COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/04/2021
Me Estelle GARNIER
la SCP STOVEN PINCZON DU SEL
Me François TARDIF
ARRÊT du : 15 AVRIL 2021
No : 93 - 21
No RG 19/01587
No Portalis DBVN-V-B7D-F5UI
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 14 Mars 2019
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: -/-
Monsieur [G] [E] [Q]
né le [Date anniversaire 1] 1956 à LE MOULE (97160)
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat postulant Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Marjorie BESSE, avocat au barreau de l'Essonne,
Madame [K] [W] épouse [Q]
née le [Date anniversaire 2] 1961 à LE MARIN (97290)
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat postulant Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Marjorie BESSE, avocat au barreau de l'Essonne,
D'UNE PART
INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265243664127550
SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS CEGC
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Ayant pour avocat Me Clémence STOVEN-BLANCHE, membre de la SCP STOVEN PINCZON DU SEL, avocat au barreau d'ORLEANS
- Timbre fiscal dématérialisé No: -/-
Société CAISSE D'EPARGNE D'ILE DE FRANCE
[Adresse 5]
[Adresse 6]
Ayant pour avocat postulant François TARDIF, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Henri DE LANGLE, membre de la SELARL HENRI DE LANGLE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 29 Avril 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 Février 2020
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du jeudi 18 FEVRIER 2021, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 15 AVRIL 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 15 janvier 2012, la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France (la Caisse d'épargne) a consenti à M. [G] [Q] et Mme [K] [W], son épouse, un prêt immobilier d'un montant total de 180 000 euros, composé d'un prêt à taux zéro de 16 800 euros, remboursable en 192 mensualités et d'un prêt amortissable de 163 200 euros, remboursable, après un différé de 36 mois, en 240 mensualités de 1 084,99 euros incluant les primes d'assurances et les intérêts au taux conventionnel de 4,12 %.
La société Compagnie européenne de garanties et de caution (CEGC) s'est rendue caution des engagements souscrits par M. et Mme [Q] par acte du 9 décembre 2011.
Des échéances de ces prêts étant restés impayées, la Caisse d'épargne a prononcé la déchéance du terme des prêts le 7 mars 2015, après avoir vainement mis en demeure les emprunteurs de régulariser la situation par un premier courrier recommandé du 11 octobre 2014, réceptionné le 14 octobre suivant par Mme [Q] et présenté à son époux le même jour, puis encore par courriers recommandés du 15 janvier et 11 février 2015.
Selon quittances subrogatives du 1er avril 2015, la caution a réglé à la Caisse d'épargne la somme de 151 544,59 euros au titre du prêt principal, celle 14 026,46 euros au titre du prêt à taux zéro, soit au total la somme de 165 571,05 euros.
Par courrier recommandé du 2 avril 2015, présenté le 3 avril suivant à M. [Q] et réceptionné le 14 avril 2015 par son épouse, la société CEGC a mis en demeure chacun de M. et Mme [Q] de lui régler la somme de 177 178,13 euros.
Par ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Orléans du 24 avril 2015, la société CEGC a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur un immeuble de M. et Mme [Q] pour garantie de la somme de 178 000 euros et par acte du même jour, la société CEGC a fait assigner M. et Mme [Q] devant le tribunal de grande instance d'Orléans en paiement de la somme principale de 177 178,13 euros.
Par acte du 18 mars 2016, joint à l'instance principale, M. et Mme [Q] ont fait appeler en intervention forcée la Caisse d'épargne.
Par jugement du 14 mars 2019, le tribunal a :
-condamné solidairement M. et Mme [Q] à payer à la SA Compagnie européenne de garanties et cautions les sommes suivantes :
$gt;au titre du prêt [Compte bancaire 1] :
-la somme de 151 544,59 euros avec intérêts au taux de 4,12 % à compter du 2 avril 2015,
-la somme de 17,11 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2015,
$gt; au titre du prêt [Compte bancaire 2] : la somme de 14 0216,46 euros avec intérêt au taux légal à compter du 2 avril 2015,
-débouté la SA Compagnie européenne de garanties et cautions de sa demande de capitalisation des intérêts,
-débouté M.et Mme [Q] de l'ensemble de leurs demandes,
-débouté la SA Compagnie européenne de garanties et cautions de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté la Caisse d'épargne de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné in solidum M. et Mme [Q] au paiement des entiers dépens et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Stoven Pinczon du Sel,
-débouté la SA Compagnie européenne de garanties et cautions de sa demande au titre de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996,
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
Pour statuer comme ils l'ont fait, après avoir écarté la demande de M. et Mme [Q] tendant à la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire, les premiers juges ont retenu que la caution justifiait de sa subrogation dans les droits du prêteur, ainsi que du principe et du montant de sa créance en principal, ont ramené à zéro euro, comme étant manifestement excessives, les indemnités réclamées au titre des clauses pénales des deux prêts, puis rejeté la demande de capitalisation des intérêts de la caution en retenant qu'elle se heurtait aux prescriptions de l'ancien article L. 312-33 du code de la consommation devenu l'article L. 313-52 du même code.
Sur les demandes subsidiaires de M. et Mme [Q] en déchéance du droit de la société CEGC et de la Caisse d'épargne aux intérêts, les premiers juges ont retenu que les appelants ne pouvaient exciper d'irrégularités de l'acte authentique du 24 février 2012, auquel ne sont intervenus ni le prêteur, ni la caution, et partant sans lien avec le litige, qu'ils ne démontraient pas que la Caisse d'épargne aurait méconnu les dispositions des articles L. 312-7 et L. 312-10 relatives aux modalités d'envoi et d'acceptation de l'offre, ne pouvaient davantage reprocher à la banque l'absence de formulaire de rétractation sur les contrats en cause, qui ne constituent pas des opérations de démarchage à domicile, et qu'enfin M. et Mme [Q] ne pouvaient pas plus utilement reprocher au prêteur de ne pas avoir inclus dans le calcul du taux effectif global le coût de l'assurance incendie qui n'avait pas conditionné l'octroi du prêt ou encore les frais de l'acte notarié du 24 février 2012 étranger au prêt litigieux.
Les premiers juges ont enfin écarté la demande de dommages et intérêts de M. et Mme [Q] en retenant que ces derniers n'établissaient aucun manquement de la Caisse d'épargne à un devoir de conseil ou de mise en garde, puis rejeté leur demande de délai de paiement, en relevant que celle-ci n'était étayée par aucun justificatif de la situation des intéressés.
M. et Mme [Q] ont relevé appel de cette décision par déclarations du 29 avril et 30 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement leur faisant grief.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 5 juin 2019.
Dans leurs dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens, M. et Mme [Q] demandent à la cour de :
-les déclarer recevables et bien fondés en leurs appel et demandes,
-infirmer le jugement dont appel en ce critiqué par eux,
Statuant à nouveau :
-dire et juger que la créance de la Compagnie européenne de garanties et cautions ne saurait dépasser, en toute hypothèse, la somme de 165 571,05 euros et que l'indemnité conventionnelle de 7% doit être réduite à 0 euro
-prononcer la déchéance du droit de la Caisse d'épargne et/ou la Compagnie européenne de garanties et cautions de percevoir les intérêts conventionnels au taux nominal dépassant le taux de l'intérêt légal pendant toute la durée du prêt en cause
-dire et juger que la Caisse d'épargne a commis une faute de négligence
-En conséquence, condamner la Caisse d'épargne, en toute hypothèse, à leur verser des dommages et intérêts à hauteur du montant des sommes dont ils sont débiteurs, en principal et intérêts, et ordonner compensation à due concurrence entre les créances respectives
-leur accorder un délai pour rembourser le reliquat des prêts consistant en un ré-échelonnement de leur dette en 23 mensualités de 700 euros, le solde à régler au 24e mois
-rejeter toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes, et notamment débouter les parties adverses de tout appel incident
-condamner in solidumla Caisse d'épargne et la Compagnie européenne de garanties et cautions à payer aux concluants la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile concernant la procédure de première instance ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant l'instance d'appel
-condamner in solidumla Caisse d'épargne et la Compagnie européenne de garanties et cautions aux entiers dépens de première instance et d'appel, et accorder à Maître Garnier le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile
Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 octobre 2019, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la société CEGC, qui rappelle qu'elle exerce son recours personnel pour recouvrer les sommes qu'elle a acquittées auprès de la Caisse d'épargne et le cours subrogatoire que lui offre l'article 2306 pour obtenir en sus paiement des intérêts au taux conventionnel et l'indemnité de 7 % stipulée à titre de clause pénale dans chaque prêt, demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu le 14 mars 2019 en ce qu'il a condamné solidairement les époux [Q] au profit de la CEGC au titre des 2 prêts consentis par la Caisse d'épargne, et en ce qu'il a débouté les époux [Q] de l'intégralité de leurs demandes.
