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26/11/2020 | FRANCE | N°19/031341

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 26 novembre 2020, 19/031341


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 26/11/2020
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
ARRÊT du : 26 NOVEMBRE 2020

No : 240 - 20
No RG 19/03134
No Portalis DBVN-V-B7D-GA3E

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 24 Avril 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265239376096274
Madame H... X... épouse T...
née le [...] à LILLE (59000)
[...]
[...]

Ayant pour avocat pos

tulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Jean-luc TI...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 26/11/2020
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
ARRÊT du : 26 NOVEMBRE 2020

No : 240 - 20
No RG 19/03134
No Portalis DBVN-V-B7D-GA3E

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 24 Avril 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265239376096274
Madame H... X... épouse T...
née le [...] à LILLE (59000)
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Jean-luc TISSOT, avocat au barreau de VERSAILLES

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265246127889914
La SA AVIVA ASSURANCES
Prise en la personne de son Président de son Conseil d'Administration, de son Directeur Général et de ses administrateurs, en exercice, et de tous ses représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège [...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Ludovic GAYRAL de l'AARPI VATIER, avocat au barreau de PARIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 25 Septembre 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 03 Septembre 2020

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 15 OCTOBRE 2020, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en son rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 26 NOVEMBRE 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Mme X... épouse T... a été agent général d'Aviva Assurances et Aviva Vie entre 1975 et 1998 à Etampes (91).

Par jugement du 19 octobre 2004 signifié le 30 décembre suivant, le tribunal de grande instance de Paris a débouté Mme T... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés Aviva Assurances et Aviva Vie et l'a condamnée à verser à la société Aviva Assurances, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, une somme de 127.457,50 € en remboursement d'un déficit de caisse arrêté au 15 septembre 1998, et aux sociétés Aviva Assurances et Aviva Vie une somme globale de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 17 janvier 2008, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du 19 octobre 2004, a considéré que Mme T... n'était pas déchue de son droit à indemnité compensatrice, a condamné Aviva Assurances à lui verser une provision de 22.550 euros et Aviva Vie à lui verser une provision de 3.900 euros, et désigné un expert avec mission de faire les comptes.

Par arrêt du 8 octobre 2009, la cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 17 janvier 2008 et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Se prévalant de l'absence d'exécution par Mme T... du jugement du 19 octobre 2004, la société Aviva a saisi le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris qui, par ordonnance du 16 décembre 2010 a radié l'affaire.

Elle a fait déposer le 19 février 2018 par l'intermédiaire d'un huissier de justice une requête aux fins de saisie des rémunérations du 16 février 2018 afin de recouvrer la somme totale de 244.332,15 €.

Par jugement du 24 avril 2019, le tribunal d'instance d'Orléans a:
- rejeté la contestation de Mme B... X... épouse T... en retenant que la SA Aviva justifierait d'un titre exécutoire permettant de fonder la saisie des rémunérations et en fixant à 239.449,27 € la créance d'Aviva à l'égard de Mme T...
- constaté l'absence de conciliation des parties
- ordonné la saisie rémunération de Mme X... épouse T... au bénéfice de la SA Aviva Assurances pour la somme de 239 449,27 €
- constaté que Mme H... X... épouse T... dispose de rémunérations saisissables
versées par la Cavamac et par la Carsat centre Val de Loire,
- condamné Mme H... X... épouse T... à payer à la SA Aviva Assurances la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
- débouté Mme H... X... épouse T... de sa demande sur le même fondement,
- condamné Mme H... X... épouse T... aux entiers dépens
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Mme T... a formé appel de la décision par déclaration du 25 septembre 2019 en intimant la société Aviva Assurance, et en critiquant tous les chefs du jugement. Dans ses dernières conclusions du 23 décembre 2019, elle demande à la cour de :
Recevoir H... X... épouse T... en son appel ; l'y dire bien fondée.
Réformer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
Annuler le commandement de payer délivré le 25 septembre 2017 comme non fondé sur un titre exécutoire.
Déclarer irrecevable l'action engagée par la compagnie Aviva Assurance devant le Tribunal d'Instance en saisie des rémunérations de H... X... épouse T...,
- à défaut de commandement valable
- à défaut de titre exécutoire fondant les poursuites visées dans le commandement ou dans la saisine du Tribunal d'instance,
A titre subsidiaire, faire application des règles de la prescription quinquennale sur le calcul des intérêts produits par la créance,
Réduire à la somme de 8822,04 € les inté rêts susceptibles d'être réclamés par la compagnie Aviva Assurance à H... X... épouse T... compte tenu de la prescription quinquennale.
Réduire les dépens aux seules sommes exposées pour la signification de l'ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat et du commandement délivré le 25 septembre 2017.
Condamner la compagnie Aviva Assurance d'avoir à payer à H... X... épouse T... la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la compagnie Aviva Assurance en tous les dépens.

Elle conteste l'existence d'un titre exécutoire en indiquant :
- que la requête en saisie des rémunérations vise uniquement l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 décembre 2010 qui, ainsi que l'a justement retenu le premier juge ne peut constituer un titre exécutoire puisqu'elle ne contient aucune condamnation pécuniaire au profit de la SA Aviva Assurance,
- que c'est à tort que le juge a retenu que l'absence de visa du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 19 octobre 2004 procédait d'une erreur matérielle pouvant être réparée alors qu'il s'agissait d'une erreur substantielle qu'il ne lui appartenait pas de réparer en remplaçant le titre exécutoire visé par un autre,
- que le commandement de payer délivré le 25 septembre 2017 est nul car il vise uniquement l'ordonnance du 16 décembre 2010, ce qui rend la procédure poursuivie devant le Tribunal d'instance irrecevable à défaut de commandement de payer valable,
- qu'à supposer que l'on considère ce commandement valable, il reste que la saisie a été engagée sur le fondement d'une décision de justice ne pouvant constituer un titre exécutoire ce qui entraîne l'irrecevabilité des poursuites, sans que la preuve d'un grief soit nécessaire.

Subsidiairement, elle prétend que la créance est en partie prescrite en application de l'article 2224 du Code civil, la société Aviva ne pouvant réclamer les intérêts échus qu'à partir du 16 février 2013, en remontant cinq ans en arrière de la saisine du tribunal, soit une somme non prescrite de 8822,04 € à la date du jugement, le 24 avril 2019.

Sur les dépens, elle soutient que c'est à tort que le Tribunal a retenu dans les dépens des sommes exposées en 2004, 2008 ou 2010, alors qu'elles sont atteintes par la prescription quinquennale et que seules pourraient être retenues les sommes de 80,10 € et de 54,98 €, exposées en 2017.

La société Aviva Assurance demande à la cour, par dernières conclusions du 23 mars 2020 de :
Vu les articles L3252-1 et suivants et R3252-1 et suivants du code du travail, les articles 1343-1 et 2240 du code civil, l'article L313-3 du code monétaire et financier, les article 74, 75, 386, 390, 501, 526 et 564 du code de procédure civile, les article L111-3 et L111-4 du code des procédures civiles d'exécution, les articles L213-6 et L221-8 du code de l'organisation judiciaire, il est demandé à la cour céans de :
- déclarer Mme T... mal fondée en son appel ;
- se déclarer incompétente pour statuer sur la demande principale de Mme T... tendant à voir annuler le commandement aux fins de saisie vente du 25 septembre 2017;
- déclarer irrecevable la demande principale de Mme T... tendant à voir annuler le commandement aux fins de saisie vente du 25 septembre 2017 formulée pour la première fois en cause d'appel ;
- débouter Mme T... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement du tribunal d'instance d'Orléans du 24 avril 2019 en toutes ses dispositions ;
- condamner Mme T... à verser à Aviva Assurances la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme T... aux entiers dépens.

Elle fait principalement valoir :
- que la cour d'appel de céans, second degré de juridiction du juge d'instance ayant ordonné la saisie des rémunérations, est incompétente pour annuler le commandement aux fins de saisie vente du 25 septembre 2017 ; qu'il s'agit en outre d'une demande nouvelle en appel et irrecevable, et que Mme T... tente de semer la confusion dans l'esprit de la cour car l'article R3252-1 du Code du travail n'exige pas, pour faire procéder à une saisie rémunération, que le créancier ait au préalable fait signifier un commandement aux fins de saisie-vente,
- la saisie des rémunérations est valable car le jugement du 19 octobre 2004, régulièrement signifié et définitif, constitue un titre exécutoire au sens de l'article L111-3 du Code des procédures civiles d'exécution, qui était joint à la requête conformément à l'article R3252-13 du Code du travail,
- que la jurisprudence invoquée par l'appelante concerne les créances à termes périodiques tels les loyers ou les indemnités d'occupation mensuelles et n'est pas transposable aux intérêts,
- que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 19 octobre 2004 étant revêtu de l'exécution provisoire, le taux d'intérêt a été majoré, deux mois après sa signification à Mme T..., le 1er mars 2005,
- que Mme T... a expressément reconnu devoir la somme de 127.457,50 € à Aviva Assurances au titre de son déficit de caisse au 15 septembre 1998 (page 4 du jugement du 19 octobre 2004) et en vertu de l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription, de sorte qu'aucune prescription n'est acquise.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 3 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le commandement aux fins de saisie-vente et la recevabilité de l'action en saisie des rémunérations

Au terme de l'article R. 3252-1 du Code du travail dans sa rédaction en vigueur lors du dépôt de la requête en saisie des rémunérations, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur.

En application de l'article L221-8 du Code de l'organisation judiciaire et de l'article R3252-11 du Code du travail dans leur rédaction applicable à la cause, le juge d'instance connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et exerce alors les pouvoirs du juge de l'exécution.

Mme T... sollicite l'annulation du commandement aux fins de saisie-vente délivré à son encontre le 25 septembre 2017 par la société Aviva.

L'intimée soulève l'incompétence du juge de l'exécution pour en connaître ainsi que l'irrecevabilité de cette demande, formée pour la première fois en appel.

Dès lors que le juge d'instance exerce les pouvoirs du juge de l'exécution, qui est lui-même compétent pour statuer sur la validité d'un commandement aux fins de saisie-vente, le juge d'instance ne peut être déclaré incompétent. En revanche, il ne saurait annuler, dans le cadre de la présente procédure, un commandement aux fins de saisie-vente qui n'a fait l'objet d'aucune contestation devant le juge de l'exécution dans les délais légaux.

Il est constant que la demande de nullité du commandement du 25 septembre 2017 n'était pas formée devant le premier juge et encourt l'irrecevabilité en application de l'article 564 du code de procédure civile. Mme T... ne forme aucune observation sur ce point. La cour observe au surplus que la demande de nullité de cet acte ne se rattache pas de manière suffisante aux demandes formées en première instance au sens des articles 566 et 567 du code de procédure civile, car ainsi que le soutient à bon droit l'intimée, la délivrance préalable d'un commandement aux fins de saisie-vente n'est pas une condition de validité de la saisie rémunération engagée postérieurement, et l'éventuelle annulation de cet acte ne rendrait pas irrécevable cette procédure.

La demande d'annulation du commandement aux fins de saisie-vente est donc irrecevable et l'action engagée par la Compagnie Aviva ne peut être déclarée irrecevable faute de commandement valable.

S'agissant du second motif d'irrecevabilité de l'action exercée par l'intimée, tenant à l'absence de titre exécutoire fondant les poursuites visée dans la saisine du tribunal d'instance, il est exact que la requête aux fins de saisie rémunération déposée le 19 février 2018, vise uniquement l'ordonnance sur incident rendu par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris le 16 décembre 2010 qui, ainsi que l'a relevé à bon droit le premier juge, ne constitue pas un titre exécutoire faute de contenir une condamnation à payer des sommes.

L'article R3252-1 du Code du travail dispose que le créancier doit être "muni d'un titre exécutoire" et l'article R3252-13 du code du travail dispose :
« La demande est formée par requête remise ou adressée au greffe par le créancier.
Outre les mentions prescrites par l'article 57 du code de procédure civile, la requête contient, à peine de nullité :
1o Les nom et adresse de l'employeur du débiteur ;
2o Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ;
3o Les indications relatives aux modalités de versement des sommes saisies.
Une copie du titre exécutoire est jointe à la requête. »

Ces dispositions n'imposent pas que la requête vise expressément le titre exécutoire mais ce dernier doit être joint en copie à la requête et le débiteur doit pouvoir comprendre sur quel fondement la procédure de saisie des rémunérations est engagée.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a retenu que le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 19 octobre 2004 ainsi que son acte de signification en date du 30 décembre 2004 étaient joints à la requête, que les sommes en principal et intérêts contenues dans le décompte de la créance joint à la requête se rapportaient expressément aux termes de ce jugement et que l'ordonnance du 16 décembre 2010 rendue par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris et visée dans la requête renvoyait aussi à l'exécution de cette décision, motif de la radiation prononcée.

Ainsi, sans même qu'il soit nécessaire de rectifier une erreur matérielle affectant la requête, la cour constate que celle-ci contenait les mentions et était accompagnée des pièces exigées par l'article R3252-13 du Code du travail et que Mme T... ne pouvait ignorer que la saisie des rémunérations était sollicitée en exécution du jugement du 19 octobre 2004 rendu par le tribunal de grande instance de Paris et joint à la requête.

Ce jugement du 19 octobre 2004 a condamné, avec exécution provisoire, Mme T... à verser à Aviva Assurances une somme de 127.457,50 € et une somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens. Il a été régulièrement signifié par procès verbal de signification et commandement aux fins de saisie-vente délivré par acte du 30 décembre 2004 délivré à domicile, également joint à la requête.

Ainsi que la rappelé à bon droit le premier juge, un arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 janvier 2008 a infirmé ce jugement mais a été cassé par arrêt de la Cour de cassation du 8 octobre 2009, signifié valablement à Mme T... et replaçant les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient après le jugement du 19 octobre 2004. Ce jugement pouvait donc être exécuté à nouveau et la compagnie Aviva est donc munie d'un titre exécutoire permettant de fonder la saisie des rémunérations de Mme T... conformément à l'article L111-3 du Code des procédures civiles d'exécution.

Sur le montant des sommes dues

- Sur les intérêts

Mme T... soulève la prescription partielle de la créance s'agissant des intérêts.

En application des articles 2225, 2227 (dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008) et L111-4 du Code des procédures civiles d'exécution, il convient de retenir, contrairement à ce que soutient l'intimée, d'une part que si le créancier pouvait, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, poursuivre pendant trente ans l'exécution d'un jugement, il ne pouvait, en vertu de l'article 2277 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des intérêts échus postérieurement à ce jugement plus de cinq ans avant la date de sa demande et, d'autre part, que si, depuis l'entrée en vigueur de cette même loi, le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution du jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il ne peut, en vertu de l'article 2224 du code civil, applicable en raison de la nature de la créance, obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande et non encore exigibles à la date à laquelle le jugement avait été obtenu (cf pour exemple C. Cass 2ème civ 26 janvier 2017, pourvoi no 15-28173).

Par suite, le créancier ne peut obtenir les arriérés échus plus de cinq ans avant la date de la mesure d'exécution, soit le 16 février 2013, la requête étant du 16 février 2018, sauf cause d'interruption de la prescription des intérêts.

La société Aviva Assurances souligne que Mme T... a reconnu devoir la somme de 127.457,50€ et se réfère au jugement du 19 octobre 2004 (page 4). S'il est exact qu'en vertu de l'article 2240 du Code civil la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription, cette reconnaissance constatée dans le titre exécutoire ne modifie pas la solution quant à la prescription des intérêts avant le 16 février 2013, en l'absence de tout acte interruptif de prescription invoqué et justifié dans les cinq ans avant cette date.

Par ailleurs, en application de l'article L313-3 du Code monétaire et financier, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux d'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.

Ce texte est de portée générale et concerne toute condamnation pécuniaire par décision de justice. En l'espèce, Mme T... ne conteste pas dans son principe l'application du taux légal majoré et l'applique même dans son décompte d'intérêts qu'elle verse aux débats mais seulement à partir du 27 septembre 2018. Or, le jugement du 19 octobre 2004 a été signifié le 30 décembre 2004 et était donc exécutoire dès le 1er mars 2005.

Les sommes de 127.457,50€ et 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile doivent donc produire intérêts au taux légal majoré entre le 16 février 2013 et le 16 février 2018.

Au vu du décompte détaillé des intérêts fournis par la société Aviva pour la période du 19 octobre 2004 au 16 février 2018, il convient de ne pas prendre en compte le total d'intérêts réclamé les intérêts sur la période du 19 octobre 2004 au 1er janvier 2013, de ramener le montant des intérêts calculés pour les deux sommes susvisées, sur la période du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2015 (respectivement 12.847,71€ et 151,20€ sur 730 jours) aux sommes de 12.038,13€ et 141,67€ dus sur une période de 684 jours du 16 février 2013 au 1er janvier 2015, et d'ajouter les intérêts postérieurs arrêtés au 16 février 2018.

Le décompte des sommes dues hors dépens et frais de procédure arrêté au 16 février 2018 s'établit donc à la somme de 165.087,50€ se décomposant ainsi :
- principal : 127.457,50€
- intérêts du 16 février 2013 au 16 février 2018 : 35.709,78€
- principal : 1500€
- intérêts du 16 février 2013 au 16 février 2018 : 420,22€

- sur les dépens

Contrairement à ce que sollicite l'appelante, il n'y a pas lieu de déduire les dépens exposés en 2004, 2008 ou 2010 au motif que ces sommes seraient prescrites. En effet, elles ne constituent pas des créances périodiques, et seul le délai de prescription du jugement du 19 octobre 2004 s'applique.

L'intimée ne conteste pas le jugement déféré en ce qu'il a décompté certains frais et retenu les dépens pour une somme totale de 589,08€ et elle ne produit non plus aucun autre justificatif que ceux produits devant le premier juge.

La cour adopte donc les motifs pertinents du premier juge sur ce point et sur le coût retenu pour les actes postérieurs qu'il retient à hauteur de 130,38€ pour le procès verbal de saisie attribution du 1er août 2017, 76,37€ pour le commandement aux fins de saisie-vente du 25 septembre 2017, 76,37€ pour le procès verbal de saisie vente du 8 novembre 2017, et 72,07€ au titre de la requête aux fins de saisie rémunération, soit des frais de procédure à hauteur de 355,19€ et un total de outre les dépens à hauteur de 589,08€.

La saisie doit donc être autorisée pour un montant de 166.031,77€ par infirmation du jugement quant au quantum retenu.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

L'appelante qui succombe en partie son appel doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel. L'équité ne commande pas de faire application devant la cour des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Déclare irrecevable la demande de nullité du commandement aux fins de saisie-vente du 25 septembre 2017 formée par Mme H... X... épouse T... ;
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la saisie rémunération de Mme H... X... épouse T... au bénéfice de la SA Aviva Assurances pour la somme de 239 449,27 € ;

Statuant à nouveau sur ce seul chef ;

Autorise la saisie rémunération de Mme H... X... épouse T... au bénéfice de la SA Aviva Assurances pour la somme de 166.031,77€ ;

- Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Mme H... X... épouse T... aux dépens exposés devant la cour.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 19/031341
Date de la décision : 26/11/2020
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2020-11-26;19.031341 ?
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