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01/04/2021 | FRANCE | N°19/02308

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 01 avril 2021, 19/02308


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/04/2021
la SELARL [O] [I] [Localité 1]
Me Angela VIZINHO-JONEAU
ARRÊT du : 01 AVRIL 2021


No : 88 - 21
No RG 19/02308
No Portalis DBVN-V-B7D-F7FZ


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 18 Avril 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No:1265242712284592


SNC EUROPEAN HOMES PROMOTION 2
Agissant poursuites et diligenc

es de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 2]




Ayant pour avocat postulant Me Jérôme DEBEAUCE, membre...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/04/2021
la SELARL [O] [I] [Localité 1]
Me Angela VIZINHO-JONEAU
ARRÊT du : 01 AVRIL 2021

No : 88 - 21
No RG 19/02308
No Portalis DBVN-V-B7D-F7FZ

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 18 Avril 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No:1265242712284592

SNC EUROPEAN HOMES PROMOTION 2
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 2]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme DEBEAUCE, membre de la SELARL NADAUD DEBEAUCE PARIS, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Maja ROCCO, membre de la SCP MAJA ROCCO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [Compte bancaire 1]

SARL TECHNICS AS
Prise en la personne de son gérant
[Adresse 3]
[Localité 2]

Ayant pour avocat Me Angela VIZINHO-JONEAU, avocat au barreau de BLOIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 27 Juin 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 Mai 2020

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du JEUDI 11 FEVRIER 2021, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 01 AVRIL 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

La SNC European Homes Promotion 2 et la société Eurinter font partie d'un même groupe, dénommé Eupean Homes.

A une date et selon des conditions qui ne sont pas précisées, la société European Homes Promotion 2 a confié à la société Eurinter la réalisation d'un ensemble immobilier à édifier à [Adresse 4].

Le 27 avril 2015, la société Eurinter a sous-traité à la société Technibat le lot fondations, dalles et maçonnerie de quatorze maisons constituant une partie de cet ensemble immobilier.

L'entrepreneur principal n'a pas fourni de caution au sous-traitant, mais lui a délégué le maître de l'ouvrage dans les termes de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975.

Par un second contrat, lui aussi conclu le 27 avril 2015, la société Eurinter a sous-traité à la société Technibat le lot fondations, dalles et maçonnerie de sept autres maisons et de deux locaux poubelles de cet ensemble immobilier.

L'entrepreneur principal n'a pas fourni là non plus de caution au sous-traitant, mais une nouvelle délégation de paiement du maître.

La société Technibat a elle-même sous-traité à la SARL Technics AS, moyennant un prix forfaitaire HT de 328 960 euros, la « fourniture et pose d'agglos, compris éléments béton et pose plancher haut poutrelle hourdis ».

Le 4 juin 2015, le maître de l'ouvrage a accepté ce sous-traitant de second rang et ses conditions de paiement -la garantie de paiement du sous-traitant étant stipulée donnée, non pas au moyen d'un cautionnement, mais d'une délégation là encore.

Courant 2016 et 2017, la société Eurinter a adressé une série de courriers recommandés à son sous-traitant, la société Technibat, pour lui signaler certains désordres et lui demander d'y remédier.

La société Technibat a été placée en redressement judiciaire le 20 décembre 2016 par une décision du tribunal de commerce de Bourges, qui a converti cette procédure en liquidation judiciaire le 14 mars 2017.

Par courrier recommandé du 6 mars 2017, la société Technics AS a mis en demeure le maître de l'ouvrage de lui régler, pour solde du sous-traité, la somme de 67 546,85 euros.

En réponse, la société Technics AS a reçu un courrier daté du 3 avril 2017 n'émanant pas du maître lui-même, la société European Homes Promotion 2, mais de la société Eurinter. Sur papier à entête du groupe European Homes, l'entreprise principale a refusé de procéder au paiement en invitant le sous-traitant de second rang à se rapprocher du sous-traitant de premier rang [placé en liquidation judiciaire].

