COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/11/2021
la SCP LEMAIGNEN - WLODYKA - DE GAULLIER
la SELARL LUGUET DA COSTA
la SELARL DA COSTA - DOS REIS
la SCP STOVEN - PINCZON DU SEL
ARRÊT du : 04 NOVEMBRE 2021
No : 220 - 21
No RG 21/00376
No Portalis DBVN-V-B7F-GJJX
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge de l'exécution d'ORLEANS en date du 15 Janvier 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265263195577294
S.A. MY MONEY BANK (anciennement dénommée GE SOVAC, GE Capital Bank puis GE Money Bank)
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 28]
[Adresse 9]
[Localité 16]
Ayant pour avocat postulant Me Benoit DE GAULLIER DES BORDES, membre de la SCP LEMAIGNEN-WLODYKA-DE GAULLIER, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Guillaume LENGLART, membre de la SELARL INTER-BARREAUX LRB AVOCATS CONSEILS - JURIPARTNER, avocat au barreau de NANTES
D'UNE PART
INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265261970864315
Monsieur [A] [N] [L]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 29]
[Adresse 7]
[Localité 12]
Ayant pour avocat Me Arthur DA COSTA, membre de la SELARL LUGUET- DA COSTA, avocat au barreau d'ORLEANS
Madame [K], [J], [I] [X] épouse [L]
née le [Date naissance 10] 1962 à [Localité 25]
[Adresse 7]
[Localité 12]
Ayant pour avocat Me Arthur DA COSTA, membre de la SELARL LUGUET - DA COSTA, avocat au barreau d'ORLEANS
Timbre fiscal dématérialisé No: 1265258818764052
Madame [R] [F]
née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 24]
[Adresse 3]
[Localité 13]
Ayant pour avocat Me Antonio DA COSTA, membre de la SELARL DA COSTA - DOS REIS, avocat au barreau d'ORLEANS
Madame [W] [H]
née le [Date naissance 8] 1970 à [Localité 26]
[Adresse 3]
[Localité 13]
Ayant pour avocat Me Antonio DA COSTA, membre de la SELARL DA COSTA - DOS REIS, avocat au barreau d'ORLEANS
CAISSE DE CREDIT MUTUEL [Localité 21]
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 4]
[Localité 14]
Ayant pour avocat Me Clemence STOVEN-BLANCHE, membre de la SCP STOVEN PINCZON DU SEL, avocat au barreau d'ORLEANS
La BANQUE RÉGIONALE DE L'OUEST (BRO)
[Adresse 15]
[Localité 11]
Défaillante
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 09 Février 2021
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 16 SEPTEMBRE 2021, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Emmanuelle PRADEL, Greffier lors des débats
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt réputé contradictoire le JEUDI 04 NOVEMBRE 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon acte reçu le 21 mars 2007 par Maître [Y], notaire à [Localité 25], la société GE Money Bank a consenti à M. [A] [L] et Mme [K] [X], son épouse, un prêt de restructuration d'un montant de 169 000 euros, garanti par une hypothèque conventionnelle publiée le 30 avril 2007 sur leur immeuble d'habitation situé commune de [Adresse 3], cadastré section [Cadastre 30], et sur un huitième indivis de parcelles situés au même lieu, cadastrées [Cadastre 31], [Cadastre 5] et [Cadastre 6].
Selon acte reçu le 30 septembre 2016 par Maître [G], M. et Mme [L] ont vendu à Mme [R] [F] et Mme [T] [H], son épouse, les immeubles grevés.
Le notaire instrumentaire a indiqué en page 13 de son acte, dans un paragraphe intitulé « garantie hypothécaire », ce qui suit :
« un état hypothécaire délivré le 20 juillet 2016 et certifié à la date du 11 juillet 2016 révèle, [notamment], une inscription d'hypothèque conventionnelle prise au profit de GE Money Bank pour sûreté de la somme en principal de 169 000 euros, inscrite au 2e bureau du service de la publicité foncière d'[Localité 25] le 30 avril 2007, volume 2007 V no 682, avec effet jusqu'au 5 avril 2032. Etant observé que le notaire soussigné a reçu la réponse du créancier indiquant que le crédit objet de l'inscription est à ce jour soldé... ».
