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30/04/2020 | FRANCE | N°19/00652

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 30 avril 2020, 19/00652


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 30/04/2020
Me David ATHENOUR
la SELARL VERNUDACHI-CAMBUZAT-DUSSOURD
ARRÊT du : 30 AVRIL 2020


No : 67 - 20
No RG 19/00652 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F34Y


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 13 Décembre 2018


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265234754702382


Madame H... R...
née le [...] à CRETEIL (94000)
[

...]
[...]




Ayant pour avocat Me David ATHENOUR, avocat au barreau de TOURS,






D'UNE PART


INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 126523341383...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 30/04/2020
Me David ATHENOUR
la SELARL VERNUDACHI-CAMBUZAT-DUSSOURD
ARRÊT du : 30 AVRIL 2020

No : 67 - 20
No RG 19/00652 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F34Y

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 13 Décembre 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265234754702382

Madame H... R...
née le [...] à CRETEIL (94000)
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me David ATHENOUR, avocat au barreau de TOURS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265233413839566

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Eve-Elisabeth CAMBUZAT, membre de la SELARL VERNUDACHI-CAMBUZAT-DUSSOURD, avocat au barreau de TOURS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 15 Février 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 23 janvier 2020

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 27 FEVRIER 2020, à 9 heures 30, devant Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 30 AVRIL 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 20 juin 2001, la SA Crédit foncier de France (le Crédit foncier) a consenti à Mme H... R... un prêt immobilier de 73175,53euros (480000 francs) remboursable sur une durée modulable de vingt ans, avec intérêts au taux nominal de 5,60 % l'an révisable à l'expiration de chaque période de cinq ans.

Ce prêt, dont le remboursement a été garanti par une hypothèque conventionnelle, a été authentifié par acte dressé le 3 août 2001 par Maître F..., notaire à [...] (37).

Des échéances du prêt étant restées impayés, le Crédit foncier a provoqué la déchéance du terme de son concours le 6 avril 2015, après avoir vainement mis Mme R... en demeure de régulariser la situation par courrier recommandé du 18 février 2015 présenté le 20 février suivant, en lui précisant le délai dont elle disposait pour faire obstacle à l'exigibilité de la totalité de la créance, a fait délivrer à la débitrice un commandement de payer valant saisie immobilière le 10 juillet 2015, puis l'a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance.

Mme R... ayant été déclarée recevable le 29 septembre 2015 à la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, le juge de l'exécution a constaté la suspension de plein droit de la procédure de saisie immobilière puis a prorogé, selon jugement du 2 avril 2019, les effets de ce commandement.

Exposant ne pas avoir été valablement mise en demeure par le courrier recommandé du 18 février 2015 qu'elle n'a pas effectivement réceptionné, puis expliquant avoir sollicité les services d'une société dénommée Litigeo qui a procédé à une analyse dont il est résulté que le TEG mentionné dans l'offre de crédit du Crédit foncier serait erroné, Mme R... a fait assigner le Crédit foncier devant le tribunal de grande instance de Tours par acte du 28 novembre 2016.

Par jugement du 13 décembre 2018, en retenant que Mme R... avait été régulièrement mise en demeure par le courrier recommandé qui lui a été présenté par les services de la Poste mais qu'elle n'a pas retiré, et que l'action en nullité de la stipulation des intérêts était prescrite, le tribunal a :

-jugé exigible la créance de la SA Crédit foncier de France
-jugé irrecevable l'action de Mme R... en nullité de la stipulation d'intérêts
-débouté Mme R... de l'ensemble de ses demandes
-condamné reconventionnellement Mme R... à payer à la SA Crédit foncier de France la somme de 42281,49 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 4,70 % l'an à compter du 30 mars 2017, outre la somme de 100euros assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement
-condamné Mme R... aux dépens de l'instance ainsi qu'à payer à la SA Crédit foncier de France la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Mme R... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 15 février 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, Mme R... demande à la cour, au visa des dispositions de l'article R.723-7 du code de la consommation, des articles L. 312-8 et suivants et L.131-1 du même code, dans leur rédaction applicable à la cause, de :

-infirmer le jugement du tribunal de grande instance de tours du 13 décembre 2018 en toutes ses dispositions
-dire et juger que la créance du Crédit foncier de France n'est pas exigible
-dire et juger que le Credit foncier est déchu de son droit aux intérêts
-avant dire droit, ordonner au Crédit foncier de verser le détail des remboursements effectués depuis l'origine du prêt par Madame R... distinguant le capital des intérêts
Subsidiairement,
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé excessive l'indemnité conventionnelle, analysée en clause pénale, et l'a réduite à la somme de 100 €
En tout état de cause :
-condamner le Crédit foncier à lui verser la somme de 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et la somme de 2500 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel

Dans ses dernières conclusions notifiées le 7 janvier 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé de ses moyens, le Crédit foncier demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1184 anciens du code civil, R.331-12, alinéa 1 et R.723-7 du code de la consommation, de :
-dire l'appel formé par Madame H... R... mal fondé.
En conséquence,
-débouter Madame H... R... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées tant à titre principal que subsidiaire.
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
$gt;jugé exigible la créance de la SA Crédit foncier de France
$gt;jugé irrecevable l'action de Madame H... R... en nullité de la stipulation d'intérêts
$gt;débouté Madame H...R...de l'ensemble de ses demandes
$gt;condamné Madame H... R... à payer à la SA Crédit foncier de France la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance
Et recevant l'appel incident formé par la SA Crédit foncier de France :
-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
$gt;ramené l'indemnité contractuelle d'exigibilité de 7 % au montant de 100 € assorti des intérêts au taux légal à compter du jugement et limité la créance de la SA Crédit foncier de France à la somme de 42281,49 € assortie des intérêts au taux conventionnel de 4,70 % l'an à compter du 30 mars 2017 outre la somme de 100 € assorti des intérêts au taux légal à compter du jugement rendu.
Statuant de nouveau :
-dire n'y avoir pas lieu à réduire le montant de l'indemnité d'exigibilité de 7 % applicable au prêt [...]
-dire que l'indemnité d'exigibilité de 7 % applicable au prêt [...] s'élève à la somme de 2707,31 €
-dire que la créance de la SA Crédit foncier de France au titre du prêt [...] s'élève, à la date du 30 mars 2017, à :
$gt;la somme de 2 707,31 € au titre de l'indemnité d'éligibilité de 7 % et la somme de 42281,49 €, outre les intérêts aux taux de 4,70 % l'an, frais et accessoires dus à compter de la date du 30 mars 2017
$gt;soit la somme totale de 45981,72 € outre les intérêts, frais et accessoires dus à compter du 30 mars 2017
Et par conséquent,
-condamner Madame R... à payer à la SA Crédit foncier de France la somme de 45981,72 € au titre du prêt [...] suivant décompte en date du 30 mars 2017, outre les intérêts, frais et accessoires dus à compter de cette date
En tout état de cause :
-condamner Madame R... à verser la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 23 janvier 2020.

A l'audience, la cour a invité les parties, en application des articles 12 et 125 du code de procédure civile, L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, R. 121-1, R. 121-4 et R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à présenter leurs observations, au moyen d'une note en délibéré à transmettre contradictoirement avant le 12 mars 2020, sur la recevabilité des demandes de Mme R..., au regard de la compétence exclusive et d'ordre public du juge de l'exécution pour connaître de toute prétention ou moyen de défense, même relatif au fond du droit, formulé après la délivrance d'un commandement valant saisie et dont le sort affecte le déroulement ou l'issue de la procédure de saisie immobilière actuellement pendante devant le juge de l'exécution de Tours.

Par une note transmise par voie électronique le 10 mars 2020, le Crédit foncier a indiqué, en reprenant ses demandes et sans davantage d'explications, qu'il y avait lieu selon lui de faire droit à ses demandes mais de déclarer irrecevables celles de Mme R....

Dans une note également transmise par voie électronique, Mme R... a rappelé que par jugement du 22 décembre 2015, le juge de l'exécution a constaté la suspension de plein droit de la saisie immobilière et explique que dans ces circonstances, elle ne pouvait porter aucune prétention devant ce juge et ne pouvait pas attendre la reprise de la procédure de saisie pour élever ses prétentions compte tenu des délais de prescription.

SUR CE, LA COUR :

I-Sur la recevabilité des demandes devant la cour

Selon les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

L'article R. 121-4 du code des procédures civiles d'exécution précise que les règles de compétence prévues audit code sont d'ordre public.

Il en résulte que dès lors qu'une mesure de saisie immobilière a été engagée, le juge de l'exécution est exclusivement compétent pour connaître de toute prétention ou moyen de défense, même relatif au fond du droit, formulée après la délivrance d'un commandement valant saisie et dont le sort affecte le déroulement ou l'issue de la saisie immobilière, et ce peu important que cette contestation aurait pu, en l'absence de mesure d'exécution, constituer la matière d'un litige relevant à titre principal d'un autre juge.

La compétence du juge de l'exécution étant à la fois exclusive et d'ordre public, tout juge autre que le juge de l'exécution doit relever d'office son incompétence, ainsi que l'indique expressément l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Il est constant, au cas particulier, que les prétentions élevées par Mme R... se rapportent à la créance pour laquelle le Crédit foncier lui a délivré, antérieurement à la saisine du tribunal de grande instance de Tours dont la décision est entreprise, un commandement de payer valant saisie immobilière.

Si la procédure de saisie immobilière est effectivement suspendue par l'effet de l'admission de Mme R... au bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers, cette suspension n'entraîne pas le dessaisissement du juge de l'exécution et n'autorisait pas Mme R... à méconnaître des règles de compétence d'ordre public, en sorte que le premier juge était tenu de relever, d'office, son incompétence.

Cela dit, cette cour étant juridiction d'appel, non pas seulement du juge du fond ayant rendu la décision en cause sans relever son incompétence, mais également du juge de l'exécution devant lequel est pendante, même si elle est suspendue, la procédure de saisie immobilière engagée par le Crédit foncier, il y a lieu, en application de l'article 90 du code de procédure civile et dès lors que l'audience d'orientation prévue à l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution n'a pas encore eu lieu, de statuer sur les demandes des parties.

II- Sur l'exigibilité de la créance de l'intimée

L'acte de prêt notarié contient en son article 10 intitulé «cas d'exigibilité» une clause de déchéance du terme qui prévoit que les sommes empruntées deviendront immédiatement exigibles en totalité ou en partie dans le cas, notamment, de défaut de paiement à bonne date de tout ou partie des échéances et que la déchéance sera constatée de plein droit un mois après la date d'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception, valant mise en demeure, restée infructueuse.

En vertu de cette clause, le Crédit foncier a prononcé la déchéance du terme de son concours le 6 avril 2015, après avoir adressé à Mme R..., par courrier recommandé en date du 18 février 2015 présenté le 20 février suivant, une mise en demeure de régler la somme de 7085,75 euros représentant le montant de sa créance impayée à cette date, en avisant la débitrice qu'à défaut de règlement dans le délai d'un mois, la totalité de la créance deviendrait immédiatement exigible.

Faisant valoir la jurisprudence selon laquelle lorsqu'une notification est prévue par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, celle-ci n'est pas valablement faite lorsque le courrier recommandé est retourné à l'envoyeur avec la mention «non réclamée», Madame R... relève que le courrier recommandé dont se prévaut le Crédit foncier porte la mention «pli avisé non réclamé», puis conteste avoir même été seulement avisée de l'existence de ce pli, en expliquant que les services de la Poste ont dysfonctionné dans le hameau où elle réside au point qu'elle avait déposé plainte, fin 2012, pour détournement de courrier et que, le 3 décembre 2018, le maire de sa commune l'a informée qu'à la demande de la Poste, la désignation de son adresse avait été modifiée pour remédier, précisément, aux difficultés générées par l'imprécision antérieure.

Une mise en demeure n'étant pas une notification au sens des articles 665 et suivants du code de procédure civile, la jurisprudence à laquelle se réfère Mme R... est sans emport.

Ni la loi, ni le contrat, n'exige qu'un courrier recommandé soit effectivement remis à son destinataire pour valoir mise en demeure ; un courrier recommandé étant au contraire réputé remis à son destinataire s'il a été présenté à son adresse.

Ni la plainte déposée par Mme R... en 2012 pour détournement de courrier, sur les suites de laquelle elle ne fournit aucune indication, ni le courrier de la mairie de sa commune dont il résulte seulement que les habitations du hameau dans lequel elle demeure ont été affectées d'adresses postales portant des numéros, pour faciliter l'installation de la fibre optique et leur localisation pour les visiteurs, les livreurs et les services de secours grâce aux données de géolocalisation, ne démontrent un dysfonctionnement des services de la Poste courant 2015.

Dans ces circonstances, le premier juge a retenu à raison que dès lors que l'accusé de réception du courrier recommandé du 18 février 2015 portait la mention «pli avisé non réclamé», Mme R... devait être tenue comme ayant été avisée par un avis de passage de ce que qu'un pli recommandé qui lui était destiné devait être retiré et que le seul fait que l'intéressée ne l'ait pas réclamé n'empêchait pas ce courrier de valoir mise en demeure.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que le courrier de mise en demeure en cause a été envoyé à l'adresse de Mme R... et que cette dernière n'a pas régularisé la situation dans le délai d'un mois qui lui était imparti, la cour ne peut que constater que le Crédit foncier a valablement provoqué la déchéance du terme de son concours le 6 avril 2015.

III-Sur la demande de nullité de la stipulation d'intérêts ou de déchéance du droit aux intérêts

Se prévalant d'une irrégularité dans le calcul du TEG ainsi que d'une erreur dans le coût total du crédit mentionné à l'offre de prêt, Mme R... sollicite la nullité de la stipulation d'intérêts à titre de sanction de la première irrégularité, par application des articles 1907 du code civil et L. 313-1 du code de la consommation, ou la déchéance du droit aux intérêts du prêteur à titre de sanction de la seconde irrégularité, par application des dispositions des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation.

La cour observe à titre liminaire que le prêt litigieux, conclu en juin 2001, n'est pas soumis aux prescriptions des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation, mais à celles des articles L. 312-1 et suivants du même code pris dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010.

Il convient de rappeler par ailleurs que l'existence d'une erreur affectant le taux effectif global ouvre droit à des actions ou demandes distinctes, suivant que l'erreur figure dans l'offre de crédit immobilier et/ou dans l'acte de prêt.

La déchéance du droit aux intérêts conventionnels, prévue à l'article L. 312-33, devenu l'article L. 341-34 du code de la consommation, sanctionne la mention erronée du taux effectif global dans l'offre de crédit immobilier, en méconnaissance de l'article L. 312-8, devenu L. 313-25 du code de la consommation. La nullité de la stipulation des intérêts conventionnels, fondée sur l'article 1907 du code civil, et L. 313-2, devenu l'article L. 314-5 du code de la consommation, prévoyant la fixation par écrit du taux de l'intérêt conventionnel, sanctionne la mention d'un taux effectif global erroné dans l'acte de prêt.

En l'espèce, Mme R... reproche exclusivement au Crédit foncier d'avoir commis une erreur dans l'indication du taux effectif global figurant dans l'offre de crédit immobilier.

L'inexactitude du taux figurant dans l'offre de prêt, on l'a dit, n'est pas sanctionnée par la nullité de la clause d'intérêts, qui n'est pas légalement prévue à l'article L. 312-33, devenu l'article L. 341-34 du code de la consommation, qui sanctionne par la déchéance éventuelle du droit aux intérêts conventionnels la mention erronée du taux effectif global mentionné dans l'offre de crédit immobilier, et ce depuis le 1er mars 1994, date d'entrée en vigueur de la loi no 92-1336 du 16 décembre 1992 (v. par exemple Civ. 1, 6 juin 2018, no 17-16.300).

Les demandes de Mme R... ne peuvent donc tendre qu'à la déchéance du droit aux intérêts conventionnels du Crédit foncier.

Les parties ne contestent pas que, compte tenu de la date d'acceptation de l'offre de prêt, cette action en déchéance du droit aux intérêts se prescrit par dix ans en application de l'article L. 110-4 ancien du code de commerce.

Les parties s'accordent encore sur le principe selon lequel le délai de l'action en déchéance des intérêts engagée par l'emprunteur en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ou l'indication du montant total du crédit court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, en sorte que le point de départ de la prescription décennale est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de déceler l'irrégularité mais que, lorsque tel n'est pas le cas, le point de départ de la prescription doit être fixé à la date de la révélation de cette irrégularité à l'emprunteur.

Les parties sont en désaccord, en revanche, sur la mise en œuvre de ce principe -l'appelant faisant valoir que l'irrégularité n'était pas décelable par un simple examen de la convention, tandis que l'intimée soutient le contraire.

L'erreur dont se prévaut Mme R... porte sur le coût de l'hypothèque et celui des assurances «perte d'emploi» et «garantie d'assistance perte d'emploi solidarité plus», qu'elle reproche à l'intimée de ne pas avoir intégrés dans le calcul du taux effectif global.

Comme l'a pertinemment relevé le premier juge, l'offre de prêt indique expressément en pages 5 et 6 des conditions particulières :

«le taux effectif global a été calculé compte tenu :
-de la cotisation annuelle d'assurances décès, perte totale et irréversible d'autonomie, invalidité, incapacité de travail
-du coût prévisionnel du prêt comprenant les intérêts au taux conventionnel, les droits d'instruction, étant précisé que ce coût ne comprend pas le coût des sûretés réelles évalué à 1144,89 euros (7510 francs), sûretés réelles qui conditionnent la conclusion de votre prêt»

Il ne fait aucun doute qu'à la lecture de l'offre de prêt, Mme R... a pu se convaincre que le taux effectif global mentionné à l'offre de prêt n'incluait ni les assurances «perte d'emploi» et «assistance perte d'emploi», ni le coût de la garantie hypothécaire exigée par le Crédit foncier.

Dès la date de l'acceptation de l'offre de prêt, le 20 juin 2001, Mme R... a donc pu déceler l'erreur affectant le calcul du taux effectif global et le coût total du prêt.

C'est à raison, dès lors, que le premier juge a considéré que l'action en déchéance engagée le 28 novembre 2016, plus de dix ans après l'acceptation de l'offre, est irrecevable comme prescrite.

A titre surabondant, la cour observe que Mme R... ne peut soutenir de bonne foi n'avoir aucune compétence lui ayant permis de détecter cette erreur avant d'avoir été éclairée par les services de la société Litigeo, alors qu'elle explique elle-même que dans l'acte de prêt reçu en la forme notariée le 3 août 2001, le notaire a porté le taux effectif global à 6,38 % en lui indiquant, sur son interrogation, avoir intégré ses émoluments dans le calcul de ce taux, ce qui lui a assurément permis, à cette date du 3 août 2001, d'être informée de l'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'offre du 20 juin 2001.

IV- Sur la demande reconventionnelle du Crédit foncier

Selon l'article L. 312-22 ancien du code de la consommation, le prêteur peut, en cas de défaillance de l'emprunteur dans l'exécution de ses obligations, exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des mensualités échues et impayées, le tout produisant intérêts au taux contractuel, outre une indemnité qui ne peut dépasser 7 % des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés.

Le premier juge a considéré à raison que cette indemnité de 7 %, qui constitue une clause pénale répondant à la définition des articles 1152 et 1226 anciens du code civil, présentait un caractère manifestement excessif qui justifiait sa réduction à une somme de 100 euros.

Mme R... sera donc condamnée, par confirmation du jugement entrepris, à payer au Crédit foncier, pour solde du prêt immobilier litigieux, la somme de 42281,49euros majorée des intérêts au taux conventionnel de 4,70 % l'an à compter du 30 mars 2017, outre une indemnité de 100euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2018.

V- Sur les demandes accessoires

Mme R..., qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et régler au Crédit foncier, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 2500euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en tous ses chefs critiqués la décision entreprise,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Mme H... R... à payer à la SA Crédit foncier de France la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme R... aux dépens de l'instance.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 19/00652
Date de la décision : 30/04/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-04-30;19.00652 ?
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