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25/03/2021 | FRANCE | N°19/01517

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 25 mars 2021, 19/01517


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/03/2021
Me Antoine BRILLATZ
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
SELARL CM&B "COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET-DRUJONT ET ASSOCIES








ARRÊT du : 25 MARS 2021


No : 75 - 21
No RG 19/01517
No Portalis DBVN-V-B7D-F5QR


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 29 Mars 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 126524354

6451321
SAS TOURS FL
Prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]




Ayant pour avocat Me Antoine BRILLATZ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/03/2021
Me Antoine BRILLATZ
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
SELARL CM&B "COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET-DRUJONT ET ASSOCIES

ARRÊT du : 25 MARS 2021

No : 75 - 21
No RG 19/01517
No Portalis DBVN-V-B7D-F5QR

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 29 Mars 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265243546451321
SAS TOURS FL
Prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]

Ayant pour avocat Me Antoine BRILLATZ, membre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265241003382824
SAS GRENKE LOCATION
Prise en la personne de son représntant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 2]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Valérie FLUCK, membre de la SELAS PwC, avocat au barreau de STRASBOURG

- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265244457503354

S.A.S. ASSYSCOM
[Adresse 3]
[Localité 3]

Ayant pour avocat Me Guillaume BARDON, membre de la SELARL CM&B "COTTEREAU-MEUNIER-BARDON-SONNET-DRUJONT ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 25 Avril 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 Janvier 2020

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 04 FEVRIER 2021, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 25 MARS 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Le 26 mars 2015, la société Blatours, désormais dénommée Tours FL, a conclu avec la société Grenke location (Grenke) un contrat de location financière portant sur une caisse enregistreuse fournie par la société Assyscom.

Exposant avoir pris en location un matériel neuf avec lequel elle a rapidement rencontré des difficultés auxquelles la société Assyscom n'a pas remédié, avoir sollicité l'avis d'un technicien qui a conclu que le bien livré ne correspondait pas au bien commandé et facturé, puis que les stipulations du contrat de location lui confèrent tous les droits et actions dont le bailleur est titulaire contre le fournisseur en qualité de propriétaire du bien fourni, la société Tours FL a fait assigner la société Assyscom et la société Grenke devant le tribunal de commerce de Tours aux fins d'entendre :
-à titre principal, annuler pour dol le contrat de vente conclu entre le société Assyscom et la société Grenke et, par conséquent, le contrat de location financière pour défaut de cause
-subsidiairement, prononcer la résolution du contrat de vente pour défaut de délivrance conforme et ordonner la résolution consécutive du contrat de location financière
-encore plus subsidiairement, ordonner l'organisation d'une expertise judiciaire.

Par jugement du 29 mars 2019, en retenant que la société Tours FL, qui a attesté le 25 mars 2015 avoir réceptionné le matériel commandé, puis accepté le 2 avril suivant le remplacement de ce matériel, ne démontrait ni avoir été victime de dol, ni que le matériel livré n'était pas conforme aux spécifications convenues, que ladite société n'établissait pas non plus de dysfonctionnements suffisamment importants pour justifier la résolution du contrat de vente et que l'organisation d'une expertise lui apparaissait inutile, le tribunal a déclaré la société Tours FL recevable en ses demandes mais l'a déboutée de l'intégralité de ses prétentions et condamnée, outre aux dépens, à payer à chacune des sociétés Assyscom et Grenke une indemnité de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Tours FL a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 25 avril 2019, en critiquant expressément toutes les dispositions du jugement en cause, hormis celles l'ayant déclarée recevable en ses demandes et ayant débouté la société Assyscom de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Tours FL demande à la cour, au visa des articles 42, 143 et 144 du code de procédure civile, 1108, 1131, 1134, 1147 et 1184 et suivants, 1243 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, 1603 et suivants du code civil, 1610, 1614 et 1741, de :

-la dire et juger recevable et bien fondée en son appel partiel à l'encontre du jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal de commerce de Tours
-infirmer le jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal de commerce de Tours qui, à tort :
-l'a déboutée de toutes ses demandes, fins et conclusions
-condamné à payer à la société Assyscom la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné à payer à la société Grenke location la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné aux entiers dépens
-confirmer le jugement rendu le 29 mars 2019 par le tribunal de commerce de Tours pour le surplus et notamment en ce qu'il a :
-déclaré la société Tours FL recevable en son action en nullité du contrat de vente pour dol
-débouté la société Assyscom de sa demande d'indemnité pour procédure abusive
Statuant à nouveau,
I- A titre principal, sur l'anéantissement du contrat de vente :
A) à titre principal sur la nullité du contrat de vente :
-constater l'absence de preuve quant à la réalité du remplacement de la caisse enregistreuse invoquée par la société Assyscom en première instance
-prononcer la nullité du contrat de vente conclu entre la société Assyscom et la société Grenke location et la nullité consécutive contrat de location financière
-condamner la société Assyscom à reprendre à ses frais entre les mains de la société Grenke location, suivant restitution intervenue par la société Tours FL entre les mains de cette dernière, la caisse objet du contrat de vente
-condamner la société Grenke location à restituer l'ensemble des loyers perçus entre les mains de la société Tours FL
-condamner la société Assyscom à payer à la société Tours FL la somme totale de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts
-condamner la société Assyscom à payer la somme de 600 euros TTC au titre des frais d'expertise avancés par la société Tours FL
-débouter les sociétés Assyscom et Grenke location de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
B) à titre subsidiaire sur la résolution du contrat de vente :
-prononcer la résolution du contrat de vente conclu entre la société Assyscom et la société Grenke location et la résolution consécutive du contrat de location financière
-condamner la société Assyscom à reprendre à ses frais entre les mains de la société Grenke location, suivant restitution intervenue par la société Tours FL entre les mains de cette dernière, la caisse objet du contrat de vente
-condamner la société Grenke location à restituer l'ensemble des loyers perçus entre les mains de la société Tours FL
-condamner la société Assyscom à payer à la société Tours FL la somme totale de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts
-condamner la société Assyscom à payer la somme de 600 euros TTC au titre des frais d'expertise avancés par la société Tours FL
-débouter les sociétés Assyscom et Grenke location de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
C) à titre infiniment subsidiaire, sur l'action indemnitaire :
-condamner la société Assyscom au paiement de la somme de 37 324,80 euros TTC à titre de dommages et intérêts à raison des manœuvres fautives commises dans ses rapports avec la société Grenke location.
-débouter les sociétés Assyscom et Grenke location de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

II-A titre subsidiaire : sur l'anéantissement du contrat de location
A) à titre principal, sur l'atteinte à une obligation essentielle du contrat de location
-dire et juger que la clause limitative de responsabilité stipulée à l'article 2 du contrat de location conclu entre la société Grenke location et la société Tours FL est réputée non écrite
-constater que la société Grenke location a manqué à l'obligation de délivrance conforme qui lui incombait
En conséquence :
-prononcer la résolution du contrat de location conclu entre la société Tours FL et la société Grenke location ;
-prendre acte de la restitution intervenue par la société Tours FL de la caisse enregistreuse entre les mains de la société la Grenke location suivant résiliation à titre conservatoire du contrat de location par courrier recommandé en date du 19 décembre 2018
-condamner la société Grenke location à restituer l'ensemble des loyers perçus entre les mains de la société Tours FL
-condamner la société Assyscom à payer la somme de 600 euros TTC au titre des frais d'expertise avancés par la société Tours FL
-débouter les sociétés Assyscom et Grenke location de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
B) à titre subsidiaire, sur l'absence de cause sérieuse
-constater l'absence de cause du contrat de location
en conséquence :
-prononcer la nullité du contrat de location conclu entre la société Tours FL et la société Grenke location
-prendre acte de la restitution intervenue par la société Tours FL de la caisse enregistreuse entre les mains de la société Grenke location suivant résiliation à titre conservatoire du contrat de location par courrier recommandé en date du 19 décembre 2018
-condamner la société Grenke location à restituer l'ensemble des loyers perçus entre les mains de la société Tours FL
-condamner la société Grenke location à payer la somme de 600 euros TTC au titre des frais d'expertise avancés par la société tours fl,
-débouter la société Grenke location de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
III - A titre infiniment subsidiaire et avant dire droit
-ordonner une mesure d'expertise judiciaire et désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission de :
-se rendre dans les locaux de la société Grenke location, à la suite de la restitution de la caisse par la société Tours FL
-se faire communiquer l'ensemble des pièces nécessaires à l'analyse du litige par tout sachant
-constater et décrire les non-conformités, désordres, vices et défauts de toute nature dont se plaint la société Tours FL depuis la prise en possession du (des) bien(s) livré(s) ;
-dire si le(s) matériel(s) livré(s) correspond(ent) à celui qui a été commandé(s)
-dire si le(s) matériel(s) livré(s) correspond(ent) à un bien neuf et dire quelle est sa date de fabrication et en décrire l'état de fonctionnement
-décrire les numéros d'identification et de séries des machines livrées à la société Tours FL et dire si elles correspondent aux documents établis par la société Assyscom au regard des factures, bons de commandes, bons de livraison, bons d'interventions, etc.
-dire s'il y a parmi les défauts constatés sur le(s) matériel(s) livré(s), des défauts cachés non apparents rendant le produit impropre à l'usage auquel la société Tours FL le destine ; dire si lesdits défauts non apparents existaient au moment de l'acquisition
-se prononcer sur les responsabilités encourues
-décrire les remèdes et en chiffrer le coût
-se prononcer sur le préjudice commercial d'exploitation subi par la société Tours FL et sur tout autre préjudice de toute nature lié aux interventions multiples de la société Assyscom et à la gestion du litige, et proposer une évaluation
-débouter les sociétés Assyscom et Grenke location de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
IV - En en tout état de cause,
-condamner la société Grenke location à verser à la société Tours FL la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi
-débouter la société Grenke location et la société Assyscom de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
-condamner solidairement les sociétés Assyscom et Grenke location à la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

La société Tours FL commence par expliquer qu'ensuite d'une cession de titres intervenue le 28 juillet 2015, soit postérieurement à la conclusion du contrat de location, la société Blatours, qui exploitait sous l'enseigne « Le palais » un fonds de commerce de brasserie à Tours (37) n'a pas seulement changé de dénomination sociale, mais aussi de représentants légaux et qu'ensuite du jugement entrepris, qui selon elle a mal interprété les pièces produites aux débats, elle a, dans l'attente de l'arrêt à intervenir, notifié à titre conservatoire à la société Grenke, par courrier recommandé du 19 décembre 2018, sa volonté de résilier le contrat de location, ce dont la société Grenke a pris acte en sollicitant la restitution du matériel.

La société Tours FL expose ensuite avoir fait procéder à une expertise amiable du matériel litigieux, dont il résulte assurément selon elle, par comparaison des numéros de série, que le bien livré ne correspond pas au bien commandé, qu'une étiquette a été ajoutée en lieu et place du numéro de série originel et que l'équipement a été vendu à un prix excessif au regard des prix du marché.

Soulignant que sa qualité à agir en nullité du contrat de vente ne peut être contestée alors que l'article 5 du contrat de location lui a transmis tous les droits et actions dont le bailleur pourrait être titulaire contre le fournisseur en sa qualité de propriétaire du bien fourni, notamment les droits nés de la garantie des vices, sans exclusion des autres actions, la société Tours FL soutient qu'en lui livrant une caisse enregistreuse d'occasion en lui dissimulant cette caractéristique du bien, la société Assyscom s'est rendue coupable de dol à son égard comme à l'endroit de la société Grenke.

En ce sens l'appelante explique qu'aucune mention du contrat ne précise que le bien loué est un matériel d'occasion, que le coût total de la location révèle pourtant que, dans l'esprit des parties et faute d'indication contraire au contrat, le matériel loué ne pouvait qu'être neuf, et relève que la société Assyscom a masqué le numéro de série de l'appareil dans le but de dissimuler avoir livré un bien d'occasion.

L'appelante ajoute que les premiers juges ont considéré à tort qu'elle avait accepté le 2 avril 2015 le remplacement de l'appareil initialement livré, alors que le bon de « livraison-intervention » dont ils ont tiré ces conclusions est une pièce qui présente de telles anomalies qu'il lui apparaît certain qu'elle a été constituée par la société Assyscom pour les seuls besoins de la cause.

Elle en déduit que le contrat de vente devra être annulé, et avec lui le contrat de location financière compte tenu de l'interdépendance de ces deux contrats.

A titre subsidiaire, la société Tours FL soutient que le numéro de série de la caisse enregistreuse n'étant pas celui figurant sur la facture de la société Assyscom, qui ne peut se prévaloir du bon de livraison du 2 avril 2015, dénué de valeur probante puisque établi pour les seuls besoins de la cause, le contrat de vente devra être résolu pour défaut de délivrance conforme ou à raison des graves manquements du fournisseur, qui a livré une caisse enregistreuse qui n'a jamais fonctionné correctement, puis que le contrat de location financière devra être résolu par voie de conséquence en raison de l'interdépendance et de l'indivisibilité existant entre le contrat de fourniture et le contrat de location.

A titre plus subsidiaire encore, la société Tours FL soutient que les manœuvres commises par la société Assyscom et les pannes récurrentes de la caisse enregistreuse lui ont causé un préjudice qui justifie la condamnation du fournisseur, qui engage sa responsabilité délictuelle à son égard, à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 37 324,80 euros correspondant au montant des loyers réglés à la société Grenke.

Dans l'hypothèse où le contrat de vente ne serait pas anéanti, la société Tours FL soutient que le contrat de location devra en toute hypothèse être résolu ou annulé.

En ce sens elle soutient d'abord que la société Grenke, qui ne peut se prévaloir de la clause d'exonération de responsabilité stipulée à l'article 2 du contrat, en ce qu'elle prive de sa substance son obligation essentielle de délivrance et doit en conséquence être réputée non écrite, a gravement failli à cette obligation de délivrance en lui livrant une caisse enregistreuse non conforme aux caractéristiques convenues, ce dont elle déduit que le contrat devra être résolu à ses torts.

L'appelante expose ensuite que son obligation de payer les loyers est dépourvue de cause puisque la caisse enregistreuse qui lui a été livrée n'est ni un produit neuf, ni un produit correspondant à la référence commandée, et qu'elle n'a de surcroît jamais fonctionné, ce dont elle déduit que le contrat devra être annulé.

A titre infiniment subsidiaire enfin, la société Tours FL réitère devant la cour sa demande d'expertise.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Assyscom demande à la cour, au visa des articles 1108, 1109 et 1116 anciens du code civil, 1603, 1243 et 1614 du même code civil et de l'article 122 du code de procédure civile, de :
-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Tours FL recevable en sa demande de nullité du contrat
-subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé mal fondée la société Tours FL en se demande de nullité
-confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Tours FL de l'ensemble de ses demandes
-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
-confirmer le jugement entrepris pour le surplus
Statuant a nouveau,
-déclarer irrecevable l'action en nullité du contrat initiée par la société Tours FL, « en conséquence, la débouter » de toutes ses demandes à ce titre
-subsidiairement, dire et juger mal fondée la société Tours FL en sa demande de nullité du contrat
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Tours FL de l'ensemble de ses demandes, tant au titre de la nullité que de la résolution judiciaire du contrat, que de sa demande indemnitaire, de sa demande afin d'expertise et au titre des frais irrépétibles
-dire et juger recevable et bien fondée la société Assyscom en sa demande de dommages-intérêts
-en conséquence, condamner la société Tours FL à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure manifestement abusive
-confirmer le jugement pour le surplus.
En tout état de cause :
-débouter la société Tours FL et la société Grenke location de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à son encontre
-condamner la société Tours FL à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL CM&B et associes représentée par Maître Guillaume Bardon, avocat aux offres de droit
La société Assyscom commence par rappeler à titre liminaire que contrairement à ce que laisse croire l'appelante, le contrat de location ne portait pas seulement sur une caisse enregistreuse, mais sur un ensemble de matériel à usage de caisse enregistreuse (terminal, clé USB, écran, ordinateur, routeurs, hub switch, télécommandes, batteries, etc.), régulièrement livré pour un montant de 33 900 euros et réceptionné sans réserve le 25 mars 2015 par le représentant de la société Blatours, puis explique que c'est après que les associés de la société Blatours ont cédé leurs titres que la société nouvellement dénommée Tours FL et dirigée par de nouveaux associés, qui n'a jamais souhaité conclure de contrat de maintenance, n'a eu de cesse de la solliciter, pour des dysfonctionnements dont les premiers juges ont justement relevé qu'ils concernaient essentiellement les télécommandes permettant aux serveurs d'enregistrer directement les commandes et procédaient le plus souvent d'une mauvaise utilisation de ces équipements, cassés ou immergés.

La société Assyscom souligne ensuite que contrairement à la présentation qu'en fait la société Tours FL et qui a été retenue par les premiers juges, le contrat de location précise clairement en son article 3 les droits que le bailleur cède au locataire parmi ceux qu'il détient contre le fournisseur, lesquels n'incluent pas l'action en nullité pour vice du consentement, ajoute que l'article 5 dont se prévaut l'appelante n'étend pas le champ des droits cédés, mais précise seulement les obligations qui pèsent sur le locataire en contrepartie des droits qui lui sont cédés. Elle en déduit que la société Tours FL, qui n'est pas partie au contrat de vente conclu entre elle-même et la société Grenke, n'a pas qualité pour agir en nullité de ce contrat, et devra donc être déclarée irrecevable en sa demande de nullité pour dol, qui se heurte à une fin de non-recevoir.

A titre subsidiaire, la société Assyscom relève que la société Tours FL, à qui il reviendrait de démontrer que la société Grenke pour le compte de laquelle elle prétend agir aurait été victime de manœuvres dolosives, échoue à faire cette démonstration puisque la société Grenke indique sans équivoque que le contrat de vente a été valablement conclu, sans que son consentement ait été vicié d'aucune manière.

La société Assyscom ajoute que la société Tours FL ne peut se prévaloir d'une prétendue expertise amiable, alors que le cabinet Texa qu'elle a consulté a procédé à ses opérations de manière non contradictoire, ce qui explique que le technicien qui, dans ces circonstances n'avait pas été informé du remplacement de la caisse enregistreuse, a pu conclure que le matériel examiné ne correspondait pas à celui commandé, puis souligne que l'appelante ne peut pas davantage soutenir pour la première fois en cause d'appel que le bon d'intervention du 2 avril 2015 serait un faux, alors qu'il suffit de comparer la signature apposée au bas de ce bon à celle apposée sur tous les autres bons d'intervention postérieurs à la cession de titres pour constater qu'il s'agit exactement de la même signature.

La société Assycom en déduit que la société Tours FL n'établit aucune manœuvre dolosive, ni aucun manquement de sa part à son obligation de délivrance conforme puisque les différences de numéros de série portant sur un seul des appareils livrés s'expliquent simplement par le remplacement de la caisse auquel elle a procédé pour des besoins de maintenance, et ensuite duquel l'appelante n'a jamais souhaité la remise en place de la caisse d'origine.

Relevant que la société Tours FL ne démontre aucun autre manquement de sa part qui puisse justifier la résolution du contrat de vente ou sa condamnation à dommages et intérêts, la société Assyscom sollicite, par confirmation du jugement entrepris, le rejet de toutes les demandes de l'appelante, y compris de la demande subsidiaire en expertise.

Soulignant enfin qu'il résulte de l'acte de cession de titres reçu par-devant notaire le 28 juillet 2015 que la société Tours FL ne souhaitait pas poursuivre avec elle le contrat qui avait été conclu le 25 mars précédent avec la société Blatours, mais que plutôt que de se rapprocher d'elle pour envisager les conditions d'une succession, la société Tours FL a préféré engager une action judiciaire dénuée de tout fondement, la société Assycom sollicite, par infirmation du jugement déféré, la condamnation de l'appelante à lui régler à titre de dommages et intérêts une indemnité de 10 000 euros pour procédure abusive.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 octobre 2019, auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Grenke demande à la cour, au visa des articles 1728-2o et 1382 anciens du code civil, de :
-dire l'appel mal fondé
-en débouter la société Tours FL ainsi que de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
Sur appel incident :
-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action en nullité de la société Tours FL du contrat de vente pour dol
Statuant à nouveau :
-déclarer irrecevable l'action en nullité de la société Tours FL du contrat de vente pour dol
A titre principal :
-confirmer le jugement entrepris pour le surplus, en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de la société Tours FL et en ce qu'il a condamné la société Tours FL au paiement à la société Grenke location d'une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance
Subsidiairement, en cas d'annulation ou de résolution du contrat de vente et/ou du contrat de location :
-condamner la société Assyscom à rembourser à la société Grenke location la somme de 28 250 euros correspondant au prix du matériel
-condamner la société Tours FL à restituer à la société Assyscom le matériel objet du contrat
-condamner solidairement la société Tours FL et la société Assyscom à verser à la société Grenke location la somme de 2 962 euros correspondant à la différence entre le prix du matériel et le coût total de la location
A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait faire droit à la demande d'expertise de la société Tours FL :
-dire que l'intégralité des frais relatifs à l'expertise seront à la seule charge de la société Tours FL
-constater l'inutilité de la présence de la société Grenke location aux éventuelles opérations d'expertise
-ordonner la mise hors de cause de la société Grenke location dans le cadre des opérations d'expertise
En tout état de cause :
-condamner la société Tours FL aux entiers frais et dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Grenke location une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Grenke commence par souligner qu'elle n'a cédé à sa locataire que ses droits détenus contre le fournisseur au titre des actions susceptibles d'être exercées pour cause de retard dans la livraison, de non-conformité, de défaut ou de vice affectant le matériel, mais nullement le droit d'exercer une action en nullité tirée d'un vice du consentement, souligne que son consentement à la vente litigieuse n'a pas été vicié, ce dont elle déduit que sauf à méconnaître l'adage selon lequel « nul ne peut céder plus de droits qu'il n'en a », la société Tours FL ne peut qu'être déclarée irrecevable en sa demande d'annulation du contrat de vente tirée d'un prétendu dol.

Subsidiairement, la société Grenke souligne que l'expertise privée diligentée par la société Tours FL, qui ne répond pas aux exigences du contradictoire, n'est pas recevable, et que si l'appelante était déclarée recevable en sa demande de nullité, elle ne pourra qu'en être déboutée par confirmation du jugement qui a retenu que les éléments relatés ne démontraient pas que son consentement aurait été vicié lors de la conclusion de la vente.

Sur la demande de résolution, la société Grenke, qui souligne là encore que l'expertise amiable dont se prévaut la société Tours FL, réalisée non contradictoirement deux ans après la date de livraison, est dénuée de toute valeur probante, relève que l'appelante ne démontre pas que les matériels qui lui ont été livrés seraient des biens d'occasion et fait valoir que l'intéressée ne peut sérieusement soutenir, plus de deux ans après avoir réceptionné les biens, certifié qu'ils étaient en parfait état de fonctionnement et correspondaient aux descriptions figurant au contrat de location, et alors même que les loyers ont toujours été réglés sans réserve, que le matériel ne serait finalement pas conforme.

La société Grenke s'oppose pareillement aux demandes subsidiaires de l'appelante concernant l'anéantissement du seul contrat de location. L'intimée commence par indiquer qu'aucune stipulation du contrat ne l'exonère de son obligation essentielle de délivrance, puisque l'article 2 critiqué doit être lu avec l'article 5 du contrat qui permet au locataire d'exercer personnellement contre le fournisseur les actions qu'il a transmises. Elle en déduit qu'aucun manquement à son obligation de délivrance ne peut lui être reproché, rappelant là encore que la société Tours FL a en toute hypothèse certifié avoir réceptionné un matériel conforme aux spécifications du contrat et en parfait état de fonctionnement.

L'intimée ajoute que le contrat de location ne peut pas davantage être annulé pour défaut de cause, en rappelant que la cause s'apprécie au jour de la conclusion du contrat, que le matériel a été choisi par la locataire, que cette dernière a attesté que le matériel avait été livré et qu'il était conforme à la commande, en sorte que son obligation de payer les loyers, qui trouve sa cause dans la mise à disposition du matériel commandé, n'est pas sérieusement discutable.

La société Grenke s'oppose enfin à l'organisation d'une expertise, en rappelant que les mesures d'instruction ne peuvent être ordonnées pour pallier la carence de l'appelante dans l'administration de la preuve qui lui incombe.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2020, pour l'affaire être initialement plaidée à l'audience du 23 février 2020 à laquelle, à la demande des conseils respectifs des parties, elle a été renvoyée, pour être finalement plaidée le 4 février 2021 et mise en délibéré à ce jour.

SUR CE, LA COUR :

Sur la demande de nullité du contrat de vente

L'action en nullité du contrat de vente n'est pas introduite par l'acheteur du matériel (la société Grenke), qui assure avoir pleinement consenti à la conclusion du contrat litigieux, mais par sa locataire (la société Tours FL), à laquelle il dénie, comme le fournisseur (la société Assyscom), le droit d'agir en nullité d'un contrat auquel elle n'est pas partie.

L'article 3 du contrat de location conclu le 26 mars 2015 entre la société Grenke et la société Blatours devenue Tours FL, intitulé « livraison et transfert des droits du bailleur au locataire et résolution du contrat » prévoit en son paragraphe 2 que « le bailleur cède au locataire les droits et actions qu'il détiendrait contre le fournisseur à raison d'un retard, d'une non-conformité, d'un défaut ou d'un vice affectant les produits, à l'exception de son droit au remboursement du prix d'achat des produits qu'il aurait payés ».

L'alinéa 2 du paraphe 1 de l'article 5 dont se prévaut l'appelante, qui énonce que « le locataire exerce tous les recours utiles contre le fournisseur et renonce à toute action contre le bailleur » est inséré dans un article intitulé « garantie des vices et autres actions du locataire contre le fournisseur ».

La société Tours FL ne peut soutenir, en faisant abstraction de l'article 3 qui détermine les droits que lui a transféré le bailleur et de l'intitulé de l'article 5 dont il résulte sans équivoque que les dispositions dont elle se prévaut ne valent que pour la garantie des vices et les autres actions qui lui ont été transférées par le bailleur en application de l'article 3, qu'elle disposerait de tous les droits et actions du bailleur.

Le bailleur ne lui a transféré que ses droits et actions dérivant d'une mauvaise exécution des obligations du fournisseur,pas ceux qui résulteraient d'un défaut dans la formation du contrat, notamment d'un vice du consentement tel le dol.
Par infirmation du jugement entrepris, la société Tours FL doit donc être déclarée irrecevable en son action en nullité du contrat de vente.

Sur la demande de résolution du contrat de vente
En application de l'article 1603 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, seule applicable à la cause, le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
L'obligation de délivrance consiste notamment pour le vendeur à délivrer à l'acheteur une chose conforme aux spécifications convenues. Cette conformité s'apprécie à l'instant même de la délivrance, par rapport à la chose promise et ses caractéristiques annoncées.

En l'espèce, la société Tours FL a réceptionné le matériel le 25 mars 2015, en attestant avoir vérifié que les produits loués lui avaient été livrés intégralement, qu'ils correspondaient aux descriptions figurant au contrat de location ainsi qu'aux caractéristiques décrites par le fournisseur.
Pour soutenir néanmoins que le vendeur n'aurait pas rempli son obligation de délivrance, l'appelante produit en pièce 4 un document intitulé « rapport d'expertise », qui constitue le compte rendu d'un examen sommaire et non contradictoire du terminal, réalisé en mars 2017 par une société dénommée Texa « expert en solutions ».

La société Grenke, qui soutient dans le corps de ses écritures que cette pièce serait « irrecevable » en ce que l'examen n'a pas été réalisé contradictoirement, ne demande pas à la cour, dans le dispositif de ses conclusions, d'écarter des débats la pièce dont s'agit. Dans ces circonstances, il y a eu de considérer que seule la valeur probante de cette pièce est contestée, et ce par les deux intimées.

Pour indiquer que le terminal qu'il a examiné ne correspond pas à celui qui a été vendu par la société Assyscom, le technicien s'est simplement référé aux spécifications de l'appareil figurant sur la facture émise par le fournisseur, et a constaté que l'appareil en place était un terminal Sharp de type RZ-X650, alors que l'appareil facturé est un terminal de la même marque, mais de type RZ-X655.

La société Assycom verse aux débats, en pièce 1, un bon d'intervention duquel il résulte que le 2 avril 2015, le terminal Sharp RZ X 655 a été remplacé par un appareil Sharp de type RZX650, c'est-à-dire par un appareil du type de celui qui a été examiné en mars 2017 par le technicien de la société Texa.

La société Tours FL soutient pour la première fois en cause d'appel que ce bon d'intervention aurait été constitué par la société Assyscom « pour les besoins de la cause ». A l'appui de cette affirmation, l'appelante fait valoir que ce remplacement n'a jamais été évoqué avec elle avant l'introduction de l'instance, que le bon d'intervention a été produit pour la première fois à l'occasion de l'action qu'elle a initiée devant le tribunal de commerce, puis que la signature qui figure sur ce bon ne correspond pas à celle des représentants légaux de la société Blatours en fonction avant la cession intervenue en juillet 2015.

Rien n'obligeait la société Assyscom à communiquer cette pièce à la société Tours FL avant l'introduction de l'instance, et cette dernière affirme de manière inexacte que le fournisseur n'aurait jamais évoqué avec elle le remplacement de l'appareil.

En réponse à la mise en demeure qu'elle lui a a adressée en avril 2017 en effet, la société Assyscom a regretté, par un courrier de son conseil du 5 mai 2017, que la société Tours FL n'ait pas cru utile de solliciter l'avis d'un technicien de manière contradictoire, en indiquant précisément que la contradiction aurait permis au technicien sollicité de « constater au travers des fiches d'intervention qu'à l'occasion d'une des interventions effectuées sur site, un matériel de prêt avait été mis en place ».

La seule constatation de ce que la signature qui figure sur le bon d'intervention en cause soit distincte de celle des représentants légaux de la société Blatours, telle qu'elle figure à l'acte de cession notarié du 28 juillet 2015, ne peut autoriser la société Tours FL à en déduire que cette pièce aurait été constituée pour les besoins de la cause, en laissant ainsi suspecter de manière particulièrement déloyale des faits gravissimes.

La signature d'un bon d'intervention sur la caisse enregistreuse d'un commerce ne relève pas du seul pouvoir des représentants légaux du propriétaire de ce commerce et en l'espèce, il suffit d'examiner les nombreux bons d'intervention produits aux débats pour constater que plusieurs d'entre eux, signés après la cession, autrement dit après le changement des représentants légaux de la société Blatours devenue Tours FL, comportent une signature identique à celle qui figure sur le bon du 2 avril 2015, qui n'a jamais été attribuée par la société Alysscom aux représentants légaux de la société Blatours, et que sur les bons du 19 décembre 2016 et du 16 janvier 2017 par exemple, cette signature est accompagnée du cachet de la société Tours FL.

Toujours pour apporter la preuve d'un défaut de délivrance, la société Tours FL soutient par ailleurs que le nombre des interventions réalisées par la société Assyscom attesterait en lui-même d'une défaillance de la caisse, et démontrerait que la caisse ne lui a pas été livrée neuve.

Dès lors que les interventions dont se prévaut la société Tours FL sont toutes postérieures au 2 avril 2015, date à laquelle l'appareil initialement livré a été remplacé pour les besoins de son dépannage, l'appelante ne peut déduire de ces interventions sur l'appareil de remplacement que l'appareil qui avait été initialement livré n'était pas conforme aux caractéristiques convenues en ce qu'il n'était pas neuf.

Dès lors que la conformité, on l'a dit, s'apprécie au jour de la délivrance, il est établi par l'acte de réception signé le 25 mars 2015, non contesté par l'appelante, que la société Assyscom a satisfait à son obligation en livrant à la société Blatours devenue Tours FL un terminal dont elle a assuré, lors de sa prise de possession, qu'il était en tous points conforme aux caractéristiques convenues.

La société Tours FL ne peut en conséquence qu'être déboutée de sa demande de résolution du contrat de vente fondée sur un manquement du fournisseur à son obligation de délivrance.

En page 19 d'un paragraphe B qu'elle a pourtant intitulé en page 16 de ses dernières écritures « sur la résolution du contrat "pour défaut de délivrance" », l'appelante indique que « compte tenu de la gravité des faits », la résolution judiciaire du contrat s'impose encore à raison de l'existence des nombreux dysfonctionnements du matériel.

En ce sens, la société Tours FL relève qu'entre le 7 juillet 2015 et le 1er février 2017, la société Assyscom est intervenue neuf fois, et soutient que la récurrences des interventions, à l'occasion desquelles il lui a été facturé la somme totale de 2 404 euros, démontre que la caisse n'est pas en bon état d'usage.

Les pièces produites montrent que les prestations qui ont été facturées l'ont été sur la base de devis acceptés par la société Tours FL, et la nature des commandes passées par cette dernière (encre pour imprimante, programmation des cartes et des menus modifiés) ne révèle aucun dysfonctionnement du terminal.

Quant aux neuf interventions relevées par l'appelante, elles ont toujours concerné, sur la période d'un peu plus de dix-huit mois à laquelle il est fait référence, non pas un dysfonctionnement du terminal de la caisse enregistreuse, mais le remplacement de batteries, ou encore la réparation d'accessoires (télécommandes et tablettes tactiles) qui, comme l'ont souligné à raison les premiers juges, avaient été endommagés à raison de manipulations imprudentes (casse, immersion dans l'eau).

L'appelante ne conteste pas ne s'être jamais plaint de ce que le terminal d'origine n'ait pas été remis en place après l'intervention du 2 avril 2015.

Dès lors, rien, dans ce que relève la société Tours FL, ne traduit un manquement de la société Assyscom à ses obligations.

Par confirmation du jugement entrepris, la demande de résolution du contrat de vente sera donc rejetée.

Sur la demande subsidiaire en dommages et intérêts formée contre le fournisseur

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts formée à hauteur de la somme de 37 324,80 euros correspondant au montant des loyers échus et à échoir, la société Tours FL fait valoir que la société Assyscom engage sa responsabilité délictuelle à son égard à raison des manœuvres frauduleuses commises envers la société Grenke et « du prix manifestement excessif au regard du prix du marché ».

Dès lors que les prétendues manœuvres consisteraient à avoir livré un appareil différent de ce qui avait été convenu, ce qui, on l'a dit, est inexact, qu'elle n'offre pas la moindre offre de preuve du caractère excessif du prix, et n'explique au demeurant pas à quel titre le prix de vente accepté et payé par la société Grenke l'autoriserait à rechercher la responsabilité du vendeur, la société Tours FL ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, infondée.

Sur la demande de résolution du contrat de location
L'appelante soutient que la société Grenke a gravement failli à son obligation de délivrance en lui livrant une caisse enregistreuse non conforme aux caractéristiques convenues, que la bailleresse ne peut se prévaloir de la clause d'exonération de responsabilité stipulée à l'article 2 du contrat, qui doit être réputée non écrite en ce qu'elle prive de sa substance son obligation essentielle de délivrance, et en déduit que le contrat doit être résolu aux torts de la société Grenke.

Dès lors qu'il vient d'être jugé que la société Tours FL n'établissait nullement que les matériels livrés n'étaient pas conformes aux spécifications du contrat, qu'elle a réceptionné le matériel sans réserve en assurant qu'il était conforme aux caractéristiques convenues, la société Tours FL, qui a réglé les loyers pendant deux ans sans aucune réserve, y compris après le changement de ses dirigeants, ne peut qu'être déboutée de sa demande de résolution du contrat de location, et ce sans même qu'il y ait lieu d'examiner les effets de la clause exonératoire de responsabilité incluse à ce contrat.

Sur la demande subsidiaire de nullité du contrat de location
Au soutien de sa demande subsidiaire tendant à l'annulation du contrat de location, l'appelante soutient que son obligation de payer les loyers serait dépourvue de cause en ce que la caisse enregistreuse qui lui a été livrée n'est ni un produit neuf, ni un produit correspondant à la référence commandée. Elle ajoute que la bailleresse n'a que « partiellement délivré » la chose louée puisque celle-ci dysfonctionne. Elle en déduit « qu'en raison du caractère partiel, sinon dérisoire, de l'obligation de délivrance, la cause de son obligation n'est pas sérieuse, ce qui équivaut à un défaut de cause ».

L'appelante ne démontre pas, on l'a dit, que le matériel qui lui a été livré n'était pas un produit neuf ou qu'il n'était pas conforme aux caractéristiques de l'équipement commandé.

La cause de l'obligation de payer les loyers, au sens de l'article 1131 ancien du code civil dont se prévaut la société Tours FL, s'apprécie à la date de conclusion du contrat, et réside en l'espèce dans la mise à disposition du matériel qu'elle avait choisi et commandé.

Sauf à confondre les règles relatives à la formation du contrat avec celles régissant son exécution, les dysfonctionnements de l'appareil, dont la réalité, et en tous cas l'importance, on l'a dit, ne sont pas démontrées, ne sauraient en toute hypothèse affecter la validité du contrat, et justifier une demande de nullité.

L'appelante sera en conséquence déboutée de sa demande subsidiaire de nullité du contrat de location.

Sur la demande d'expertise formulée à titre infiniment subsidiaire

Selon l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en cours de procès en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

Dès lors que les allégations de la société Tours FL, qui a délibérément choisi d'introduire son action sur la base de constatations non contradictoires, ne reposent sur aucun élément qui permette de lui faire crédit, il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise.

Sur la demande de dommages et intérêts formée contre la bailleresse « en tout état de cause »

L'appelante sollicite la condamnation de la société Grenke à lui régler une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, en expliquant que par application de l'article 1147 ancien du code civil, la bailleresse, qui a failli à son obligation de délivrance, engage sa responsabilité à son égard, puis en indiquant que les manquements de la société Grenke ont désorganisé son entreprise en troublant l'encaissement des clients, et l'ont contrainte à exposer des frais à fin de se procurer une caisse enregistreuse auprès d'un autre fournisseur.

La société Tours FL n'offre pas la moindre preuve des préjudices qu'elle allègue, et le manquement de la société Grenke à son obligation de délivrance n'est nullement établi, on l'a dit.

L'appelante sera dès lors déboutée de cette demande de dommages et intérêts.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts du fournisseur

L'exercice d'une action en justice constitue un droit mais dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière.

Au cas particulier, en soutenant sans preuve que la société Assyscom aurait failli à ses obligations, puis en mettant en cause la probité de cette société, à fin de se défaire sans contrepartie financière d'un contrat qui avait été conclu par ses anciens dirigeants et qui ne l'agrée plus, la société Tours FL a commis une faute et causé un préjudice à la société Assyscom, qui a dû se défendre contre des allégations non pas seulement inexactes mais déloyales, qui étaient de nature à porter atteinte à sa réputation.

En réparation de ce préjudice, la société Tours FL sera condamnée à payer à la société Assyscom une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires
La société Tours FL, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur ce dernier fondement, la société TOURS FL sera en revanche condamnée à régler à chacune des sociétés Assyscom et Grenk, à qui il serait particulièrement inéquitable de laisser la charge de la totalité de leurs frais irrépétibles, une indemnité de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise, mais seulement en ce qu'elle a déclaré la société Tours FL recevable en sa demande en nullité du contrat de vente et débouté la société Assyscom de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés :

DECLARE la société Tours FL irrecevable en sa demande de nullité du contrat de vente conclu entre les sociétés Assyscom et Grenke location,

CONDAMNE la société Tours FL à payer à la société Assyscom la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONFIRME la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société Tours FL à payer à la société Assyscom la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Tours FL à payer à la société Grenke location la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la société Tours FL formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Tours FL aux dépens,

ACCORDE à la SELARL CMB et associés, représentée par Maître Guillaume Bardon, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 19/01517
Date de la décision : 25/03/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-03-25;19.01517 ?
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