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29/10/2020 | FRANCE | N°19/02753

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 29 octobre 2020, 19/02753


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 29/10/2020
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES
ARRÊT du : 29 OCTOBRE 2020


No : 197 - 20
No RG 19/02753
No Portalis DBVN-V-B7D-GACX


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 04 Juillet 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265246350118951


La SARL ABAQUE BATIMENT SERVICES
Prise en la personne de so

n représentant légal domicilié [...]
[...]




Ayant pour avocat Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS


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COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 29/10/2020
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES
ARRÊT du : 29 OCTOBRE 2020

No : 197 - 20
No RG 19/02753
No Portalis DBVN-V-B7D-GACX

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 04 Juillet 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265246350118951

La SARL ABAQUE BATIMENT SERVICES
Prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]5

La SAS HSC2M
Prise en la personne de son président domcilié en cette qualité audit siège
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Gaetane MOULET, membre de la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Victor RANIERI, membre de la SCP FIDAL, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

La SASU T-EMPLOIS
Prise en la personne de son président domicilié [...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Gaetane MOULET, membre de la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Victor RANIERI, membre de la SCP FIDAL, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 26 Juillet 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 juin 2020 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 10 SEPTEMBRE 2020, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :
Madame Marie-Lyne EL BOUDALI, Greffier lors des débats
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 29 OCTOBRE 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Pour les besoins de son activité de couverture traditionnelle et industrielle, la SARL Abaque Bâtiments Services (la société ABS) a recours à des intérimaires et s'est fournie en main d'œuvre, de mi-2017 à mi-2018, auprès des sociétés HSC2M et T-Emplois, agences d'intérim qui exercent respectivement sous les enseignes Temporis Grenoble et Temporis Metz.

N'ayant pas été réglée d'importants chantiers dans les délais prévus aux marchés, la société ABS, qui a rencontré des difficultés de trésorerie, n'a pas réglé à leur échéance les factures des deux agences d'intérim Temporis en cause et, après une série de relances, des engagements de paiement non tenus et la dégradation de la note de crédit de la société ABS, fin juillet 2018, par la société Euler Hermès, son assureur-crédit, la société T-Emplois a résilié le 1er août 2018 le contrat de prestation de services qu'elle avait conclu le 7 décembre 2017 avec la société ABS.

Par actes des 2 et 5 novembre 2018, la société ABS a fait assigner les sociétés Euler Hermès, HSC2M et T-Emplois devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'entendre, en application des articles L. 442-6, I-4, L. 442-6, I -5 et L. 442-6, I-5, dire et juger que tous règlements entre les parties doivent être suspendus dans l'attente d'une décision de fond ou d'un accord amiable entre elles et ordonner à la société Euler Hermès de rétablir ses garanties auprès de ses fournisseurs.

Par ordonnance du 20 novembre 2018 rendue après que les sociétés HSC2M et T-emplois eurent contesté le pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Nanterre pour connaître des demandes de la société ABS, le juge de référés a donné acte à la société ABS de son désistement d'instance et d'action accepté par les défendeurs, puis a constaté l'extinction de l'instance et de l'action.

Par actes des 28, 29 novembre et 11 décembre 2018, la société ABS a de nouveau fait assigner les sociétés Euler Hermès, HSC2M et T-emplois, aux mêmes fins, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris qui, par ordonnance du 15 février 2019, après avoir relevé que la société ABS s'était désistée, non seulement de l'instance mais de l'action qu'elle avait introduite devant le tribunal de commerce de Nanterre, a reçu « l'exception d'irrecevabilité » soulevée par les agences d'intérim, l'a déclarée bien fondée et a « débouté » la société ABS de l'ensemble de ses demandes.

Par acte du 19 avril 2019, les sociétés HSC2M et T-emplois ont fait assigner la société ABS en paiement de leurs factures respectives devant le tribunal de commerce d'Orléans, auquel la société ABS a reconventionnellement demandé de juger que la modification unilatérale des conditions de règlement en usage entre les parties constitue une rupture brutale des relations contractuelles au sens de l'article L. 442-6, I-4o et I-5o du code de commerce, que la rupture d'une prestation en cours et déjà réglée sans préavis et sans motif constitue une rupture brutale des relations contractuelles au sens des mêmes dispositions, de condamner en conséquence les demanderesses à dommages et intérêts et d'ordonner compensation entre les créances respectives des parties.