Le 8 mars 2017, la société Eurinter a déclaré au passif de la procédure collective de la société Technibat une créance de 152 729,65 euros, dont 67 546,85 euros « à titre conservatoire » en exposant que selon la délégation de paiement signée le 4 juin 2015, il aurait été convenu qu'elle [l'entreprise principale] règle directement à la société Technics les montants lui étant dus. Cette créance, contestée par la société Technibat et le mandataire à sa liquidation judiciaire, a été admise, selon les indications de l'appelante, par une ordonnance du juge-commissaire du 22 février 2019.

La société Technics AS a déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de la société Technibat par courrier recommandé du 30 juillet 2017 puis, indiquant à la fois exercer l'action directe prévue à l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 et se prévaloir de la délégation de paiement consentie par le maître en garantie de son paiement, la société Technics AS a fait assigner la société European Homes Promotion 2 en paiement devant le tribunal de commerce d'Orléans par acte du 16 octobre 2017.

Par jugement du 18 avril 2019, le tribunal a :
-condamné la société European Homes Promotion 2 à payer à la société Technics AS la somme de 67 546,85 euros pour solde du marché de travaux, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017
-ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 [ancien] du code civil
-condamné la société European Homes Promotion 2 à payer à la société Technics AS une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
-condamné la société European Homes Promotion 2 aux dépens

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont retenu que la déclaration de créance de la société Technics AS à la liquidation judiciaire de la société Technibat valait mise en demeure de l'entrepreneur principal et en ont déduit que le sous-traitant de second rang était recevable en son action directe en paiement.

Ils ont ensuite considéré que le maître de l'ouvrage délégué, tenu de la garantie de paiement qu'il avait donné en signant le contrat tripartite conclu entre lui-même, la société Technibat et son sous-traitant, la société Technics AS, restait débiteur à l'égard du sous-traitant de second rang du solde du marché de travaux sous-traité.

En retenant enfin que dans son courrier du 3 avril 2017, le maître avait indiqué n'émettre aucune contestation sur la qualité des travaux effectués par la société Technics AS, que les réserves formulées auprès de la société Technibat ne concernaient pas les travaux sous-traités à la société Technics AS et que le délai de libération des retenues de garantie était expiré, le tribunal a condamné la société European Homes Promotion 2 à régler à la société Technics AS la somme de 43 198,96 euros pour solde des travaux, la somme de 12 642,15 euros pour solde de factures intermédiaires restées impayées et celle 11 705,74 euros au titre des retenues de garantie, soit au total la somme principale de 67 546,85 euros.

La société European Homes Promotion 2 a relevé appel de cette décision par déclaration du 27 juin 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 avril 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société European Homes Promotion 2demande à la cour, au visa de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 1336 du code civil, de :

-réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Orléans le 18/04/2019 en ce qu'il a :
$gt;condamné la société European Homes Promotion 2 à payer à la société Technics la somme de 67 546,85 euros au titre du solde du marché de travaux avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017
$gt;ordonné la capitalisation des intérêts
$gt;condamné la société European Homes Promotion 2 au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens
« En conséquence »
-débouter la société Technics de toutes ses demandes
-la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Au soutien de son appel, le maître de l'ouvrage soutient d'abord que la société Technics AS, qui ne justifie pas de l'admission au passif de la procédure collective de la société Technibat de la créance qu'elle a déclarée tardivement, et qui ne lui a pas non plus adressé copie de cette déclaration de créance, est « irrecevable » en son action directe en paiement.

Sur la délégation, qui n'est plus invoquée que subsidiairement par la société Technics en cause d'appel, le maître soutient que l'intimée se prévaut d'un contrat de sous-traitance et d'une délégation de paiement qu'elle ne produit pas, et en déduit que sa demande en paiement formée en vertu de cette délégation qu'il qualifie de « fantôme » ne peut qu'être elle aussi déclarée « irrecevable ».

A titre subsidiaire, sur les sommes qui lui sont réclamées, l'appelante rappelle que dans le cadre de l'action directe, le maître de l'ouvrage peut opposer au sous-traitant la créance qu'il détient contre l'entrepreneur principal, de même que dans le cadre d'une délégation imparfaite, son obligation envers le sous-traitant est limitée aux sommes dues à l'entrepreneur principal au titre du marché conclu avec ce dernier.

