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05/11/2020 | FRANCE | N°19/01245

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 05 novembre 2020, 19/01245


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/11/2020
la SCP BRILLATZ-CHALOPIN
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
Me Olivier HEGUIN DE GUERLE
ARRÊT du : 05 NOVEMBRE 2020


No : 204 - 20
No RG 19/01245
No Portalis DBVN-V-B7D-F5A4


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 07 Mars 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265244213377343
La SA MAAF ASSURANCES
Agissant

poursuites et diligences de ses représentants légaux
K...
[...]


Ayant pour avocat Me Antoine BRILLATZ, mambre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avoca...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/11/2020
la SCP BRILLATZ-CHALOPIN
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
Me Olivier HEGUIN DE GUERLE
ARRÊT du : 05 NOVEMBRE 2020

No : 204 - 20
No RG 19/01245
No Portalis DBVN-V-B7D-F5A4

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 07 Mars 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265244213377343
La SA MAAF ASSURANCES
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
K...
[...]

Ayant pour avocat Me Antoine BRILLATZ, mambre de la SCP BRILLATZ-CHALOPIN, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265244118418029
Maître Serge PREVILLE membre de la SELARL AJAssociés, désigné en qualité d'administrateur judiciaire de la SASU BEE ANGELS,
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Eric GRASSIN, membre de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS

Maître V... U... membre de la SELARL [...], anciennement SELARL [...], désigné en qualité de mandataire judiciaire de la SASU BEE ANGELS,
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Eric GRASSIN, membre de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS

SASU BEE ANGELS
Prise en la personne de son Président, Monsieur D... Y..., domicilié es-qualités audit siège [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Eric GRASSIN, membre de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS

- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265244657497663
La S.A.R.L. EVELIA
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Olivier HEGUIN DE GUERLE, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 10 Avril 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 janvier 2020

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 17 SEPTEMBRE 2020, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en son rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 05 NOVEMBRE 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La société Bee Angels a été créée le 24 juin 2015 afin de créer, développer et commercialiser un système permettant de capter les informations liées à des ruches et connecté à une application afin de vérifier à distance la santé et la productivité des abeilles.

La société Bee Angels s'est rapprochée de l'association Fablab pour affiner et préciser son projet puis a recherché une société spécialisée dans les développements de systèmes électroniques et choisi la société Evelia, spécialisée dans le secteur de l'ingenierie et des études techniques et assurée auprès de la société MAAF Assurances (la MAAF).

La société Evelia a établi une proposition commerciale signée par la société Bee Angels le 20 octobre 2015 pour une prestation d'un montant de 95.400€, se décomposant en plusieurs étapes: étude mécanique sur deux boitiers (support de la ruche et boitier électronique), étude électronique, étude de logiciel. Les parties ont aussi signé un contrat de cession de droits le 25 mars 2016 relatifs aux droits de propriété du produit.

Les relations entre les deux sociétés se sont ensuite dégradées.

Expliquant que l'objectif du contrat conclu avec la société Evelia était d'industrialiser l'appareil et d'en produire 500 exemplaires pour février 2016 ce qui s'est révélé impossible du fait des malfaçons constatées, et que la société Evelia a mis fin en octobre 2016 aux relations contractuelles malgré l'absence d'achèvement du projet, la société Bee Angels a sollicité en référé la désignation d'un expert pour déterminer les causes du dysfonctionnement de l'appareil et les responsabilités respectives. Par ordonnance du 16 mars 2017, M. N... a été désigné en qualité d'expert. Il a déposé son rapport le 3 février 2018.

La société Bee Angels a ensuite fait assigner la société Evelia devant le tribunal de commerce d'Orléans par acte du 18 avril 2018 afin de voir reconnaître sa responsabilité contractuelle et d'être indemnisée de ses préjudices.

Le tribunal de commerce d'Orléans a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Bee angels et un plan de sauvegarde a été mis en place par jugement du 28 septembre 2018.

Par jugement du 7 mars 2019, le tribunal de commerce d'Orléans a statué comme suit :
Condamne la société Evelia à payer la somme de 34 800 € à la société Bee Angels au titre de la réparation du préjudice matériel, immatériel et commercial,
Condamne la société Evelia à remettre sous 15 jours après la signification de la décision à la société Bee Angels les matériels lui appartenant au frais de la société Bee Angels,
Condamne la société Evelia à rapatrier et à remettre sous 3 mois maximum après la signification de la décision à la société Bee Angels à l'adresse qu'elle indiquera les moules lui appartenant aux frais de la société Evelia sous astreinte de 200 € par jour de retard au delà de ce délai,
Se réserve expressément la liquidation de l'astreinte,
Déboute la société Evelia de sa demande d'indemnité au titre de dommages liés à la violation de l'accord de confidentialité,
Condamne la société d'assurance MAAF à garantir l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la société Evelia par la SASU Bee Angels,
Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du présent jugement,
Condamne la société Evelia à payer la somme de 500 € à la société Bee Angels au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Déboute les parties de toutes autres demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires,
Met les entiers dépens à la charge de la société Evelia, y compris les dépens du référé expertise, de la présente instance et les frais d'expertise s'élevant à la somme de 5 315,43 €, et y compris les frais de greffe du présent jugement taxés et liquidés à la somme de 95,66 euros.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu :
- que les responsabilités des difficultés rencontrées étaient partagées entre les parties,
- sur le préjudice, que la société Bee Angels ne justifiait pas de son préjudice d'exploitation et que la proposition signée le 20 octobre 2015 par la société Bee Angels comportait une clause limitative de responsabilité, le montant de la phase d'étude représentant un montant de 34800€,
- sur la violation de l'accord de confidentialité, que plusieurs spécialistes ou sociétés tierces sont intervenus tout au long du projet pour résoudre les problèmes rencontrés et que le projet technique n'a semble t-il fait l'objet d'aucun dépôt auprès d'organisme de protection ou brevet, - sur la garantie de la Maaf, que l'assureur était tenu d'un devoir d'information et de conseil envers le souscripteur, qu'elle savait que les activités d'étude et de conseil étaient le métier même de la société Evelia, et devait informer la société Evelia de la modification des activités couvertes lors du renouvellement du contrat de responsabilité civile.

La société MAAF Assurances a formé appel de la décision par déclaration du 10 avril 2019 en intimant les sociétés Bee Angels et Evelia et en critiquant le jugement uniquement en ce qu'il l'a condamnée à garantir l'intégralité des demandes formulées par la SASU Bee Angels contre la SARL Evelia.

Dans ses dernières conclusions du 14 janvier 2020 réitérées le 20 août 2020, la MAAF demande à la cour de :
Dire recevable et fondé l'appel formé par la MAAF du jugement rendu par le Tribunal de Commerce d'Orléans le 7 mars 2019 et par conséquent :
Infirmer ledit jugement en ce qu'il condamne la Sté d'assurance MAAF à garantir l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la société Evelia par la société Bee Angels ;
Et statuant à nouveau de ce chef débouter la SASU Bee Angels de ses demandes formulées contre elle ;
Condamner la société Bee Angels à payer à la SA MAAF Assurances la somme de 4.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle explique :
- que les contrats successivement conclus par la société Evelia sont souscrits en base réclamation, que par suite, c'est le contrat en vigueur au jour de la réclamation qui s'applique, soit ici, celui résultant de la proposition d'assurances du 29 avril 2016 à effet du 3 mai 2016, que ce contrat est un contrat multirisque professionnel ne garantissant pas l'activité d'études, conseil et assistance d'électronicien, contrairement au précédent contrat conclu en 2015 qui semblait comporter une garantie études et conseils,
- qu'en toute hypothèse, la responsabilité civile garantie par les deux contrats successivement souscrits par Evelia est la RC exploitation et non la RC professionnelle et les dommages dont l'indemnisation est demandée, qui résultent de l'exécution fautive d'une prestation de la société Evelia, ne sont pas garantis par ce contrat, même à le supposer applicable.
- que la mention des activités de la SASU Bee Angels telle que figurant dans le contrat litigieux résulte de ses propres déclarations, dont la MAAF n'a pas à vérifier l'exactitude, son devoir de conseil se limitant à vérifier l'adéquation entre les garanties offertes et l'activité déclarée.

Enfin, elle expose que les conditions générales du contrat de 2016 comme celles du contrat antérieur de 2015 comportent une liste d'exclusions de garanties parmi lesquelles "les frais exposés pour (...) la reprise des travaux que vous ou vos sous-traitants avez exécutés, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent" et que les dommages dont l'indemnisation est demandée consistent notamment dans la nécessité de remise en état des systèmes livrés par Evelia résultant de ses fautes ou erreurs professionnelles commises dans l'exécution de sa prestation et la perte d'exploitation, qui n'est pas consécutif à un évènement garanti car elle découle des fautes et erreurs professionnelles.

Par dernières conclusions du 3 décembre 2019, la société Bee Angels demande à la cour de:
Vu les dispositions des articles 1103 et 1231-1 du Code civil nouveaux (anciens articles 1134
et 1147 dudit Code),
Vu l'exploit introductif d'instance et les pièces produites,
Vu le rapport d'expertise de M. S... N... du 3 février 2018,
S'entendre dire et juger recevable et bien fondée la SASU Bee Angels en son appel incident, et en ses demandes.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Evelia a commis à l'égard de la SASU Bee Angels des fautes engageant sa responsabilité contractuelle au sens des dispositions des articles 1103 et suivants, et 1231-1 du Code Civil,
A titre principal, l'infirmant au surplus,
Condamner la société Evelia à verser à la SASU Bee Angels les sommes suivantes :
- 221.542,51 euros T.T.C, au titre de la réparation du préjudice matériel,
- 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices immatériels et commerciaux
Condamner sous astreinte la société Evelia à concurrence de 500 € par jour de retard qui commenceront à courir huit jours après la signification de la décision à intervenir, à remettre à
la société SASU Bee Angels l'ensemble des outils et moules correspondant aux produits réalisés par elle.
Subsidiairement,
Confirmer le jugement entrepris en ses dispositions.
Condamner la société Evelia à régler à la SASU Bee Angels la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel, outre 5.000,00 € en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens du référé expertise, de la présente instance, ainsi qu'aux frais d'expertise taxés à la somme de 5.315,43 €.
Condamner la SA MAAF Assurances à garantir l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la société Evelia par la société Bee Angels.
Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Sur la responsabilité de la société Evelia, la société Bee Angels relève que l'expert a bien relevé plusieurs malfaçons de conception imputables à cette dernière et rendant le système non commercialisable, la société Bee Angels n'ayant elle-même aucune responsabilité dans la conception.

Elle évalue son préjudice à 75.000€ s'agissant du coût de la remise en état, dans l'attente de production de devis précis, l'expert l'ayant estimé dans un budget compris entre 50.000€ et 100.000€ HT nonobstant la clause limitative de responsabilité soulevée par la société Evelia. Elle invoque la somme qu'elle a effectivement versée au titre du contrat conclu en 2015 soit 316.489,40€ et après application du coefficient de responsabilité de 70 % proposé par l'expert, sollicite la somme de 221.542,51€, outre les pertes d'exploitation et le préjudice commercial dont elle justifie devant la cour.

S'agissant de la garantie de la MAAF elle expose qu'ainsi que l'a retenu le tribunal, l'activité d'étude et de conseil est le coeur même de l'activité professionnelle de la société Evelia de sorte que la MAAF ne pouvait l'ignorer sauf à attirer scrupuleusement l'attente de son assurée sur cette absence de garantie ce qu'elle n'a pas fait et ce qui constitue un manquement substantiel à ses obligations.

La société Evelia demande à la cour par dernières conclusions du 8 janvier 2020 de:
Vu les articles 1134 et suivants du code civil.
Vu les articles 1147 et suivants du code civil
Vu l'article L. 520-1 et suivants du code des assurances
Vu Les article L611-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle
S'entendre dire et juger recevable et bien fondée la SARL Evelia en son appel incident, et en ses demandes.
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société d'assurance MAAF à garantir
l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la scté Evelia par la SASU Bee Angels,
A titre principal l'infirmer au surplus
Débouter la société Bee Angels de l'intégralité de ses demandes
Débouter la société d'assurance MAAF de l'intégralité de ses demandes
A titre subsidiaire
Limiter la responsabilité de Evelia à 5 pièces de test entrant dans le champ contractuel et la Condamner à payer la somme de 750 euros correspondant au calcul de l'expert au titre de la remise en état.
Débouter les autres parties du surplus de leurs demandes
Limiter la responsabilité de la société Evelia à hauteur de 34 800 €, montant de la clause limitative de responsabilité
Condamner la société d'assurance MAAF à garantir la société Evelia contre toutes condamnations prononcées contre elle à la demande de la société SASU Bee Angels et à garantir l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la société Evelia par la SASU Bee Angels
Dans tous les cas
Condamner la société d'assurance MAAF à garantir la société Evelia contre toutes condamnations prononcées contre elle à la requête de la société Bee Angels et à garantir l'intégralité des demandes formulées à l'encontre de la société Evelia par la SASU Bee Angels
Prononcer la limitation de la responsabilité de la société Evelia à hauteur de 34 800 €, montant de la clause limitative de responsabilité
Constater l'aveu judiciaire de la SASU Bee Angels concernant le brevet et la violation de son obligation contractuelle corrélative.
Condamner la SASU Bee Angels au paiement à la société Evelia de la somme de 275 000 euros au titre du dommage qui lui a été causé par la violation de l'accord de confidentialité et au titre du dommage qui lui a été causé par la violation du contrat au titre du dépôt de brevet
Condamner la SASU Bee Angels au paiement à la société Evelia de la somme de 10000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la MAAF au paiement à la société Evelia de la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner la SASU Bee Angels aux dépens.

Elle indique que la société Evelia n'a réalisé que l'étude et une partie de la mise en production, c'est à dire des pièces détachées (mécanique et cartes électroniques), que la société Bee angels a assuré elle-même la phase d'industrialisation de son système et s'est adressée à elle alors que son projet n'était qu'embryonnaire et non encore entré en processus d'industrialisation et qu'il n'y avait pas de cahier des charges. Elle fait valoir que la société Bee Angels s'est lancée trop vite dans un processus d'industrialisation alors que les tests n'étaient pas achevés et est seule à l'origine des problèmes qu'elle rencontre, qu'elle-même a réalisé sa mission et qu'il ne peut être retenu que les préjudices nés des défauts sur les ruches connectées résultent de sa faute.

Elle ajoute que la société Bee Angels ne rapporte pas la preuve de son préjudice lié à une perte commerciale et qu'en tout état de cause seuls les préjudices en lien avec l'exécution de l'étude de ces prototypes peuvent être mis à la charge de la société Evelia outre l'application de la clause limitative de responsabilité.

Elle rappelle que les parties ont conclu un accord de confidentialité que la société Bee angels n'a pas respecté et affirme que le contrat d'assurance souscrit auprès de la MAAF en février 2015 doit s'appliquer, le document signé le 28 avril 2016 ne portant que sur un changement d'adresse et que la MAAF lui a confirmé en février 2015 que l'activité d'étude et de conseil était bien garantie et qu'une prime de 400€ supplémentaires était payée par la société Evelia.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 16 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la responsabilité de la société Evelia

Le contrat liant les parties étant du 20 octobre 2015 et la société Bee angels mettant en cause la responsabilité contractuelle de la société Evelia, il convient de faire application des dispositions du Code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance no 2016-131 dommages et intérêts 10 février 2016.

Au terme de l'article 1147 du Code civil ancien, "le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part".

- sur les fautes

Il est indiqué dans la proposition commerciale établie par Evelia et signée par la société Bee Angels le 20 octobre 2015 (pièce 1 produite par la société Bee angels) :
- en page 5, "objet du document" : "Ce document est la proposition commerciale en réponse à votre demande formulée lors de nos réunions des 25 septembre et 12 octobre 2015 pour le développement d'un module de contrôle pour ruche connectée.
L'objet de de la consultation est :
. Reprise système de la ruche connectée amenée par le client,
. Création d'une carte électronique, support aux différents capteurs et actionneurs de la ruche,
. Création d'une mécanique, support de la carte et de l'ensemble des capteurs et actionneurs,
. Cette mécanique devra également supporter le poids de la ruche afin d'y réaliser sa pesée".
- en page 12 "phasage de la prestation" : "la prestation comportera plusieurs étapes qui se déroulent en parallèle :
6.1 Etude mécanique qui portera sur deux boitiers, le support ruche et le boitier électronique. (...). La prestation portera sur l'analyse de l'existant : rédaction du cahier des charges (...), sur la modélisation du projet et le dossier de fabrication (mise en plan de l'assemblage et des pièces mécaniques),
6-2 Etude électronique (rédaction du dossier d'étude technique, schémas, placement routage du PCB, réalisation et câblage de deux cares prototypes, test préliminaires des cartes prototypes)
livrables : schémas au format pdf, fichiers Gerbers, BOM au format excel
6-3 Etude logiciel : description en couche du logiciel emparqué, codages, test unitaire, test d'intégration"
- en page 7: hypothèses et risques
"(...) L'objectif est la fourniture d'une première série de 500 pour février 2016."
- en page 8 : "proposition financière planning pour un total de 95.400€ comportant les postes suivants :
. Electronique : 11.000€
. Logiciels embarqués : 16.500€
. Mécanique : 7300€
. Prototypes phase 1 et 2 : 8600€
. Investissement outillage : moules, banc de test et programmation : 52.000€".

Ainsi, si la proposition commerciale évoque le projet dans son ensemble (page 5 susvisée) ainsi que l'objectif consistant dans la fourniture d'une première série de 500 pour février 2016 (page 7), les prestations à la charge de la société Evelia prévues dans ce contrat sont des presttions d'études avant industrialisation.

La société Bee angels reproche à la société Evelia des malfaçons de conception se retrouvant dans les pièces produites et l'absence d'achèvement de sa mission. La société Evelia considère que les dysfonctionnements constatés sont de nature industrielle et ne concernent pas le travail d'étude avant industrialisation qu'elle a réalisé.

L'expert judiciaire a relevé que la société Evelia avait réalisé la mission qui lui était dévolue en prenant en compte les demandes de la société Bee angels, qu'on ne pouvait constater de non-façon dans sa prestation et qu'aucun cahier des charges ne lui avait été communiqué.

Il a en revanche constaté diverses "malfaçons de conception" et a précisé que la société Evelia disposait d'informations de base fournies par un prototype élaboré par le Fablab et ne pouvait ignorer ni l'usage qui serait fait de l'objet connecté ni ses conditions d'utilisation, en extérieur notamment. Il a relevé les malfaçons suivantes :
- l'autonomie du système est insuffisante, elle varie entre un mois et demi et 4-5 mois selon la fréquence de remontée des informations. Le changement de batterie est complexe et impose de déplacer la ruche. Les connecteurs pour les batteries sont fragiles et difficiles à atteindre,
- l'orientation du sytème : le système est trop sensible à son environnement et peut remonter des informations erronées
- le relevé de température est erratique dès que la température dépasse 20-25o, ce qui résulte du fait que le capteur est situé sur la carte électonique dans un boîtier fermé non aéré et fait remonter la température constatée dans ce boîtier et non la température extérieure,
- le relevé de masses : une température basse affecte de façon extrême la masse indiquée de la ruche,
- la gestion du projet : les deux protagonistes n'ont pas été sur le même niveau de réflexion ; l'assemblage du système ne peut justifier les anomalies, le système présentant trop de dysfonctionnements pour être considéré comme commercialisable. Ces dysfonctionnement auraient dû être détectés mais les tests en laboratoire ont été insuffisants et les tests en pré production quasi inexistants ; lancer une commande de 500 ensembles de pièces était injustifié avant d'être certain d'un minimum de fiabilité.

Sur le préjudice, il considère que la remise en état des systèmes livrés doit s'effectuer sur trois axes (modification de l'accès au compartiment batterie, déport du capteur de température sous le corps de la base et modification de la structure permettant l'agencement des deux parties haute/basse de l'objet connexé et la protection thermique des composants électroniques) et représente un coût de l'ordre de 50 à 75 K€ (100 à 150 € par système). Il retient que la société Evelia était seule responsable de la conception du système et, que compte tenu des 3 séries de tests qui devaient être menés avant commercialisation et du fait qu'un tiers des test a été correctement effectué, il est possible d'imputer un tiers des manquements à la société Evelia (test en extérieurs) et un tiers à la société Bee. Il conclut en estimant que la responsabilité de l'échec du projet peut être attibuée dans une fourchette de 70% pour Evelia et 30 % pour Bee.

Il ressort donc de ce rapport d'expertise que les malfaçons constatées concernent bien la phase d'étude et de conception confiée à la société Evelia, et non la phase d'industrialisation qu'elle n'a pas menée. Ces constatations sont coroborées par certaines des critiques formulées par des clients de la société Bee angels, concernant notamment les problèmes de batterie et de température (fiches réclamation de M. G..., M. R... et M. E..., produites en pièce 6 par la société Bee angels ; attestations produites en pièce 7) et par les comptes rendus d'essai effectués par l'association Fablab qui constate notamment que "les valeurs envoyées par le capteur de masse ne sont pas stables dans le temps et semblent varier suivant la température extérieure" (pièce 8). En outre, les articles 6-2 et 6-3 du contrat susvisés confiaient bien à la société Evelia la charge d'effectuer certains tests dans le cadre de l'étude électronique et de l'étude logiciel.

Il ressort certes du rapport d'expertise ainsi que du courriel adressé le 7 octobre 2016 par M. O... directeur d'Orléans Val de Loire technopole et de l'attestation de M. I... ingénieur en charge du programme d'accompagnement Captronic pour les sociétés intégrant de l'électronique et du logiciel dans leurs produits (pièces 18-1 et 20 produites par Evelia), que la société Bee Angels a décidé de lancer la phase d'industrialisation de 500 pièces alors que les tests en laboratoire étaient insuffisants et les tests de pré-production quasi inexistants, ce dont la société Evelia n'est pas responsable.

Pour autant et contrairement à ce que soutient la société Evelia, il y a bien un lien de causalité direct entre ses manquements contractuels précédemment décrits et le préjudice subi par la société Bee angels tenant notamment à la nécessité de remettre en état le système mis en oeuvre par cette dernière car il est établi que ce système, qui était l'objectif des études confiées à la société Evelia, n'est pas commercialisable en raison des manquements susvisés. La remise en état préconisée par l'expert porte d'ailleurs bien sur les malfaçons imputables à Evelia.

C'est donc à bon droit que le tribunal a retenu que les responsabilités des difficultés rencontrées sont partagées entre les parties. Au vu de l'ensemble des éléments susvisés, il convient de retenir que les manquements de la société Evelia ont concouru à hauteur de 70 % dans le préjudice subi par la société Bee angels.

S'agissant du préjudice matériel tenant à la remise en état des systèmes, l'expert l'a évalué au total entre 50.000€ et 75.000€ HT. La société Bee angels ne produit aucun devis permettant d'affiner son préjudice matériel qui sera fixé à 60.000€, que la société Evelia doit théoriquement réparer à hauteur de 70% soit 42000€, sous réserve de la clause limitative de responsabilité analysée ci-après.

S'agissant des pertes d'exploitation et du préjudice commercial, dont elle sollicite l'indemnisation à hauteur de 100.000€, la société Bee angels verse uniquement aux débats ses comptes de l'exercice 2017 ainsi qu'un courrier de son comptable relatif aux "constats financiers des relations commerciales entre les sociétés Bee angels et Evelia" qui effectue une comparaison entre les chiffres d'affaire, marges et résultats courant avant impôts estimés à titre prévisionnel de 2016 à 2018 et ceux effectivement réalisés sur la même période (pièces 39,40, 41).

La cour rappelle que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même, de sorte que le préjudice allégué par la société Bee angels ne peut être établi uniquement par comparaison avec les données d'un document prévisionnel qu'elle a elle-même établi, qui rappelle d'ailleurs en première page : "les hypothèses qui suivent reposent sur des hypothèses commerciales fournies par le porteur du projet", et qui ne contient que des hypothèses formulées par elle, dont il est impossible de vérifier le réalisme, s'agissant par exemple d'une hausse très élevée du chiffre d'affaires prévue entre l'exercice 2017 (352.000€) et l'exercice 2018 (982.697€).

Il n'y a d'ailleurs pas de corrélation directe entre la somme demandée par la société Bee angels à hauteur de 100.000€ et les écarts relevés par l'expert comptable, étant même observé que les résultats avant impôts en 2016 et 2017 sont négatifs mais dans une proportion nettement moindre que ceux prévus à titre prévisionnel pour les mêmes années.

En second lieu, la responsabilité de la société Evelia concerne uniquement les manquements liés à l'étude des prototypes et non la production commerciale de la société Bee angels qui a engagé le processus d'industrialisation sans que l'ensemble des tests préalables nécessaires ait été effectué. Or, à supposer même pour les besoins du raisonnement, qu'il soit tenu compte des données prévues par le document prévisionnel, il n'est pas démontré que les écarts observés par l'expert comptable, pour l'année 2018 surtout, entre les chiffres d'affaires, marges et résultats réels et ceux estimés dans le dossier prévisionnel résultent des manquements de la société Evelia au stade de l'étude du système.

Il s'en déduit que la société Bee angels ne rapporte pas la preuve du préjudice immatériel et commercial qu'elle allègue et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre, étant au surplus rappelé qu'il conviendrait en toute hypothèse de faire application de la clause de responsabilité figurant dans le contrat.

En effet, ainsi que l'indique la société Evelia, la proposition commerciale du 20 octobre 2015 acceptée par la société Bee angels comporte en son article 9 (conditions générales) une clause limitative de responsabilité :
"Le client convient que quels que soient les fondements de sa réclamation et la procédure suivie pour la mettre en oeuvre, la responsabilité éventuelle d'Evelia à raison de l'exécution des obligations prévues au présent contrat sera limitée à un montant n'excédant pas la somme totale effectivement payée pour les services ou tâches fournis par Evelia".

La société Bee angels ne discute pas l'application de cette clause mais prétend avoir versé en tout la somme de 316.489,30€ TTC au titre de la conclusion du contrat du 20 octobre 2015.

Or, la pièce 38 qu'elle invoque à l'appui de sa demande est uniquement un tableau récapitulatif de paiements sans aucune entête listant une séries de règlements effectués en juin, mai, mars, février, janvier (sans précision de l'année) et en décembre 2015 et novembre 2015, pour un total de 316.489,30€. Ce document est à lui seul dépourvu de force probante et la société Bee angels ne démontre en outre pas que les sommes mentionnées se rapportent au contrat du 20 octobre 2015.

Il ressort de ce contrat que la prestation d'étude confiée à la société Evelia et réalisée par elle représente les sommes 11000€, 16500€ et 7300€ soit une somme de 34800€, que la société Evelia ne conteste pas avoir perçue. La société Bee angels ne démontre pas avoir versé de sommes supplémentaires au titre de ce contrat, notamment par la production de copie de chèques et virements et contrairement à ce qu'elle indique en page 18 de ses écritures, les pièces 13-2 et 15 produites par Evelia qui sont uniquement des factures de sommes à payer émises les 9 décembre 2015 et 11 mars 2016 ne sont pas probantes sur ce point.

L'indemnisation au titre des préjudices subis par la société Bee angels ne peut donc en tout état de cause dépasser le montant de 34.800€ et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Evelia à lui payer cette somme en réparation du préjudice subi.

Sur la restitution de matériels et des moules

Le tribunal a condamné la société Evelia, d'une part à remettre sous 15 jours après la signification de la décision à la société Bee Angels les matériels lui appartenant au frais de la société Bee Angels, d'autre part à rapatrier et à remettre sous 3 mois maximum après la signification de la décision à la société Bee Angels à l'adresse qu'elle indiquera les moules lui appartenant aux frais de la société Evelia sous astreinte de 200 € par jour de retard au delà de ce délai.

Devant la cour, la société Bee angels ne fait plus allusion aux "matériels" visés dans le jugement mais évoque les moules et des "outils".

La société Evelia évoque uniquement la détention de moules de fabrication. Elle ne développe aucun moyen à l'appui de sa demande de débouté de la demande de restitution des "matériels" à laquelle le tribunal a fait droit et ce chef du jugement sera confirmé.

En l'absence de moyens à l'appui de la demande de précision sur ce que sont les "outils" dont la restitution est sollicitée et pour éviter toute difficulté d'exécution de la décision, il sera uniquement statué sur la restitution des moules.

La société Evelia indique devant la cour comme devant le tribunal ne pas s'opposer à la demande de restitution des moules. Elle a indiqué dans un courriel du 12 septembre 2016 adressé à la société Bee angels : "comme tu le sais, les moules sont chez un de nos partenaires en Chine. Nous pourvons les rapatrier en France. Il y a un peu plus de deux tonnes de matériel. Par bateau il faut compter environ 8-10 semaines de transport pour un coût global de 4 à 5000€ hors frais de dédouanements et TVA (...)".

Au regard de ce courriel dans lequel la société Evelia propose clairement de rapatrier les moules de Chine, elle n'explique pas devant la cour pourquoi elle ne l'a pas fait.

La condamnation prononcée par le tribunal concernant la restitution des moules sous trois mois à compter de la signification de la décision puis sous astreinte de 200€ par jour de retard au delà de ce délai, doit en conséquence être confirmée, afin d'obliger la société Evelia à procéder à la restitution. Il convient toutefois de limiter la durée pendant laquelle l'astreinte est due, à six mois, après quoi le juge devra à nouveau être saisi.

Sur la garantie par la MAAF

La demande formée par la société Bee Angels tendant à condamner la MAAF à garantir l'intégralité des demandes formées contre la société Evelia n'est pas recevable en application de l'adage Nul ne plaide par procureur.

La demande de garantie par la MAAF est en revanche recevable en ce qu'elle est formée par la société Evelia.

Cette dernière prétend que le contrat qui la lie à la MAAF est le contrat d'assurance signé le 10 février 2015.

La MAAF produit en pièce 1 un courrier qu'elle a adressé le 29 avril 2016 à la société Evelia indiquant : "Vous avez souhaité souscrire notre contrat d'assurance Multirisque professionnelle à partir du 3 mai 2016 0h00 (...)" à laquelle est jointe une "proposition d'assurance professionnelles multirisque professionnelle", qui a été approuvée et signée par le représentant de la société Evelia le 28 avril 2016 et stipule que l'assuré a reçu un exemplaire des conditions générales du contrat multirisque professionnelle.

Cette proposition comporte le même numéro de contrat que la proposition d'assurance signée le 10 février 2015 (numéro MCE001). Il s'agit donc d'un avenant au contrat souscrit le 10 février 2015 qui toutefois, ne se borne pas à effectuer un simple changement d'adresse ainsi que l'allègue la société Evelia, puisque notamment, les activités de la société Evelia qui sont garanties sont libellées de manière différente.

L'article 9.2 des conditions générales de l'assurance multirisque professionnelle que la MAAF verse aux débats stipule que les garanties de responsabilité civile, objet des articles 6, 7, 8 fonctionnent en base réclamation. Il convient donc d'appliquer le contrat en vigueur au jour de la déclaration de sinistre, c'est à dire la proposition de contrat approuvée et signée le 28 avril 2016 par la société Evelia.

Les activités exercées et garanties sont ainsi libellées dans les conditions particulières :
"Ingenierie et bureau d'études techniques correspondant aux métiers spécifiques liées à la construction fabrication de cartes électroniques correspondant aux métiers de la fabrication et réparation de matériel électronique et informatique".

L'activité d'études exercée par la société Evelia qui constitue, ainsi qu'elle l'indique le coeur de son métier, est donc bien toujours garantie par ce contrat même si elle est libellée par la mention "bureau d'études techniques".

Il ressort de la page 5 des conditions particulières de la proposition d'assurance que la garantie de la MAAF couvre, pour les activités de métiers de la fabrication et réparation de matériel électronique et informatique, à la fois la responsabilité civile liée à l'exploitation de l'entreprise et la responsabilité civile professionnelle, en fonction des dispositions générales, et pour les métiers spécifiques liés à la construction, uniquement la responsabilité civile liée à l'exploitation.

En l'espèce, l'étude pour la réalisation d'un système électronique et de son ensemble mécanique (ruche connectée) ne relève pas des métiers de la construction mais des métiers de fabrication et réparation de matériel électronique.

L'article 7 des conditions générales du contrat d'assurance multirisque professionnelle produites par la MAAF stipule : "Dans le cadre de vos activités professionnelles déclarées aux conditions particulières, lorsque votre responsabilité est engagée à l'occasion d'un sinistre, cette garantie permet de compenser financièrement les dommages corporels, matériels ou immatériels consécutifs subis par un tiers tant pendant l'exécution d'une prestation qu'après réception de vos travaux ou livraison de vos produits".

En l'espèce, le dommage matériel subi par la société Bee angels, tiers au contrat d'assurance, relève bien de la garantie responsabilité civile contractuelle prévue par cette clause.

La MAAF oppose un cas d'exclusion de garantie prévue par l'article 10-18 des conditions générales du contrat de 2016 qui indique que sont exclus "les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous ou vos sous-traitants avez fournis et/ou pour la reprise des travaux que vous ou vos sous-traitants avez exécutés, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent".

En application de l'article L113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Les causes d'exclusion doivent ainsi être formelles et limitées de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie.

En l'espèce, le préjudice matériel de la société Bee angels ne concerne pas la remise en état de biens fournis par la société Evelia mais uniquement la phase d'étude antérieure à l'industrialisation et à la commercialisation des objets connectés, c'est à dire les travaux d'étude à partir desquels la société Bee angels a elle-même fait fabriquer 500 objets connectés qu'il convient de remettre en l'état. Il ne s'agit donc pas de remettre en état les "systèmes livrés par Evelia" ainsi que l'indique la MAAF mais des systèmes réalisés à partir d'études réalisées par Evelia.
Considérer que la clause d'exclusion exclut la garantie de l'ensemble des travaux y compris d'étude à partir desquels il est ensuite procédé à l'industrialisation conduit à donner à cette clause un périmètre non limité.

En tout état de cause, cette difficulté de savoir si le préjudice matériel en cause entre ou non dans cette exclusion conventionnelle démontre que la clause d'exclusion manque de clarté au regard de l'activité de l'assurée, ce qui est aussi sanctionné par la nullité de la clause et l'obligation pour l'assureur de garantir le sinistre comme s'il n'y avait pas eu d'exclusion.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné la MAAF, sauf à préciser qu'elle est condamnée à garantir la société Evelia des condamnations prononcées contre elle à la requête de la société Bee Angels, et non de ses demandes.

Sur la violation de l'obligation de confidentialité

Les parties ont conclu le 26 septembre 2016 un accord de confidentialité par lequel chacune s'engage pendant toute la durée du présent accord (soit deux ans à compter de sa signature) et pour une durée de deux ans après son échéance, à "garder strictement confidentielles les informations confidentielles" définies comme "toute information quelle que soit sa nature, son support, concernant ou partie ou ses sociétés affiliées et venant à la connaissance de l'autre partie (...) ; en particulier, seront confidentielles les informations ayant une valeur économique réelle ou potentielle ou un avantage concurrentiel certain propre dont toute personne pourrait retirer de leur divulgation ou utilisation une valeur économpique ou un avantage concurrentiel".

La société Evelia reproche à la société Bee angels d'être entrée en relation avec divers tiers mentionnées dans son assignation en violation de l'accord de confidentialité et évoque à ce titre un article de presse produit en pièce A3 et faisant état de propos de M. Y... dirigeant de la société Bee Abeille. Elle n'indique toutefois pas les informations confidentielles que cet article de presse ou un autre document qu'elle n'évoque d'ailleurs pas, contiendrait.

La demande formée à ce titre doit donc être rejetée.

La société Evelia prétend aussi que la société Bee angels a "violé le contrat au titre du dépôt de brevet" en se déclarant inventeur du produit.

La société Bee angels verse aux débats les quatres premières pages paraphées d'un "contrat de cession de droits" entre les parties ne comportant ni la date ni la signature des parties.

Ce contrat stipule en son article 2 "cession de droits de propriété intellectuelle :
"La société Evelia s'engage à céder, dès le paiement intégral de la rémunération prévue pour le développement et la mise au point du module de ruche connectée, (à savoir la somme de 95.400euros HT) visée à la proposition commerciale citée en Annexe 1, par les présentes, à la société Bee Angels, qui l'accepte, à titre exclusif, tous les éventuels droits de propriété intellectuelle qui pourront exister sur le module de contrôle pour ruche connectée. (...)
En cas de dépôt de brevet par la société Bee Angels mentionnera la société Evelia comme inventeur sans que cela ne puisse lui conférer un quelconque droit sur le ou les brevets déposés.
A cet égard la société Bee Angels s'engage à mentionner le nom de la société Evelia comme inventeur au brevet no 1650682 qu'elle a déposé à l'INPI à son nom le 28 janvier 2016, dès l'entrée en vigueur de la présente cession".

Il ressort de ces dispositions que la cession de droits s'applique "dès le paiement intégral de la rémunération prévue pour le développement et la mise au point du module de ruche connectée" et que l'engagement de la société Bee Angels de mentionner le nom de la société Evelia comme inventeur au brevet no 1650682 déposé à l'INPI le 28 janvier 2016 prend effet "dès l'entrée en vigueur de la présente cession".

La société Evelia affirme ne pas avoir été payée intégralement au titre du contrat conclu le 20 octobre 2015 pour un montant de 95.400€ et indique n'avoir été réglée qu'à hauteur de 34.800 sans se prévaloir d'un défaut de paiement par la société Bee angels au delà de cette somme.

La cession de droits prévue par l'article 2 susvisée n'a donc pas pris effet, et il en va de même pour l'engagement de la société Bee angels de mentionner le nom de la société Evelia comme inventeur, faute "d'entrée en vigueur de la présente cession". La société Bee angels n'a donc pas commis de faute à ce titre et la demande de dommages et intérêts formée par la société Evelia sur ce point doit être rejetée par confirmation du jugement.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens y compris en ce qu'ils englobent les dépens du référé d'expertise et les frais d'expertise.

Il convient de mettre les dépens d'appel à la charge in solidum de la société Evelia et de la société MAAF Assurances, qui succombent en leurs demandes devant la cour. La société Evelia devra verser à la société Bee angels une somme de 2500€ au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a assorti la condamnation de la société Evelia à rapatrier et à remettre sous 3 mois maximum après la signification de la décision, à la société Bee Angels à l'adresse qu'elle indiquera, les moules lui appartenant aux frais de la société Evelia sous astreinte de 200 € par jour de retard au delà de ce délai, sans limitation de durée ;

Statuant à nouveau de ce seul chef,

- Dit que la condamnation de la société Evelia à rapatrier et à remettre sous 3 mois maximum après la signification de la décision, à la société Bee Angels à l'adresse qu'elle indiquera, les moules lui appartenant aux frais de la société Evelia est assortie d'une astreinte de 200€ par jour pendant une durée limitée à six mois à compter de l'expiration du délai de trois mois courant à compter de la signification de la décision, après quoi le juge devra à nouveau être saisi ;

- Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions contestées, sauf à préciser que la MAAF est condamnée à garantir la société Evelia des condamnations prononcées contre elle à la requête de la société Bee Angels ;

Y ajoutant,

- Déclare irrecevable la demande formée par la société Bee Angels tendant à condamner la MAAF à garantir l'intégralité des demandes formées contre la société Evelia ;

- Condamne la société Evelia à verser à la société Bee angels une indemnité de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum la société Evelia et la société MAAF assurrances aux dépens.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 19/01245
Date de la décision : 05/11/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-05;19.01245 ?
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