Par jugement du 4 juillet 2019, le tribunal a :
-dit que la rupture du contrat du 7 décembre 2017 par la SASU T-emplois à l'encontre de la SARL ABS n'est pas brutale et est conforme aux clauses du contrat
-condamné la société ABS à payer :
$gt;la somme de 67 888,34 € TTC au titre de 4 factures impayées avec intérêts majorés de 10 points à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures à la SASU T-emplois,
$gt;la somme de 6 254,11 € au titre de 2 factures impayées avec intérêts majorés de 10 points à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures à la SAS HSC2M
-débouté la SASU T-emplois de sa demande de paiement de 671,10 euros au titre de la clause pénale
-débouté la SAS HSC2M de sa demande de paiement de 775,32 euros au titre de la clause pénale
-débouté la SASU T-emplois de sa demande en paiement de 560 euros au titre des frais de recouvrement
-débouté la SAS HSCM2 de sa demande de paiement de 400 euros au titre des frais de recouvrement
-débouté la SARL ABS de sa demande de délais de paiement
-débouté la SARL ABS de sa demande dommages et intérêts de 160 000 € à l'encontre de la SAS HSC2M et de la SASU T-emplois
-débouté la SARL ABS de sa demande de dommages et intérêts de 2 700 € à l'encontre de la SASU T-emplois
-débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires
-condamné la SARL ABS à payer la somme de 1 000 € à chacune des sociétés SAS HSC2M et SASU T-emplois sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné la SARL ABS en tous les dépens.

Pour statuer comme ils l'ont fait, les premiers juges ont d'abord considéré qu'au regard des stipulations du contrat de prestation de service conclu le 7 décembre 2017, de l'importance du montant des factures restées impayées dont le solde dépassait le plafond de garantie de la société Euler Hermès, des échanges engagés avec la société ABS et du non-respect par cette dernière des engagements de règlement qu'elle avait pris, la société T-emplois avait légitimement résilié la convention qui la liait à la société ABS.

Ils ont ensuite indiqué que la société ABS n'avait jamais contesté devoir les six factures dont il était réclamé paiement, l'ont en conséquence condamnée au règlement de ces factures, en rejetant les demandes accessoires de paiement de clauses pénales et de frais de recouvrement, faute d'éléments leur permettant de vérifier les bases de calcul utilisées par les deux agences d'intérim.

Pour rejeter enfin la demande de délais de paiement et les deux demandes de dommages et intérêts de la société ABS, les premiers juges ont relevé que celle-ci n'apportait aucun justificatif actualisé de sa situation financière ni aucun justificatif des préjudices dont elle réclamait réparation.

La société ABS a relevé appel de cette décision par déclaration du 26 juillet 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause, hormis ceux ayant rejeté les demandes en paiement formées par les sociétés T-emplois et HSC2M au titre de clauses pénales et frais de recouvrement.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens,la société ABS demande à la cour de :

-la dire recevable et bien fondé en son appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu le 4 juillet 2019 par le tribunal de commerce d'Orléans
Y faisant droit,
Réformer cette décision en ce qu'elle a :
-dit que la rupture du contrat du 7 décembre 2017 par la SASU T-emplois à l'encontre de la SARL ABS n'est pas brutale et est conforme aux clauses du contrat
-débouté la SARL ABS de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que :
$gt;la modification unilatérale des conditions de règlement en usage entre les parties constitue une rupture brutale des relations contractuelles au sens de l'article L. 442-6, I-4o et I-5o du code de commerce dans sa version en vigueur avant le 26 avril 2019
$gt;la rupture d'une prestation en cours et déjà réglée sans préavis et sans motif constitue une rupture brutale des relations contractuelles au sens de l'article L442-6, I-4o et I-5o du code de commerce dans sa version en vigueur avant le 26 avril 2019
-condamné la SARL ABS à payer :
$gt;la somme de 67 888,34 € TTC au titre de 4 factures impayées avec intérêts majorés de 10 points à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures à la SASU T-emplois,
$gt;la somme de 6 254,11 € au titre de 2 factures impayées avec intérêts majorés de 10 points à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures à la SAS HSC2M
-débouté la SARL ABS de sa demande de délais de paiement
-débouté la SARL ABS de sa demande de dommages et intérêts de 160 000 € à l'encontre de la SAS HSC2M et de la SASU T-emplois
-débouté la SARL ABS de sa demande de dommages et intérêts de 2 700 € à l'encontre de la SASU T-emplois
-débouté la SARL ABS de sa demande tendant à ce que soit ordonnée la compensation des sommes dues entre les parties
-débouté la SARL ABS de sa demande tendant à ce que les sociétés HSC2M et T-emplois soient chacune condamnées à lui payer la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné la SARL ABS à payer la somme de 1 000 € à chacune des sociétés HSC2M et T-emplois sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné la SARL ABS en tous les dépens y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 85,80 €
Statuant à nouveau,
-dire et juger que la SARL ABS ne saurait être tenue de régler à la SASU T-emplois une somme supérieure à 65 951,85 € TTC au titre des factures émises par cette dernière
-dire et juger que la SARL ABS ne saurait être tenue de régler à la SAS HSC2M une somme supérieure à 5 980,30 € TTC au titre des factures émises par cette dernière
-dire et juger que la SASU T-emplois et la SAS HSC2M ne sauraient prétendre au paiement d'intérêts de retard sur les sommes leur étant dues
-dire et juger que la modification unilatérale des conditions de règlement en usage entre la SARL ABS d'une part et les sociétés T-emplois et HSC2M d'autre part constitue une rupture brutale des relations contractuelles au sens de l'article L442-6, I-4o et I-5o du Code de commerce dans sa version en vigueur avant le 26 avril 2019
-dire et juger que la rupture, par la SASU T-emplois, d'une prestation en cours et déjà réglée sans préavis et sans motif constitue une rupture brutale des relations contractuelles au sens de l'article L442-6,I-4o et I-5o du code de commerce dans sa version en vigueur avant le 26 avril 2019
En conséquence,
-condamner solidairement les sociétés HSC2M et T-emplois à verser à la SARL ABS la somme de 160 000 € à titre de dommages et intérêts s'agissant des difficultés de trésorerie engendrés par leur comportement fautif
-condamner la société T-emplois à verser à la SARL ABS la somme de 2 700 € au titre de dommages et intérêts correspondant aux coûts liés à l'abandon du chantier de Villeneuve le Roi
-ordonner compensation entre les créances respectives des parties
Subsidiairement et s'il devait rester une quelconque somme à régler par la SARL ABS :
-lui accorder les plus larges délais de paiement
En tout état de cause,
-dire et juger la S.A.S HSC2M et la S.A.S.U T-emplois mal fondées en leur appel incident
-les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes, fins et conclusions
-condamner solidairement la S.A.S HSC2M et la S.A.S.U T-emplois à verser à la SARL ABS la somme de 1 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en remboursement des frais irrépétibles exposés en première instance et la somme de 2 500 € en remboursement des frais irrépétibles exposés en appel
-les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorder, en ce qui concerne ces derniers, à la S.C.P. Laval - Firkowski, le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 10 septembre 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé de leurs moyens, les sociétés T-emplois et HSC2M demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1231-1 et 1356 du code civil, L. 441-6 et D. 441-5 du code de commerce, de :

-constater que le tribunal de commerce d'Orléans "a omis de se prononcer sur le caractère définitif du désistement d'action constaté par ordonnance de référé du tribunal de commerce de Nanterre devenue définitive du 20 novembre 2018"
-dire et juger qu'en raison de cette « reconnaissance », la société ABS est purement et simplement irrecevable à formuler toute demande à l'encontre des sociétés HSC2M et T-emplois
Après avoir statué sur ce point en raison de l'effet dévolutif de l'appel et usé de son pouvoir d'évocation,
-statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel interjeté par la société ABS à l'égard du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Orléans du 4 juillet 2019
-déclarer la société ABS irrecevable en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, subsidiairement mal fondée
-déclarer les sociétés HSC2M « Temporis Grenoble » et T-emplois « Temporis Metz » autant recevables que bien fondées en l'ensemble de leurs demandes
En conséquence,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société ABS de l'ensemble de ses demandes et a condamné la société ABS à payer à la société HSC2M les sommes de 6 254,11 € outre 61,46 € restant dus sur la facture no2879, et à la société T-emplois la somme de 67 888,34 € en principal, le tout avec intérêts majorés de 10 points à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures, et ce en application de l'article L.441-6 du code de commerce
Recevant les sociétés HSC2M et T-emplois en leur appel incident,
-condamner la société ABS à payer la somme de 40 € par facture impayée soit 80 € (40 X 2) au profit de la société HSC2M et 160 € (40 X 4) au profit de la société T-emplois
Y ajoutant,
Au titre des factures réglées avec retard,
-condamner la société ABS « dans les mêmes conditions » au paiement des sommes suivantes :
$gt;au profit de la société HSC2M, 775,32 € au titre des intérêts de retard majorés, outre 400 € au titre de l'indemnité forfaitaire de 40 € par facture (10 X 40)
$gt;au profit de la société T-emplois, 671,1 € au titre des intérêts de retard majorés, outre 560 € au titre de l'indemnité forfaitaire de 40 € par facture (14 X 40)
-concernant la somme de 1 000 € allouée à chacune des concluantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, recevoir leur appel incident et porter cette condamnation au titre des frais exposés en première instance à la somme de 5 000 € au profit de chacune
-rejeter toutes demandes contraires ainsi que toute demande de paiement à quelque titre que ce soit ainsi que toute demande de délai
-condamner la société ABS à payer à chacune de la société HSC2M et T-Emplois la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel
-la condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 11 juin 2020, pour l'affaire être plaidée le 10 septembre suivant et mise en délibéré à ce jour.

A l'audience, avant le déroulement des débats, l'ordonnance de clôture du 11 juin 2020 a été révoquée à la demande des parties, à l'effet de rectifier une erreur purement matérielle, et l'instruction a de nouveau été clôturée par simple mention au dossier.

Au cours des débats, la cour a ensuite invité les parties à présenter leurs observations, au moyen d'une note en délibéré, sur la fin de non-recevoir soulevée d'office et tirée de son absence de pouvoir juridictionnel, comme de l'absence de celui du tribunal de commerce d'Orléans, pour connaître des demandes de la société ABS fondées sur une rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties, qui relèvent du pouvoir juridictionnel exclusif du tribunal de commerce et de la cour d'appel de Paris par application des articles L. 442-6, I-5o et D. 442-3 et du code de commerce, et de l'annexe 4-2-1 à laquelle il est renvoyée.

Par notes en délibéré respectivement transmises par voie électronique le 14 et le 21 septembre 2020, l'appelante et les intimées ont indiqué s'en rapporter à justice sur la fin de non-recevoir relevée d'office par la cour.

SUR CE, LA COUR :

I- Sur les demandes principales en paiement des intimées

A) sur les sommes dues au titre des factures impayées

Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.

Selon l'article 1383-2 du code civil, l'aveu judiciaire est la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté. Il fait foi contre celui qui l'a fait. Il ne peut être divisé contre son auteur. Il est irrévocable, sauf en cas d'erreur de fait.

L'aveu fait au cours d'une instance précédente, même opposant les mêmes parties, n'a pas le caractère d'un aveu judiciaire et n'en produit pas les effets (v. par ex. Civ. 1, 22 octobre 2008, no 05-19.451 ; 6 janvier 2004, no 01-01440) ; il ne peut constituer qu'un aveu extrajudiciaire.

Dans son ordonnance du 15 février 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris indique qu'à l'audience du 31 janvier 2019 tenue en son cabinet, le gérant de la société ABS « reconnaît que les sociétés HSC2M et T-emplois son titulaires d'une créance de 6 254,11 euros et de 67 888,34 euros à son encontre, mais s'oppose toutefois au paiement des intérêts de retard ».

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, les déclarations orales faites par le gérant de la société ABS devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, au cours d'une instance précédente, ne constituent assurément pas un aveu judiciaire.

A défaut de production de la note d'audience contenant les déclarations précises du représentant de la société Abaque devant le juge des référés, celles que lui attribue l'ordonnance du 15 février 2019 constituent un aveu extrajudiciaire au sens de l'article 1383-1, lequel peut être reçu dans les cas où, comme en l'espèce, la loi permet la preuve par tout moyen, mais dont la valeur probante est laissée à l'appréciation de la cour.

Entre commerçants, la preuve est libre, ainsi qu'il résulte de l'article L. 110-3 du code de commerce, ce qui signifie, notamment, que la preuve n'a pas à être pré-constituée par un écrit, mais peut être apportée par tous moyens.

Outre les déclarations orales que le juge des référés du tribunal de commerce de Paris attribue au gérant de la société ABS dans une ordonnance qui a été signée de son greffier, ce qui constitue un aveu extrajudiciaire déjà convainquant, la cour observe que l'appelante n'a jamais élevé aucune protestation à réception des factures de chacune des intimées, et n'a jamais contesté non plus, à l'occasion des nombreux courriels échangés entre les parties, être redevable du montant des factures des deux agences d'intérim en cause, expliquant dans un premier temps son absence de paiement par un manque de trésorerie, excipant dans un second temps du différend né à l'occasion de la rupture de leurs relations contractuelles.

Dans ces circonstances, les premiers juges ont retenu à raison que la preuve du principe et du montant en principal des créances des sociétés T-emplois et HSC2M était suffisamment rapportée.

La société ABS sera donc condamnée à régler à la société à la société HSC2M, au titre de ses deux factures no 2351 du 31 mai 2018 et no 2495 du 31 juin 2018, respectivement exigibles au 30 juin et au 31 juillet 2018, la somme de 6 254,11 euros, avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 30 juin 2018 sur la somme de 2 877,53 euros et du 31 juillet 2018 sur le surplus, conformément aux dispositions de l'article L. 441-10 du code de commerce.

La société ABS sera en outre condamnée à payer à la société T-emplois, au titre de ses quatre factures no 1519, 1562, 1758 et 1819 des 31 mai, 5 juillet, 31 juillet et 31 août 2018, et dans la limite des demandes, la somme de 67 888,34 euros, avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 30 juin 2018 sur la somme de 21 724,32 euros, du 5 août 2018 sur la somme de 43 616,78 euros (21 724,32 + 21 892,46) et du 31 août 2018 pour le surplus, conformément aux dispositions de l'article L. 441-10 du code de commerce là encore.

La cour observe que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande des sociétés HSC2M et T-emplois tendant au paiement des indemnités forfaitaires de recouvrement prévues sur ces factures restées impayées et n'ont examiné les demandes d'indemnités de recouvrement qu'au titre des factures réglées avec retard.

En application des dispositions combinées des articles 463 et 561 du code de procédure civile, il appartient donc à la cour, en raison de l'effet dévolutif et dès lors que l'appel n'a pas été exclusivement formé pour réparer cette omission, de la réparer en statuant sur la demande d'indemnités de recouvrement sur laquelle les parties se sont contradictoirement expliquées.

Par application des articles L. 441-10 et D. 441-5 du code de commerce, la société ABS est redevable de plein droit, pour chacune des factures restées impayées, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros par facture.

A ce titre, la société ABS doit donc être condamnée à régler à la société HSC2M une somme complémentaire de 80 euros (2 factures impayées) et à la société T-emplois une somme complémentaire de 160 euros (4 factures impayées).

B) sur les sommes réclamées au titre des factures payées avec retard
Les pénalités de retard et l'indemnité de recouvrement prévues à l'article L. 441-10 du code de commerce sont exigibles de plein droit ; la créance naît automatiquement à l'échéance légale, soit le lendemain de la date à laquelle le paiement était prévu.

Pour autant, l'exigibilité de plein droit de ces pénalités ne crée aucune obligation pour le créancier, qui a simplement la possibilité de les réclamer.

En l'espèce, les intimées n'ont jamais réclamé ces pénalités à la société ABS avant l'introduction de la présente instance et il résulte des nombreux courriels échangés entre les parties que, en contrepartie de leurs relations avec la société ABS, qui assurait une part importante de leurs chiffres d'affaires jusqu'à ce que les relations entre les parties se dégradent, les sociétés HSC2M et T-emplois ont renoncé sans équivoque à la faculté de solliciter ces pénalités de retard en acceptant au contraire de consentir à leur cliente, dans la limite de ce qui leur était possible, les plus larges délais de paiement, faisant régulièrement part au gérant de la société ABS de ce qu'elles n'ignoraient pas les délais dans lesquels son entreprise était elle-même réglée, notamment à l'occasion des nombreux marchés de travaux que l'appelante concluait avec des personnes publiques.

Dans ces circonstances, les intimées seront déboutées de leurs demandes tendant au paiement de pénalités et d'indemnités de recouvrement sur les factures que la société ABS leur a réglé, avec retard certes, mais avec leur accord.

Sauf à préciser que les indemnités de retard prévues à l'article L. 441-10 du code de commerce ne constituent pas des clauses pénales, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés HSC2M et T-emplois de leurs demandes formées respectivement à hauteur de 775,32 euros et de 671,10 euros au titre des pénalités de retard, et à hauteur de 400 et 560 euros au titre des indemnités de recouvrement (réclamées sur les factures réglées avec retard).

II- Sur la demande des intimées tendant à la réparation de l'omission de statuer des premiers juges sur la recevabilité contestée des demandes reconventionnelles de la société ABS et sur la fin de non-recevoir relevée d'office par la cour, tirée de son défaut de pouvoir juridictionnel pour connaître des demandes reconventionnelles de l'appelante fondées sur une rupture brutale de la relation commerciale établie entre les parties
Selon l'article L.442-6, I-4o et I-5o du code de commerce, dans sa réaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance no 2019-359 du 24 avril 2019, applicable à la cause compte tenu de la date de l'assignation, engage la responsabilité de tout producteur, commerçant, industriel, ou personne immatriculée au répertoire des métier, et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, notamment :
-d'obtenir ou tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les délais de paiement
-de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels...

L'article L. 442-6, en son paragraphe III, précise que les litiges relatifs à l'application du présent article sont attribués à des juridictions spécialisées dont le siège et le ressort sont fixés par décret.

Il ressort de l'article D. 442-3 et de l'annexe 4-2-1 à laquelle il renvoie, qui attribue au tribunal de commerce de Paris la connaissance des litiges noués dans le ressort de la cour d'appel d'Orléans, et qui prévoit que la cour d'appel compétente pour connaître des décisions rendues par les juridictions spécialisées est la cour d'appel de Paris, que la cour n'a pas le pouvoir juridictionnel de connaître des demandes de l'appelant fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6, I, 4o et 5o du code de commerce.

Les demandes de dommages et intérêts de la société ABS, fondées sur les dispositions précitées, doivent donc être déclarées irrecevables, comme les « demandes » de ladite société tendant à entendre « dire et juger que la modification unilatérale des conditions de règlement en usage entre la SARL ABS d'une part et les sociétés T-emplois et HSC2M d'autre part constitue une rupture brutale des relations contractuelles au sens de l'article L442-6, I-4o et I-5o du code de commerce » et « dire et juger que la rupture, par la SASU T-emplois, d'une prestation en cours et déjà réglée sans préavis et sans motif constitue une rupture brutale des relations contractuelles au sens de l'article L442-6,I-4o et I-5o du code de commerce » si l'on retient, pour les besoins du raisonnement, que de telles demandes tendant à entendre « dire et juger » constituent des prétentions au sens del'article 4 du code de procédure civile, et pas seulement des moyens.

Les intimées demandent à la cour de juger, en réparant une omission de statuer des premiers juges sur ce chef, que la société ABS est irrecevable en ses demandes à leurs encontre à raison de son désistement d'instance et d'action devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, dont l'ordonnance rendue le 20 novembre 2018 serait « définitive ».

Sans même qu'il y ait lieu de discuter sur la signification du caractère définitif d'une décision, la cour rappelle que l'effet dévolutif n'opère que lorsque le premier juge a été régulièrement saisi.

Pour les raisons qui viennent d'être exposées, le tribunal de commerce d'Orléans n'avait pas le pouvoir de statuer sur la recevabilité des demandes de la société ABS fondées sur une rupture abusive des relations commerciales.

Il n'y a donc pas lieu à réparation d'une omission de statuer portant sur un chef de demande sur lequel les premiers juges n'avaient pas le pouvoir juridictionnel de statuer, et sur lequel la cour ne l'a pas davantage.

III- Sur la demande de délais de paiement

L'article 1343-5 du code civil permet d'accorder au débiteur impécunieux des délais de paiement qui, dans la limite de deux années, empruntent leur mesure aux circonstances.

La société ABS qui a déjà bénéficié, de fait, de très larges délais de paiement, ne fournit pas le moindre élément sur sa situation financière.

Dans ces circonstances, sa demande de délais ne peut qu'être rejetée.

IV- Sur les demandes accessoires
La société ABS, qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et régler à chacune des intimées, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de leurs frais irrépétibles, une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a :
-condamné la société Abaque Bâtiments Services à payer :
$gt;la somme de 67 888,34 € TTC au titre de 4 factures impayées « avec intérêts majorés de 10 points » à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures à la SASU T-emplois,
$gt;la somme de 6 254,11 € au titre de 2 factures impayées « avec intérêts majorés de 10 points » à compter de la date d'exigibilité de chacune des factures à la SAS HSC2M,
-dit que la rupture du contrat du 7 décembre 2017 par la société T-emplois à l'encontre de la société Abaque Bâtiments Services n'est pas pas brutale et est conforme au contrat
-débouté la société Abaque Bâtiments Services de sa demande de dommages et intérêts de 160 000 euros à l'encontre de la société HSC2M et de la société T-emplois
-débouté la société Abaque Bâtiments Services de sa demande de dommages et intérêts de 2 700 euros à l'encontre de la société T-emplois

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et réparant l'omission se statuer des premiers juges sur la demande en paiement des indemnités forfaitaires de recouvrement des factures restées impayées,

CONDAMNE la société Abaque Bâtiments Services à régler à la société à la société HSC2M, au titre de ses deux factures impayées, la somme de 6 254,11 euros, avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 30 juin 2018 sur la somme de 2 877,53 euros et du 31 juillet 2018 sur le surplus,

CONDAMNE la société Abaque Bâtiments Services à payer à la société T-emplois, au titre de ses quatre factures impayées, la somme de 67 888,34 euros, avec intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter du 30 juin 2018 sur la somme de 21 724,32 euros, du 5 août 2018 sur la somme de 43 616,78 euros et du 31 août 2018 pour le surplus,

CONDAMNE la société Abaque Bâtiments Services à régler à la société HSC2M la somme de 80 euros au titre des indemnités forfaitaires de recouvrement de ses deux factures impayées,

CONDAMNE la société Abaque Bâtiments Services à payer à la société T-emplois la somme de 160 euros au titre des indemnités forfaitaires de recouvrement de ses quatre factures impayées,

DECLARE la société Abaque Bâtiments Services irrecevable en ses demandes reconventionnelles tendant à entendre reconnaître une rupture brutale des relations établies en les parties, au sens de l'article L. 442-6, I du code de commerce, et condamner en conséquence les sociétés T-emplois et HSC2M à lui payer des dommages et intérêts en réparation des conséquences dommageables de cette rupture,

DIT n'y avoir lieu de statuer, par réparation d'une omission des premiers juges, sur la demande des sociétés HSC2M et T-emplois tendant à entendre juger la société Abaque Bâtiments Services irrecevable en ses demandes à raison de son désistement d'instance et d'action devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre,

CONFIRME la décision pour le surplus de ses dispositions critiquées, sauf à préciser que le rejet des demandes en paiement formées à hauteur de 671,10 euros par la société T-emplois et de 775,32 euros par la société HSC2M ne porte pas sur des demandes en paiement de clauses pénales, mais de pénalités de retard réclamées sur des factures réglées avec retard,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société Abaque Bâtiments Services à payer à chacune des sociétés HSC2M et T-emplois la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Abaque Bâtiments Services aux dépens,

ACCORDE à Maître Moulet, membre de la SELARL Acte avocats associés, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 19/02753
Date de la décision : 29/10/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-29;19.02753 ?
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