La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/11/2020 | FRANCE | N°19/02838

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 05 novembre 2020, 19/02838


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/11/2020
la SCP GUILLAUMA PESME
la SELARL PIASTRA MOLLET PREVERT
la SELARL CELCE-VILAIN,
ARRÊT du : 05 NOVEMBRE 2020


No : 206 - 20
No RG 19/02838
No Portalis DBVN-V-B7D-GAIK


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de MONTARGIS en date du 17 Mai 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265241058375519
SARL TUCO ENERGY
Prise en la personne de son

représentant légal y domicilié en cette qualité [...]
[...]




Ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME, membre de la SCP GUILLAUMA-PESME...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/11/2020
la SCP GUILLAUMA PESME
la SELARL PIASTRA MOLLET PREVERT
la SELARL CELCE-VILAIN,
ARRÊT du : 05 NOVEMBRE 2020

No : 206 - 20
No RG 19/02838
No Portalis DBVN-V-B7D-GAIK

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de MONTARGIS en date du 17 Mai 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265241058375519
SARL TUCO ENERGY
Prise en la personne de son représentant légal y domicilié en cette qualité [...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME, membre de la SCP GUILLAUMA-PESME, avocat au barreau D'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Emmanuel MOUCHTOURIS, membre de la SELARL SOCIETE d'AVOCATS SAINT CYR AVOCATS, avocat au barreau de LYON

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No:1265250056739987
Monsieur E... J...
né le [...] à SURESNES
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Claudine MOLLET, membre de la SELARL PIASTRA-MOLLET-PREVERT, avocat au barreau de MONTARGIS et pour avocat plaidant Me Laura PREVERT, membre de la SELARL PIASTRA-MOLLET-PREVERT, avocat au barreau de MONTARGIS

- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265251623677114

La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Agissant poursuites et diligences de son repésentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Pascal VILAIN, membre de la SELARL CELCE-VILAIN, avocat au barreau d'ORLEANS

PARTIE(S) INTERVENANTE (S) :
D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 Août 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 Juin 2020

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 17 SEPTEMBRE 2020, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en son rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 05 NOVEMBRE 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant bon de commande du 16 décembre 2013, M. E... J... a commandé auprès de la société Tuco Energy la fourniture et l'installation d'un kit phtovoltaïque et d'un chauffe-eau thermodynamique au prix de 25.000€ TTC. Il a accepté le même jour une offre de prêt du même montant émise par la société Sygma Banque, affecté" au financement de la commande susvisée, et remboursable en 192 mensualités dont 180 de 257,26€ chacune assurance comprise, et incluant les intérêts au taux nominal annuel de 5,76%.

Après mise en demeure adressée le 26 octobre 2015, la société Sygma banque l'a fait assigner en paiement du solde du prêt devant le Tribunal d'instance de Montargis.

Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal d'instance de Montargis, estimant non acquise la clause de déchéance du terme, a condamné M. J... à payer à la société BNP Paribas personal finance venant aux droits de la société Sygma Banque, uniquement la somme de 2928,06 € au titre des échéances mensuelles impayées dues au 24 octobre 2015.

Après une nouvelle mise en demeure adressée à l'emprunteur le 17 mars 2017 lui enjoignant de régler sous 10 jours les mensualités impayées du prêt faute de quoi la déchéance du terme serait prononcée, la société BNP Paribas personal finance l'a fait assigner par acte d'huissier du 3 avril 2017 devant le tribunal d'instance de Montargis afin de constater ou prononcer la résiliation du contrat de crédit et de le condamner à lui payer la somme de 30.739,83€ outre les intérêts au taux contractuel.

Faisant valoir que l'installation des panneaux photovoltaïques a été mal réalisée, M. J... a appelé en intervention forcée la société Tuco Energie par acte du 28 mars 2018 aux fins d'obtenir la résiliation du contrat de vente de panneaux photovoltaïques et celle du contrat de crédit affecté, outre une demande subsidiaire de délais de paiement.

Par jugement du 17 mai 2019, le tribunal d'instance de Montargis a
Constaté que le jugement du 12 mai 2016 RG 11.16.000056 est non avenu,
Prononcé la résolution de la vente intervenue le 16 décembre 2013 entre M. E... J... et la société Tuco Energy.
Prononcé la résolution du crédit souscrit le 16 décembre 2013 entre M. E... J... et la société BNP Paribas personal finance
Ordonné à M. E... J... de restituer le matériel photovoltaïque et le ballon thermdynamique, ce aux frais de la SARL Tuco Energy,
Condamné M. E... J... à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 24.742,51 euros en restitution du capital prêté,
Condamné la Société Tuco Energy à garantir M. J... du paiement de la somme de 24.742,51€,
Condamné la société Tuco Energy à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts
Débouté M. E... J... de sa demande de dommages et intérêts,
Débouté les parties de toutes autres demandes,
Condamné la société Tuco Energy à verser à la société BNP Paribas personal finance et à M. J... la somme de 800 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejeté la demande d'indemité formée par la société Tuco Energy sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Tuco Energy aux dépens,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Tuco Energie a formé appel de la décision par déclaration du 6 août 2019 en intimant M. J... et la société BNP Paribas personal finance, et en critiquant le jugement en ce qu'il a :
Prononcé la résolution de la vente intervenue le 16 décembre 2013 entre M. E... J... et la société Tuco Energy.
Prononcé la résolution du crédit souscrit le 16 décembre 2013 entre M. E... J... et la société BNP Paribas personal finance
Ordonné à M. E... J... de restituer le matériel photovoltaïque et le ballon thermodynamique, ce aux frais de la SARL Tuco Energy,
Condamné M. E... J... à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 24.742,51 euros en restitution du capital prêté,
Condamné la Société Tuco Energy à garantir M. J... du paiement de la somme de 24.742,51 euros
Condamné la société Tuco Energy à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts
Débouté les parties de toutes autres demandes,
Condamné la société Tuco Enery à verser à la société BNP Paribas personal finance et à M. J... la somme de 800 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejeté la demande d'indemité formée par la société Tuco Energy sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société Tuco Energy aux dépens.

Dans ses dernières conclusions du 11 décembre 2019, la société Tuco Energy demande à la cour, au visa des pièces de la cause et des articles L 217-4 du Code de la Consommation et 1338 ancien du Code Civil, de :
Infirmer le jugement du 17 mai 2019 en ce qu'il a :
- prononcé la résolution de la vente intervenue le 16 décembre 2013 entre M. E... J... et la société Tuco Energy.
- prononcé la résolution du crédit souscrit le 16 décembre 2013 entre M. E... J... et la société BNP Paribas personal finance
- ordonné à M. E... J... de restituer le matériel photovoltaïque et le ballon thermdynamique, ce aux frais de la SARL Tuco Energy,
- condamné M. E... J... à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 24.742,51 euros en restitution du capital prêté,
- condamné la Société Tuco Energy à garantir M. J... du paiement de la somme de 24.742,51 euros
- condamné la société Tuco Energy à payer à la société BNP Paribas personal finance la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts
- débouté les parties de toutes autres demandes,
- condamné la société Tuco Energy à verser à la société BNP Paribas personal finance et à M. J... la somme de 800 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Tuco Energy aux dépens.
Y revenant :
Débouter M. J... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Tuco Energy ;
Statuer ce que de droit sur les autres demandes relatives à la prétendue nullité du contrat de financement ;
Condamner M. J... à verser à la société Tuco Energy la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'appelante reproche au premier juge d'avoir prononcé la résolution du contrat, sans provoquer de débat sur ce point alors qu'il était saisi d'une demande de résiliation.

Après avoir rappelé les termes de l'article 1184 ancien du Code civil, elle indique :
- que le manquement retenu n'était pas d'une gravité suffisante pour prononcer la résolution du contrat, le constat d'huissier du 22 novembre 2018 ne mentionnant aucune fuite ni trace de dégradation constatée par l'huissier et n'établissant pas clairement d'absence d'étanchéité,
- qu'en se fondant sur l'absence de kit d'intégration, les premiers juges ont statué ultra petita,
- que le tribunal ne pouvait retenir une non conformité alors qu'il relevait l'attestation de conformité délivrée par le consuel,
- que si la cour retient un motif de nullité, elle devra retenir que l'exécution du contrat s'analyse en un acte de confirmation tacite en application de l'article 1338 du Code civil et qu'en l'espèce, l'installation a été mise en service effectif le 4 décembre 2014, M. J... n'a jamais formé de réclamation auprès de la société Tuco Energy avant d'être assigné en paiement par la banque et tire profit de son installation depuis décembre 2014 en revendant l'électricité produite à ERDF.

M. J... demande à la cour, par dernières conclusions du 11 février 2020 de :
Vu les pièces versées au débat,
Vu le jugement en date du 17 mai 2019,
Confirmer le jugement en ce qu'il a :
- constaté que le jugement rendu le 12 mai 2016 est non avenu,
- prononcé la résolution de la vente intervenue le 16 décembre 2013 entre M. E... J... et la société Tuco Energy,
- prononcé la résolution du crédit souscrit le 16 décembre 2013 entre M. E... J... et la BNP Paribas Personal Finance,
- ordonné à M. J... de restituer à la société Tuco Energy le matériel photovoltaïque et le ballon thermodynamique, et ce aux frais de la société Tuco Energy,
- condamné M. J... à payer à la BNP la somme de 24 742,51 € en restitution du capital prêté,
- condamné la société Tuco Energy à garantir M. J... du paiement de la somme de 24.742,51 €,
- rejeté la demande d'indemnité formulée par la société Tuco Energy au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'infirmer en ce qu'il a débouté M. J... de sa demande de dommages et intérêts.
En conséquence,
Condamner solidairement la société Tuco Energy et la SA BNP à lui verser la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts,
Condamner solidairement la société Tuco Energy et la SA BNP à lui verser chacune la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner solidairement la société Tuco Energy et la SA BNP aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction est requise au profit de la SELARL Piastra Mollet, en vertu des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
A titre subsidiaire :
Accorder à M. J... les plus larges délais de paiement pour s'acquitter de sa dette.

Il fait valoir :
- que les travaux ont été réalisés par un sous traitant de la société Tuco Energy, de manière non conforme puisque deux mètres carrés de la toiture ont glissé ce qui a causé un trou dans celle-ci et par temps de pluie une infiltration sur le plancher ; qu'il a dû fournir lui-même le raccordement de sortie du toit de la ventilation que les ouvriers n'avaient pas prévu ; que le diamètre du tuyau souple ne correspond pas à l'aération en terre cuite et que l'installation électrique est faite près d'un point d'eau,
- qu'il paie des factures d'électricité malgré l'installation des panneaux, de sorte que la société Tuco Energy a manqué à son obligation de délivrance, ainsi qu'à son devoir de conseil, l'étude de rendement établie lors de la souscription du contrat ayant été déterminante de son consentement, puisqu'il lui a été indiqué lors du démarchage une production annuelle d'électricité de 5021 kwh par an alors que la production est très inférieure, ce qui constitue une faute de la société,
- que la visite de contrôle Consuel n'a jamais eu lieu et contrairement à ce que soutient la société Tuco Energy, les panneaux photovoltaïques ne produisent aucune électricité.

La société BNP Paribas personal finance demande à la cour, par dernières conclusions du 16 janvier 2020 de:
A titre principal :
Débouter la SARL Tuco Energy de son appel et confirmer la décision attaquée et la condamner en outre à verser à la société BNP Paribas personal finance la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel
A titre subsidiaire :
Dans l'hypothèse où la Cour d'appel devait infirmer la décision attaquée, recevoir et juger bien fondé l'appel incident de la société BNP Paribas personal finance
et En conséquence,
sur le fondement des anciens articles 1134 (1193 nouveau), 1240 (2240 nouveau), 1184
(1227, 1228 et s. nouveaux) du Code civil ;
Condamner M. E... J... à lui verser la somme de 33667,87 euros assortie des intérêts au taux annuel conventionnel de 5,87 % sur la somme de 31731,19 € (33667,87 € - 1933,70) à compter du 16/03/2017 jusqu'à complet paiement au titre du contrat souscrit le 16 décembre 2013 ;
Le condamner à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Le débouter de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
Débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions contraires ou plus amples.

Elle soutient que M. J... a sollicité cinq après les travaux la résiliation du contrat principal de vente au motif que l'installation avait été mal réalisée et qu'il invoque donc la question de la responsabilité de l'entreprise poseur et non une question de livraison des fournitures et pose conditionnant la formation même du contrat principal et du contrat de crédit. Elle ajoute que la nullité d'un contrat ne peut être pononcée qu'à titre exceptionnel et que cette nullité relative est couverte par l'exécution volontaire des parties.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 11 juin 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire la cour constate que l'appelante n'a pas interjeté appel du chef du jugement ayant déclaré le jugement du 12 mai 2016 non avenu et que la société BNP Paribas personal finance ne forme pas non plus appel incident du jugement sur ce point. La cour n'est donc pas saisie à ce titre et n'a pas à statuer sur la demande de confirmation formée par M. J....

Sur le contrat de vente et de prestation de service

Pour prononcer la résolution du contrat de vente conclu avec la société Tuco Energy, le premier juge, après avoir rappelé que cette dernière avait l'obligation de procéder à l'installation des panneaux en fournissant un kit d'intégration en toiture qui, selon la brochure accompagnant le bon de commande, devait assurer une parfaite étanchéité et s'adapter à toutes les toitures, s'est fondé sur le procès verbal de constat du 22 novembre 2018 et en a déduit que l'intégration avait été mal réalisée comme en témoignent les défauts affectant la pose des tuiles en bordure des panneaux, qu'il ne pouvait s'agir de défauts préexistants liés à un mauvais entretien de la toiture puisque les défauts de pose n'étaient constatés qu'à l'endroit de la pose des panneaux et que par suite, le kit d'intégration livré n'était pas conforme, ce manquement étant suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente.

C'est à tort que la société Tuco Energy reproche au tribunal d'avoir prononcé la résolution du contrat de vente alors que M. J... demandait uniquement la résilisation du contrat dans le dispositif de ses conclusions. En effet, il appartient au juge en application de l'article 12 du code de procédure civile de trancher le litige conformément aux règles qui lui sont applicables, dans le respect du contradictoire. Dès lors que le premier juge a relevé que M. J... ne s'appuyait sur aucune fondement juridique et que la société Tuco Energy fondait sa défense sur l'article 1604 du Code civil relatif à l'obligation de délivrance dont le non respect peut donner lieu à résolution du contrat, la résolution était d'ores et déjà dans les débats et le premier juge n'a pas violé le principe du contradictoire en la prononçant.

La cour constate au surplus que devant elle, M. J... invoque clairement la résolution du contrat et que la société Tuco Energy se fonde sur l'article 1184 (ancien) du Code civil qui énonce : "la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement".

L'appelante conclut au débouté des demandes de M. J... en soulignant leur tardiveté et soutient que les manquements à ses obligations ne revêtent pas une gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résolution du contrat de vente.

Le bon de commande signé le 16 décembre 2013 par M. J... porte sur les éléments suivants:
"- installation photovoltaïque d'une puissance de 4500Wc avec 18 modules solaires photovoltaïques monocristallins d'une puissance de 250 Wc,
Onduleur/ kit d'intégration en toiture/ coffrets de protection électrique AC/DC,
Prise en charge des démarches administratives par Tuco Energie/ installation complète/ le raccordement au réseau ERDF est à la charge de Tuco Energie jusqu'à 1500€,
- Fourniture et installation d'un chauffe-eau thermodynamique pour production d'eau chaude sanitaire d'une capacité de 250 litres".

Contrairement à ce que soutient M. J... dans ses écritures, la société Tuco Energy produit une attestation de conformité qu'elle a remplie le 11 février 2014 et qui comporte le visa perforé du Consuel en date du 25 février 2014, dont se déduit la validation par cet organisme. Cette attestation porte toutefois uniquement sur la conformité de l'installation électrique aux prescriptions de sécurité en vigueur. Le cocontractant reste donc en mesure de démontrer que le matériel n'a pas été installé dans les règles de l'art ou n'est pas conforme, au delà de sa conformité aux seules prescriptions de sécurité en vigueur.

Ainsi que l'a relevé le premier juge, M. J... verse aux débats un constat d'huissier établi le 22 novembre 2018 dont il ressort, concernant le ballon d'eau chaude que le tuyau d'évacuation est décalé par rapport à la sortie de toit, du jour étant visible, et concernant les panneaux photovoltaïques que des défauts de pose sont visibles notamment au niveau de l'encadrement au pied de la cheminée, qu'une rangée de tuiles présente un défaut de fixation avec des risques de chutes, que les tuiles ont été déplacées et accumulées les unes sur les autres le long des panneaux, et que depuis le grenier, un jour est visible en partie droit de la toiture le long des panneaux où les tuiles ont glissé, l'huissier précisant que quand il pleut, il est inévitable que de l'eau puisse entrer par ce jour dans le grenier.

Au vu des photographies no 7, 9, 10 jointes au constat, les "défauts de pose" constatés par l'huissier au niveau de l'encadrement au pied de la cheminée et le débordement d'une partie des tuiles sur les panneaux étaient visibles lors de l'installation. Il appartenait donc à M. B... de faire des réserves sur ce point.

S'il ressort du procès verbal de fin de travaux signé le 29 janvier 2014, que M. J... a complété la phrase : "la réception est prononcée à la date du 29 janvier 2014 assortie des réserves mentionnées dans l'état sous énoncé", aucune réserve n'est précisée et l'intéressé admet même expressément en page 7 de ses écritures qu'il n'a pu faire état de réserves écrites lors de la réception de l'installation parce qu'il n'avait pas été en mesure de monter sur le toit pour vérifier le travail qui avait été effecté. Or, les défauts de pose tels que décrits par l'expert, à les supposer
imputables à la société Tuco Energy, étaient visibles smême sans monter sur le toit.

S'agissant du défaut d'étanchéité retenu par le premier juge, l'huissier a constaté un jour visible en partie droite de la toiture, de nature à laisser s'infiltrer l'eau de pluie (photographies 9, 18 à 21). L'huissier de justice n'est toutefois pas un technicien et ne peut se prononcer sur la qualification de malfaçons, surtout concernant des travaux réalisés près de cinq ans auparavant.

En tout état de cause, la cour constate que ne ressort d'aucune pièce l'impossibilité de remédier aux désordres constatés par l'huissier, notamment le trou en toiture qui apparaît relativement limité au vu des photographies et que M. J... n'établit pas avoir sollicité son vendeur-prestataire pour remettre la toiture en état, et n'a fait réaliser le constat susvisé que près de cinq ans après la signature le 29 janvier 2014 d'un certificat de livraison de bien ou de fourniture de services dans lequel il est indiqué "que la livraison du bien et/ou la fourniture de la prestation de services au client emprunteur a été réalisée conformément à la commande de ce dernier".

De surcroît, tout en indiquant dans ses écritures que l'installation ne fonctionne pas et qu'il ne perçoit aucun revenu au titre de la revente d'électricité, l'intimé prétend dans le même temps que le rendement n'est pas celui excompté et que sa production d'électricité est inférieure à ce qui a été promis (pages 7 et 9). Il admet donc que l'installation fonctionne même s'il indique être déçu du rendement et ce fonctionnement est confirmé par le courrier adressé par la société Enedis portant comme référence "votre no de contrat d'accès au réseau : [...]" et mentionnant les références du compteur de production (index précédent : 14.304, index nouveau : 16.666, énergie : 2362€) et celles du compteur de contrôle de non consommation (pièce 13 produite par M. J...), compteurs dont l'huissier de justice a constaté la présence dans son constat du 22 novembre 2018.

M. J... invoque aussi le manquement de la société Tuco Energy à son obligation de conseil au motif que cette dernière lui a promis dans un document manuscrit établi par le vendeur un rendement pour l'installation photovoltaïque de 5021 kw par an (sa pièce 6) alors que le rendement effectif est très inférieur au vu de sa pièce 13. Néanmoins, même en supposant que ce document, qui n'est ni daté ni signé, ait été déterminant du consentement de M. J... et soit entré dans le champ contractuel, la cour observe qu'il évoque un rendement annuel de 5021kw alors que la pièce 13 qui mentionne une production d'énergie de 2362€ prend en compte une période d'à peine six mois (du 10 janvier 2018 au 6 juillet 2018), qui de surcroît n'inclut pas les deux mois d'été qui sont généralement les plus ensoleillés. Le rendement annuel théorique de l'installation de M. J..., est donc supérieur à 4724€ et n'est pas très éloigné du rendement prétendument annoncé, de sorte que la preuve d'un manquement de la société Tuco Energy à son obligation de conseil concernant le rendement de l'installation n'est pas démontrée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, les manquements invoqués concernant l'installation photovoltaïque et le ballon d'eau chaude ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant pour justifier le prononcé de la résolution du contrat de vente.

Le jugement doit en conséquence être infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat conclu entre la société Tuco Energy et M. J... et ordonné à ce dernier de restituer le matériel photovoltaïque et le ballon thermodynamique, aux frais de la société venderesse, l'intimé étant débouté de ces demandes.

Sur le contrat de crédit

Le premier juge a prononcé la résolution du crédit conclu entre M. J... et la société Sygma banque, uniquement en application de l'article L311-32 du Code de la consommation qui dispose que "le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé".

M. J... prétend que la résolution doit être confirmée au motif que l'organisme prêteur doit s'assurer que l'entreprise de photovoltaïques a bien livré le matériel et la prestation de service, et qu'en l'espèce l'installation n'est pas conforme et qu'il a en outre rempli l'attestation de conformité produite en pièce 8 en faisant part de ses réserves mais ne l'a pas signée.

Néanmoins, la pièce 8 produite par l'intimé est l'attestation de conformité portant le certificat du consuel et le client n'est pas tenu de la signer.

Surtout, M. J... ne conteste pas avoir signé le 29 janvier 2014 certificat de bien ou de fourniture de services en attestant que "la livraison du bien et/ou la fourniture de la prestation de services au client emprunteur a été réalisé (ont été réalisés) conformément à la commande de ce dernier".

Si l'organisme de crédit ne pouvait, en application de l'article L311-31du Code de la consommation, délivrer les fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci avait exécuté son obligation, il n'était pas tenu, en l'absence notamment d'élément lui permettant de douter de l'apparente conformité de la signature de M. J..., de vérifier la véracité de ce que ce dernier lui garantissait, notamment en l'interrogeant spécifiquement ou en se rendant sur les lieux pour vérifier l'effectivité de l'installation.

La société Sygma banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas personal finance a donc pu débloquer les fonds sans commettre de faute.

Aucun motif de résolution intrinsèque au contrat de crédit n'étant en outre soulevé, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du prêt et cette demande de résolution sera rejetée.

La société BNP Paribas personal finance a adressé le 17 mars 2017 à M. J... une lettre recommandée avec accusé de réception le mettant en demeure de régler sous dix jours la somme de 7562,88€ au titre des échéances impayées avant le 15 novembre 2015 puis entre le 5 novembre 2015 et le 5 avril 2017, en lui précisant qu'à défaut de règlement, la déchéance du terme serait prononcée et le solde du crédit exigible en sa totalité.

En l'absence de paiement de la somme réclamée dans le délai imparti, la déchéance du terme est intervenue de manière régulière, conformément au paragraphe e) (résiliation- résolution-suspension du contrat de crédit) du contrat de prêt.

M. J... doit donc être condamné à payer à la société BNP Paribas personal finance le solde du crédit qui, au vu du contrat, de l'historique de compte, du tableau d'amortissement et du décompte de créance arrêté 16 mars 2017, s'établit à la somme de 30.739,83€ outre la somme de 2928,06€ montant de la condamnation prononcée par le jugement du 12 mai 2016 aujourd'hui non avenu. Le total dû est donc de 33.667,89€ mais la banque sollicitant la somme de 33.667,87€, M. J... sera condamné à lui payer la somme de 33.667,87€ assortie des intérêts au taux annuel conventionnel de 5,76% (et non de 5,87% qui est le taux effectif global), sur la somme de 31.731,19€ à compter du 16 mars 2017, ainsi que demandé.

La société BNP Paribas personal finance ne forme aucune autre demande à titre subsidiaire et le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la Société Tuco Energy à garantir M. J... du paiement de la somme de 24.742,51 euros et à payer à la banque la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. J...

Ainsi qu'il a été dit, la banque n'a pas commis de faute en débloquant les fonds. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté l'emprunteur de sa demande de dommages et intérêts formée pour ce motif à son encontre.

S'agissant de la société Tuco Energy, M. J... reproche au tribunal d'avoir rejeté sa demande de dommages et intérêts au motif que le défaut de rendement n'était pas établi. Il expose qu'outre que les travaux réalisés ne sont pas conformes, il n'est pas en mesure de vendre de l'énergie à EDF alors que le contrat lui a été vendu avec cette promesse, et que l'installation ne fonctionne pas, EDF ne lui rachetant aucune énergie. Il souligne qu'il subit depuis de nombreuses années les désagréments causés par la signature de ce contrat.

Ainsi qu'il a été dit, il résulte des pièces versées aux débats que l'installation a été raccordée au réseau et produit de l'électricité et il ne peut être déduit du seul relevé de compteurs pour la période du 10 janvier au 6 juillet 2018 la preuve d'un défaut de rendement. Néanmoins, il ressort du constat d'huissier susvisé que M. J... subit des désagréments liés à l'installation, notamment liées au trou en toiture de nature à laisser s'infiltrer l'eau de pluie. Il subit donc un préjudice à ce titre qui sera compensé par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 2000€, le jugement étant infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

M. J... produit trois bulletins de salaires d'octobre à décembre 2017 sans actualiser sa situation devant la cour. Il ne forme aucune proposition concrète de versement échelonné compatible avec ses revenus. Surtout, une seule mensualité du prêt a été réglée et la dette remonte à mars 2015, soit plus de cinq ans. Sa demande de délais de paiement sera dès lors rejetée, par confirmation du jugement.

M. J... qui succombe dans l'essentiel de ses demandes sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel. Il versera à l'appelante une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile limitée à la somme de 1000€ et à la société BNP Paribas personal finance une somme de 2000€ sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. E... J... de sa demande de dommages et intérêts formée contre la société BNP Paribas personal finance et de sa demande de délais de paiement ;

- Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Déboute M. E... J... de ses demandes de résolution des contrats conclus le 16 décembre 2013 avec la société Tuco Energy et avec la société Sygma banque aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas personal finance, ainsi que de toutes ses autres demandes formées contre la société Tuco Energy et la société BNP Paribas personal finance ;

- Condamne M. E... J... à payer à la société BNP Paribas personal finance, au titre du contrat de crédit souscrit le 16 décembre 2013, la somme de 33.667,87€ assortie des intérêts au taux conventionnel de 5,76 % sur la somme de 31.731,19€ à compter du 16 mars 2017 ;

- Condamne la société Tuco Energy à payer à M. E... J... la somme de 2000€ à tire de dommages et intérêts ;

- Condamne M. E... J... à verser à la société BNP Paribas personal finance une indemnité de 2000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. E... J... à payer à la société Tuco Energy la somme de 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejette le surplus des demandes ;

- Condamne M. E... J... aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 19/02838
Date de la décision : 05/11/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-05;19.02838 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award