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25/11/2021 | FRANCE | N°20/006361

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 25 novembre 2021, 20/006361


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/11/2021
la SELARL CASADEI-JUNG
la SELARL WALTER et GARANCE AVOCATS
ARRÊT du : 25 NOVEMBRE 2021

No : 229 - 21
No RG 20/00636
No Portalis DBVN-V-B7E-GD72

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 03 Avril 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265246126679451
Société [Adresse 7]
[Adresse 6]
[Localité 1]

Ayant pour avocat Me Jean-Marc RADISSON, membre

de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265257463995...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/11/2021
la SELARL CASADEI-JUNG
la SELARL WALTER et GARANCE AVOCATS
ARRÊT du : 25 NOVEMBRE 2021

No : 229 - 21
No RG 20/00636
No Portalis DBVN-V-B7E-GD72

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 03 Avril 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265246126679451
Société [Adresse 7]
[Adresse 6]
[Localité 1]

Ayant pour avocat Me Jean-Marc RADISSON, membre de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265257463995025
Monsieur [L] [I]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 4]

Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER et GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

Madame [Z] [O] épouse [I]
née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 8]
[Adresse 5]
[Localité 4]

Ayant pour avocat Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER et GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 17 Mars 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 Septembre 2021

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 07 OCTOBRE 2021, à 9 heures 30, devant Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 25 NOVEMBRE 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire (le Crédit agricole) a consenti à la SARL Isolation du Centre deux prêts :
- par acte sous seing privé du 23 octobre 1999, un contrat de trésorerie d'un montant de 400.000 francs (60.979,61 €) à durée indéterminée sous forme de billets à ordre, moyennant un intérêt variable. M. [L] [I], gérant de cette société et son épouse Mme [Z] [O] se sont engagés l'un et l'autre en qualité de caution solidaire dans le même acte,
- par acte sous seing privé du 23 septembre 2011, un prêt de 14.000 € remboursable en 48 mensualités moyennant un intérêt au taux annuel de 3,61%, en garantie duquel M et Mme [I] se sont chacun engagés en qualité de caution solidaire par actes séparés, chacun à hauteur de 18.200€ chacun pour une durée de 72 mois.

Par jugement du 4 novembre 2015, le tribunal de commerce d'Orléans a prononcé le redressement judiciaire de la SARL Isolation du centre. Le Crédit agricole a déclaré ses créances le 8 décembre 2015. Un plan de cession a été arrêté par jugement du 21 décembre 2016.

Par jugement du 18 janvier 2017, le tribunal de commerce d'Orléans a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Isolation du centre. Le Crédit agricole a déclaré ses créances le 24 janvier 2017 pour un montant chirographaire de 30.782,10€.

La banque a ensuite mis en demeure, vainement, M et Mme [I] par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 janvier 2017, de régler les sommes dues en leur qualité de cautions, avant de les faire assigner par acte du 10 juillet 2017, en paiement à titre solidaire et principalement des sommes de 32.255,63€ outre les intérêts au taux contractuel au titre du prêt de 60.979,61€ (400.000 francs) et la somme de 1073, 19€ avec intérêts au taux contractuel au titre du prêt de 14.000 €.

Par jugement en date du 3 avril 2019, le tribunal de commerce d'Orléans a :
- débouté la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de sa demande de paiement au titre du prêt du 23 septembre 2011,
Concernant le prêt du 23 octobre 1999,
- ordonné la déchéance du droit aux intérêts sur les années 1999 à 2009, 2014, 2015 et 2016,
- ordonné à la Caisse de Crédit Agricole de produire un historique des règlements faits année par année, avec le détail des sommes affectées au paiement des intérêts, ainsi qu'un décompte des sommes dues prenant en compte ces règlements, afin que ces montants viennent en déduction du principal uniquement,
- dit qu'au vu des éléments produits concernant la liquidation judiciaire de la société Isolation du centre, les créanciers chirographaires dont le Crédit agricole pourraient être intégralement désintéressés, si tel n'est pas le cas,
- condamné les époux [I] à payer à la Caisse de Crédit Agricole les intérêts de retard sur la base du décompte que la banque produira,
- accordé aux époux [I] un délai de paiement de 24 mois,
- ordonné la capitalisation des intérêts.
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire et M et Mme [I] aux dépens à répartir à part égale y compris les frais de greffe taxés et liqidés à la somme de 100,63€.

Le Crédit agricole a formé appel de la décision par déclaration du 17 mars 2020 en intimant M et Mme [I], et en critiquant tous les chefs du jugement. Dans ses dernières conclusions du 15 septembre 2021, il demande à la cour de :
Vu l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à la réforme du droit des obligations,
Vu les articles L 341-4 et L 341-6 du Code de la consommation dans leur rédaction antérieure, aujourd'hui codifiés aux articles L 332-1 et L 333-2 du même code,
Vu l'article L 313-22 du Code monétaire et financier,
Vu l'article 1343-5 du Code civil,
Infirmer partiellement le jugement du tribunal de commerce d'Orléans du 3 avril 2019 en ce qu'il a, au titre du prêt de 400.000 F (60.979,61 €) du 23 octobre 1999 :
- ordonné la déchéance du droit aux intérêts sur les années 1999 à 2009, 2014, 2015 et 2016,
- ordonné à la Caisse de Crédit Agricole de produire un historique des règlements faits année par année, avec le détail des sommes affectées au paiement des intérêts, ainsi qu'un décompte des sommes dues prenant en compte ces règlements, afin que ces montants viennent en déduction du principal uniquement,
- dit qu'au vu des éléments produits concernant la liquidation judiciaire de la société Isolation du Centre, les créanciers chirographaires dont le Crédit Agricole, pourraient être intégralement désintéressés, si tel n'est pas le cas,
- condamné les époux [I] à payer à la Caisse de Crédit Agricole les intérêts de retard sur la base du décompte que la banque produira,
- accordé aux époux [I] un délai de paiement de 24 mois.
- condamné la Caisse de Crédit Agricole à supporter les dépens par moitié avec les époux [I].
Condamner solidairement M. [L] [I] et Mme [Z] [O] épouse [I], à payer à la CRCAMCL au titre de leur cautionnement du prêt de 400.000 F (60.979,61 €) la somme de 28.853,61 € avec intérêts au taux annuel de 2,14 % à compter du 1/10/2019.
Confirmer la décison entreprise pour le suplus comprenant la capitalisation annuelle des intérêts.
Débouter les époux [I] de l'ensemble de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
Condamner les époux [I] à payer à la CRCAMCL une indémnité de 3.000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les condamner aux dépens de première instance et d'appel.

La banque soutient avoir respecté l'obligation d'information annuelle des cautions pour les années 2010 à 2013 et pour l'année 2017 mais être dans l'impossibilité de verser aux débats les lettres d'information annuelle des années 1999 à 2009 et le décompte demandé par le tribunal, l'article L 123-22 du code de Commerce, n'imposant de conserver ses documents comptables et pièces justificatives que pendant 10 ans.

La banque ajoute qu'aux termes des articles L 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières et celles entre commerçants et non commerçants, se prescrivent par cinq ans, et ce depuis la loi no2008-561 du 17 juin 2008 relative à la prescription et que dès lors, la contestation des époux [I], formulée pour la première fois lors de l'audience du tribunal de commerce du 28 janvier 2018, est prescrite en ce qu'elle porte sur les années antérieures à 2013.

L'appelante indique qu'en tout état de cause, ce prêt de 400.000 F a été consenti sous forme de billets à ordre successifs, que le dernier billet à ordre cautionné a été créé le 31 octobre 2014, à échéance du 26 décembre 2014 et qu'en imputant sur le capital uniquement la totalité des règlements perçus du 1er novembre 2014 au 27 janvier 2017, soit la somme de 33.602,70 €, il reste dû au titre de ce billet en capital la somme de 27.376,91 €.

Elle en déduit qu'à l'exclusion de quelconques intérêts à l'exception des intérêts ayant couru depuis le 25 mars 2017 au taux de 2,14 % l'an, il reste dû à la Caisse de Crédit Agricole, la somme de 28.853,61 € au titre de ce billet à ordre tel qu'il résulte du décompte versé aux débats et que les époux [I] doivent être condamnés à verser cette somme.

Sur les délais de paiement, le crédit agricole indique que les époux [I] n'ont versé aucune somme depuis l'ouverture de la procédure collective, même à la suite du jugement de première instance leur octroyant des délais.

M et Mme [I] demandent à la cour, par dernières conclusions avant clôture du 31 août 2021 de:
Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à la réforme du droit des obligations,
Vu les articles L 341-4 et L 341-6 du code de la consommation dans leur rédaction antérieure, aujourd'hui codifiés aux articles L 332-1 et L 333-2 du même code,
Vu l'article L 313-22 du code monétaire et financier, lequel reprend les dispositions de l'article 48 de la loi
no99-532 du 25 juin 1999,
Vu l'article 1343-5 du code civil,
Juger la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire irrecevable et mal-fondée en son appel ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce d'Orléans en date du 3 avril 2019 en ce qu'il a débouté la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de sa demande de paiement au titre du crédit de 14.000 € ; Concernant le prêt du 23 octobre 1999, ordonné la déchéance du droit aux intérêts sur les années 1999 à 2009, 2014, 2015 et 2016, ordonné à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de produire un historique des règlements faits année par année, avec le détail des sommes affectées au paiement des intérêts, ainsi qu'un décompte des sommes dues prenant en compte ces règlements, afin que ces montants viennent en déduction du principal uniquement, dit qu'au vu des éléments produits concernant la liquidation judiciaire de la société Isolation du centre, les créanciers chirographaires dont la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire pourraient être intégralement désintéressés, si tel n'est pas le cas, condamné M. [L] [I] et Mme [Z] [I] à payer à la Caisse Régionale de crédit agricole Mutuel Centre Loire les intérêts de retard sur la base du décompte que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire produira, dit que M. [L] [I] et Mme [Z] [I] seront autorisés à s'acquitter de leur dette sur 24 mois et au plus tard le 6 mars 2021 ;
Pour le surplus, dire qu'il ne sera pas procédé à la capitalisation des intérêts de la dette, faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et juger ce que de droit s'agissant des dépens ;

Et statuant de nouveau,
Juger M. [L] [I] et Mme [Z] [I] recevables et bien-fondés en
toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Constater le manquement de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire à son obligation d'information de la caution ;
En conséquence,
Débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de sa demande de paiement au titre du crédit cautionné de 14.000 € ;
Ordonner à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de produire un historique des règlements faits par le débiteur principal précisant les montants
réglés afin que ces montants viennent en déduction du principal uniquement, ainsi qu'un
décompte des sommes dues prenant en compte ces règlements ;
Ordonner la déchéance du droit au intérêts et débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de sa demande de règlement de la somme
de 3.559,24 € de ce chef ;
Accorder à M. [L] [I] et Mme [Z] [I] un report de paiement de deux ans;
Débouter la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;
Condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire au paiement de la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils invoquent l'article L341-6 du Code de la consommation (ancien) et l'article L313-22 du Code monétaire et financier et maintiennent que la banque ne démontre pas les avoir correctement informés annuellement du montant et du terme de leurs engagements de caution puisque notamment, il n'y a aucune indication du terme du cautionnement dans les courriers produits.

Ils soutiennent que la banque ne peut se retrancher derrière les dispositions de l'article L123-22 alinéa 2 du Code de commerce alors qu'il est manifeste qu'elle n'a jamais procédé de manière diligente à son obligation d'information.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 16 septembre 2021.

M et Mme [I] ont déposé de nouvelles conclusions le 23 septembre 2021, réitérant leurs précédentes demandes et sollicitant en outre le rejet des dernières conclusions signifiées par le Crédit agricole le 15 spetembre 2021 quelques heures avant la clôture ou à défaut la révocation de l'ordonnance de clôture, ainsi que l'octroi d'un report de paiement de 24 Mois ou à défaut de 12 mois.

A l'audience, avant le déroulement des débats, l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2021 a été révoquée à la demande des parties et l'instruction de nouveau clôturée au jour de l'audience par simple mention au dossier.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle que les parties s'étant mises d'accord avant le déroulement des débats sur une révocation de l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2021, la cour n'a pas à statuer de ce chef et sur la recevabilité des conclusions de l'appelante en date du 15 septembre 2021 et de celles des intimés du 23 septembre 2021, qui ne pose dès lors pas de difficulté.

Elle indique en outre que même si le Crédit agricole a critiqué dans sa déclaration d'appel le chef du jugement l'ayant débouté de sa demande de paiement au titre du prêt du 23 septembre 2011, il ne demande la réformation du jugement dans le dispositif de ses écritures qu'au sujet du prêt du 23 octobre 1999, et sollciite même la confirmation de la décision entreprise pour le surplus.
En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour n'a donc pas à statuer au sujet du prêt du 23 septembre 2011, faute de prétention en ce sens de l'appelante comme des intimés qui demandent uniquement la confirmation de ce chef.

Le chef du jugement ayant débouté la Caisse de crédit agricole de sa demande de paiement au titre du prêt du 23 septembre 2011 doit donc être confirmée.

Sur le prêt conclu le 23 octobre 1999

Les époux [I] soulèvent le non respect par la banque de son obligation d'information annuelle et de son obligation d'informer la caution du premier incident de paiement en application de l'article L341-1 du Code de la consommation dans son ancienne numérotation.

L'article L 313-22 du code monétaire et financier dispose :
"Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette".

En application de ces dispositions, il incombe à l'établissement de crédit de démontrer par tous moyens qu'il a effectivement adressé à la caution l'information requise. En revanche, il n'a pas à établir que celle-ci l'a effectivement reçue et l'envoi de l'information par lettre recommandée avec avis de réception n'est aucunement exigé.
Au terme de l'article L 341-6 du code de la consommation, aujourd'hui codifié aux articles L 333-2 et L 343-6 du même code :
"Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. (...) À défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information."

En l'espèce, il ressort du décompte de la banque qu'aucune pénalité n'est réclamée. Dès lors, M et Mme [I] sont sans intérêt à se prévaloir également des dispositions de l'article L 341-6 du code de la consommation qui édictent une obligation similaire à celle de l'article L313-22 du Code monétaire et financier, d'autant que ces dispositions ne sont applicables qu'à compter de l'entrée en vigueur de la loi no 2003-721 du 1er août 2003 ;

Aux termes de l'ancien article L341-1 du code de la consommation recodifié aux articles L333-1 et L343-5 du même code, "sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, et si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retards échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée".

Le tribunal a retenu que le Crédit agricole ne justifiait pas du respect de son obligation d'information annuelle de la caution pour les années courant de 1999 à 2009 ainsi que pour les années 2014 à 2016.

C'est à tort que le Crédit agricole invoque dans son argumentation la prescription partielle de la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par M et Mme [I] en ce qu'elle porte sur les années antérieures à 2013.

En effet, outre le fait que la prescription d'une demande est sanctionnée par son irrecevabilité et qu'en l'espèce la banque ne demande pas dans le dispositif de ses écritures que les époux [I] soient déclarés irrecevables pour une partie de leur demande de déchéance du droit aux intérêts, la cour rappelle qu'en tout état de cause, la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par M et Mme [I] tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque et constitue donc un moyen de défense au fond sur lequel la prescription est sans incidence, de sorte que leur demande est recevable en son intégralité (cf pour exemple Com. 6 juin 2018 pourvoi no 17-10103).

Sur le fond, s'agissant des années 1999 à 2009, le Crédit agricole demande l'infirmation du jugement au motif qu'il n'est pas tenu, en application de l'article L123-22 du Code de commerce, de conserver les documents de plus de 10 ans et qu'il ne peut donc être condamné à ce titre.

Au terme de l'article L. 123-22 alinéa 2 du code de commerce, "les documents comptables et les pièces justificatives sont conservés pendant dix ans".

En l'espèce, il n'est pas demandé la condamnation de la banque à produire des documents antérieurs à 10 ans. Il est sollicité de tirer les conséquences prévues par la loi, en terme de déchéance du droit aux intérêts, de l'absence de preuve par la banque, par la production des dits documents, qu'elle a exécuté son obligation d'information.

Dès lors que la banque sollicite la condamnation des époux [I] à payer les intérêts au taux contractuel sur la somme due en leur qualité de caution, que ces derniers sont recevables à solliciter la déchéance du droit aux intérêts si la banque ne justifie pas du respect de son obligation d'information annuelle, y compris pour la période remontant à plus de 10 ans en arrière, la banque, qui reconnaît ne pas être en mesure de produire les lettres d'informations adressées aux cautions entre 1999 et 2009, ne justifie pas avoir respecté son obligation d'information pour cette période, et le délai de conservation de dix ans des pièces justificatives prévu par l'article L123-22 du Code de commerce ne saurait la dispenser de rapporter la preuve qui lui incombe à ce titre et par suite lui permettre de solliciter le paiement des intérêts au taux contractuel dès l'année 1999 en échappant à la déchéance du droit aux intérêts contractuels prévus par la loi quand l'obligation d'information n'est pas respectée.

Par ailleurs, la banque ne produit aucune pièce établissant qu'elle a satisfait à son obligation d'information pour les années 2014, 2015, 2016. Elle est donc déchue du droit aux intérêts sur cette période et il est inutile de rechercher si la banque a satisfait à son obligation d'information du premier incident de paiement, la redressement judiciaire étant intervenu le 4 novembre 2015 et la banque étant déjà déchue des intérêts pour la période antérieure.

Le tribunal a retenu que la banque avait exécuté son obligation s'agissant des années 2010 à 2013 et de l'année 2017. Les époux [I] prétendent que les lettres d'information adressées à ce titre ne sont pas conformes aux exigences des dispositions légales susvisées car les dates indiquées sont les dates de fin de l'obligation principale et non la date du terme de l'engagement de caution.

Néanmoins, contrairement à ce qu'indique l'appelant, le terme de l'engagement qui doit être indiqué dans la lettre d'information, par application de l'article L. 313-22 précité, n'est pas le terme de l'engagement de caution, que la caution, qui a établi la mention manuscrite prescrite par la loi lors de son engagement, connaît, mais le terme de l'engagement qu'elle garantit, qu'elle ne connaît pas nécessairement puisque, dans les limites des prévisions contractuelles, la durée de l'obligation garantie peut être modifiée par d'éventuels aménagements convenus entre le débiteur principal et l'établissement de crédit.

Les courriers adressés par la banque à la caution en date des 24 février 2010, 3 février 2011, 16 février 2012, 25 janvier 2013, 3 mars 2017 apparaissent donc conformes aux dispositions légales susvisées et il convient de retenir que la banque a satisfait à son obligation d'information pour ces années.

Le tribunal a, à juste titre, retenu que le Crédit agricole ne rapportait pas la preuve du respect de son obligation d'information annuelle pour les années 1999 à 2009, 2014, 2015, 2016. Il convient toutefois d'infirmer partiellement le jugement afin de préciser les dates exactes de point de départ et de fin de la déchéance du droit aux intérêts conformément à l'article L312-22 du Code monétaire et financier, ce que la cour peut et doit faire puisqu'elle saisie par la banque d'une demande d'infirmation du jugement dans son ensemble, pour le cautionnement souscrit en 1999 et par les intimés d'une demande de déchéance du droit sans limitation de dates.

Le cautionnement ayant été conclu le 23 octobre 1999, la banque encourt la déchéance du droit aux intérêts, en application des dispositions susvisées à compter du 31 mars 2000, date à laquelle l'information devait être donnée pour la première fois, jusqu'au 24 février 2010, date à laquelle la dernière information a été donnée puis à compter du 25 janvier 2013, date de la dernière information donnée, jusqu'au 3 mars 2017, date à laquelle elle a été à nouveau donnée.

La cour indique enfin que la banque ne peut se contenter d'invoquer le dernier billet à ordre cautionné créé le 31 octobre 2014 et d'imputer sur le capital les règlements perçus du 1er novembre 2014 au 27 janvier 2017, pour en déduire la somme due au titre de ce billet en capital, alors que le prêt du 23 octobre 1999 a été consenti sous forme de billets à ordre successifs et que la déchéance du droit aux intérêts s'applique à compter du 31 mars 2000.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a ordonné à la banque de produire un historique des règlements année après année et un décompte des sommes dues.

Sur les autres demandes

La demande de délais de paiement est justifiée par les explications et pièces fournies par les époux [I]. Le jugement sera confirmé de ce chef, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Le crédit agricole qui succombe en son appel doit être condamné aux entiers dépens et au règlement à M et Mme [I] d'une somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la déchéance du droit aux intérêts sur les années 1999 à 2009, 2014, 2015 et 2016 s'agissant du prêt du 23 octobre 1999 ;

Statuant à nouveau sur le seul chef infirmé,

- Ordonne la déchéance du droit aux intérêts du 31 mars 2000 jusqu'au 24 février 2010, et à compter du 25 janvier 2013 jusqu'au 3 mars 2017,

- Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions critiquées,

Y ajoutant,

- Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire à payer à M. [L] [I] et à son épouse Mme [Z] [O] la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 20/006361
Date de la décision : 25/11/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2021-11-25;20.006361 ?
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