Se prévalant des courriers que l'entrepreneur principal a adressés au sous-traitant de premier rang et faisant valoir qu'elle est elle-même créancière de la société Technibat, « comme en témoigne », selon ses termes, l'ordonnance du juge-commissaire ayant selon elle admis sa créance à hauteur de 152 729,65 euros, la société European Homes Promotion 2 en déduit que la société Technics ne peut qu'être déboutée de ses demandes à son encontre.

Elle ajoute que la retenue de garantie de 11 705,74 euros, qui n'était restituable qu'au terme d'une année, n'était pas exigible au 6 mars 2017, que la société Technic AS ne peut lui réclamer un solde de marché de 43 198,96 euros dont elle n'a pas sollicité préalablement paiement auprès de l'entreprise générale qui a pourtant réglé toutes ses factures après validation du sous-traitant de premier rang, et ce alors que toutes ses factures ont été payées au fur et à mesure de l'avancement du chantier et que la facture litigieuse, émise le 6 mars 2017, est inconciliable avec l'attestation de son représentant du 9 mai 2016.

Elle soutient que la société Technics ne peut pas non plus lui réclamer le paiement de factures intermédiaires sans justifier en avoir réclamé le paiement auprès de la société Technibat ou de la société Eurinter, en expliquant que cette situation est « probablement liée au fait que les travaux réalisés n'ont pas toujours donné satisfaction », et en indiquant qu'il résulte de la déclaration de créance de la société Eurinter que celle-ci a dû faire intervenir des entreprises tierces pour palier la carence de la société Technibat, et a déjà supporté à ce titre une dépense de 6 156 euros qui vient en déduction des sommes dues au sous-traitant de premier rang défaillant, et qui est « opposable » à l'intimée, comme le coût des autres travaux de reprise qui n'ont pas pu être réalisés à cause des intempéries, mais qui ont été estimés à 5 260,08 euros selon les devis qu'elle verse aux débats.

La société European Homes Promotion 2 indique enfin pouvoir déduire des sommes qui lui sont réclamées par l'intimée une somme de 54 600 euros au titre des pénalités de retard dues par la société Technibat.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 décembre 2019, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Technics AS demande à la cour, au visa de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975 et des articles 1336 et suivants du code civil, de :
-confirmer le jugement rendu le 18 avril 2019 par le tribunal de commerce d'Orléans dans toutes ses dispositions
Y ajoutant :
-condamner la société European Homes Promotion 2 à lui régler la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive
-condamner la société European Homes Promotion 2 à lui régler une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner la société European Homes Promotion 2 aux dépens d'appel
-débouter la société European Homes Promotion 2 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires

La société Technis AS commence par faire valoir que son action directe en paiement est assurément recevable, en faisant valoir qu'elle a déclaré sa créance au passif de la société Technibat, que le maître de l'ouvrage ne peut lui reprocher de ne pas lui avoir adressé la copie de sa production au passif de l'entreprise principale dès lors que celle-ci a été jointe à l'assignation qui lui a été signifiée le 16 octobre 2017, et qu'il s'est écoulé bien plus d'un mois entre cette communication et le jour où le tribunal de commerce a statué.

En se prévalant notamment de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 [relatif au paiement direct dans les marchés passés par les entreprises publiques], l'intimée assure qu'il importe peu de savoir si sa créance a été admise au passif de la procédure collective de la société Technibat en soutenant tout à la fois qu'en procédant à la déclaration de sa créance, fût-ce hors délai, elle a satisfait aux exigences de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, et que cette production au passif n'est de toute façon pas une condition préalable à l'action directe en paiement du sous-traitant.

Sur le fond, l'intimée assure ensuite, en se prévalant d'une décision rendue le 31 octobre 2013 par la cour d'appel de Bordeaux, que « le maître ne peut minorer les sommes qui lui sont dues en vertu du "paiement direct" au motif de malfaçons qui lui seraient imputables » et que, sauf à confondre l'action directe, qui présente un caractère d'ordre public, et la délégation de paiement, elle n'a aucun autre élément à produire, pour être réglée du solde du marché sous-traité, que le « contrat tripartite de sous-traitance ».