Exposant que des échéances du prêt garanti étaient restées impayées en dépit de sa mise en demeure adressée aux emprunteurs, la société GE Money Bank, devenue My Money Bank, a prononcé la déchéance du terme de son concours le 19 janvier 2017.
Après avoir pratiqué une saisie-attribution sur les biens de M. et Mme [L], puis leur avoir fait délivrer le 24 septembre 2019 un commandement de payer aux fins de saisie-vente, la société My Money Bank a fait délivrer par actes du 8 janvier 2020, de première part à M. et Mme [L] (débiteurs principaux), un commandement de payer « valant saisie immobilière » portant sur l'immeuble d'habitation situé commune de [Localité 27], cadastré section [Cadastre 30], et le huitième indivis des parcelles cadastrées même section, [Cadastre 31], [Cadastre 5] et [Cadastre 6], ce pour avoir paiement de la somme principale de 120 917,87 euros arrêtée au 24 septembre 2019 ; de seconde part à Mmes [F] (tiers détentrices), un commandement de payer ou délaisser valant saisie immobilière, portant sur les mêmes immeubles et les mêmes sommes.
Le commandement délivré à Mmes [F] a été publié au service de la publicité foncière d'[Localité 25] le 27 janvier 2020, volume 2017 S no 1.
Par actes séparés du 29 juin 2020, la société My Money Bank a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Orléans M. et Mme [L], Mmes [F], ainsi que la Banque régionale de l'ouest (BRO), créancier inscrit du chef des débiteurs principaux, et la caisse de Crédit mutuel de [Localité 22], créancier inscrit du chef des tiers détentrices.
Par jugement du 15 janvier 2021, le juge de l'exécution a :
-constaté la suspension de la procédure de saisie immobilière « engagée par la SA My Money Bank à l'encontre de M. [A] [L] et de Mme [K] [X] épouse [L] », ce pendant un délai de deux ans à compter du 27 août 2020 ou, si elle survient avant cette date, jusqu'à l'approbation du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1, jusqu'à la décision imposant les mesures prévues aux articles L. 733-1, L. 733-4, L. 733-7 et L. 741-1 du code de la consommation ou du jugement de clôture d'une procédure de rétablissement personnel,
-réservé les frais et dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge, qui avait été saisi par les tiers détentrices d'une demande à laquelle s'était associée la société My Money Bank, tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans l'instance pendante devant le tribunal judiciaire d'Orléans portant sur leur action en responsabilité contre le notaire instrumentaire et en garantie d'éviction contre les vendeurs, mais également saisi par les débiteurs principaux, à l'audience, d'une demande de constat de suspension de la procédure de saisie immobilière par l'effet de leur recevabilité, le 27 août 2020, au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, a considéré que la saisie immobilière était suspendue de droit, par application des dispositions des articles L. 722-2 et L. 722-3 du code de la consommation, dès lors que M. et Mme [L] avaient été admis au bénéfice de la procédure de surendettement et que leurs dettes faisant l'objet de la procédure de saisie immobilière étaient inclues dans leur dossier de surendettement.
La société My Money Bank a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 9 février 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause puis, autorisée par ordonnance de la première présidente de cette cour rendue le 16 février 2021 sur requête déposée le 12 février précédent, a fait assigner Mmes [F], M. et Mme [L], la Banque régionale de l'Ouest et la caisse de Crédit mutuel de [Localité 22] pour l'audience du 16 septembre 2021 par actes des 1er, 3 et 4 mars 2021, enrôlés le 8 mars suivant par voie électronique.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2021, signifiées le 7 septembre suivant à la Banque régionale de l'Ouest, la société My Money Bank demande à la cour, au visa des articles 378 et suivants du code de procédure civile, 2461, 2462 et 2464 du code civil, L. 311-1 eu suivants, R. 311-1 et suivants, R. 322-12, R. 322-16 et R. 322-17, L. 331-2, R. 331-6 et R. 321-9 du code des procédures civiles d'exécution, de :
-recevoir la société My Money Bank en son appel et l'y déclarant bien fondée,
-déclarer les consorts [F]-[H] et les époux [L] irrecevables en toutes leurs demandes
-débouter les consorts [F]-[H] et les époux [L] de toutes leurs demandes, fins et conclusions
-infirmer le jugement d'orientation du 15/01/2021 en toutes ses dispositions,
-surseoir a statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure pendante devant première chambre section A du tribunal judiciaire d'Orléans, RG no 20/01045,
En conséquence,
-suspendre la présente procédure de saisie immobilière jusqu'à cette date,
-réserver les dépens
A défaut,
-constater que la société My Money Bank est titulaire d'une créance liquide et exigible et qu'elle agit en vertu d'un titre exécutoire, comme il est dit à l'article L.311-2 du code des procédures civiles d'exécution
-constater que la saisie pratiquée porte sur des droits saisissables au sens de l'article L.311-6 du code des procédures civiles d'exécution
En conséquence, la dire recevable et bien fondée en ses poursuites et :
-mentionner dans le jugement à intervenir le montant retenu pour sa créance soit :
etgt;prêt no35060465045, la somme de 93 452,10 € en principal, frais et intérêts au taux conventionnel de 1,8026 % l'an, arrêtée au 08/06/2020 à parfaire,
etgt;prêt no35029127230, la somme de 33 530,85 € en principal, frais et intérêts au taux
conventionnel de 5,0080% l'an, arrêté au 08/06/2020 à parfaire,
Après avoir statué sur les éventuelles contestations et demandes incidentes, déterminer les modalités de poursuite de la procédure en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonner la vente forcée, et à cet effet, notamment :
etgt;En cas d'autorisation de vente amiable :
-fixer le montant en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, des conditions particulières de la vente
-autoriser le créancier poursuivant à faire état de la mise en vente du bien, sous contrôle judiciaire, sur le site internet de son choix, en ne publiant que des photographies extérieures du bien,
-taxer le montant des frais privilégiés de vente de la requérante qui seront versés directement par l'acquéreur en sus du prix, qui comprendront l'émolument de vente de l'avocat poursuivant et du notaire recevant l'acte de vente, conformément aux dispositions applicables
-ordonner que les émoluments de vente soient partagés par moitié entre l'avocat poursuivant d'une part, et le ou les notaires recevant l'acte de vente d'autre part, conformément aux dispositions applicables,
-fixer la date de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée pour s'assurer que l'acte de vente est conforme aux conditions qu'il a fixées, que le prix est consigné, que les frais et émoluments dus aux avocats de la cause leur ont été versés, ou à défaut, ordonner la reprise de la procédure sur vente forcée
etgt;en cas de vente forcée :
-fixer la date de l'audience de vente
-dire qu'une visite de l'immeuble sera organisée dans les deux semaines qui précèderont la vente aux enchères à intervenir par l'huissier de justice qui a dressé le procès-verbal de description avec, si besoin est, l'assistance de la Force Publique, d'un serrurier et d'un expert en diagnostics immobiliers, ou sous toutes autres modalités qu'il lui plaira de fixer
-autoriser le créancier poursuivant à communiquer à première demande le cahier des conditions de vente et le procès-verbal de description, à tout conseil d'enchérisseur potentiel,
-l'autoriser également à publier une annonce sur le site internet de son choix, en ne publiant que des photographies extérieures du bien,
-taxer les frais préalables provisoires de l'avocat poursuivant à la somme mentionnée dans l'état de frais versé par ce dernier à l'audience d'orientation,
etgt;en cas de vente amiable réalisée après que la vente forcée soit ordonnée :
-rappeler que la vente de gré à gré prévue par les dispositions de l'article L.322-1 du code des procédures civiles d'exécution a vocation à demeurer sous le contrôle du juge de l'exécution, que le prix de vente doit être consigné à la Caisse des dépôts et consignations, que les frais préalables et l'émolument de vente de l'avocat poursuivant doivent être versés directement à ce dernier sans consignation préalable,
-rappeler que la distribution du prix de vente consigné serait effectuée selon les prévisions des dispositions des articles R.331-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution
-dans tous les cas :
-condamner solidairement les époux [L] au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile
-ordonner que les dépens soient employés en frais privilégiés de vente
La société My Money Bank commence par soulever l'irrecevabilité des conclusions de Mmes [F] et de M. et Mme [L] en relevant qu'elles n'ont pas été signifiés à la BRO, qui n'a pas constitué avocat, conformément aux dispositions de l'article 911 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, la société My Money bank explique d'abord que la décision du premier juge a été prise sur la foi de documents dont elle n'aurait pas eu connaissance, sans que les débiteurs principaux aient notifié de conclusions à fin de suspension des poursuites pour cause de surendettement, et que ce non-respect du principe de contradiction l'a empêchée d'attirer l'attention du premier juge sur le fait que la saisie immobilière litigieuse a été engagée en vertu de son droit de suite.
Soulignant ensuite que les poursuites sont exercées, non pas contre ses débiteurs principaux admis au bénéfice de la procédure de surendettement, mais contre les tiers détentrices de l'immeuble sur lequel une hypothèque est inscrite en garantie de sa créance, l'appelante en déduit que la situation personnelle des débiteurs principaux ne peut interférer sur la mesure d'exécution litigieuse, en ajoutant en réplique aux écritures des tiers détentrices que ces dernières, faute d'avoir purgé l'hypothèque, sont obligées à la dette en cause par le seul effet de l'inscription par application des dispositions de l'article 2462 du code civil, et qu'elles ne peuvent se prévaloir des effets de la procédure de surendettement, qui est personnelle aux époux [L] et qui ne peut être assimilée aux « termes et délais accordés aux débiteurs originaires » auxquels il est fait référence à l'article 2462.
En réplique aux écritures de M. et Mme [L], l'appelante assure que le commandement qu'elle a fait délivrer aux tiers détentrices est conforme aux exigences de l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution et fait valoir que la demande de nullité du commandement est en toute hypothèse irrecevable, comme nouvelle, en application de l'article 566 du code de procédure civile.
La société My Money Bank réitère ensuite devant la cour sa demande de sursis à statuer, en indiquant que l'action en responsabilité et garantie engagée par les tiers détentrices devant le juge du fond demeure pendante devant le tribunal judiciaire d'Orléans.
Subsidiairement, l'appelante assure que, nonobstant la recevabilité de ses débiteurs originaires à la procédure de surendettement, sa créance est exigible, et demande en conséquence à la cour d'ordonner la vente des immeubles saisis.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 1er juillet 2021, dont il n'est pas justifié de la signification au créancier inscrit défaillant (BRO), Mme [F] et Mme [H] demandent à la cour de :
-déclarer l'appel de la SA My Money Bank recevable mais mal fondé, l'en débouter
-confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
-condamner toute partie perdante à leur régler la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel
Les tiers détentrices commencent par faire valoir que si elles sont tenues au paiement de la dette en tant que propriétaires de l'immeuble hypothéqué, elles n'ont pas pour autant la qualité de débitrices de la société appelante, qui ne bénéfice d'un droit de créance qu'à l'égard des époux [L], tenus personnellement de cette dette.
Elles rappellent ensuite qu'en application de l'article 2462 du code civil, le tiers détenteur jouit des termes et délais accordés au débiteur originaire et qu'en l'espèce, M. et Mme [L] bénéficient d'une décision de recevabilité de leur demande de traitement de situation de surendettement qui emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées à leur encontre. Elles en déduisent, sans davantage d'explication, que le jugement déféré doit être confirmé.
Sans formuler aucune demande de sursis dans le dispositif (partie finale) de leurs dernières conclusions, Mmes [F] demandent à la cour, dans la partie discussion de leurs écritures, de « constater que la société My Money Bank a marqué son accord pour qu'un sursis à statuer soit ordonné dans l'attente de la décision à intervenir dans l'instance 20/1045 pendante devant le tribunal judiciaire d'Orléans ».
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 3 septembre 2021, signifiées le 15 septembre 2021 à la BRO, M. et Mme [L] demandent à la cour de :
-les déclarer recevables et biens fondés en leurs écritures
Y faisant droit,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la suspension de la procédure de saisie en ce qu'elle était dirigée contre eux, en raison de leur recevabilité à une procédure de traitement de leur situation de surendettement.
-Sauf à considérer que du fait de cette suspension il n'y a pas lieu de statuer sur toute autre demande, prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et de l'assignation à l'audience d'orientation, avec toutes conséquences de droit
-A défaut, compte-tenu de la demande concordante des parties, ordonner un sursis à statuer sur les suites de la procédure de saisie immobilière et en suspendre le cours jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue dans le cadre de la procédure au fond dont le tribunal judiciaire d'Orléans est saisi
En toutes hypothèses,
-condamner la société GE Money Bank à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner la société GE Money bank aux entiers dépens d'appel
-rejeter toutes prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires
M. et Mme [L] commencent par souligner que si l'appelante indique désormais clairement que la procédure de saisie immobilière est poursuivie contre les tiers détentrices, elle ne s'était pas exprimée si nettement en première instance, et leur a d'ailleurs fait délivrer à eux aussi un commandement de payer valant saisie immobilière.
Relevant l'ambiguïté qu'a fait naître ce commandement, qui ne reproduit pas clairement les mentions prescrites à l'article R. 321-3 du code des procédures civiles d'exécution, puis l'équivoque née pareillement de l'assignation, qui les informait qu'ils pouvaient solliciter l'autorisation de vendre amiablement l'immeuble ou demander la suspension de la procédure de saisie en raison de leur situation de surendettement, M. et Mme [L] demandent à la cour d'annuler le commandement de payer en cause, en indiquant que les ambiguïtés qu'il renferme ont nécessairement causé un grief aux parties en cause, tout particulièrement aux tiers détentrices, sauf à considérer que par l'effet de leur recevabilité à la procédure de traitement des situations de surendettement, la procédure de saisie est suspendue et qu'il n'y a donc pas lieu de statuer dans l'immédiat sur la validité du commandement et de l'assignation.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 mai 2021, dont il n'est pas justifié non plus de la signification aux créancier inscrit défaillant (BRO), la caisse de Crédit mutuel demande à la cour de :
-constater qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de My Money Bank tendant à l'infirmation du jugement et au sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive de la procédure pendante devant le tribunal judiciaire d'Orléans sous le no de rôle 20/01045
-dire n'y avoir lieu à ordonner la vente par adjudication du bien situé [Adresse 3]
-condamner la(les) partie(s) perdante(s) à lui payer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner la(les) partie(s) perdante(s) aux dépens
Tout en s'en rapportant à justice, le créancier inscrit du chef des tiers détentrices soutient que la saisie litigieuse ne peut être suspendue par l'effet de la recevabilité à la procédure de surendettement des époux [L], qui ne sont pas les débiteurs saisis, et ajoute qu'il n'y a pas lieu, compte tenu de la procédure au fond engagée par Mmes [F], d'ordonner la vente par adjudication de l'immeuble saisi.
La Banque régionale de l'Ouest, assignée à domicile élu le 3 mars 2021, n'a pas constitué avocat.
SUR CE, LA COUR :
Sur la recevabilité des conclusions non signifiées au créancier inscrit défaillant
Il résulte de l'article 911 du code de procédure civile, notamment, qu'en cause d'appel, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties et signifiées aux parties qui n'en ont pas constitué.
Si un intimé n'est pas tenu de signifier ses conclusions à un co-intimé défaillant à l'encontre duquel il ne formule aucune prétention, il en va différemment en cas d'indivisibilité entre les parties (v. par ex. Cass. Avis, 2 avril 2012, no 12-00.002 et 12-00.003).
En matière de saisie immobilière, il existe un lien d'indivisibilité entre toutes les parties, à tout le moins entre tous les créanciers (v. par ex. Civ. 2, 21 février 2019, no 17-31.350 ; 13 novembre 2014, no14-11.986 ; 3 septembre 2015, no 14-17.027), de sorte que l'irrecevabilité des conclusions qui n'ont pas été régulièrement signifiées à un créancier défaillant ne doit pas être prononcée à l'égard du seul intimé concerné par le défaut de signification, mais à l'égard de tous.
En l'espèce, si l'appelante et M. et Mme [L] ont fait signifier à la BRO, créancier inscrit défaillant, leurs dernières conclusions, il apparaît que ni le Crédit mutuel, autre créancier inscrit, ni Mmes [F] et [H], tiers détentrices saisies, n'ont fait signifier leurs conclusions à la BRO.
Dans ces circonstances, les conclusions du Crédit mutuel, comme celles de Mmes [F] et [H], ne peuvent qu'être déclarées irrecevables, et avec elles les demandes qu'elles renferment.
Sur la demande de constat de suspension de la procédure de saisie
La cour observe à titre liminaire que l'appelante ne peut reprocher au premier juge de ne pas avoir fait respecter le principe de contradiction alors qu'il résulte, tant du jugement déféré que du dossier de première instance, que le conseil de M. et Mme [L] avait transmis contradictoirement par voie électronique, la veille de l'audience, la décision de recevabilité de ses clients au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement, en indiquant que cette décision emportait selon lui de plein droit suspension de la procédure de saisie immobilière, que la demande de constat de suspension pouvait être présentée oralement à l'audience, sans ministère d'avocat, et que dans ces circonstances, il appartenait au conseil de la société My Money Bank de se présenter à l'audience ou de s'y faire substituer par un confrère, s'il souhaitait obtenir un renvoi afin de faire connaître ses observations sur les effets de la décision de la Banque de France.
Selon l'article L. 722-2 du code de la consommation, la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement du débiteur emporte suspension et interdiction des procédures d'exécution diligentées « à l'encontre des biens du débiteur ».
Si, par erreur et en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article R. 321-5 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'il a été modifié par le décret no 2017-892 du 6 mai 2017, la société My Money Bank a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à la fois à M. et Mme [L], débiteurs principaux, et aux tiers détentrices, Mmes [F], au lieu de faire délivrer un simple commandement de payer aux débiteurs principaux et un commandement de payer valant saisie aux seules tiers détentrices, comme le prévoit désormais la réglementation, il n'en reste pas moins que la procédure de saisie immobilière en cause, diligentée par la société My Money Bank en tant qu'elle est titulaire d'un droit de suite, est poursuivie contre les seules tiers détentrices, conformément aux dispositions de l'article R. 321-4 du même code.
Dès lors que la saisie immobilière litigieuse n'est pas poursuivie contre les biens de M. et Mme [L], mais contre des immeubles qui appartiennent à Mmes [F], qui en sont tiers détentrices au sens des articles R. 321-4 et R. 321-5 du code des procédures civiles d'exécution, les dispositions de l'article L. 722-2 du code de la consommation sont inapplicables à la cause et la recevabilité de M. et Mme [L] au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement n'est pas de nature à entraîner la suspension de la procédure de saisie litigieuse. Cette décision ne peut assurément pas non plus entraîner la suspension de la procédure de saisie immobilière engagée « à l'encontre de M. et Mme [L] », alors qu'aucune procédure de saisie immobilière n'est poursuivie à l'encontre de ces derniers ou contre les biens de ces derniers.
Encore qu'il soit sans effet sur la procédure de saisie immobilière poursuivie à l'encontre de Mmes [F], le jugement entrepris, qui a constaté la suspension d'une procédure de saisie immobilière tenue, de manière inexacte, pour avoir été engagée à l'encontre de M. et Mme [L], ne peut donc qu'être infirmé.
Sur la demande de sursis et d'annulation du commandement de payer valant saisie immobilière
Le premier juge, on l'a dit, s'est prononcé sur la suspension, sans objet, d'une procédure de saisie immobilière tenue par erreur comme étant diligentée sur les biens de M. et Mme [L], mais n'a nullement constaté la suspension de la procédure de saisie immobilière poursuivie contre Mmes [F], tiers détentrices.
Dans ces circonstances, sauf à priver les parties du double degré de juridiction, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande de nullité du commandement de payer et de l'assignation, ni au préalable sur l'exception de procédure, dite dilatoire, que constitue la demande de sursis à statuer ; il convient seulement de constater que la procédure de saisie immobilière diligentée contre les biens des tiers détentrices, qui n'est pas suspendue, doit se poursuivre devant le premier juge.
Sur les demandes accessoires
M. et Mme [L] n'auraient pas légitimement pu croire que leur recevabilité à la procédure de traitement des situations de surendemment pouvait avoir un effet sur la procédure de saisie immobilière poursuivie contre Mmes [F], tiers détentrices, si la société Money Bank n'avait pas, pas erreur, fait délivrer à ses débiteurs originaires un commandement de payer valant saisie immobilière, en les informant de surcroit de manière inexacte, dans l'assignation qui leur a ensuite été délivrée, que leur situation de surendettement pouvait entrainer une suspension de la procédure de saisie immobilière.
Dans ces circonstances, la société My Money Bank, qui a en outre relevé appel d'une décision qui est sans effet sur la saisie immobilière qu'elle poursuit contre Mmes [F], et non contre M. et Mme [L], devra supporter les dépens de première instance et d'appel.
Tenue aux dépens, la société Money Bank sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à M. et Mme [L] la charge des frais autres que les dépens qu'ils ont exposés pour les besoins de cette instances.
Ils seront en conséquence eux aussi déboutés de leur demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
DECLARE irrecevables les conclusions de Mmes [R] [F] et [W] [H] épouse [F], et celles de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 22],
INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées,
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant :
CONSTATE que la SA My Money Bank a engagé des poursuites de saisie immobilière contre Mme [F] et Mme [H], tiers détentrices, mais qu'aucune procédure de saisie immobilière n'est engagée « à l'encontre de M. [A] [L] et de Mme [K] [X] épouse [L] »,
DECLARE SANS OBJET et REJETTE en conséquence la demande de suspension de la procédure de saisie immobilière engagée par la SA My Money Bank « à l'encontre de M. et Mme [L] »,
CONSTATE que la procédure de saisie immobilière poursuivie à l'encontre de Mme [F] et Mme [H] n'est pas suspendue et qu'il appartient en conséquence au premier juge devant lequel ladite procédure de saisie se poursuit de se prononcer le cas échéant sur la demande de
nullité du commandement de payer et de l'assignation et, au préalable, sur la demande de sursis à statuer,
REJETTE la demande de la société My Money Bank formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DECLARE irrecevables les demandes de Mmes [F] et de la Caisse de crédit mutuel de [Localité 22] formées en application de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de M. et Mme [L] formée sur le même fondement,
CONDAMNE la société My Money Bank aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT