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08/07/2021 | FRANCE | N°20/00193

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 08 juillet 2021, 20/00193


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/07/2021
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SCP VALERIE DESPLANQUES
ARRÊT du : 08 JUILLET 2021


No : 151 - 21
No RG 20/00193
No Portalis DBVN-V-B7E-GDBT


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de TOURS en date du 31 Décembre 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265246983482876


Madame [O] [G] épouse [O]
[Adresse 1]
[Localité 1]


ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Julien BERBIGIER, membr...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 08/07/2021
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SCP VALERIE DESPLANQUES
ARRÊT du : 08 JUILLET 2021

No : 151 - 21
No RG 20/00193
No Portalis DBVN-V-B7E-GDBT

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de TOURS en date du 31 Décembre 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265246983482876

Madame [O] [G] épouse [O]
[Adresse 1]
[Localité 1]

ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Julien BERBIGIER, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265247585366130

C.R.C.A.M. DE LA TOURAINE ET DU POITOU
Agissant par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]

ayant pout avocat postulant Me Valerie DESPLANQUES, membre de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Viviane THIRY, membre la SCP CRUANES-DUNEIGRE, THIRY ET MORENO, avocat au barreau de TOURS,
D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 17 Janvier 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 29 avril 2021
COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du jeudi 20 MAI 2021, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Karine DUPONT, Greffier lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le jeudi 08 JUILLET 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon acte reçu le 29 juin 2009 en la forme authentique par Maître [K], notaire à [Localité 3] (37), la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Touraine et du Poitou (le Crédit agricole) a consenti à la société Socoprim, qui exerce une activité d'agent immobilier et de marchand de biens, un prêt d'un montant de 70 000 euros destiné au financement des entreprises, remboursable, à l'issue d'un différé total d'amortissement de 23 mois, en une échéance d'un montant de 75 611,45 euros incluant les intérêts au taux nominal variable de 3,925 %.

Selon le même acte, M. [P] [O], gérant de la société Socoprim et Mme [O] [G], son épouse, se sont rendus cautions solidaires de cet engagement, dans la limite d'une somme de 70 000 euros couvrant le principal, les intérêts et autres accessoires.

Le prêt étant arrivé à terme le 2 juillet 2011, le Crédit agricole a vainement mis en demeure le débitrice principale et chacune des cautions solidaires d'honorer leurs engagements respectifs par courriers recommandés du 24 janvier 2012, puis a déposé le 8 novembre 2016 une requête au greffe du tribunal d'instance de Tours à fin de conciliation et, à défaut, de saisie des rémunérations de Mme [G], pour obtenir paiement de la somme totale de 99 740,67 euros.

Après une série de renvois, le Crédit agricole a ramené à 70 000 euros sa demande de saisie, en sollicitant en outre la condamnation de Mme [G] à lui régler une indemnité de procédure de 3 000 euros.

Par jugement du 31 décembre 2019 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

-autorisé la saisie des rémunérations de Mme [G] à hauteur de 70 000 euros
-condamné Mme [G] aux dépens ainsi qu'à payer au Crédit agricole une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a retenu en substance que la caution, qui présentait sa situation financière comme substantiellement déficitaire, ne prenait cependant pas en considération son patrimoine mobilier, notamment la valeur de ses parts sociales dans la SCI du Grand large, propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 1], et en a déduit que Mme [G] n'apportait pas la preuve, dans ces circonstances, de la disproportion manifeste de son engagement de caution du 29 juin 2009.

Mme [G] a relevé appel de cette décision par déclaration du 17 janvier 2020, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er avril 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, Mme [G] demande à la cour de :

-juger son recevable et fondé
En conséquence :
-infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris du 31 décembre 2019 rendu par le tribunal d'instance de Tours
Statuant à nouveau
-juger que son engagement de caution contenu dans l'acte notarié du 29 juin 2009 à hauteur de 70 000 euros représente plus de cinq fois son patrimoine, et vingt-sept années de revenus
-juger que cet engagement de caution est manifestement disproportionné à ses revenus et biens à la date de sa signature
-juger que le Crédit agricole n'apporte aucunement la preuve qu'au jour où elle a appelé son engagement de caution, elle avait la capacité d'y faire face
-juger par suite que le Crédit agricole ne peut décemment s'en prévaloir
-débouter par conséquent le Crédit agricole de son instance visant à la saisie de ses rémunérations
-condamner la Crédit agricole à lui rembourser somme saisie sur ses rémunérations depuis le 31 décembre 2019, et ce, en application de l'exécution provisoire
-condamner le Crédit agricole aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Mme [G] réitère devant la cour que l'engagement de caution dont se prévaut le Crédit agricole était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au jour de son engagement, en faisant valoir que le premier juge a relevé à raison que sa situation était, au jour de l'acte en cause, substantiellement déficitaire, mais que la valorisation de ses parts sociales de la SCI du Grand large, qu'elle n'avait nullement tue, ne change rien à l'appréciation de la situation puisque l'immeuble dont était propriétaire ladite SCI a été cédé le 31 décembre 2010 au prix de 910 000 euros, que le produit de la vente de cet immeuble a servi à rembourser l'encours de prêt du Crédit agricole et d'autres dettes garanties sur ce bien, de sorte que la SCI n'a perçu qu'un reliquat de 119,47 euros.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 avril 2021, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, le Crédit agricole demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable à la cause, 2298 du code civil, L.341 4 ancien du code de la consommation et 9 du code de procédure civile, de :

-confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Tours le 31 décembre 2019 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
-débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions
-rejeter toute demande de restitution des sommes saisies dans le cadre de la saisie des rémunérations autorisée par le tribunal de Tours
-la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dont distraction pour les dépens d'appe1 au profit de Maître Valérie Desplanques

Le Crédit agricole maintient de son côté que Mme [G] n'apporte pas la preuve d'une disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus, en soulignant que l'appelante procède à une présentation inexacte de sa situation, en prenant en compte, non pas la valeur de ses actifs immobiliers bruts, mais la valeur de l'actif net, qu'elle évalue à son avantage sur la base de justificatifs incomplets, et en sa prévalant ensuite d'un passif déjà déduit de ses actifs immobiliers, ce qui revient à prendre en considération deux fois les mêmes dettes.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 avril 2021, pour l'affaire être plaidée le 20 mai suivant et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Sur la disproportion alléguée de l'engagement de caution

Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l'article L. 332-1 même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu'aux cautions averties, la disproportion s'apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d'autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.

C'est à la caution qui se prévaut des dispositions de l'article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle invoque.

Le code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, mais s'il le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d'anomalies apparentes.

Le créancier peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où il l'a appelée en paiement.

En l'espèce, le Crédit agricole ne produit aucune fiche ou aucun autre document duquel il résulterait qu'il s'est renseigné sur la situation financière de Mme [G] lors de son engagement.

De son côté, Mme [G], qui conclut à la disproportion manifeste de son engagement du 29 juin 2009, justifie qu'à cette date :
-elle était mariée sous le régime de la séparation de biens
-elle percevait, mensuellement, un salaire de 3 497 euros et des revenus locatifs de 711 euros
-elle partageait les charges courantes avec son époux séparé de biens, qui percevait un revenu mensuel de 5 942 euros
-le couple n'avait pas d'enfant à charge

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, la proportionnalité du cautionnement de l'époux séparé de biens doit s'apprécier au regard de ses seuls patrimoines et revenus (v. par ex. Civ. 1, 25 novembre 2015, no 14-24.800).

En l'espèce, les parties ne s'opposent pas sur les règles de droit applicables, ni même sur la consistance du patrimoine de Mme [G], mais sur la valorisation de certains éléments de ce patrimoine.

Il convient donc d'examiner les justificatifs produits par la caution à fin de déterminer, successivement, le montant de son passif et la valeur de ses actifs, mobiliers et immobiliers, à l'époque de la souscription du cautionnement litigieux.

-sur le patrimoine de la caution au jour de son engagement

Si Mme [G] a perçu le 13 mars 2008 une somme de 63 500 euros sur le produit de la vente, au prix de 135 000 euros, d'un immeuble situé [Adresse 3], le Crédit agricole n'établit d'aucune manière que quinze mois plus tard, à la date de souscription de l'engagement litigieux, Mme [G] disposait encore des fonds qu'elle avait recueillis de cette vente.

Il n'y a donc pas lieu de prendre en considération cette somme de 63 500 euros dans l'évaluation du patrimoine de l'appelante au 29 juin 2009.

Mme [G] a vendu le 31 mars 2009, au prix de 145 000 euros, un immeuble situé [Adresse 4], qu'elle avait acquis le 31 décembre 2003 au prix de 66 000 euros.

Les parties s'accordent, compte tenu de la concomitance de cette vente à la souscription du cautionnement en cause, sur l'intégration au patrimoine de la caution, pour les besoin de son évaluation en juin 2009, du solde perçu sur cette vente après remboursement de la Banque CIO, paiement de l'impôt sur la plus-value et des sommes dues au syndic de copropriété à l'occasion de cette mutation.

Mme [G] propose de retenir qu'il est lui est revenu un solde de 8 543,43 euros, en produisant à titre justificatif un récapitulatif des sommes qui lui ont été versées établi par le notaire instrumentaire (pièce 22).

Le Crédit agricole fait valoir à raison que ce récapitulatif du notaire montre que le solde revenu à Mme [G] s'élève, non pas à la seule somme de 8 543,43 euros correspondant au montant qui lui a été viré sur son compte Crédit mutuel, mais à une somme totale de 43 543,43 euros compte tenu de la somme de 35 000 euros qui a par ailleurs été virée par le notaire sur le compte Crédit agricole de l'appelante. C'est cette somme de 43 543,43 euros qui sera en conséquence retenue pour évaluer le patrimoine de l'appelante en juin 2009.

A l'époque de la souscription de l'engagement litigieux, Mme [G] était également propriétaire d'un appartement situé [Adresse 5], acquis le 20 juin 2005 pour un prix de 167 700 euros, vendu le 7 avril 2012 pour un prix de 190 000 euros.

Le Crédit agricole, qui fait valoir que ce bien avait été évalué à 220 000 euros le 1er septembre 2005, produit un tableau intitulé « patrimoine personnel de Mme [O] [B] au 01/09/2005 ». Ce document n'est pas signé de Mme [G], qui en dénie toute pertinence.

Dès lors que le Crédit agricole ne produit aucun élément de nature à établir que ce document lui aurait été communiqué par Mme [G] en 2005, ou qu'il aurait à tout le moins été approuvé par elle, l'évaluation qu'il contient ne peut être opposée à l'appelante.

Compte tenu de l'évolution du marché entre 2005 et 2012, qui s'est traduite, à partir du pic atteint en 2005, d'une légère phase de décélération en 2006-2007, d'une forte baisse en 2008-2009 à l'occasion de la crise dite des subprimes, puis d'une reprise des prix à la hausse à compter de 2010-2011, avant une nouvelle baisse en 2012, la valeur brute de cet appartement de [Localité 4], en juin 2009, sera évaluée à celle de son prix d'achat en 2005, soit à 167 700 euros.

Déduction faite de l'encours du prêt qui avait été souscrit auprès du CIO pour financer cette acquisition, dont il n'est pas contesté qu'il était de 133 619 euros en juin 2019, la valeur nette de cet appartement sera évaluée à 34 081 euros.

En juin 2009, Mme [G] était également propriétaire d'un appartement situé [Adresse 6], acquis le 30 novembre 2004 pour un prix de 72 000 euros, revendu au prix de 170 000 euros le 30 septembre 2010.

La plus-value réalisée par Mme [G] sur cet immeuble ne peut s'expliquer par la seule évolution du marché immobilier, mais résulte des travaux qu'elle a réalisés ou fait réaliser dans cet appartement, financés, comme l'acquisition du bien, au moyen d'un prêt de 100 000 euros souscrit auprès de la Banque CIO.

Compte tenu la proximité entre la date de vente de cet appartement et celle de la souscription de l'engagement litigieux, la valeur brute de ce bien en juin 2009 sera fixée au prix auquel il a été vendu le 30 septembre 2010.

En considération de l'encours de prêt existant au jour de la vente (72 229,14 euros) et du montant des échéances échues entre le 29 juin 2009 et la vente (14 X 691,54), la valeur nette de cet actif sera estimée à 88 089 euros (170 000 - 72 229,14 - 9 681,56).

Mme [G] était également propriétaire, en juin 2009, d'un studio situé [Adresse 7], acquis le 30 juin 2005 au prix de 26 000 euros, revendu le 22 septembre 2009 au prix de 68 000 euros.

Compte tenu de la concomitance entre cette vente et la date de l'engagement litigieux, la valeur brute de cet immeuble à l'époque de la conclusion de l'engagement litigieux sera évaluée à 68 000 euros.

L'acquisition de ce studio avait été financée par un prêt CIO souscrit pour un montant de 28 800 euros, sur lequel il restait dû au 29 juin 2009, selon le tableau d'amortissement produit, une somme de 24 291,91 euros (pièce 29).

Mme [G], qui soutient n'avoir perçu qu'une somme de 23 571,94 euros sur la vente de ce bien, fournit à titre de justificatif un chèque émis à son nom par le notaire, dénué de valeur probante en l'absence de tout décompte.

La valeur nette de ce studio de la rue Lamartine sera dès lors évaluée à 43 708 euros (68 000 - 24 291,91).

Mme [G] était aussi propriétaire, en juin 2009, d'un appartement situé [Adresse 8] (37), acquis à un prix qu'elle ne précise pas, financé en décembre 2006 au moyen d'un prêt souscrit auprès du Crédit agricole pour un montant de 108 000 euros. Ce bien a été revendu le 30 juillet 2010 au prix de 185 000 euros.

En l'absence de tout autre élément d'évaluation, la valeur brute de cet appartement en juin 2009 peut être évaluée au prix de sa vente intervenue peu après la conclusion de l'engagement litigieux.

Déduction faite de l'encours de prêt existant en juin 2009 (95 063,47 euros), la valeur nette de cet appartement de [Localité 5], au jour de la souscription du cautionnement litigieux, sera estimée à 89 937 euros.

Mme [G] était par ailleurs propriétaire d'un appartement situé [Adresse 9], acquis le 20 décembre 2007 au prix de 20 000 euros, financé par un prêt du CIO et revendu le 9 septembre 2010 au prix de 89 000 euros.

En l'absence d'autre élément pour estimer la valeur brute de ce bien en juin 2009, cette valeur sera fixée, comme y consentent les deux parties, au prix de revente du bien en septembre 2010, soit à 89 000 euros.

Déduction faite de l'encours du prêt CIO à la date du 29 juin 2009 (60 657,41 euros), la valeur nette de cet immeuble sera évaluée à 28 343 euros.

Mme [G] était encore propriétaire, en juin 2009, d'un appartement situé [Adresse 10], acquis à une date qu'elle ne précise pas, vendu le 7 décembre 2010 au prix de 155 000 euros. L'acquisition de ce bien avait été financée au moyen d'un prêt souscrit en décembre 2008 auprès de la Banque populaire pour un montant de 80 000 euros.

Mme [G] n'établit d'aucune manière que l'acquisition de ce bien aurait été également financée par un prêt souscrit auprès de la Banque [W].

Déduction faite de l'encours du prêt Banque populaire au 29 juin 2009 (73 259,21 euros + 16 X 667,83 = 83 944,49), la valeur nette de cet appartement sera estimée à 71 055 euros (155 000 ? 83 944,49).

Mme [G] était également propriétaire, en juin 2009, d'un appartement situé [Adresse 11], acquis le 8 janvier 2007 au prix de 278 000 euros, dont l'acquisition avait été financée par deux prêts souscrits auprès du Crédit agricole pour un montant total de 300 000 euros.

Mme [G] ne fournit aucun avis de valeur de ce bien dont elle demeure propriétaire. Compte tenu de l'évolution du marché immobilier entre 2007 et 2009, y compris dans les régions littorales, la valeur brute de cet appartement sera fixée au prix auquel il avait été acheté à peine dix-huit mois avant la date de l'engagement litigieux à laquelle il convient de l'évaluer.

Déduction faite de l'encours de prêt au 29 juin 2019 (273 346,72 euros), la valeur nette de cet immeuble sera donc évaluée à 4 653 euros.

Mme [G] était enfin propriétaire, en juin 2009, de 1 425 parts sociales d'une SCI dénommée Le Grand large, dont le capital social de 1 500 euros était réparti en 1 500 parts.

Cette SCI avait acquis en 2004 un immeuble situé [Adresse 1], financé au moyen d'un prêt « in fine » d'un montant de 693 000 euros souscrit auprès du Crédit agricole.

Par acte sous seing privé des 6 octobre et 7 novembre 2010, enregistré le 23 novembre suivant au service des impôts des entreprises, M. [M], à l'époque co-associé de Mme [G] dans cette SCI, a cédé à Mme [G] et son époux, M. [O], les 75 parts sociales qu'il détenait, moyennant un prix de 525 euros, soit 7 euros par part sociale.

Le 31 décembre suivant, la SCI a cédé l'immeuble de la rue Grécourt au prix de 910 000 euros, à un tiers qui s'est engagé à consentir à Mme [G] et à son époux, ainsi qu'à la Socoprim, un bail sur les parties de l'immeuble qu'ils occupaient respectivement au moment de la vente.

Il n'apparaît pas, au regard des baux ainsi consentis, que la SCI soit restée propriétaire d'une partie de l'immeuble, comme le suspecte le Crédit agricole sans fournir aucun élément de preuve en ce sens.

Mme [G] justifie de ce qu'en 2008, la SCI Le Grand large a réalisé un exercice déficitaire, mais ne fournit aucun renseignement sur l'exercice 2009.

En produisant un décompte des sommes effectivement versées à la SCI lors de la vente de l'immeuble, qui montre que sur le prix de 910 000 euros, ladite SCI n'a finalement perçu que 119,47 euros, Mme [G] soutient que la valeur de ses parts dans la SCI était nulle à l'époque de la souscription du cautionnement litigieux, en juin 2009.

Au bilan de la SCI clos au 31 décembre 2008, qui est le seul bilan produit par Mme [G], on l'a dit, figuraient au passif deux charges d'emprunts : l'emprunt « in fine » du Crédit agricole, inscrit à hauteur du capital restant dû (693 000 euros) et une inscription à hauteur de 6 375 euros intitulée « emprunts ou dettes financières diverses ».

Mme [G] n'établit d'aucune manière que les dettes que la SCI a réglées sur le produit de la vente de l'immeuble de la rue Grécourt, hors le prêt Crédit agricole et les dettes financières inscrites au passif de son bilan clos au 31 décembre 2008, existaient en juin 2009.

Déduction faite de l'encours du prêt Crédit agricole au 29 juin 2009 (713 027,26 - 17 X 2 055,89), et des autres charges financières inscrites au passif de la SCI au 31 décembre 2008 (6 375), la valeur nette de l'immeuble, au jour de la souscription du cautionnement litigieux, peut être évaluée à 225 548 euros.

Dès lors qu'elle ne fournit aucun justificatif des dettes contractées par la SCI expliquant la valeur modique à laquelle les parts sociales de M. [M] ont été valorisées fin 2010, ou encore la somme résiduelle de 119,47 euros perçue par la SCI ensuite de la vente de l'immeuble de la rue Grécourt, la valeur en juin 2009 des parts sociales de Mme [G] sera évaluée, comme le propose le Crédit agricole, en considération de la somme de 176 780,54 euros indiquée par le notaire instrumentaire comme étant la « somme disponible pour la SCI » ensuite de la vente de l'immeuble de la rue Grécourt.

En l'absence d'autres éléments d'évaluation, les 1 495 parts sociales de la SCI Le Grand large que détenait Mme [G] en juin 2009 seront donc évaluées à 167 941 euros (176 780,54 X 1 495 / 1 500).

Les actifs nets, mobiliers et immobiliers, de Mme [G], au jour de la souscription du cautionnement en cause, seront donc estimés à la somme totale de 571 350 euros (43 543 + 34 081 + 88 089 + 43 708 + 89 937 + 28 343 + 71 055 + 4 653 + 167 941).

-sur l'endettement de la caution au jour de son engagement

Au jour de l'engagement litigieux, Mme [G] avait déjà souscrit trois engagements de caution.

Elle avait donné un cautionnement solidaire à hauteur de 1 150 000 euros selon acte notarié du 23 juillet 2007, en garantie d'un prêt consenti par le Crédit agricole à la Socoprim.

Le prêt garanti avait été consenti à la société Socoprim pour financer l'acquisition d'un ensemble immobilier situé [Adresse 12].

Le Crédit agricole établit que cet immeuble, qui a fait l'objet d'une division et d'une rénovation, a été revendu par lots, pour un prix total de 1 352 000 euros, qui a permis à la débitrice principale de solder totalement le prêt cautionné et de réaliser une plus-value de 202 000 euros.

Mme [G] relève que certains lots n'ont été revendus que postérieurement à la souscription du cautionnement litigieux et soutient qu'en toute hypothèse, elle demeurait endettée, au 29 juin 2009, à hauteur de 1 150 000 euros, dans la mesure où la garantie qu'elle avait donnée le 23 juillet 2007 au Crédit agricole ne pouvait conventionnellement être réduite que par le remboursement intégral du prêt cautionné.

L'endettement de Mme [G] doit être apprécié à la date à laquelle elle a donné l'engagement litigieux, soit au 29 juin 2009.

Il résulte des pièces produites par le Crédit agricole qu'à cette date, seuls certains lots de l'immeuble financé avaient été revendus, et que la société Socoprim restait débitrice, au titre du prêt à court terme qui lui avait été consenti le 23 juillet 2007, d'une somme de 414 905,54 euros.

Compte tenu du caractère accessoire de l'engagement donné par Mme [G], l'encours de ce cautionnement donné le 23 juillet 2007 était, à la date du 29 juin 2009, qui seule importe ici, de 414 905,54 euros.

A cette date du 29 juin 2009, Mme [G] avait par ailleurs donné deux autres engagements de caution, qui ne sont contestés ni dans leur principe, ni dans leur montant.

Le 7 janvier 2009, Mme [G] s'était rendue « caution hypothécaire », à hauteur de 200 000 euros, d'un prêt du même montant souscrit auprès du Crédit agricole par la Socoprim et le 29 juin 2009, concomitamment à la souscription du cautionnement litigieux, Mme [G] s'était rendue caution solidaire d'un autre prêt souscrit par la Socoprim auprès du Crédit agricole, à hauteur de 82 000 euros.

Au jour de la souscription de la garantie litigieuse, Mme [G] était donc engagée, au titre de cautionnements antérieurs, pour un montant total de 696 905,54 euros (414 905,54 + 200 000 + 82 000).

Outre ces trois cautionnements antérieurs, Mme [G] avait personnellement souscrit, au 29 juin 2009, trois prêts immobiliers.

Mme [G] avait souscrit le 5 octobre 2005 auprès du Crédit agricole un prêt immobilier d'un montant de 54 000 euros, sur lequel il restait dû, au 29 juin 2009, une somme de 43 139,09 euros.

Elle avait par ailleurs souscrit, en 2006 et 2007, deux prêts qui ont servi à financer l'acquisition de biens immobiliers à [Localité 5] ainsi qu'à La [Localité 6], dont les encours ont été déduits de la valeur nette de ces immeubles lors de l'examen des actifs de l'appelante.

Sauf à comptabiliser deux fois le même passif, il n'y a pas lieu de reprendre ici les encours de ces deux prêts.

Au jour de la souscription du cautionnement litigieux, l'endettement antérieur de Mme [G] (cautionnements et prêts) peut donc être évalué à 740 044,63 euros (696 905,54 + 43 139,09).

Au regard de l'ensemble de ces éléments, dont il ressort que Mme [G], qui disposait d'un patrimoine valorisable de 571 350 euros et qui avait déjà contracté des engagements de 740 044,63 euros, percevait un revenu mensuel de 4 208 euros, le cautionnement litigieux, donné à hauteur de 70 000 euros, apparaît manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution au jour de sa souscription.

Sur les effets de la disproportion manifeste de l'engagement de caution

Ainsi qu'on l'a déjà dit, il appartient au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation.

En l'espèce, le Crédit agricole ne soutient pas que les biens et revenus de l'appelante lui permettaient de faire face à son engagement au moment où elle a été appelée.

Le cautionnement manifestement disproportionné de Mme [G] étant privé d'effet, le jugement qui a autorisé la saisie des rémunérations de l'appelante en vertu de ce cautionnement donné par acte notarié sera infirmé, et le Crédit agricole débouté de sa demande de saisie.

Outre l'infirmation du jugement rendu le 31 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Tours, Mme [G] demande à la cour de condamner le Crédit agricole à lui rembourser toute somme saisie sur ses rémunérations en exécution de ce jugement, ce à quoi s'oppose l'intimé en faisant valoir que l'inopposabilité d'un cautionnement ne peut produire d'effets que pour l'avenir.

Sauf à méconnaître l'effet dévolutif de l'appel, qui remet la chose jugée en question pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, le Crédit agricole ne peut sérieusement soutenir que les sommes saisies sur les rémunérations de Mme [G] en exécution du jugement infirmé n'auraient pas à être restituées.

Cela précisé, le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes saisies en exécution du jugement, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement de l'appelante.

Sur les demandes accessoires

Le Crédit agricole, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, le Crédit agricole sera condamné à régler à Mme [G], à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de procédure 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que la Caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou ne peut se prévaloir du cautionnement donné le 29 juin 2009 par Mme [O] [G] épouse [O],

REJETTE en conséquence la demande de la Caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou tendant à la saisie des rémunérations de Mme [O] [G],

DIT n'y avoir lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes saisies en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,

CONDAMNE la Caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou à payer à Mme [O] [G] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la Caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou formée sur le même fondement,

CONDAMNE la Caisse régionale de crédit agricole de la Touraine et du Poitou aux dépens première instance et d'appel.

DIT n'y avoir lieu d'accorder à Maître Valérie Desplanques le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 20/00193
Date de la décision : 08/07/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-07-08;20.00193 ?
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