A titre subsidiaire, l'intimée explique que le « contrat tripartite » dont elle se prévaut prévoit, au titre de la garantie de paiement exigée par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1975, non pas un cautionnement, mais une délégation de paiement, qu'au fur et à mesure de l'accomplissement des travaux, elle a toujours été réglée directement par le maître, au moyen de chèques qui lui étaient remis directement sur le chantier, puis, faisant valoir que cette délégation, qu'elle tient pour parfaite en se prévalant des dispositions de l'article 1337 du code civil, a pour effet de créer un lien direct entre le maître et le sous-traitant, la société Technics AS soutient, en se prévalant d'un arrêt de la cour d'appel de [Localité 1] du 16 mai 2002, qu'elle ne peut se voir opposer par le maître délégué aucune des exceptions qu'il aurait pu faire valoir à l'encontre de l'entrepreneur principal.

Elle conclut que, comme dans le cadre de l'action directe, le sort de son action en paiement est « autonome du marché principal ».

Sur le quantum des sommes réclamées, la société Technis AS relève que dans sa correspondance du 3 avril 2017, le maître avait indiqué n'émettre aucune contestation sur la qualité des travaux qu'elle a exécutés, et en déduit que l'appelante, qui ne produit aucun justificatif probant des désordres dont elle excipe presque quatre ans après l'achèvement et la réception des travaux, ne peut s'opposer au paiement de ses factures, dont elle explique le contenu de chacune, comme le sens de l'attestation du 9 mars 2016 qui lui est opposée.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 14 mai 2029, pour l'affaire être initialement plaidée a l'audience du 11 juin suivant.

L'audience du 11 juin 2020 n'a pu être tenue compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020.

L'appelante s'étant opposée à ce que la procédure se déroule sans audience conformément aux prévisions de l'article 8 de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020, l'affaire a été fixée à une nouvelle audience de plaidoiries, le 11 février 2021, et mise en délibéré à ce jour.

A l'audience, la cour a invité les parties, en application de l'article 12 du code de procédure civile, à présenter leurs observations, au moyen d'une note en délibéré à transmettre contradictoirement sous quinzaine, sur l'application à la cause des dispositions de l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975 qui fixent l'assiette de l'action directe.

La cour a par ailleurs rappelé les termes de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, qui prévoit que lorsque le sous-traitant accepté ne bénéficie pas de délégation de paiement, le maître doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni une caution, et invité l'appelante, en application de l'article 8 du code de procédure civile, à préciser, dans le même délai de quinzaine et selon les mêmes modalités, si elle reproche seulement à l'intimée de ne pas produire l'acte de délégation de paiement, ou si elle dénie l'existence de cette délégation.

Par une note transmise contradictoirement par voie électronique le 24 février 2021, la société European Homes Promotion 2 indique, sur l'assiette de l'action directe exercée par la société Technics, que le seul marché détaillé et connu est celui conclu entre la société Technibat [sous-traitant de premier rang] et l'intimée. Elle en déduit que « seules les stipulations de ce marché se trouvent applicables, tout comme "sa" délégation ».

Sur la délégation de paiement, sans répondre expressément à la question de la cour qui était de savoir si elle déniait l'existence d'une délégation de paiement [au profit de la société Technics] ou reprochait seulement à l'intimée de ne pas produire l'acte de délégation, l'appelante explique que le 4 juin 2015, une demande d'agrément du sous-traitant de deuxième rang, la société Technics, lui a été présentée, qu'elle l'a signée mais que cependant « aucun contrat n'a été signé avec la société Technics dans lequel était clairement exprimé le travail qui lui était confié et ses conditions de règlement ».

L'appelante ajoute que la société Technics n'a jamais produit à ce titre ni contrat ni délégation et que « le seul contrat signé en bonne et due forme, accompagné de la délégation telle qu'imposée par la loi, l'a été avec la société Technibat et non avec la société Technics ».

Dans une note pareillement communiquée par voie électronique le 16 février 2021, la société Technis fait valoir que l'assiette de l'action directe du sous-traitant est constituée par la totalité des sommes que le maître de l'ouvrage reste devoir à l'entrepreneur principal à la date de réception de la copie de la mise en demeure adressée à l'entrepreneur principal, et situe cette date, en l'espèce, au 28 juillet 2017, c'est-à-dire à la date du courrier qu'elle a adressé à fin de déclaration de sa créance au passif de la société Technibat. Elle en déduit que le maître ne peut lui opposer des pénalités de retard qui n'étaient pas exigibles au 28 juillet 2017 puis se prévaut de l'ordonnance du juge-commissaire produite par l'appelante en considérant que cette ordonnance aurait admis une créance de la société European Homes Promotion 2 au passif de la société Technibat.

Se prévalant ensuite des termes de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 rappelés par la cour, l'intimée explique que nonobstant les termes du sous-traité qu'elle a a conclu avec la société Technibat, il n'existe en réalité pas de délégation de paiement à son profit, puisque le maître ne produit aucun acte de cette nature et, relevant que la société European Homes Promotion 2 a failli à ses obligations en n'exigeant pas de la société Technibat qu'elle lui fournisse un cautionnement, en déduit que l'appelante engage sa responsabilité à son égard et indique désormais fonder ses demandes tant sur l'article 13 de la loi du 31 décembre 1975 que sur l'article 14-1 de ladite loi.

SUR CE, LA COUR :

L'article 16 du code de procédure civile énonce que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de contradiction, et précise qu'il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens et les explications évoqués par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Au cas particulier, après avoir rappelé les termes de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, d'ordre public, la cour avait demandé à l'appelante maître de l'ouvrage de préciser, au moyen d'une note en délibéré, si elle reprochait seulement à l'intimée de ne pas produire l'acte de délégation de paiement dont elle se prévalait ou si elle déniait l'existence d'une telle délégation.

Dans sa réponse, le maître a admis que la seule délégation donnée «en bonne et due forme », selon ses termes, concernait la société Technibat, sous-traitant de premier rang.

Dès lors que la société Techncis, qui soutenait bénéficier d'une délégation de paiement du maître, indique désormais que cette délégation n'existe pas, et en tire des conséquences sur la responsabilité de l'appelante, par application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la base duquel la cour avait interrogé le maître, sans pour autant solliciter les explications des parties sur les conséquences à tirer le cas échéant de l'absence de délégation, il convient, pour assurer le principe fondamental de contradiction, de rouvrir les débats afin de permettre aux parties de s'expliquer contradictoirement sur la responsabilité du maître tirée de l'application de cet article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975.

La cour observe par ailleurs que l'appelante a omis de communiquer dans son dossier de plaidoirie la pièce 16 correspondant à l'ordonnance du juge-commissaire à la procédure collective de la société Technibat dont elle indique à plusieurs reprises dans ses écritures qu'elle aurait admis la créance que la société Eurinter a déclarée le 8 mars 2017 mais aussi, de manière contradictoire, en page 8, qu'elle aurait admis sa propre créance. La société European Homes Promotion 2 n'évoque aucune déclaration de créance au passif de la société Technibat mais dès lors que, dans sa note en délibéré, l'intimée présente elle aussi cette ordonnance comme ayant admis au passif du sous-traitant de premier rang, non pas la créance de l'entreprise principale, mais une créance du maître de l'ouvrage, il importe que la cour soit en mesure d'examiner cette pièce.

PAR CES MOTIFS

VU l'article 16 du code de procédure civile,

AVANT DIRE DROIT, la cour invite les parties à s'expliquer contradictoirement sur la responsabilité de la société European Homes Promotion 2 recherchée par la société Technics AS sur le fondement de l'article 14-1 de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975 ensuite des explications sollicitées en cours de délibéré sur l'existence d'une délégation de paiement au bénéfice de la société intimée,

ORDONNE la réouverture des débats, à ce seul effet, à l'audience du JEUDI 14 OCTOBRE 2021 à 14 heures,

INVITE en outre la société European Homes Promotion 2 à communiquer à la cour sa pièce 16 qui a été omise de son dossier de plaidoirie,

RESERVE les dépens.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 19/02308
Date de la décision : 01/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-04-01;19.02308 ?
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