Par voie d'appel incident,
-infirmer le jugement sur le quantum des sommes allouées et sur le débouté de sa demande de capitalisation des intérêts,
En conséquence,
-condamner solidairement M. et Mme [Q] à lui payer la somme de 177 178,13 euros outre les intérêts postérieurs au 2 avril 2015, intérêts qui seront capitalisés, et celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-débouter les époux [Q] de l'ensemble de leurs demandes
Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour retiendrait une faute de la Caisse d'épargne, autoriser cette dernière à verser les sommes éventuellement dues aux époux [Q] directement entre les mains de la CEGC, lesquelles s'imputeraient sur le montant de la condamnation mise à la charge des époux [Q] au profit de la CEGC
-condamner solidairement M. et Mme [Q] aux dépens dont distraction au profit de la S.C.P. Stoven-Pinczon du Sel
-dire que dans l'hypothèse où, à défaut, de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier par l'application de l'article R 444-32 du code de commerce, créé par l'arrêté du 26 février 2016, fixant le tarif réglementé des huissiers, devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 février 2020, pour l'affaire être initialement plaidée à l'audience du 2 avril suivant.
Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020, l'audience du 2 avril 2020 n'a pu être tenue et, en l'absence d'accord des appelants pour que la procédure se déroule sans audience, l'examen de l'affaire a été reporté à l'audience du 18 février 2021, et la décision mise en délibéré à ce jour.
La Caisse d'épargne a constitué avocat, mais n'a pas conclu.
A l'audience, la cour a observé que dans ses motifs en page 8 et dans son dispositif en page 11, le tribunal a condamné M. et Mme [Q] à régler à la société CEGC, au titre du prêt no [Compte bancaire 2] (prêt à taux zéro), la somme principale de « 14.0216,56 » euros et a invité les parties à indiquer, au moyen d'une note en délibéré à transmettre contradictoirement sous quinzaine, si le jugement déféré n'était pas affecté d'une erreur purement matérielle en ce sens que la somme en cause ne serait pas celle de « 14.0216,56 » euros, mais celle de « 14 026,56 » euros.
Par des notes transmises contradictoirement par voie électronique le 26 février et le 1er mars 2021, les appelants comme la société CEGC ont indiqué que le jugement entrepris était effectivement entaché d'une erreur matérielle en ce que la somme au paiement de laquelle M. et Mme [Q] ont été condamnés au titre du prêt à taux zéro doit être comprise non pas comme celle de 14.0216,56 euros, mais comme celle de 14 026,56 euros.
SUR CE, LA COUR :
Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas, telle en l'espèce la Caisse d'épargne, est réputée s'approprier les motifs du jugement entrepris.
Sur le recours formé par la caution contre les débiteurs principaux
Les effets du cautionnement entre la caution et le débiteur principal sont régis par les articles 2305 et 2306 du code civil, qui ouvrent à la caution qui a payé le créancier deux recours, l'un personnel, l'autre subrogatoire.
Les articles 2305 et 2306 ouvrent en effet à la caution un choix entre deux sortes de recours. Le premier texte, qui énonce que la caution qui a payé a « son » recours contre le débiteur principal, lui reconnaît une action personnelle, autrement dit un droit propre, découlant de sa qualité de caution. Le second fait application des principes de la subrogation énoncés à l'article 1251 du code civil qui, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, subroge aux droits du créancier celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt de l'acquitter.
Si les conditions en sont réunies, la caution a le libre choix entre les deux recours, que rien, au surplus, ne lui interdit d'exercer simultanément ou successivement.
Il est de jurisprudence établie que la production d'une quittance subrogative à seule fin d'établir la réalité du paiement est sans incidence sur le choix de la caution d'exercer son recours personnel ou subrogatoire (v. par ex. Civ. 1, 29 novembre 2017, no 16-22.820 ; 17 mars 2016, no 15-13.893).
Au cas particulier, la société CEGC a fait le choix d'exercer contre M. et Mme [Q] un recours personnel en ce qui concerne les sommes acquittées par elle auprès de la Caisse d'épargne, et un recours subrogatoire en ce qui concerne l'application du taux d'intérêts contractuel et de l'indemnité de déchéance du terme prévue au contrat de prêt.
Afin d'établir la réalité de son paiement, la société CEGC verse aux débats deux quittances subrogatives établies le 1er avril 2015 par la Caisse d'épargne, qui reconnaît avoir reçu de l'organisme de caution la somme de 151 544,59 euros au titre du prêt amortissable d'un montant de 163 200 euros et celle de 14 026,46 euros au titre du prêt à taux zéro de 16 800 euros.
Dès lors que la société CEGC justifie ainsi, selon quittances subrogatives, avoir réglé le 1er avril 2015 la somme totale de 165 571,05 euros pour le compte de M. et Mme [Q], en exécution de ses engagements de caution, M. et Mme [Q], qui au demeurant ne le contestent pas, ne peuvent qu'être condamnés à rembourser cette somme à la société CEGC.
Subrogée dans les droits de la Caisse d'épargne qu'elle a désintéressée, la société CEGC sollicite, en application de l'article 2306 du code civil, la condamnation de M. et Mme [Q] à lui régler sur la somme qu'elle a remboursée à la Caisse d'épargne au titre du prêt amortissable, les intérêts moratoires de cette somme au taux de 4,12 % l'an prévu au contrat de prêt, outre, pour chacun des prêts le paiement de l'indemnité prévue à l'article 19 du contrat de prêt, qui prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, la Caisse d'épargne peut provoquer la déchéance du terme de son
concours et réclamer le paiement d'une indemnité égale au plus à sept pour cent des sommes dues au titre du capital restant dû, des intérêts échus et non payés et le cas échéant des intérêts de retard.
L'action subrogatoire prévue à l'article 2306, dont le principal avantage est d'offrir à la caution le bénéfice des sûretés du créancier lorsque celui-ci en avait constituées, ne permet un remboursement que dans la mesure des droits du créancier et limité au montant payé par la caution, sans qu'aucun frais ni indemnités ne puissent être ajoutés.
La société CEGC, qui ne peut solliciter sur un fondement subrogatoire davantage que ce qu'elle a payé au créancier, n'est donc pas fondée à réclamer le paiement de l'indemnité de résiliation de 7 % prévue au contrat de prêt conclu entre la Caisse d'épargne et M. et Mme [Q], ni les intérêts au taux contractuel prévu au contrat de prêt amortissable.
Par infirmation du jugement entrepris, M. et Mme [Q] seront donc solidairement condamnés à payer à la société CEGC la somme sus-énoncée de 165 571,05 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2015, date du paiement.
Les intérêts seront capitalisés annuellement selon les modalités de l'article 1154 ancien du code civil à compter du 24 octobre 2017, date de la première demande formée à cet effet.
