COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 16/03/2021
Me Estelle GARNIER
Me Aurélie VERGNE
la SCP MADRID CABEZO MADRID FOUSSEREAU MADRID
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
ARRÊT du : 16 MARS 2021
No : 51/21 - No RG 19/01575 - No Portalis DBVN-V-B7D-F5TK
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 03 Avril 2019
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265241135042767
La SCI CHANROUSSE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
ayant pour avocat postulant Me Estelle GARNIER du barreau d'ORLEANS
ayant pour avocat plaidant Me BERNABEU du barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265242549233412
La S.A. AVIVA ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Aurélie VERGNE, avocat au barreau d'ORLEANS substitué par Me Laure MASSIERA, avocat au barreau d'ORLEANS
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265251646805115
La SARL CHT INGENIERIE, venant aux droits de la SARL [Adresse 3] Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 5]
ayant pour avocat la SCP MADRID CABEZO MADRID FOUSSEREAU MADRID du barreau d'ORLEANS
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265245089612875
La SARL ASSAINISSEMENTS TERRASSEMENTS VOIRIES DU LOIRET (A TVL) Prise en la personne de son gérant, Monsieur [Z] [L]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Eric GRASSIN de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
•DÉCLARATION D'APPEL en date du :26 Avril 2019
•ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 Octobre 2020.
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Madame Laurence FAIVRE, Président de chambre,
Monsieur Laurent SOUSA, conseiller,
Madame Laure-Aimée GRUA, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en vertu de l'ordonnance No 92/2020
Greffier :
•Madame Marie-Lyne EL BOUDALI, greffier lors des débats et de Marie-Claude DONNAT, lors du prononcé.
•DÉBATS :
A l'audience publique du 09 NOVEMBRE 2020, à laquelle ont été entendus Madame Laure-Aimée GRUA, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en vertu de l'ordonnance No 92/2020, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 16 MARS 2021, délibéré initialement prévu le 09/03/2021 et prorogé au 16/03/2021 à la demande de la présidente, par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat du 26 août 2005, la SCI Chanrousse a confié à la SARL [Adresse 3] (actuellement CHT ingénierie) la maîtrise d'œuvre des travaux de construction d'un bâtiment à usage d'atelier [Établissement 1] Cyr en Val (45590). Un marché à forfait a été signé le 10 octobre 2005 avec la SARL assainissements terrassements voiries du Loiret, ATVL, pour le lot terrassement et voirie.
La réception des travaux est intervenue le 1er janvier 2006.
Au mois de février 2008, une fuite d'eau, apparue entre le compteur de la Lyonnaise des eaux et le bâtiment, a mis en évidence un problème de montage et de raccord entre la canalisation et le manchon. Responsable du dommage, la société ATVL a effectué les travaux de réparation.
L'importance de la facture d'eau reçue au mois de février 2011 faisant suspecter une fuite d'eau, sans réponse de la société ATVL, la société Chanrousse a fait intervenir en urgence la société IST 45, laquelle a constaté le 23 février 2011 une fuite dans le regard du compteur d'eau, située "sur le raccord SR de diamètre 40 après compteur, dû à un mauvais emboîtement", et a effectué les travaux de réparation pour un montant de 215,28 euros.
La Lyonnaise des eaux lui ayant refusé tout dégrèvement, la société Chanrousse a mis la société ATVL en demeure, le 20 juillet 2011, de lui régler le surcoût généré par la fuite et les frais de réparation.
Par acte d'huissier de justice délivré le 23 septembre 2011, la société Chanrousse a assigné la société ATVL en paiement de dommages-intérêts de 19 821,39 euros, outre intérêts et dépens.
Par jugement rendu le 2 juillet 2013, le tribunal de grande instance d'Orléans a commis l'expert M.[Q]. Par ordonnance rendue le 20 juin 2014, le juge des référés a étendu les opérations d'expertise à la société [Adresse 3], maître d'œuvre, et la SA Aviva, assureur de celle-ci.
Dans son rapport déposé le 30 octobre 2014, l'expert a retenu que la fuite d'eau litigieuse était située en aval du compteur. Il a constaté que le raccordement à l'aval du compteur n'était prévu ni dans le marché et la facture de la société ATVL ni dans le marché et la facture du plombier, la société JPO, ni dans le marché et la facture de la Lyonnaise des eaux et il a considéré qu'il s'agissait d'une erreur du maître d'œuvre qui aurait dû le demander explicitement à l'un de ces trois intervenants. Il en a conclu qu'il ne lui était pas permis d'attribuer la fuite à l'un d'eux et d'en trouver l'origine.
La société Chanrousse a appelé en la cause, dans la procédure au fond, la société [Adresse 3] et la société Aviva par actes d'huissier des 16 et 18 décembre 2014. La première a appelé en garantie M. [E] [U], plombier, et la société Suez environnement – Lyonnaise des eaux.
La société Chanrousse faisait plaider la responsabilité de la société [Adresse 3] dans l'exécution de ses obligations contractuelles et sa condamnation ou celle de la SA Aviva à la réparation de son préjudice.
Par jugement rendu le 3 avril 2019, le tribunal de grande instance d'Orléans a débouté la société Chanrousse de ses demandes, débouté la société [Adresse 3] de ses appels en garantie, prononcé la mise hors de cause des sociétés ATVL et [Adresse 3], de la société Aviva, de M. [U] et de la société Suez environnement – Lyonnaise des eaux, condamné la société Chanrousse à payer aux sociétés ATVL, [Adresse 3] et Aviva une indemnité de procédure de 2 000 euros, condamné la société [Adresse 3] à payer à M. [U] une indemnité de procédure de 2 000 euros et condamné la société Chanrousse aux dépens parmi lesquels les frais d'expertise et fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL Avocat Loire Conseil.
Il retenait que l'expert avait relevé que : - la fuite est survenue 5 ans après la mise en service de la canalisation, - si la société IST 45 a indiqué dans sa facture du 7 mars 2011 "réparation de fuites dans un compteur d'eau à cause d'un mauvais serrage du raccord SR de diamètre 42, elle a écrit dans son attestation de la même date "la fuite se situait sur le raccord SR de diamètre 40 après compteur due à un mauvais emboîtement et il a indiqué en page 10, "à notre avis, elle peut être due à des employés de la SCI Chanrousse lors d'une manipulation sur le citerneau ou à des employés de la société Lyonnaise des eaux lors d'un relevé de compteur, alors que l'hypothèse d'un éventuel défaut d'installation par une entreprise nécessite d'expliquer pourquoi la fuite ne s'est révélée que cinq ans après les travaux : il faut qu'il y ait alors un facteur déclenchant."
Il ajoutait que si la société [Adresse 3] n'a pas pu fournir les documents permettant l'identification de la société ayant réalisé les travaux, quand bien même elle serait identifiée, en l'absence de constat contradictoire des causes de la fuite permettant d'en déterminer l'origine, aucun élément du dossier ne permettrait de retenir sa responsabilité.
Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 26 avril 2019, la société Chanrousse a relevé appel de cette décision, en tous chefs du dispositif lui faisant grief.
Les parties ont conclu, à l'exception de la CHT ingénierie, qui a constitué avocat. L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2020.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Les dernières conclusions, remises les 30 octobre 2019 par l'appelante, 04 novembre 2019 par la société Aviva, 04 novembre 2019 par la société ATVL, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
La société Chanrousse demande d'infirmer le jugement, condamner la société CHT ingénierie et la société Aviva à lui payer des dommages-intérêts de 19 821,39 euros et une indemnité de procédure de 3 500 euros, outre les dépens de première instance, parmi lesquels le coût des mises en cause et les frais d'expertise, et les dépens d'appel, subsidiairement, condamner les mêmes à réparer sa perte de chance par le paiement de ces sommes.
La société Aviva demande de confirmer la décision en ce qu'elle prononce la mise hors de cause de la société [Adresse 3] et donc de son assureur et condamner tous succombants au paiement d'une indemnité de procédure de 5 000 euros.
La société ATVL demande de confirmer le jugement et condamner l'appelante au paiement d'une indemnité de procédure de 2 500 euros.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société Chanrousse fait plaider que par la faute du maître d'œuvre, qui ne lui a pas remis le dossier des ouvrages exécutés, il a manqué ainsi à ses obligations contractuelles, en ne permettant de savoir précisément quelle entreprise est responsable du branchement, à tout le moins, elle lui a fait perdre une chance de savoir qui l'a réalisé et par là même qui a pu être à l'origine de son dommage.
A l'énoncé de l'article 1147 ancien du code civil, devenu article 1231-1 depuis l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il appartient donc à la société Chanrousse de prouver que la faute du maître d'œuvre, la société CHT ingénierie, est à l'origine de son dommage.
Il est certain que la société CHT ingénierie a manqué à ses obligations contractuelles en ne remettant pas au maître de l'ouvrage le dossier des ouvrages exécutés lui permettant d'identifier l'auteur du branchement litigieux.
Cependant, ce manquement n'est pas à l'origine du dommage dont elle se plaint puisque, faute de constat contradictoire des causes de la fuite, l'expert, qui n'a pas exclu une dégradation due à ses employés lors d'une manipulation sur le citerneau ou à des employés de la société Lyonnaise des eaux lors d'un relevé de compteur, n'a pu en déterminer l'origine, précisant expressément que l'hypothèse d'un éventuel défaut d'installation par une entreprise nécessite d'expliquer pourquoi la fuite ne s'est révélée que cinq ans après les travaux, ce qui ne pouvait se produire sans un facteur déclenchant.
La société Chanrousse n'a pas, non plus, du fait du manquement du maître d'œuvre, perdu une chance d'identifier l'auteur du branchement puisque cette identification n'aurait pas davantage permis son indemnisation, eu égard à l'analyse ci-dessus.
En conséquence, il convient de confirmer la décision qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Elle sera condamnée au paiement des entiers dépens d'appel, distraits au titre de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de la SELARL Avocat Loire conseil, et à verser des indemnités de procédure de 2 000 euros à la société Aviva et à la société ATVL.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement , en dernier ressort;
CONFIRME le jugement, en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
CONDAMNE la société Chanrousse au paiement des entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SELARL Avocat Loire conseil, et d'indemnités de procédure de 2 000 euros tant à la société Aviva qu'à la société assainissements terrassements voiries du Loiret.
Arrêt signé par Madame Laurence FAIVRE, Président de Chambre et Madame Marie-Claude DONNAT greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT