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28/05/2020 | FRANCE | N°19/015801

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 28 mai 2020, 19/015801


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 28/05/2020
la SCP GUILLAUMA PESME

ARRÊT du : 28 MAI 2020

No : 98 - 20
No RG 19/01580 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F5TT

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de BLOIS en date du 14 Mars 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265232601828704

SA CREATIS
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Maître Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA-PESME, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat pla...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 28/05/2020
la SCP GUILLAUMA PESME

ARRÊT du : 28 MAI 2020

No : 98 - 20
No RG 19/01580 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F5TT

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de BLOIS en date du 14 Mars 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265232601828704

SA CREATIS
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Maître Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA-PESME, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Olivier HASCOET, membre de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET- HELAIN, avocat au barreau de l'Essonne,

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: -/-

Monsieur T... G...
[...]
[...]

Défaillant

Madame S... W... épouse G...
[...]
[...]

Défaillante

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 29 Avril 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 Février 2020

COMPOSITION DE LA COUR

L'audience du 26 mars 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la Loi numéro 2020-290 du 23 mars 2020. Avec l'accord express des parties communiqué par voie électronique le 24 mars 2020, la Cour statue sans audience au vu des pièces et des conclusions produites.

Après délibéré au cours duquel Madame Fanny CHENOT, Conseiller, a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 28 MAI 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 18 juin 2013, la SA Créatis a consenti à M. T... G... et Mme S... W..., son épouse, un crédit personnel de 33900euros remboursable en 144 mensualités de 450,88 euros incluant les intérêts au taux nominal de 9,30 % et les primes d'assurance.

Plusieurs échéances de ce prêt étant restées impayées malgré une mise en demeure de régulariser la situation adressée à chaque emprunteur en lui précisant le délai dont il disposait pour faire obstacle à l'exigibilité anticipée du solde du prêt, la société Créatis a provoqué la déchéance du terme de son concours le 15 janvier 2018 puis a fait assigner M. et Mme G... devant le tribunal d'instance de Blois aux fins de les entendre solidairement condamner, au principal, à lui payer la somme de 33012,98 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 9,30 % à compter du 15 janvier 2018.

Par jugement contradictoire du 14 mars 2019, le tribunal, après avoir relevé d'office que l'offre de crédit de la demanderesse ne comportait pas le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice du droit de rétractation de l'emprunteur prescrit par l'article L. 312-19 du code de la consommation, a :

-prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat conclu le 18 juin 2013 entre la SA Créatis et M. et Mme G...
-condamné solidairement M. et Mme G... à payer à la SA Créatis la somme de 17420,71euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2018
-débouté les parties de leurs autres demandes
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné solidairement M. et Mme G... aux entiers dépens
-ordonné l'exécution provisoire

La société Créatis a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 29 avril 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause, hormis celui ayant condamné solidairement M. et Mme G... aux dépens de première instance.

Dans ses dernières dernières conclusions transmises le 5 juillet 2019 par voie électronique, signifiées le 8 juillet suivant à chacun des intimés, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Créatis demande à la cour, au visa des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, de :

-la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel,
Y faire droit,
-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, rejeté la demande de capitalisation annuelle des intérêts et d'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau sur ces points,
-dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts, moyen irrecevable comme prescrit et en tout état de cause infondé
-condamner solidairement M. T... G... et Mme S... G... née W... à lui payer la somme principale de 33012,98 euros au titre du prêt en cause, avec intérêts au taux contractuel de 9,30 % l'an à compter des mises en demeure du 15 janvier 201_ et, à titre subsidiaire, à compter de l'assignation
-ordonner la capitalisation annuelle des intérêts
-condamner solidairement M. T... G... et Mme S... G... née W... à lui payer la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner solidairement les intimés aux dépens

La société Créatis soutient en substance, de première part que par application de l'article L. 110-4 du code de commerce, le premier juge ne pouvait relever d'office une irrégularité du contrat de crédit couverte par la prescription ; de seconde part que M. et Mme G... ont reconnu, en signant l'offre de prêt, rester en possession d'un exemplaire du contrat doté du formulaire détachable de rétractation et que le tribunal ne pouvait, dans ces circonstances, tirer aucune conséquence de ce que l'exemplaire de l'offre destiné a être conservé par elle-même ne comporte pas lui aussi un bordereau de rétractation dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 février 2020, pour l'affaire être plaidée à l'audience du 26 mars 2020, sans que M. et Mme G..., respectivement assignés à personne et à domicile, aient constitué avocat.

Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020, l'audience du 26 mars 2020 n'a pu être tenue, les parties en étant avisé par un courrier de la cour, mais avec l'accord exprès des parties représentées, donné par courrier électronique du 24 mars 2020, la procédure s'est déroulée sans audience en application des articles 799 et 907 du code de procédure civile et l'affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2020.

SUR CE, LA COUR :

Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et que la cour ne fait droit aux prétentions de l'appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées.

Contrairement à ce que soutient la société Créatis, en omettant la distinction qui doit être faite entre les demandes reconventionnelles régies par l'article 64 du code de procédure civile et les exceptions au fond régies par l'article 71 du même code, toute cause de déchéance des intérêts ne doit pas être soulevée, à peine d'irrecevabilité, dans le délai de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce (v. par ex. Com, 6 juin 2018, no 17-10.103).

De même que la prescription est sans influence sur un moyen de défense au fond, le moyen soulevé d'office par le premier juge en application de l'article L. 141-4 ancien du code de la consommation devenu l'article R. 632-1, tiré de l'absence de formulaire détachable joint à l'offre de crédit produite par la société Créatis, tendant seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par l'établissement de crédit à l'encontre des emprunteurs, échappe à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, étant relevé à titre surabondant, de première part que la prescription éteint le droit d'action et non le droit substantiel lui-même ; de seconde part que la prescription qui tend à consolider les situations de fait et sanctionner le titulaire d'un droit négligent serait détournée de sa fonction, sécuritaire et morale, si elle devait conduire à interdire au juge d'assurer le respect effectif d'une législation protectrice d'ordre public issue de la transposition en droit interne de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, en plaçant l'emprunteur à la merci d'une action tardive du prêteur.

C'est donc à bon droit que le premier juge a retenu qu'il pouvait soulever d'office le moyen tiré du non-respect des prescriptions de l'article L. 311-12 ancien devenu l'article L. 312-21 [et non pas L. 312-19 comme il l'a indiqué par erreur].

L'article L. 311-12 ancien du code de la consommation énonce que l'emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L. 311-18 et précise que, afin de permettre l'exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.

La loi prescrit uniquement qu'un formulaire soit joint à l'exemplaire de l'offre de crédit destiné à l'emprunteur.

Aucune disposition légale n'impose que le bordereau de rétractation, dont l'usage est exclusivement réservé à l'emprunteur, figure aussi sur l'exemplaire de l'offre destiné à être conservé par le prêteur, la formalité du double exemplaire s'appliquant uniquement à l'offre préalable elle-même et non au formulaire détachable de rétractation qui y est joint (v. par ex. civ. 1, 12 juillet 2012, no 11-17.595).

Si la mention selon laquelle l'emprunteur reconnaît rester en possession d'un exemplaire de l'offre doté d'un formulaire détachable de rétractation ne suffit pas à démontrer que l'offre était effectivement assortie de ce formulaire, elle laisse cependant présumer la remise effective de celle-ci (v. par ex. civ. 1, 16 janvier 2013, no 12-14.122).

En l'espèce, les emprunteurs ont déclaré accepter l'offre de contrat de crédit de la société Créatis après avoir pris connaissance de la fiche d'information précontractuelle européenne normalisée, des conditions particulières et générales du contrat de crédit et reconnu «rester en possession d'un exemplaire de ce contrat de crédit doté d'un formulaire détachable de rétractation».

En sanctionnant par une déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels la société Créatis, pour cela seul que ladite société avait produit aux débats une offre de crédit dépourvue de formulaire détachable de rétractation, sans provoquer de débat contradictoire et sans solliciter les explications des emprunteurs, alors que M. G... avait comparu sans alléguer une telle irrégularité, le premier juge a méconnu la loi.

Dès lors que les intimés n'établissent ni même n'allèguent que leur offre de crédit ne comporterait pas de bordereau détachable de rétractation, ou que celui-ci serait irrégulier, rien ne justifie de priver la société Créatis de son droit aux intérêts.

Selon l'article L. 311-24 ancien du code de la consommation, le prêteur peut, en cas de défaillance de l'emprunteur, exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, le tout produisant intérêts au taux contractuel, outre une indemnité de 8 % calculée sur le capital restant dû.

En l'espèce, cumulée avec les intérêts conventionnels dont le taux excède le taux légal majoré, cette indemnité de 8 %, qui répond à la définition de la clause pénale des articles 1152 et 1226 anciens du code civil, revêt un caractère manifestement excessif qui commande sa réduction d'office à un montant qui, pour conserver à la clause son caractère comminatoire, sera fixé à 100 euros.

Etant rappelé que selon les prescriptions de l'article L. 311-23, aucune indemnité ni aucun frais autres que ceux prévus à l'article L. 311-24 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur, ce qui fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue à l'article 1154 ancien du code civil (v. par ex. civ. 1, 30 novembre 2016, no 15-16.660), la créance de l'appelante sera arrêtée, au vu des pièces versées aux débats, notamment l'offre de crédit, l'historique du compte, le tableau d'amortissement et le décompte arrêté au 22 mars 2018, ainsi qu'il suit :

-mensualités échues et impayées : 4959,68euros (dont 2037,38 euros en capital)
-capital restant dû à la déchéance du terme : 25496,91euros
-intérêts de retard échus au 22 mars 2018 : 463,03euros
-primes d'assurance échues à la date de déchéance du terme : 59,34euros
-indemnité de 8 % (réduite d'office) : 100euros
Soit un solde de 31078,96euros, à majorer des intérêts au taux conventionnel de 9,30 % l'an sur la somme de 27534,29euros à compter du 23 mars 2018 et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter du 18 janvier 2018, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l'article 1153 ancien du code civil

Par infirmation du jugement entrepris, M. et Mme G... seront solidairement condamnés à payer à la société Créatis, pour solde du prêt litigieux, la somme sus-énoncée.

M. et Mme G..., qui succombent au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devront supporter les dépens de l'instance et régler à la société Créatis, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision n'étant susceptible d'aucun recours suspensif, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'exécution provisoire, dénuée d'objet.

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions critiquées,

STATUANT À NOUVEAU :

CONDAMNE solidairement M. T... G... et Mme S... W... épouse G... à payer à la société Créatis, pour solde du crédit souscrit le 18 juin 2013, la somme de 31078,96euros, majorée des intérêts au taux conventionnel de 9,30 % l'an sur la somme de 27534,29euros à compter du 23 mars 2018 et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter du 18 janvier 2018,

Y AJOUTANT,

REJETTE la demande de capitalisation annuelle des intérêts,

CONDAMNE solidairement M. et Mme G... à payer à la société Créatis la somme de 500euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement M. et Mme G... aux dépens.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 19/015801
Date de la décision : 28/05/2020
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2020-05-28;19.015801 ?
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