Sur la demande de déchéance des intérêts
Les appelants sollicitent « la déchéance du droit de la Caisse d'épargne et/ou la société CEGC de percevoir les intérêts conventionnels au taux nominal dépassant le taux de l'intérêt légal pendant toute la durée du prêt au cause ».
Encore que M. et Mme [Q] ne s'expliquent pas, dans le corps de leurs écritures, sur la déchéance du droit de la société CEGC aux intérêts contractuels, la cour observe que cette question de la déchéance est sans objet dès lors que la condamnation prononcée au profit de la caution n'est assortie que des intérêts au taux légal et que, pour le passé, c'est-à-dire pour les intérêts inclus dans les sommes que la société CEGC a réglées à la Caisse d'épargne aux lieu et place de M. et Mme [Q], ces derniers ne peuvent opposer à la caution des exceptions tirées de leurs rapports avec la Caisse d'épargne, tels l'absence de réception de l'offre préalable, l'absence de formule de rétractation sur ladite offre ou le caractère erroné du taux effectif global, alors que l'action en remboursement qu'a exercée au principal la société CEGC en application de l'article 2305 du code civil trouve son fondement, non pas dans le contrat qui liait la Caisse d'épargne à M. et Mme [Q], mais dans le lien de droit qui la lie personnellement aux appelants.
Quant à la déchéance sollicitée à l'égard de la Caisse d'épargne, elle est assurément dénuée d'objet dans la mesure où le prêteur ne sollicite aucun paiement de M. et Mme [Q].
Sur la demande de dommages et intérêts dirigée contre le prêteur
En reprochant à l'établissement bancaire, d'une part une erreur dans le calcul du taux effectif global, d'autre part un manquement à son obligation de conseil et de mise en garde, les appelants recherchent la responsabilité de la Caisse d'épargne sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil, en sollicitent sa condamnation à leur payer « des dommages et intérêts à hauteur des sommes dont ils sont débiteurs en principal et intérêts », puis en demandant à la cour « d'ordonner compensation à due concurrence entre les créances respectives ».
La cour ne peut que constater à titre liminaire que la Caisse d'épargne, qui a été réglée par la société CEGC, ne se prévaut d'aucune créance contre M. et Mme [Q] et que, dans ces circonstances, la demande de compensation des appelants est dépourvue objet.
En admettant pour les besoins du raisonnement que l'erreur dans le calcul du taux effectif global puisse être sanctionnée par l'allocation de dommages et intérêts, les appelants ne peuvent sérieusement reprocher à la Caisse d'épargne de ne pas avoir intégré dans le calcul du taux effectif global « les frais d'actes de prêt et de prises de garantie », sans indiquer devant la cour à quels frais ils font référence, après que le premier juge leur a rappelé à raison que le coût de l'acte notarié d'acquisition de leur maison est étranger au coût du crédit et en omettant que les frais de garantie, qui en l'espèce correspondent au coût du cautionnement donné par la société CEGC, a été intégré dans le calcul du taux effectif global.
En application de l'article 1147 ancien du code civil, le dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde envers l'emprunteur non averti, ou lorsqu'il a sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération financée, des informations que lui-même ignorait.
La responsabilité du prêteur peut donc être engagée pour manquement à ce devoir à raison de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ou du risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt.
L'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur ou sur le risque d'endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l'opération financée, et s'apprécie à la date de l'engagement.
Il s'ensuit que le prêteur n'est tenu d'aucun devoir de mise en garde si la charge de remboursement du prêt n'excède pas les facultés contributives de son client ou si ce dernier est un emprunteur averti.
S'il appartient à l'établissement de crédit, conformément à l'article 1315 ancien, alinéa 2, du code civil, pris sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, de prouver qu'il a rempli son devoir de mise en garde, encore faut-il que l'emprunteur établisse, au préalable, qu'à l'époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l'accomplissement d'un tel devoir (v. par ex. com. 11 avril 2012, no 11-14.507 ; civ. 1, 19 décembre 2013, no 12-20.606).
Au cas particulier, les appelants, qui affirment de manière péremptoire que la Caisse d'épargne aurait failli à ses obligations à leur égard, ne fournissent pas la moindre indication sur leur situation financière à l'époque de la souscription des prêts litigieux et les indications figurant sur la demande de crédit, telles qu'elles ont été rapportées par le premier juge sans être contredites par M. et Mme [Q], ne recèlent aucun risque d'endettement excessif ni aucune inadaptation des prêts litigieux aux capacités financières des appelants.
M. et Mme [Q], qui soutiennent par ailleurs que postérieurement à l'octroi de ces prêts immobiliers, la Caisse d'épargne leur aurait octroyé des crédit personnels excessifs, ne fournissent là encore aucune offre de preuve, et n'expliquent pas comment de tels manquements qui, s'ils avaient été démontrés, n'auraient pu entraîner la condamnation de la banque qu'à les indemniser de la perte de chance de ne pas avoir contracté ces crédits complémentaires, pourrait justifier la condamnation de la Caisse d'épargne à leur payer des dommages et intérêts à hauteur des sommes dont ils sont débiteurs à l'égard de la société CEGC à raison des deux prêts immobiliers souscrits en janvier 2012.
Par confirmation du jugement entrepris, M. et Mme [Q] ne peuvent dès lors qu'être déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de délais de paiement
L'article 1244-1 ancien du code civil, devenu l'article 1343-5 du même code, permet au juge d'accorder au débiteur impécunieux des délais de paiement qui, dans la limite de deux années, empruntent leur mesure aux circonstances.
Les appelants ont déjà bénéficié, de fait, de très larges délais de paiement, et ne sont pas en mesure de s'acquitter de leur dette, dont le montant est particulièrement important, en vingt-quatre mensualités.
Il n'y a pas lieu, dans ces circonstances, de leur accorder des délais qu'ils ne seraient de toute façon pas en mesure de respecter.
Sur les demandes accessoires
M. et Mme [Q], qui succombent au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devront supporter in solidum les dépens de l'instance d'appel et seront déboutés de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Nonobstant la charge des dépens, il n'apparaît pas inéquitable, compte tenu de la situation économique de M. et Mme [Q], de laisser à la société CEGC la charge de ses frais irrépétibles. Ladite société sera en conséquence elle aussi déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'article R. 444-32 du code de commerce auquel la société CEGC fait référence dans le dispositif de ses écritures concerne la redistribution d'aides à l'installation ou au maintien des commissaires de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires dans certaines zones géographiques et n'a donc aucun rapport avec le présent litige. demande formée sur ce ce chef sera dès lors rejetée comme dénuée d'objet.
PAR CES MOTIFS
INFIRME la décision entreprise, en ce qu'elle a condamné solidairement M. et Mme [Q] à payer à la société Compagnie européenne de garanties et cautions la somme totale de 165 778,16 euros avec intérêts au taux de 4,12 % sur la somme de 151 544,59 euros à compter du 2 avril 2015 et au taux légal sur le surplus, puis en ce qu'elle a débouté la société Compagnie européenne de garanties et cautions de sa demande de capitalisation des intérêts,
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés :
CONDAMNE solidairement M. et Mme [Q] à payer à la société Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 165 571,05 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2015, capitalisés annuellement selon les modalités de l'article 1154 ancien du code civil à compter du 24 octobre 2017,
CONFIRME la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Y AJOUTANT,
REJETTE la demande de la société européenne de garanties et cautions formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE la demande de M. et Mme [Q] formée sur le même fondement,
CONDAMNE in solidum M. et Mme [Q] aux dépens,
REJETTE comme étant dénuée d'objet la demande tendant à entendre dire qu'en cas d'exécution forcée, les sommes « retenues par l'huissier par application de l'article R. 444-32 du code de commerce » devront être supportées par M. et Mme [Q],
ACCORDE à la SCP d'avocats Stoven-Pinczon du Sel le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT