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28/05/2020 | FRANCE | N°19/01455

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 28 mai 2020, 19/01455


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 28/05/2020
la SCP GUILLAUMA PESME
Me Sylvie CELERIER
ARRÊT du : 28 MAI 2020


No : 95 - 20
No RG 19/01455 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F5MX


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de MONTARGIS en date du 18 Février 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265232604232364


SA FINANCO
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal dom

icilié en cette qualité audit siège [...]
[...]
[...]




Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA-PESME, avocat au b...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 28/05/2020
la SCP GUILLAUMA PESME
Me Sylvie CELERIER
ARRÊT du : 28 MAI 2020

No : 95 - 20
No RG 19/01455 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F5MX

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de MONTARGIS en date du 18 Février 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265232604232364

SA FINANCO
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA-PESME, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Olivier HASCOET, membre de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET-HELAIN, avocat au barreau de l'Essonne,

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265241580563573

Monsieur P... U...
né le [...] à TOURNAN EN BRIE
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Sylvie CELERIER, avocat au barreau d'ORLEANS,

Madame H... X... épouse U...
née le [...] à POINTE A PITRE
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Sylvie CELERIER, avocat au barreau d'ORLEANS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 19 Avril 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 Février 2020

COMPOSITION DE LA COUR

L'audience du 26 mars 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la Loi numéro 2020-290 du 23 mars 2020. Avec l'accord express des parties communiqué par voie électronique le 23 mars 2020, la Cour statue sans audience au vu des pièces et des conclusions produites.

Après délibéré au cours duquel Madame Fanny CHENOT, Conseiller, a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 28 MAI 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 2 juin 2011, la SA Financo a consenti à M. P... U... et Mme H... X..., son épouse, un crédit d'un montant de 24800 euros destiné à financer l'installation d'une pompe à chaleur, remboursable en 180 mensualités de 257,99 incluant les intérêts au taux nominal de 6 % l'an et les primes d'assurance.

Des mensualités du prêt étant restées impayées, l'établissement de crédit a provoqué la déchéance du terme le 19 janvier 2018 et fait assigner M. et Mme U... devant le tribunal d'instance de Montargis aux fins de les entendre solidairement condamner, au principal, à lui payer la somme de 21557,70 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 6 % l'an à compter du 24 janvier 2018.

Par jugement réputé contradictoire du 18 février 2019, le tribunal, retenant que la société Financo devait être déchue en totalité du droit aux intérêts pour n'avoir pas justifié de la remise aux emprunteurs d'une fiche d'informations précontactuelle conforme aux prescriptions de l'article L. 311-6 devenu l'article L. 312-12 du code de la consommation, puis que le montant susceptible d'être perçu par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points par application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier était de nature à priver d'effectivité la sanction de la déchéance prononcée, a :

-déclaré la société Financo recevable en ses demandes
-prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat consenti le 2 juin 2011 à M. et Mme U...
-écarté l'application des articles 1153 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier
-condamné M. P... U... à payer à la société Financo, en deniers ou quittances, la somme de 3730,58euros au titre du capital restant dû
-condamné Mme H... U... à payer à la société Financo, en deniers ou quittances, la somme de 2730, 58 euros au titre du capital restant dû
-dit que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal
-autorisé Mme U... à apurer sa dette en 14 mensualités de 200euros au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du jugement, la dernière mensualité étant constituée du solde de la dette
-dit qu'à défaut de paiement d'une mensualité, l'intégralité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse
-rappelé qu'au cours du délai fixé pour apurer la dette, les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier sont suspendues et les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues
-rappelé qu'en cas de mise en place d'une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixés par ladite procédure
-rejeté la demande d'indemnité formulée par la société Financo au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-condamné M. et Mme U... aux dépens
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire

La société Financo a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 19 avril 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause, hormis ceux l'ayant déclarée recevable en ses demandes et ayant condamné M. et Mme U... aux dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 décembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, la société Financo demande à la cour, de :

-la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel,
Y faire droit,
-infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, écarté la solidarité, la capitalisation des intérêts et accordé des délais de paiement
Statuant à nouveau,
-dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts, moyen irrecevable comme prescrit et en tous cas non fondé
-condamner en conséquence solidairement Monsieur P... U... et Madame H... X... épouse U... à lui payer la somme de 21557,70 euros, avec intérêts au taux de 6 % l'an à compter des mises en demeure du 24 janvier 2018
-ordonner la capitalisation annuelle des intérêts
-déclarer M. et Mme U... mal fondés en leurs demandes et les en débouter
-dire n'y avoir lieu à délais de paiement
-condamner solidairement Monsieur et Madame U... à lui payer la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner solidairement les intimés aux dépens

La société Financo soutient :
-que par application de l'article L. 110-4 du code de commerce, le premier juge ne pouvait relever d'office une irrégularité du contrat de crédit couverte par la prescription
-que M. et Mme U... ont reconnu, en signant l'offre de prêt, avoir reçu préalablement à l'émission de l'offre une fiche d'information précontractuelle européeenne normalisée, en sorte que le tribunal ne pouvait tirer aucune conséquence de ce qu'elle n'avait pas produit un exemplaire de cette fiche
-qu'il appartient aux emprunteurs qui demandent la confirmation du jugement entrepris de produire l'ensemble des documents contractuels qu'ils ont reçus pour permettre à la cour de vérifier que toutes les mentions exigées par le code de la consommation se retrouvent dans le contrat de prêt qu'ils ont signé
-que rien ne justifie d'écarter la solidarité alors les époux co-emprunteurs ont tous les deux bénéficié de l'installation financée et que les échéances prélevées ont été réglées depuis leur compte joint
-qu'il ne peut, enfin, être accordé des délais de paiement aux intimés, alors qu'il n'est pas établi que ces délais pourront être respectés

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 13 janvier 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de leurs moyens, M. et Mme U... demandent à la cour de :

-dire irrecevable et en tout cas mal fondé l'appel interjeté par la société Financo d'un jugement rendu par le tribunal d'instance de Montargis le 18 février 2019
-le confirmer en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il n'a pas accordé à Monsieur U... des délais de paiement et dire qu'il pourra s'acquitter des sommes dues en 24 mensualités
-y ajoutant, condamner la société Financo au paiement d'une indemnité de 3000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
-à titre subsidiaire, accorder aux époux U... les plus larges délais de paiement, rejeter la demande de capitalisation des intérêts et réduire notablement le montant de la clause pénale

A l'appui de leur demande de confirmation, M. et Mme U... font valoir, sans reprendre à leur compte le moyen soulevé d'office par le juge d'instance, que ce dernier pouvait soulever un moyen d'office pour répondre à sa mission qui est de compenser la situation d'inégalité existant entre consommateurs et professionnel, sans que la prescription quinquennale lui soit opposée, et ajoutent que la déchéance des intérêts est un moyen de défense au fond au sens de l'article 71 du code de procédure civile, qui échappe en tant que tel à la prescription.

Concernant la fiche d'information précontractuelle, M. et U... soutiennent qu'il appartient à l'établissement de crédit de justifier qu'il a satisfait aux prescriptions d'ordre public et que la société Financo ne peut, sans renverser la charge de la preuve, leur demander de produire les documents contractuels reçus.

Indiquant que Mme U... a réglé au 31 juillet 2019 la somme de 2600euros, les intimés demandent à la cour de diviser entre eux la créance de la société Financo, telle que fixée à 7461,16 euros par le premier juge, de prononcer une condamnation en deniers et quittances et d'auoriser M. U..., comme son épouse, à régler la part de sa dette, qui s'élève à 3730,58euros, en 24 mensualités.

Pour le reste, les intimés demandent à la cour, sans explication particulière, de rejeter la demande de capitalisation des intérêts comme celle tendant au paiement de la clause pénale stipulée au contrat de crédit et de dire que la créance de l'appelante ne portera intérêts, ni au taux conventionnel, ni au aux légal.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 février 2020, pour l'affaire être plaidée à l'audience du 26 mars 2020.

Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020, l'audience du 26 mars 2020 n'a pu être tenue mais, avec l'accord exprès des parties, toutes représentées, donné par courriers des 16 et 24 mars 2020, la procédure s'est déroulée sans audience en application des articles 799 et 907 du code de procédure civile et l'affaire a été mise en délibéré au 28 mai 2020.

SUR CE, LA COUR :

La cour observe à titre liminaire que M. et Mme U... ne développent aucun moyen au soutien de l'irrecevabilité de l'appel formé par la société Financo. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la recevabilité de l'appel, qui sera tenue comme non contestée.

Contrairement à ce que soutient la société Financo, en omettant la distinction qui doit être faite entre les demandes reconventionnelles régies par l'article 64 du code de procédure civile et les exceptions au fond régies par l'article 71 du même code, toute cause de déchéance des intérêts ne doit pas être soulevée, à peine d'irrecevabilité, dans le délai de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce (v. par ex. Com, 6 juin 2018, no 17-10.103).

De même qu'un moyen de défense au fond peut être opposé en tout état de cause et présente comme autre particularité de ne pas être soumis à la prescription (v. par ex. com. 21 octobre 2014, no 13-21.341), le moyen soulevé d'office par le premier juge en application de l'article L. 141-4 ancien du code de la consommation devenu l'article R. 632-1, tiré du défaut de justification de l'information précontractuelle délivrée aux emprunteurs, tendant seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par l'établissement de crédit, échappe à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, étant relevé à titre surabondant, de première part que la prescription éteint le droit d'action et non le droit substantiel lui-même ; de seconde part que la prescription qui tend à consolider les situations de fait et sanctionner le titulaire d'un droit négligent serait détournée de sa fonction, sécuritaire et morale, si elle devait conduire à interdire au juge d'assurer le respect effectif d'une législation protectrice d'ordre public issue de la transposition en droit interne de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, en plaçant l'emprunteur à la merci d'une action tardive du prêteur.

C'est donc à bon droit que le premier juge, tenu par l'article 472 du code de procédure civile de vérifier, en l'absence de M. U..., le bien-fondé des prétentions de la société Financo, a retenu qu'il pouvait soulever d'office le moyen tiré du non-respect des prescriptions de l'article L. 311-6 du code de la consommation.

Selon l'article L. 311-6, I, du code de la consommation, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

L'article R. 311-3 du même code fixe la liste des informations devant figurer dans la fiche d'information à fournir pour chaque offre de crédit, en sus de la mention visée au dernier alinéa de l'article L. 311-5 devant apparaître en caractères lisibles, ainsi que les conditions de présentation de cette fiche.

L'article L. 311-6 III précise enfin que lorsque le consommateur sollicite la conclusion d'un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d'information mentionnée au I lui soit remise sur le lieu de vente.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'information.

Dès lors que le prêteur se prévaut d'une clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'information précontractuelle normalisée européenne, mais ne verse pas ce document aux débats, la signature de la mention d'une telle clause ne peut être considérée que comme un simple indice non susceptible, en l'absence d'élément complémentaire, de prouver l'exécution par le prêteur de son obligation d'information (v. par ex. Civ. 1, 5 juin 2019, no 17-27.066).

Par arrêt du 18 décembre 2014 en effet (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.

Dans son arrêt, la Cour de justice a par ailleurs précisé qu'une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d'information européenne normalisée et a ajouté qu'une telle clause constitue un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.

Au cas particulier, la société Sofinco, à qui il appartenait pourtant de s'assurer que l'intermédiaire par lequel M. et Mme U... ont conclu le crédit litigieux à leur domicile leur avait remis une fiche d'information précontractuelle idoine, ne produit en cause d'appel, ni la fiche qui lui aurait été retournée par l'intermédiaire de crédit, la société Equip'house, ni aucun élément de preuve de nature à corroborer la déclaration qu'ont faite les emprunteurs en apposant leur signature sous une clause type mentionnant qu'ils «reconnaissaient avoir reçu préalablement à l'émission de l'offre une fiche d'information précontractuelle européenne normalisée en matière de crédit aux consommateurs».

Sauf à inverser la charge de la preuve, la société Sofinco ne peut soutenir qu'il appartiendrait aux intimés de produire les documents contractuels qui leur ont été remis pour permettre à la cour de vérifier qu'elle a satisfait à ses obligations.

Etant rappelé que par application de l'article L. 311-48 ancien, alinéa 1, du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 311-6 est déchu du droit aux intérêts, le premier juge a retenu à raison que la société Sofinco, qui n'apporte pas la preuve de la pleine et correcte exécution de l'obligation d'information précontactuelle qui lui incombait, devait être déchue du droit aux intérêts.

Selon l'article 1202 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, la solidarité ne se présume pas.

En l'espèce, l'offre de crédit ne contient aucune stipulation expresse de solidarité, mais prévoit que «en cas de pluralité d'emprunteurs, il est expressément convenu qu'ils agissent et sont tenus conjointement et indivisément».

L'obligation conjointe s'entend de l'obligation plurale dans laquelle chacun des débiteurs ne peut être poursuivi que pour sa part.

Dès lors qu'elle ne démontre pas que l'emprunt litigieux aurait été souscrit pour les besoins du ménage, la société Financo ne peut qu'être déboutée de sa demande tendant à la condamnation solidaire des intimés et, compte tenu de la contradiction existant entre l'obligation conjointe et l'obligation indivise auxquelles il est fait référence à l'offre de crédit, les emprunteurs ne peuvent être tenus que conjointement, c'est-à-dire divisément.

L'article L. 311-48 ancien du code de la consommation prévoit que lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu, puis précise que les sommes perçues au titre des intérêts sont imputées sur le capital restant dû lorsque, comme en l'espèce, elles ne sont pas restituées.

En application de ces principes et en rappelant à bon droit que les dispositions de l'article L. 311-48 précité interdisent au prêteur de prétendre au paiement de l'indemnité de 8 % prévue à titre de clause pénale en cas de défaillance des emprunteurs dans le remboursement du crédit, le premier juge a exactement retenu, au vu de l'historique du compte, que la créance de la société Financo s'élevait à 7461,16euros au 19 janvier 2018, date de déchéance du terme.

Par confirmation du jugement entrepris, M. U... sera donc condamné à payer à la société Financo, pour solde de sa part dans le crédit litigieux, la somme de 3730,58euros correspondant à la moitié de la somme sus-énoncée de 7461,16euros.

Mme U..., qui justifie de son côté avoir réglé à l'appelante, entre le 4 avril 2018 et le 30 juillet 2019, la somme totale de 2600 euros au moyen de treize virements de 200 euros chacun, sera pour sa part condamnée à régler la somme de 1130,58euros (7461,16 € / 2 – 2600€).

En application de l'article 1153 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, la déchéance des intérêts conventionnels ne prive pas le créancier des intérêts de retard au taux légal.

S'il est exact que la majoration de cinq points encourue par application des dispositions de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier est de nature à priver d'effectivité la sanction de la déchéance prononcée en ce que, passé le délai de deux mois prévu à l'article L. 313-3 précité, le taux d'intérêts applicable, c'est-à-dire le taux légal majoré de cinq points (5,87 %) ne sera pas significativement inférieur au taux nominal dont la société de crédit est déchue (6 %), il convient, non pas de priver l'appelante des intérêts au taux légal, lesquels courent depuis le 26 janvier 2018, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l'article 1153 ancien du code civil, mais de dire, à fin d'assurer l'effectivité de la protection que la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs impose au juge national d'assurer aux consommateurs, que la majoration prévue à l'article L. 313-3 ne s'appliquera pas.

La présente condamnation étant assortie, non pas des intérêts de retard au taux du prêt comme le prévoit l'article L. 311-24 ancien du code de la consommation, mais des intérêts moratoires au taux légal prévus par l'article 1153 ancien du code civil, ces intérêts se capitaliseront dans les termes de l'article 1154 du même code à compter du 30 novembre 2018, date de la demande (v. par ex. com. 4 juillet 2018, no 17-13.128).

En application de l'article 1244-1 du code civil, le juge peut, en considération des besoins du créancier, accorder au débiteur impécunieux un délai de grâce ou des délais de paiement qui, sans pouvoir excéder deux années, empruntent leurs mesures aux circonstances.

Les intimés, qui sollicitent les plus larges délais de paiement, ne produisent pas le moindre justificatif de leurs ressources ni aucun élément actualisé concernant l'état de santé de Mme U... qui avait justifié, en 2014, c'est-à-dire il y a plus de six ans, son placement en longue maladie à demi-traitement.

Dans ces circonstances, M. et Mme U... ne peuvent qu'être l'un et l'autre déboutés de leur demande de délais de paiement.

La société Financo, qui succombe au principal de ses prétentions au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et régler à M. et Mme U..., à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de leurs frais irrépétibles, une indemnité de 1500euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a déchu la société Financo du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de crédit consenti le 2 juin 2011 à M. P... U... et Mme H... X... épouse U... et écarté la solidarité,

L'INFIRME pour le surplus de ses dispositions critiquées,

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés :

CONDAMNE M. P... U... à payer à la société Financo, pour solde de sa part du prêt en cause, la somme de 3 730,58 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2018, capitalisés annuellement dans les termes de l'article 1154 ancien du code civil à compter du 30 novembre 2018,

CONDAMNE Mme H... X... épouse U... à payer à la société Financo, pour solde de sa part du prêt en cause arrêté à la date du 30 juillet 2019, la somme de 1130,58euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2018, capitalisés annuellement dans les termes de l'article 1154 ancien du code civil à compter du 30 novembre 2018,

ECARTE la majoration des intérêts passé le délai de deux mois prévu à l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,

REJETTE la demande de délais de paiement de M. et de Mme U...,

Y AJOUTANT :

CONDAMNE la société Financo à payer à M. et Mme U... la somme de 2000euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Financo aux dépens.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 19/01455
Date de la décision : 28/05/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-28;19.01455 ?
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