensuite considéré que le maître de l'ouvrage délégué, tenu de la garantie de paiement qu'il avait donnée en signant « le contrat tripartite » conclu entre lui-même, la société Technibat et son sous-traitant, la société Technics, restait débiteur à l'égard du sous-traitant de second rang du solde du marché de travaux sous-traité.
En retenant enfin que dans son courrier du 3 avril 2017, le maître avait indiqué n'émettre aucune contestation sur la qualité des travaux effectués par la société Technics, que les réserves formulées auprès de la société Technibat ne concernaient pas les travaux sous-traités à la société Technics et que le délai de libération des retenues de garantie était expiré, le tribunal a condamné la société European Homes Promotion 2 à régler à la société Technics la somme de 43 198,96 euros pour solde des travaux, la somme de 12 642,15 euros pour solde de factures intermédiaires restées impayées et celle 11 705,74 euros au titre des retenues de garantie, soit au total la somme de 67 546,85 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 mars 2017.
La société European Homes Promotion 2 a relevé appel de cette décision par déclaration du 27 juin 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 14 mai 2020, pour l'affaire être initialement plaidée a l'audience du 11 juin suivant.
A l'audience du 11 février 2021 à laquelle l'affaire a finalement été plaidée une première fois après que l'appelante eut refusé, durant la période de crise sanitaire, que la procédure se déroule sans audience conformément aux prévisions de l'article 8 de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020, la cour a invité les parties, en application de l'article 12 du code de procédure civile, à présenter leurs observations, au moyen d'une note en délibéré à transmettre contradictoirement sous quinzaine, sur l'application à la cause des dispositions de l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975 qui fixent l'assiette de l'action directe, rappelé les termes de l'article 14-1 de la même loi et invité l'appelante, en application de l'article 8 du code de procédure civile, à préciser, selon les mêmes modalités, si elle reprochait seulement à l'intimée de ne pas produire l'acte de délégation de paiement, ou si elle déniait l'existence de cette délégation.
Par arrêt rendu avant dire droit le 1er avril 2021 auquel il convient le cas échéant de se référer pour plus ample exposé du litige, après avoir rappelé les prescriptions de l'article 16 du code de procédure civile et observé que dans sa note en délibéré, le maître a admis que la seule délégation donnée « en bonne et due forme », selon ses termes, concerne la société Technibat, sous-traitant de premier rang, et que de son côté, la société Technics, qui soutenait bénéficier d'une délégation de paiement du maître, indique désormais que cette délégation n'existe pas, et en tire des conséquences sur la responsabilité de l'appelante, par application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la base duquel la cour avait interrogé le maître, sans pour autant solliciter les explications des parties sur les conséquences à tirer le cas échéant de l'absence de délégation, la cour a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 14 octobre 2021, pour permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement sur la responsabilité du maître tirée de l'application de cet article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.
Par la même décision, la cour a par ailleurs invité la société European Homes Promotion 2 à lui communiquer sa pièce 16, omise de son dossier de plaidoirie, et présentée par les parties, tantôt comme une ordonnance du juge-commissaire ayant admis à la procédure collective de la société Technibat la créance de la société Eurinter déclarée le 8 mars 2017, tantôt comme une ordonnance du même juge ayant admis à cette même procédure collective une créance de la société European Homes Promotion 2.
Le 7 juillet 2021, la société European Homes Promotion 2 a transmis par voie électronique sa pièce 16, qui est l'ordonnance du juge-commissaire ayant admis, le 26 février 2019, la créance de la société Eurinter au passif de la société Technibat.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées le 14 octobre 2021, la société European Homes Promotion 2 demande à la cour, au visa de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 1336 du code civil, de :
-réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Orléans le 18/04/2019 en ce qu'il a :
etgt;condamné la société European Homes Promotion 2 à payer à la société Technics la somme de 67 546,85 euros au titre du solde du marché de travaux avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017
etgt;ordonné la capitalisation des intérêts
etgt;condamné la société European Homes Promotion 2 au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l article 700 du code de procédure civile et des dépens
« En conséquence »
-débouter la société Technics de toutes ses demandes
-la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l article 700 du code de procédure civile
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Orléans le 18 avril 2019 en ce qu'il a débouté la société Technics de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Au soutien de son appel, reprenant ses conclusions précédemment notifiées le 30 avril 2020, le maître de l'ouvrage soutient d'abord que la société Technics, qui ne justifie pas de l'admission au passif de la procédure collective de la société Technibat de la créance qu'elle a déclarée tardivement, et qui ne lui a pas non plus adressé copie de cette déclaration de créance, est « irrecevable » en son action directe en paiement.
Sur la délégation, qui n'est plus invoquée que subsidiairement par la société Technics en cause d'appel, et ce uniquement dans ses dernières conclusions précédant la réouverture des débats, le maître soutient que l'intimée se prévaut d'un contrat de sous-traitance et d'une délégation de paiement qu'elle ne produit pas, et en déduit que sa demande en paiement formée en vertu de cette délégation qu'il qualifie de « fantôme », ne peut qu'être elle aussi déclarée « irrecevable ».
Reprenant les termes de la note qu'elle avait communiquée en cours de délibéré, l'appelante précise que le 4 juin 2015, une demande d'agrément du sous-traitant de deuxième rang, la société Technics, lui a été présentée, qu'elle l'a signée, mais que cependant « aucun contrat n'a été signé avec la société Technics dans lequel est clairement exprimé le travail qui lui était confié et ses conditions de règlement ».
La société European Homes promotion 2 ajoute que la société Technics n'a jamais produit à ce titre, ni contrat, ni délégation, et que « le seul contrat signé en bonne et due forme, accompagné de la délégation telle qu'imposée par la loi, l'a été avec la société Technibat et non avec la société Technics ».
A titre subsidiaire, sur les sommes qui lui sont réclamées, l'appelante rappelle que dans le cadre de l'action directe, le maître de l'ouvrage peut opposer au sous-traitant la créance qu'il détient contre l'entrepreneur principal, de même que dans le cadre d'une délégation imparfaite, son obligation envers le sous-traitant est limitée aux sommes dues à l'entrepreneur principal au titre du marché conclu avec ce dernier.
Se prévalant des courriers que l'entrepreneur principal a adressés au sous-traitant de premier rang et faisant valoir qu'elle est elle-même créancière de la société Technibat, « comme en témoigne », selon ses termes, l'ordonnance du juge-commissaire ayant selon elle admis sa créance à hauteur de 152 729,65 euros, la société European Homes Promotion 2 en déduit que la société Technics ne peut qu'être déboutée de toutes ses demandes à son encontre.
Elle ajoute que la retenue de garantie de 11 705,74 euros, qui n'était restituable qu'au terme d'une année, n'était pas exigible au 6 mars 2017, que la société Technics ne peut lui réclamer un solde de marché de 43 198,96 euros dont elle n'a pas sollicité préalablement paiement auprès de l'entreprise principale qui a pourtant réglé toutes ses factures après validation du sous-traitant de premier rang, et ce alors que toutes ses factures ont été payées au fur et à mesure de l'avancement du chantier et que la facture litigieuse, émise le 6 mars 2017, est inconciliable avec l'attestation de son représentant du 9 mai 2016.
Elle soutient que la société Technics ne peut pas non plus lui réclamer le paiement de factures intermédiaires sans justifier en avoir réclamé le paiement auprès de la société Technibat ou de la société Eurinter, en expliquant que cette situation est « probablement liée au fait que les travaux réalisés n'ont pas toujours donné satisfaction », et en indiquant qu'il résulte de la déclaration de créance de la société Eurinter que celle-ci a dû faire intervenir des entreprises tierces pour palier la carence de la société Technibat, et a déjà supporté à ce titre une dépense de 6 156 euros qui vient en déduction des sommes dues au sous-traitant de premier rang défaillant, laquelle est « opposable » à l'intimée, comme le coût des autres travaux de reprise qui n'ont pas encore pu être réalisés à cause des intempéries, mais qui ont été estimés à 5 260,08 euros selon les devis qu'elle verse aux débats.
La société European Homes Promotion 2 indique enfin pouvoir déduire des sommes qui lui sont réclamées par l'intimée une somme de 54 600 euros au titre des pénalités de retard dues par la société Technibat.
Sur l'assiette de l'action directe exercée par la société Technics, sur laquelle la cour avait invité les parties à s'expliquer, l'appelante indique que le seul marché détaillé et connu était celui conclu entre la société Technibat [sous-traitant de premier rang] et l'intimée, pour en déduire, sans davantage d'explications, que « seules les stipulations de ce marché se trouvent applicables, tout comme "sa" délégation ».
Sur sa responsabilité éventuellement tirée de l'application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, sur laquelle la cour avait en outre invité les parties à s'expliquer en rouvrant les débats à cet effet, l'appelante ne formule aucune observation.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées avant la clôture, le 18 décembre 2019, la société Technics demande à la cour, au visa de la loi n o 75-1334 du 31 décembre 1975 et des articles 1336 et suivants du code civil, de :
-confirmer le jugement rendu le 18 avril 2019 par le tribunal de commerce d'Orléans dans toutes ses dispositions
Y ajoutant :
-condamner la société European Homes Promotion 2 à lui régler la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
-condamner la société European Homes Promotion 2 à lui régler une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner la société European Homes Promotion 2 aux dépens d'appel
-débouter la société European Homes Promotion 2 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires
La société Technics commence par indiquer que son action directe en paiement est assurément recevable, en faisant valoir qu'elle a déclaré sa créance au passif de la société Technibat, que le maître de l'ouvrage ne peut lui reprocher de ne pas lui avoir adressé la copie de sa production au passif de l'entreprise principale dès lors que celle-ci a été jointe à l'assignation qui lui a été signifiée le 16 octobre 2017, et qu'il s'est écoulé bien plus d'un mois entre cette communication et le jour où le tribunal de commerce a statué.
En se prévalant notamment de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 [relatif au paiement direct dans les marchés passés par les entreprises publiques], l'intimée assure qu'il importe peu de savoir si sa créance a été admise au passif de la procédure collective de la société Technibat en soutenant qu'en procédant à la déclaration de sa créance, fût-ce hors délai, elle a satisfait aux exigences de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, mais que cette production au passif n'est pas une condition préalable à l'action directe en paiement du sous-traitant.
Sur le fond, l'intimée assure ensuite, en se prévalant d'une décision rendue le 31 octobre 2013 par la cour d'appel de Bordeaux, que « le maître ne peut minorer les sommes qui lui sont dues en vertu du "paiement direct" au motif de malfaçons qui lui seraient imputables » et que, sauf à confondre l'action directe, qui présente un caractère d'ordre public, et la délégation de paiement, elle n'a aucun autre élément à produire, pour être réglée du solde du marché sous-traité, que le « contrat tripartite de sous-traitance ».
A titre subsidiaire, l'intimée explique dans les dernières écritures qu'elle avait notifiées avant la réouverture des débats, que le « contrat tripartite » dont elle se prévaut prévoit, au titre de la garantie de paiement exigée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1975, non pas un cautionnement, mais une délégation de paiement, qu'au fur et à mesure de l'accomplissement des travaux, elle a toujours été réglée directement par le maître, au moyen de chèques qui lui étaient remis directement sur le chantier, puis, faisant valoir que cette délégation, qu'elle tient pour parfaite en se prévalant des dispositions de l'article 1337 du code civil, a pour effet de créer un lien direct entre le maître et le sous-traitant, la société Technics soutient, en se prévalant d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2002, qu'elle ne peut se voir opposer par le maître délégué aucune des exceptions qu'il aurait pu faire valoir à l'encontre de l'entrepreneur principal.
Elle conclut que, comme dans le cadre de l'action directe, le sort de son action en paiement est « autonome du marché principal ».
Sur le quantum des sommes réclamées, la société Technis relève que dans sa correspondance du 3 avril 2017, le maître avait indiqué n'émettre aucune contestation sur la qualité des travaux qu'elle a exécutés, et en déduit que l'appelante, qui ne produit aucun justificatif probant des désordres dont elle excipe presque quatre ans après l'achèvement et la réception des travaux, ne peut s'opposer au paiement de ses factures.
Par conclusions après réouverture des débats notifiées le 4 octobre 2021, la société Technics, qui réitère ses prétentions initiales, soutient qu'en l'absence de délégation de paiement donnée « en bonne et due forme », la société European Homes Promotion 2 aurait dû exiger de la société Technibat qu'elle justifie avoir mis en place une caution et que, faute d'avoir satisfait à ses obligations, le maître engage sa responsabilité à son égard en application de l'article 14-1 de la loi 31 décembre 1975.
Elle fait valoir ensuite que dans le cadre d'un manquement du maître à l'article 14-1, le quantum du préjudice du sous-traitant est équivalent au montant de ses travaux impayés, puisque si le cautionnement ou la délégation de paiement prévus par l'article 14 lui avaient été fournis, il aurait été intégralement payé du montant des travaux restés impayés.
Elle en déduit que la société European Homes Promotion 2 doit être condamnée, par confirmation du jugement à entrepris, à lui régler « le solde du marché de sous-traitance », tant sur le fondement de l'article 14-1, que sur celui de l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
Par une note en délibéré transmise par voie électronique le 15 octobre 2021, la société Technics, qui y avait été autorisée, demande à la cour d'écarter des débats, comme tardives, les dernières conclusions notifiées par la société European Homes Promotion 2.
Par une note en réplique communiquée le 18 octobre 2021 selon les mêmes modalités, la société European Homes Promotion 2 fait valoir que l'intimée ne peut solliciter le rejet de ses dernières écritures, alors qu'elles ne contiennent aucun élément nouveau et que, selon elle, la société Technics aurait été autorisée à y répondre.
SUR CE, LA COUR :
Selon l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait ou de droit sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
En l'espèce, alors que l'arrêt du 1er avril 2021 avait ordonné la réouverture des débats à l'audience du 14 octobre 2021, à 14 heures, la société European Homes Promotion 2 a attendu le matin de l'audience pour notifier par voie électronique, à 10 heures 43, des conclusions récapitulatives.
A l'audience, la cour a observé que ces conclusions, qui lui apparaissaient être la reproduction des écritures que l'appelante avait notifiées le 30 avril 2020, complétées de la note en délibéré que l'intéressée avait communiquée contradictoirement le 24 février 2021, ne contenaient selon elle aucun élément nouveau, et a autorisé l'intimée, non pas à répondre à ces conclusions, mais à formuler le cas échéant des observations sur le caractère tardif de ces écritures pour le cas où elles lui apparaîtraient contenir des éléments nouveaux.
La société Technis sollicite le rejet des dernières écritures de l'appelante au seul motif que celles-ci lui apparaissant tardives, sans indiquer qu'elles contiendraient le moindre élément nouveau.
Dès lors qu'une lecture attentive des dernières écritures de la société European Homes Promotion 2 confirme que celles-ci sont l'exacte reproduction des conclusions que l'appelante avait notifiées le 30 avril 2020 et de la note en délibéré qu'elle avait communiquée contradictoirement le 24 février 2021, sur lesquelles la société Technics a été à même de s'expliquer, rien ne justifie d'écarter des débats les conclusions notifiées le 14 octobre 2021 par la société European Homes Promotion 2 qui, en ce qu'elles ne contiennent aucun élément nouveau, ne portent pas atteinte au principe de contradiction.
La cour rappelle par ailleurs que la réponse à une question précise posée par un arrêt avant dire droit qui ne prévoit pas la révocation de la clôture et ne renvoie pas l'affaire à la mise en état n'entraîne pas la perte du bénéfice des précédentes écritures. Il en résulte, dès lors que la société Technics n'a pas notifié de conclusions récapitulatives, qu'il convient de statuer en considération de ses conclusions après réouverture, notifiées le 4 octobre 2021, mais également de ses précédentes écritures notifiées le 18 décembre 2019.
Sur la demande en paiement du sous-traitant
Il est acquis aux débats, depuis les explications fournies par les parties aux questions que la cour leur avait posées au cours du premier délibéré, que la seule délégation de paiement qui ait été donnée à la demande de l'entreprise principale (Eurinter) concerne la société Technibat, sous-traitant de premier rang, et non la société Technics, sous-traitant de second rang dont le paiement n'a donc été garanti, nonobstant les prescriptions d'ordre public de l'article 14 de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975, ni par un cautionnement, ni par une délégation, du maître en tous cas.
Il en résulte que la demande en paiement de la société Technics ne peut être examinée, comme l'ont fait les premiers juges, sur le fondement d'une délégation du maître.
L'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, sur l'application duquel la cour avait invité les parties à s'expliquer, ouvre au sous-traitant agréé par le maître et ne bénéficiant pas d'une délégation de paiement, sous certaines conditions, une action en responsabilité délictuelle lorsque le maître n'a pas exigé de l'entrepreneur principal -ou du sous-traitant de premier rang, qu'il justifie avoir fourni au sous-traitant -de premier rang ou de rang subséquent, la caution garantissant le paiement de toutes les sommes dues en application du sous-traité.
Sur ce fondement, il est acquis que le sous-traitant peut demander au maître le paiement de dommages et intérêts équivalents au coût des travaux exécutés.
Dès lors cependant que la société Technics ne sollicite pas, en l'espèce, la condamnation de la société European Homes Promotion 2 à lui payer des dommages et intérêts équivalents au coût des travaux qu'elle a exécutés, mais sollicite exclusivement la condamnation du maître, par confirmation du jugement entrepris, au paiement du solde du marché de sous-traitance, sa demande, en ce qu'elle n'est pas une demande indemnitaire mais une demande en paiement, ne peut être examinée sur le fondement de l'article 14-1.
Etant si besoin rappelé que l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 auquel fait référence la société Technics, relatif au mécanisme de paiement direct dans les marchés passés par les entreprises publiques, est inapplicable à la cause, la demande en paiement du sous-traitant ne peut être examinée que sur le fondement de l'action directe en paiement prévue aux articles 12 et 13 de la même loi.
A titre liminaire sur l'action directe en paiement de la société Technics, il convient d'observer que contrairement à ce qu'affirme l'intimée, il n'existe aucune « convention tripartite de sous-traitance ». Il existe en l'espèce une chaîne de contrats d'entreprise : un contrat d'entreprise principal conclu entre le maître (la société European Homes Promotion 2) et l'entrepreneur principal (la société Eurinter) ; un second contrat d'entreprise conclu entre l'entrepreneur principal et le sous-traitant de premier rang (la société Technibat), puis un troisième contrat d'entreprise conclu entre le sous-traitant de premier rang et le sous-traitant subséquent, la société Technics. Cette chaîne de contrats homogènes ne crée aucun lien de nature contractuelle entre le maître, la société European Homes Promotion 2, et le sous-traitant de dernier rang, la société Technics.
Et puisqu'il n'existe aucune relation contractuelle entre le maître de l'ouvrage appelant et le sous-traitant intimé, la société European Homes Promotion 2 ne peut déduire de ce que la société Technics ne produit aucun contrat conclu avec elle, n'être débitrice d'aucune obligation son égard.
L'appelante ne peut pas plus utilement reprocher à l'intimée de ne pas communiquer le sous-traité conclu avec la société Technibat, alors que le contrat de sous-traitance est un contrat purement consensuel dont la validité ne requiert aucune forme particulière, notamment aucun écrit, et que la preuve de l'existence du sous-traité litigieux n'est pas discutable en l'espèce puisque le maître ne conteste pas avoir agréé la société Technics et ses conditions de paiement, et que la société Technics rapporte la preuve des paiements qu'elle a reçus en exécution de ce sous-traité, directement de la société Eurinter qui se présentait dans les courriers versés aux débats comme débitrice déléguée.
Les parties à l'instance ne sont liées par aucun contrat mais, par l'effet de la loi, le sous-traitant dispose d'une action directe en paiement contre le maître, fondée sur les articles 12 et 13 de la loi du 31 décembre 1975.
Selon l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance ; copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.
Toute renonciation à l'action directe est réputée non écrite.
Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.
Aux termes de l'article 13, l'action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations prévues par le contrat de sous-traitance et dont le maître de l'ouvrage est effectivement bénéficiaire.
Les obligations du maître de l'ouvrage sont limitées à ce qu'il doit encore à l'entrepreneur principal à la date de réception de la copie de la mise en demeure prévue à l'article précédent.
Lorsque, comme en l'espèce, le sous-traitant de premier rang est placé en redressement puis en liquidation judiciaire sans avoir payé au sous-traitant de rang subséquent ce qu'il lui devait, le sous-traitant de second rang est tenu, pour exercer l'action directe contre le maître de l'ouvrage qui l'a agréé, de lui adresser une copie de la mise en demeure adressée au représentant légal du sous-traitant de premier rang, c'est-à-dire, selon le cas, l'administrateur ou au liquidateur judiciaire, ou une copie de sa déclaration de créance au passif du sous-traitant de premier rang, laquelle tient lieu de la mise en demeure prévue à l'article 12 précité.
La déclaration de créance du sous-traitant de second rang à la procédure collective du sous-traitant de premier rang ne constitue pas une condition d'exercice de son action directe, mais équivaut à la mise en demeure du sous-traitant de premier rang. Il en résulte que l'admission de la créance déclarée au passif du sous-traitant n'est pas une condition de recevabilité de l'action directe exercée par le sous-traitant subséquent contre le maître.
En l'espèce, la société Technics justifie avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire du sous-traitant de premier rang, la société Technibat, par courrier daté du 28 juillet 2017, adressé le 30 juillet suivant sous pli recommandé au mandataire judiciaire à ladite liquidation.
Aucun délai n'est imparti au sous-traitant pour adresser au maître copie de la mise en demeure ou de la déclaration de créance en tenant lieu destinée à l'entrepreneur principal (ou comme en l'espèce au sous-traitant de premier rang).
La copie de la déclaration de créance de la société Technics au passif de la société Technibat a été communiquée le 16 octobre 2017 à la société European Homes Promotion 2, en étant jointe, en pièce 53, à l'assignation en paiement qui lui a été délivrée à cette date devant les premiers juges.
Au vu de ces éléments, l'action directe de la société Technics apparaît régulière, et il n'y a de toute façon pas lieu de statuer spécialement sur sa recevabilité dès lors l'appelante, qui soutient dans le corps de ses écritures que la société Technics serait irrecevable en ses demandes en paiement, ne formule aucune fin de non-recevoir dans le dispositif de ses conclusions, dans lequel elle ne sollicite que le débouté, c'est-à-dire le rejet, au fond, des prétentions de l'intimée.
Par application de l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975 qui fixe l'assiette de l'action directe, la société Technics peut réclamer au maître le paiement de ce qui lui est dû par la société Technibat, mais dans la limite de ce que le maître devait encore à l'entrepreneur principal au jour où il a reçu copie de la déclaration de créance de la société Technics au passif de la liquidation judiciaire de la société Technibat, c'est-à-dire au 16 octobre 2017. Et puisque l'action directe ne peut viser que le paiement correspondant aux prestations dont le maître de l'ouvrage est effectivement bénéficiaire, et ne peut donc conduire le maître à payer plus que sa propre dette, la société European Homes Promotion 2 peut opposer à la société Technics toutes les exceptions qu'elle pourrait opposer à l'entrepreneur principal, comme l'exception d'inexécution pour les travaux non réalisés, les paiements déjà faits ou encore la compensation avec des pénalités ou des indemnités qui lui sont dues pour malfaçons.
Pour s'opposer à tout paiement, l'appelante soutient d'abord qu'elle ne doit plus aucune somme à la société Technibat, en expliquant qu'elle est au contraire créancière de la liquidation judiciaire du sous-traitant de premier rang, puisque le juge-commissaire à cette procédure collective aurait, selon elle, admis sa créance à hauteur de 152 729,65 euros.
La pièce 16 que l'appelante présente comme le justificatif de l'admission de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Technibat est cependant une ordonnance en date du 22 février 2019 par laquelle le juge-commissaire à la liquidation judiciaire du sous-traitant de premier rang a admis à hauteur de 152 729,65 euros, non pas une créance qu'elle-même aurait déclarée, mais la créance déclarée par l'entrepreneur principal, la société Eurinter.
L'appelante ne démontre donc pas qu'elle serait créancière de la société Technibat.
Elle ne justifie pas davantage, ni même n'allègue, qu'elle serait créancière de l'entrepreneur principal, la société Eurinter.
Le maître fait en effet valoir, pour s'opposer au paiement de l'intégralité de ce que lui réclame le sous-traitant de second rang, que les travaux réalisés par le sous-traitant de premier rang sont affectés d'importantes malfaçons auxquelles l'entrepreneur principal lui a vainement demandé de remédier, pour la reprise desquelles ce dernier a déjà dû s'acquitter de la somme de 6 156 euros, et pour laquelle il reste à réaliser des travaux qui n'ont pu être encore exécutés à cause des intempéries, mais dont le coût est estimé, selon devis, à 5 260,08 euros.
La société European Homes Promotion 2 en déduit qu'une somme de 11 416,08 euros (6 156 + 5 260,08) doit en toute hypothèse être déduite des sommes éventuellement dues à la société Technics, outre le montant des pénalités de retard qui étaient prévues au contrat de sous-traitance de la société Technibat qui s'établissent, selon le décompte établi par l'entreprise principale, à 54 600 euros.
Dès lors que la société Technics admet ne bénéficier d'aucune délégation de paiement du maître et a fait le choix d'exercer, non pas une action indemnitaire, mais une action directe en paiement dont on a dit qu'elle ne pouvait pas être fondée sur l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, mais uniquement sur l'article 12 de la même loi, l'appelante peut opposer à l'intimée toutes les exceptions qu'elle aurait pu opposer à l'entrepreneur principal, c'est-à-dire à la société Eurinter.
C'est donc vainement, en méconnaissant la nature et les limites de l'action directe prévue aux articles 12 et 13 de la loi du 31 décembre 1975, que la société Technics soutient que le maître ne pourrait lui opposer l'existence de malfaçons qui n'affectent pas la partie du marché de travaux qui lui a été sous-traité.
Mais c'est de manière également inexacte que, de son côté, la société European Homes Promotion 2 cherche à opposer à la société Technics, non pas des exceptions qu'elle aurait pu opposer à sa contractante, l'entreprise principale Eurinter, mais des exceptions que cette dernière aurait pu opposer à sa propre contractante, la société Technibat.
Les travaux de reprise qui ont réalisés à hauteur de 6 156 euros pour remédier aux malfaçons imputées à la société Technibat ont été financés, non pas par l'appelante, mais par l'entrepreneur principal. La société European Homes Promotion 2 a donc reçu livraison d'un ouvrage exempt de ces malfaçons auxquelles avait remédié l'entrepreneur principal. Dans pareilles circonstances, la société European Homes Promotion 2 ne peut opposer à la société Technics aucune compensation avec des indemnités qui lui seraient dues par l'entrepreneur principal.
Les devis dont l'appelante demande en outre la prise en considération, qui s'élèvent à 5 260,08 euros, concernent le reprise de pente d'un balcon et la réalisation d'un carrelage sur ce balcon.
Les compte-rendus de réunions de chantier versés aux débats ne font pas état de problèmes de pente sur un balcon et l'appelante ne peut sérieusement soutenir, plus de quatre ans après qu'elle (ou l'entrepreneur principal) a sollicité les devis en cause, qu'elle n'est pas en mesure de produire les factures correspondant à la réalisation de ces travaux, dont l'exécution aurait été retardée par les intempéries.
Dès lors que les devis produits, qui ne sont corroborés par aucun élément, ne suffisent pas à établir que les ouvrages que le maître avait commandés à l'entreprise principale Eurinter lui ont été livrés avec des désordres affectant la pente d'un balcon et que, pour remédier à ces désordres, la société European Homes Promotion 2 aurait dû engager des dépenses particulières, l'appelante ne peut opposer aucune compensation à la société Technics à ce titre, et ne peut davantage lui opposer une exception d'inexécution qu'elle aurait pu opposer à l'entrepreneur principal de ce chef.
S'agissant enfin les pénalités de retard, l'appelante produit les compte-rendus de chantier desquels il résulte qu'à plusieurs reprises, il a été demandé à la société Technibat de déployer les moyens adaptés pour respecter le planning convenu lors des réunions de chantier, puis qu'à compter de celui du 20 janvier 2017, il a été consigné sur les compte-rendus qu'un décompte de pénalités de retard applicables serait transmis à la société Technibat.
La société European Homes Promotion 2 produit des décomptes de pénalités de retard qui représentant un montant total de 54 600 euros et dont elle indique elle-même qu'ils ont été établis par l'entreprise principale, la société Eurinter, conformément à l'article 9 du sous-traité liant cette dernière au sous-traitant de premier rang.
La société European Homes Promotion 2 omet là encore que, quels que soient les liens d'intérêt qui l'unissent à la société Eurinter, elle n'est pas partie au contrat de sous-traitance conclu entre l'entrepreneur principal, la société Eurinter, et le sous-traitant de cette dernière, la société Technibat.
Dès lors qu'elle ne produit pas le marché qu'elle-même avait conclu avec la société Eurinter et ne justifie ni même n'allègue que l'ouvrage lui aurait été livré avec retard et que l'entrepreneur principal lui serait en conséquence redevable de pénalités de retard, l'appelante, qui aurait pu opposer à la société Technics les exceptions qu'elle pourrait opposer à l'entrepreneur principal, mais qui ne peut opposer à l'intimée les exceptions que l'entrepreneur principal pourrait le cas échéant opposer au sous-traitant de premier rang, sollicite vainement, en l'espèce, que les indemnités de retard dues à l'entrepreneur principal par le sous-traitant de premier rang soient déduites de la créance de la société Technics.
L'appelante ne justifiant d'aucune exception opposable à l'entrepreneur principal et, par voie de conséquence, au sous-traitant, il reste à vérifier que le sous-traitant justifie, de son côté, des sommes dont il réclame paiement directement au maître.
La société Technics sollicite d'abord la libération de retenues de garantie à concurrence de 11 705,74 euros.
Pour s'y opposer, la société European Homes Promotion 2 fait valoir, d'une part que la société Technics ne peut reprocher à la société Technibat d'avoir appliqué à tort des retenues de garantie de 5 % qui n'étaient pas prévues, alors qu'elle les avait elle-même appliquées sur les factures qu'elle a émises ; d'autre part que les retenues de garantie ne sont restituables qu'au terme d'une année, et qu'une année n'était pas encore écoulée le 6 mars 2017 [date à laquelle la société Technics l'a mise en demeure de régler].
Sans qu'il importe de savoir si des retenues de garantie de 5 % étaient ou non applicables au sous-traité conclu entre la société Technibat et la société Technics, il est constant que la société Technics a établi des factures de situations sur lesquelles elle a appliqué une retenue de 5 %.
Il est démontré par les productions que ces factures ont été réglées au sous-traitant déduction faite des retenues de garantie qui y avaient été appliquées, et il n'est pas contesté que le délai de libération d'un an est désormais largement expiré.
La société European Homes Promotion 2 doit donc être condamnée à régler à la société Technics, au titre des retenues de garantie, la somme sus-énoncée de 11 705,74 euros.
La société Technics sollicite ensuite le paiement d'une somme de 12 642,15 euros correspondant au solde de ses factures intermédiaires restées impayées.
La société Technibat, représentée par son liquidateur, n'a d'aucune manière indiqué avoir réglé l'intégralité des factures de son sous-traitant et le maître, on l'a dit, ne justifie d'aucune exception opposable à l'entrepreneur principal, ni d'aucun paiement déjà fait par lui-même qui puisse justifier le rejet de cette demande en paiement de l'intimée.
L'appelante doit donc être condamnée à payer à la société Technics la somme sus-énoncée de 12 642,15 euros correspond au solde de ses factures intermédiaires restées impayées par son contractant sous-traitant de premier rang, la société Technibat, voire par le débiteur délégué, la société Eurinter.
La société Technics sollicite enfin la condamnation de l'appelante à lui régler une somme de 43 198,96 euros correspondant au solde de son marché de travaux.
Dans le courrier du 6 mars 2017 qu'elle a adressé au maître de l'ouvrage pour lui réclamer paiement des sommes qu'elle estimait lui rester dues, la société Technics expliquait à la société European Homes Promotion 2 que sur l'ensemble de ses factures, il lui restait dû la somme de 12 642,15 euros sur laquelle il vient d'être statué, la somme de 11 705,74 euros au titre de la libération des retenues de garantie sur laquelle il a également été statué, puis ajoutait qu'elle n'avait facturé que 285 761,04 euros sur un marché de 328 960 euros, ce dont elle déduisait qu'il lui était également dû une somme de 43 198,96 euros correspondant à la différence entre le montant du marché qui lui avait été confié et le montant qu'elle a facturé.
La société Technics n'agit pas en paiement contre son contractant, la société Technibat, et ne sollicite pas non plus, on l'a déjà relevé, une condamnation indemnitaire du maître.
Dès lors que la société Technics exerce contre l'appelante une action directe en paiement fondée sur l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, elle ne peut réclamer au maître, en application de l'article 13 qui fixe l'assiette de cette action directe, que le paiement des travaux dont le maître est effectivement bénéficiaire.
Il ne suffit pas, autrement dit, que la société Technibat se soit engagée à confier à la société Technics un marché de travaux de 328 960 euros pour que le maître se trouve le cas échéant redevable de cette somme à l'endroit du sous-traitant. Dès lors que la société Technics n'établit pas avoir effectué des travaux au-delà ce qui a été facturé à hauteur de 285 761,04 euros, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande tendant à voir condamner le maître de l'ouvrage à lui payer le solde d'un marché de travaux qu'elle n'a pas conclu avec lui et dont il n'est pas établi qu'il corresponde à des travaux dont aurait effectivement bénéficié le maître.
Par infirmation du jugement entrepris, la société European Homes Promotion 2 sera donc condamnée à payer à la société Technics la seule somme de 24 347,89 euros (11 705,74 + 12 642,15).
En application de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 qui prévoit que le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur ne paie pas, un mois avoir été mis en demeure, la somme sus-énoncée ne peut porter intérêts à compter du 6 mars 2017, date de la mise en demeure adressée au maître de l'ouvrage, alors qu'à cette date, la société Technics n'avait adressé à la société Technibat aucune mise en demeure, et que ce n'est que le 30 juillet 2017 que la sous-traitante a procédé à une déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Technibat qui tient lieu de mise en demeure.
La condamnation à paiement portera donc intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2017, date de l'assignation constituant la première sommation de payer adressée au maître postérieurement à la mise en demeure de la société Technibat et contenant copie de l'acte équivalent à cette mise en demeure.
En application de l'article 1433-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit à compter de la demande qui en est faite.
En l'espèce, elle a été sollicitée par le sous-traitant dès son assignation délivrée le 16 octobre 2017 devant les premiers juges.
Les intérêts dus pour au moins une année entière sur les condamnations pécuniaires prononcées contre la société European Homes Promotion 2 à l'égard de la société Technics produiront donc eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2017.
Sur la demande de dommages et intérêts du sous-traitant tirée de la résistance abusive du maître
La cour observe que les premiers juges ont omis de statuer dans le dispositif de leur décision sur la demande en dommages et intérêts de la société Technics et rappelle qu'en application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, il lui appartient, en raison de l'effet dévolutif et dès lors que l'appel n'a pas été exclusivement formé pour réparer cette omission, de la réparer en statuant sur la demande de dommages et intérêts sur laquelle les parties se sont contradictoirement expliquées.
La société Technics ne justifie ni même n'allègue d'un préjudice indépendant du retard de paiement du maître, déjà réparé par l'allocation d'intérêts moratoires.
Les dispositions de l'article 1231-6 alinéa 3du code civil ne permettent donc pas de faire droit à la demande de dommages et intérêts de l'intimée.
Sur les demandes accessoires
La société European Homes Promotion 2, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, l'appelante sera condamnée à régler à la société Technics, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu'elle a exposés pour les besoins de cette instance et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS
DIT n'y avoir lieu d'éacrter des débats les conclusions notifiées le 14 octobre 2021 par la société European Homes Promotion 2,
INFIRME la décision entreprise, mais seulement en ce qu'elle a condamné la société European Homes Promotion 2 à payer à la société Technics AS la somme de 67 546,85 euros au titre du solde de marché de travaux avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017,
STATUANT À NOUVEAU sur le seul chef infirmé :
CONDAMNE la société European Homes Promotion 2 à payer à la société Technics AS la somme de 24 347,89 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2017,
CONFIRME la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Y AJOUTANT et REPARANT l'omission des premiers juges :
REJETTE la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée par la société Technics AS,
CONDAMNE société European Homes Promotion 2 à payer à la société Technics AS la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de la société European Homes Promotion 2 formée sur le même fondement,
CONDAMNE la société European Homes Promotion 2 aux dépens.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT