La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2020 | FRANCE | N°19/014501

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 02 avril 2020, 19/014501


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/04/2020
la SELARL LUGUET DA COSTA
la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES
ARRÊT du : 02 AVRIL 2020

No : 60 - 20
No RG 19/01450 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F5MN

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 20 Février 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SARL TRANS CMG
Agissant en la personne de son Gérant en exercice domicilié [...]
[...]

Ayant pour av

ocat Me Arthur DA COSTA, membre de la SELARL LUGUET DA COSTA, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fis...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/04/2020
la SELARL LUGUET DA COSTA
la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES
ARRÊT du : 02 AVRIL 2020

No : 60 - 20
No RG 19/01450 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F5MN

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 20 Février 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SARL TRANS CMG
Agissant en la personne de son Gérant en exercice domicilié [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Arthur DA COSTA, membre de la SELARL LUGUET DA COSTA, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SARL [...]
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Ladislas WEDRYCHOWSKI, membre de la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 19 Avril 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 16 janvier 2020

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 13 FEVRIER 2020, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en son rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 02 AVRIL 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Par acte sous seing privé du 1er septembre 2005, intitulé "Location commerciale- Convention d'occupation précaire", la SARL [...] a loué à la SARL Trans CMG, exploitant une activité de transport routier, des locaux à usage d'entrepôt et de bureaux situés à [...] , pour une durée de 23 mois du 1er septembre 2005 au 31 juillet 2007, moyennant un loyer mensuel d'un montant de 2.770,06 € HT du 1er septembre 2005 au 31 août 2006 et actualisé à partir du 1er septembre 2006 suivant l'indice INSEE, l'indice de référence étant le 4ème trimestre 2004 (1269), soit un loyer de 2907,58€ HT.

La relation des parties s'est poursuivie au-delà des 23 mois.

Par acte du 12 mars 2009, la SARL [...] a fait délivrer à la SARL Trans CMG un commandement de payer les loyers et charges impayés pour un montant de 22.242,23 €. Ce commandement visait la clause résolutoire d'un bail dérogatoire que la société [...] prétendait applicable mais que la société Trans CMG n'a pas signé.

Par ordonnance du 17 juin 2019, le Juge des référés du tribunal de grande instance d'Orléans a annulé le commandement de payer du 12 mars 2009 en ce qu'il visait une clause résolutoire non acceptée et condamné la SARL Trans CMG à verser à la SARL [...] une indemnité provisionnelle d'un montant de 15.900 € au titre des loyers et charges impayés.

Par acte du 10 avril 2009, la SARL Trans CMG a fait assigner la SARL [...] devant le tribunal de grande instance d'Orléans statuant au fond aux fins notamment de dire que le commandement de payer délivré le 12 mars 2009 est nul et que faute de nouveau contrat à l'expiration de la convention d'occupation précaire du 1er septembre 2005, les relations contractuelles des parties sont soumises au statut des baux commerciaux par un bail dont les clauses et conditions sont celles issues de la convention d'occupation précaire du 1er septembre 2005, et de condamner sous astreinte la bailleresse à effectuer, à ses frais, les travaux de réfection du sol et de la toiture du bâtiment loué, de réparation des volets roulants et de mise au norme de l'électricité, le preneur étant exonéré du paiement des loyers et charges jusqu'à la fin des travaux.

Par ordonnance du 13 août 2010 puis arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 16 mars 2011, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL [...] et a ordonné une mesure d'expertise. L'expert désigné, M. I... , a déposé le 30 mars 2012.

Autorisée par ordonnance du juge de l'exécution du 30 juillet 2012, la SARL [...] a fait procéder à une saisie conservatoire sur le compte bancaire de la SARL Trans CMG à hauteur de 42.966,20 €.

Par courrier du 28 janvier 2015, la SARL Trans CMG a notifié à la SARL [...] que, sans renoncer à ses moyens et demandes au fond, elle libérait les locaux pour le 15 février 2015.

Par jugement du 20 février 2019, le tribunal de grande instance d'Orléans a :
- confirmé l'annulation du commandement de payer du 12 mars 2009 en ce qu'il vise une clause inexistante et non acceptée dans le bail dérogatoire, à savoir la clause résolutoire ;
- dit que, faute de nouveau contrat à l'expiration du terme de la convention d'occupation précaire du 1 er septembre 2005, soit à compter du 1 er août 2007, la relation contractuelle entre la SARL Trans CMG et la SARL [...] s'est trouvée régie par le statut des baux commerciaux prévu par les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce,
- prononcé la résiliation du bail conclu entre la SARL Trans CMG et la SARL [...] au 31 juillet 2016 aux torts du preneur ;
- condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] la somme totale de 138.973,55 € TTC au titre des loyers et charges impayés sur la période du 1er septembre 2007 jusqu'au 31 juillet 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2018 (date des dernières conclusions signifiées) ;
- ordonné la capitalisation des intérêts susvisés ;
- condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 5.000 € au titre de la remise des locaux loués ;
- condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 30.000 € en réparation de son préjudice économique;
- condamné la SARL Trans CMG aux dépens lesquels comprendront les frais d'expertise et des constats d'huissier exposés et à payer à la SARL [...] une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- accordé le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile à la SCP Wedrychowski ;
- rejeté les autres chefs de demande.

La Société Trans CMG a interjeté appel par déclaration du 19 avril 2019 du jugement en intimant la SARL [...] et en critiquant la décision en ce qu'elle a :
- dit que, faute de nouveau contrat à l'expiration du terme de la convention d'occupation précaire du 1 er septembre 2005, soit à compter du 1 er août 2007, la relation contractuelle entre la SARL Trans CMG et la SARL [...] s'est trouvée régie par le statut des baux commerciaux prévu par les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce;
- prononcé la résiliation du bail conclu entre la SARL Trans CMG et la SARL [...] au 31 juillet 2016 aux torts du preneur ;
- condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] la somme totale de 138.973,55 € TTC au titre des loyers et charges impayés sur la période du 1 er septembre 2007 jusqu'au 31 juillet 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2018 (date des dernières conclusions signifiées) ;
- ordonné la capitalisation des intérêts susvisés ;
- condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 5.000 € au titre de la remise des locaux loués ;
- condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 30.000 € en réparation de son préjudice économique;
- condamné la SARL Trans CMG aux dépens lesquels comprendront les frais d'expertise et des constats d'huissier exposés et à payer à la SARL [...] une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- rejeté les autres chefs de demande.

Dans ses dernières conclusions du 18 décembre 2019, la société Trans CMG demande à la cour de :
Déclarer la SARL Trans CMG recevable et bien fondée en son appel formé contre le jugement rendu le 20 février 2019 par le tribunal de grande instance d'Orléans,
Et, y faisant droit,
Vu les articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce, dans leur version applicable au litige, soit celle antérieure à la loi no 2014-626 du 18 juin 2014,
Vu les articles 606, 1353 [Art. 1315 ancien] et 1708 et suivants du Code Civil,
Vu également les articles 9, 122 et 488 du Code de Procédure Civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que, faute de nouveau contrat à l'expiration du terme de la convention d'occupation précaire du 1er septembre 2005, soit à compter du 1er août 2007, la relation contractuelle entre la SARL Trans CMG et la SARL [...] s'est trouvée régie par le statut des baux commerciaux prévu par les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du Code de Commerce,
- prononcé la résiliation du bail conclu entre la SARL Trans CMG et la SARL [...] au 31 juillet 2016 aux torts du preneur ;
- condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] la somme totale de 138.973, 55 € TTC au titre des loyers et charges impayés sur la période du 1er septembre 2007 jusqu'au 31 juillet 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2018 (date des dernières conclusions signifiées) ;
- ordonné la capitalisation des intérêts susvisés ;
- condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 5.000 € au titre de la remise des locaux loués ;
- condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 30.000 € en réparation de son préjudice économique;
- condamné la SARL Trans CMG aux dépens lesquels comprendront les frais d'expertise et des constats d'huissier exposés et à payer à la SARL [...] une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- rejeté les autres chefs de demande.
Constater que la SARL [...] est irrecevable en sa demande visant à voir requalifier la relation contractuelle et à lui voir appliquer le statut des baux commerciaux à compter du 1er août 2007, faute de qualité à demander cette requalification et au surplus, en raison de la prescription prévue à l'article L. 145-60 du Code de Commerce.
Constater que le loyer réclamé trimestriellement à la SARL Trans CMG est injustifié et infondé pour ne pas correspondre au montant de la valeur locative des locaux loués dont il n'est pas justifié.
Constater que la SARL [...] ne justifie pas de la conformité des charges facturées à la consommation réelle de la SARL Trans CMG concernant les charges d'électricité et d'eau, ni de la quote-part des taxes foncières qui lui a été réclamée chaque année.
Dire et juger qu'au titre des frais d'électricité, la SARL Trans CMG n'est pas contractuellement, ni légalement, redevable des « frais du Transformateur et de la ligne».
Dire et juger qu'au titre des taxes foncières, la SARL Trans CMG n'en est pas légalement redevable.
En conséquence,
Déclarer la SARL [...] irrecevable en sa demande visant à voir requalifier la relation contractuelle et à lui voir appliquer le statut des baux commerciaux à compter du 1 er août 2007, et la rejeter.
Déclarer la SARL [...] mal fondée en toutes ses prétentions, fins et conclusions et l'en débouter.
Donner acte à la SARL Trans CMG de ce qu'elle se réserve de demander la répétition de toute somme indûment versée au titre du loyer et des charges.
Constater que la SARL Trans CMG a acquiescé à la demande de résiliation du bail formée par la SARL [...], sans acquiescement aux griefs infondés allégués à son encontre.
Dire et juger au surplus que la SARL Trans CMG était en droit de rompre la relation contractuelle à tout moment, le droit commun du bail s'appliquant à la relation entre les parties depuis le terme de la convention d'occupation précaire ayant pris fin le 1 er août 2007.
En conséquence,
Constater ou, à défaut, prononcer la résiliation du bail, demandée par la SARL [...] et acceptée par la SARL Trans CMG, avec effet au 15 février 2015, date de la libération des lieux.
Dire et juger que la SARL [...] a failli à ses obligations en refusant de remédier aux désordres et dysfonctionnements affectant le sol, la couverture, les rideaux métalliques et l'installation électrique des locaux litigieux et qu'il en est résulté un préjudice pour la SARL Trans CMG en raison des troubles et désagréments qui en ont découlé.
Dire et juger qu'en poursuivant la résiliation judiciaire du bail et en procédant à une première saisie conservatoire sur le fondement d'un bail inexistant et d'un commandement de payer injustifié, puis en persistant à revendiquer la résiliation judiciaire du bail et l'expulsion de la SARL Trans CMG pour des motifs fallacieux, tout en n'hésitant pas à pratiquer une deuxième saisie conservatoire à hauteur de près de 43.000 €, la SARL [...] a agi de manière totalement abusive et avec une très claire intention de nuire.
En conséquence, en réparation du préjudice subi,
Condamner la SARL [...] à payer à la SARL Trans CMG la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts.
En tout état de cause,
Condamner la SARL [...] à payer à la SARL Trans CMG la somme de 8.000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner la SARL [...] aux entiers frais et dépens, de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SELARL Luguet-Da Costa en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes.

Elle explique qu'elle a dans un premier temps revendiqué le bénéfice du statut des baux commerciaux, puis y a renoncé, ainsi qu'à invoquer la requalification de la convention d'occupation précaire en bail dérogatoire, sans contradiction au sens du principe de l'estoppel, étant ajouté que seul le preneur a qualité pour se prévaloir des dispositions de l'article L145-5 du Code de commerce et qu'elle n'y avait plus intérêt, ayant quitté les lieux.

Elle en déduit qu'il convient de s'en tenir à l'application de la convention d'occupation préciaire qui a pris fin le 1er août 2007 et qu'à cette date, la relation des parties était régie par le droit commun du bail découlant des articles 1708 et suivants du Code civil, soit une occupation pouvant prendre fin à tout moment et en l'occurence, au 15 février 2015, avec, faute de loyer fixé contractuellement, un loyer limité à la valeur locative et une refacutation des charges limitée à la consommation réelle dûment justifiée, à l'exclusion de toute quote-part de taxe foncière qui incombe légalement au bailleur. Elle ajoute qu'à supposer même que le bailleur ait qualité pour revendiquer le statut des baux commerciaux, sa demande de requalification est prescrite, le point de départ du délai de la prescription biennale étant la date de conclusion du contrat.

Subsidiairement, elle estime que la qualification de la convention d'occupation précaire est erronée, que cette convention doit être requalifiée en bail dérogatoire avec application du statut des baux commerciaux, et qu'en l'absence de loyer fixé entre les parties à partir du 1er août 2007, le loyer doit être limité à la valeur locative.

Elle soutient que le bailleur a manqué à ses obligations d'assurer le clos et le couvert et une jouissance paisible du preneur (concernant le sol, la toiture, les rideaux métallique de fermeture des quais de chargement et de déchargement et l'électricité) et conteste tout manquement de sa part à ses obligations issues du bail.

La SARL [...] demande à la cour, par dernières conclusions du 18 décembre 2019 de:
Vu les dispositions des articles 1353 (anciennement 1315), 1709, 1728, 1729, 1737, 1741 du
Code Civil,
Vu les dispositions de l'article L. 145-31 du code de commerce,
Vu les dispositions de l'article L. 145-4 et L.145-9 du code de commerce,
Vu les dispositions des articles 6 et 9 du Code de Procédure Civile,
Vu le principe « Nul ne peut se contredire au détriment d'autrui »,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu les dispositions de la convention d'occupation précaire en date du 1er septembre 2005,
Vu l'absence de créanciers inscrits dont il résulte de l'état des nantissements (Cf. pièce no160),
Dire la SARL Trans CMG mal fondée en son appel formé à l'encontre du jugement rendu le 20
février 2019 par le Tribunal de Grande Instance d'Orléans,
Dire la SARL [...] recevable et bien fondée en son appel incident,Par conséquent,
Débouter la SARL Trans CMG de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Confirmer le jugement du 20 février 2019 en ce qu'il a :
- Dit que faute de nouveau contrat à l'expiration du terme de la convention d'occupation précaire du 1er septembre 2005, soit à compter du 1er août 2007, la relation contractuelle entre la SARL Trans CMG et la SARL [...] s'est trouvée régie par le statut des baux commerciaux prévu par les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce,
- Prononcé la résiliation du bail conclu entre la SARL Trans CMG et la SARL [...] au 31 juillet 2016 aux torts du preneur ;
- Condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] les arriérés de loyers et charges impayés sur la période du 1 er septembre 2007 jusqu'au 31 juillet 2016 sauf à porter cet arriéré à la somme de 147 076,71 € avec intérêts au taux légal à compter de 12 mars 2009, date du commandement de payer ou de la date d'exigibilité de chaque loyer et charges comprises ;
- Ordonné la capitalisation des intérêts ;
- Condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 5000 € au titre de la remise en état des locaux loués;
- Condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique sauf à les porter à la somme de 40 000 € ;
- Condamné la SARL Trans CMG aux dépens lesquels comprendront les frais d'expertise et des constats d'huissier exposés et à payer à la SARL [...] une indemnité de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile à payer à la SARL [...]
Et y ajoutant,
Condamner, le cas échéant, la SARL Trans CMG à rembourser, à la société [...] le solde des taxes foncières, taxes d'ordures ménagères et d'assurances, à compter de l'année 2013 jusqu'au 31 juillet 2016,
Condamner la SARL Trans CMG à verser à la défenderesse la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la SARL Trans CMG aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Wedrychowski en application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Sur les faits, elle indique que par courrier du 31 mai 2007, elle a mis fin à la convention d'occupation précaire signée le 1er septembre 2005, que les parties ont ensuite convenu de conclure un nouveau bail dérogatoire portant sur le même local mais avec une contenance modifiée, qui a pris effet au 1er août 2007 mais n'a pas été signé par la société Trans CMG qui est néanmoins restée sur les lieux et a accepté les conditions du nouveau bail dérogatoire en réglant le nouveau loyer et les charges de septembre 2007 à janvier 2008.

Elle ajoute si le juge des référés a annulé le commandement de payer du 12 mars 2009, il a relevé que la société Trans CMG avait accepté le montant et la périodicité du nouveau loyer et l'a condamnée à payer une provision de 15900€ comprenant les loyers du 2ème trimestre 2009.

Elle relève que la société Trans CMG a revendiqué pendant 7 ans le bénéfice du statut des baux commerciaux et ne peut de bonne foi prétendre le contraire, la cour de céans (chambre des urgences) ayant d'ailleurs jugé par arrêt du 16 mars 2011 que la société Trans CMG qui était restée dans les lieux bénéficiait d'un nouveau bail relevant du statut des baux commerciaux. Elle en déduit que la confirmation du jugement de ce chef et soutient que le nouveau bail est soumis aux mêmes clauses et conditions que le bail expiré, notamment s'agissant du montant du loyer et de la détermination des charges. Elle ajoute que l'appelante n'apporte aucune preuve de ce que la valeur locative serait inférieure au loyer convenu.

Elle conteste tout manquement à ses obligations de bailleur en s'appuyant sur le rapport d'expertise. Elle ajoute que la société Trans CMG n'a pas usé des lieux loués en bon père de famille, en les sous-louant à l'Apave et en les prêtant à la société Serreau formation.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 16 janvier 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire la cour constate que la disposition du jugement ayant "confirmé l'annulation du commandement de payer du 12 mars 2009 en ce qu'il vise une clause inexistante et non acceptée dans le bail dérogatoire, à savoir la clause résolutoire" ne fait pas partie des chefs de la décision critiqués dans la déclaration d'appel et que l'intimée n'en demande pas non plus la confirmation ou l'infirmation. Il ne sera donc pas répondu aux développements contenus sur ce point dans les motifs des conclusions de l'appelante.

Sur la qualification de la relation entre les parties

Aux termes de l'article L145-5 du Code de commerce au terme duquel, dans sa rédaction applicable en la cause :
"Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur déroguer aux dispositions du présent chapitre à la condition que le durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à la durée de deux ans.
Si à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre (...)".

Dans son assignation du 10 avril 2009, puis dans ses conclusions devant le premier juge jusqu'à celles du 25 février 2015 incluses, la société Trans CMG demandait de dire qu'à l'expiration de la convention d'occupation précaire du 1er septembre 2005, les relations des parties étaient soumises au statut des baux commerciaux en application de l'article L145-5 du Code civil et soutenait que la qualification de "convention d'occupation précaire" était erronée et qu'il s'agissait d'un bail dérogatoire.

C'est après son départ des lieux et à partir de ses conclusions du 25 mai 2016 puis devant la cour qu'elle a modifié ses demandes et sollicite à titre principal de constater qu'elle s'en tient à la qualification de convention d'occupation précaire ayant pris fin le 1er août 2007 et qu'à cette date la relation des parties est régie par le droit commun du bail et peut prendre fin à tout moment.

Si une partie peut changer de position et de moyens en cours d'instance, elle ne peut toutefois se contredire au détriment d'autrui. En l'espèce, l'appelante est mal venue de prétendre que son ancienne bailleresse serait irrecevable, notamment en raison de la prescription, à demander que la convention d'occupation précaire soit requalifiée et que les relations entre les parties à partir de son expiration soient régies par le statut des baux commerciaux, alors qu'il s'agit précisément des demandes qu'elle-même a formées de manière constante pendant six années.

En tout état de cause, s'il est exact que l'action aux fins de requalification des relations contractuelles en contrat de bail commercial est soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce et que le délai de prescription court à compter de la conclusion du contrat, la cour observe que la SARL [...] n'agit pas expressément en requalification du contrat d'occupation précaire conclu le 1er septembre 2005 en bail commercial soumis au statut des baux commerciaux, mais demande de dire, comme argument de défense à l'argumentation adverse, qu'il s'agit d'un bail dérogatoire au sens de l'article 145-5 alinéa 1 du Code de commerce, non soumis au statut des baux commerciaux, de sorte qu'à l'expiration du contrat, les parties sont soumises à ce statut conformément à l'article L145-5 alinéa 2 du même code. S'agissant d'une défense au fond, elle peut être proposée en tout état de cause, ainsi que l'allègue l'intimée, en application de l'article 72 du code de procédure civile.

Enfin, l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953 devenu l'article L145-5 du Code de commerce n'opère aucune distinction entre bailleur et preneur et peut donc être invoqué par eux deux (cf pour exemple C. Cass 3ème civ 27 avril 1988, pourvoi no 87-11667).

La demande d'irrecevabilité formée par la SARL Trans CMG au sujet des demandes sus-rappelées de la SARL [...] sera donc rejetée.

Sur le fond, ainsi que l'a à bon droit retenu le premier juge, le contrat du 1er septembre 2005, bien qu'il s'intitule "location commerciale, convention d'occupation précaire" se réfère expressément à l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953 devenu l'article L145-5 du Code de commerce et mentionne : "Conformément aux dispositions de l'article 3-2 du décret du 30 septembre 1953, les parties soussignées entendent déroger en toutes ses dispositions au statut des baux commerciaux édicté par le décret susvisé".

En outre, alors que la convention d'occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières et pour une durée dont le terme est marqué par d'autres causes que la seule volonté des parties, il n'est justifié en l'espèce d'aucune circonstances particulières autres que la volonté des parties, que ce soit dans la convention elle-même ou par d'autres pièces. Il s'agit donc d'un bail dérogatoire au sens de l'article L145-5 du Code de commerce.

Il est par ailleurs constant que le preneur est resté dans les lieux à l'expiration de ce bail dérogatoire du 1er septembre 2005 et que le bailleur l'a laissé en possession, puisque les parties avaient même envisagé de conclure un nouveau bail dérogatoire.

Néanmoins, ce second bail n'ayant pas été signé, la relation contractuelle entre les parties à compter du 1er août 2007 n'a pas été régie par ce bail, ni par le droit commun puisque, par application de l'article L145-5 du Code de commerce elle s'est trouvée régie automatiquement au statut des baux commerciaux. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la fin du bail

- sur l'argumentation de la SARL Trans CMG

La qualification de bail soumis au droit commun sollicitée par la société Trans CMG n'étant pas retenue, il ne peut être jugé, ainsi qu'elle le soutient, qu'elle était libre de rompre la relation contractuelle à tout moment et en l'occurrence au 15 février 2015, lorsqu'elle a quitté les lieux.

La SARL Trans CMG prétend ensuite que, sans pour autant acquiescer aux griefs allégués par la SARL [...], elle a acquiescé à sa demande de résiliation du bail, avec effet au 15 février 2015 date de la libération des lieux, le bail étant dès lors résilié d'un commun accord.

La cour observe toutefois que le preneur a notifié son départ des lieux par courrier du 28 janvier 2015 (pièce 27) pour le 15 février suivant sans avoir l'accord de la bailleresse sur ce point, et sans respecter les dispositions de l'article L145-4 du Code de commerce qui prévoit que la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans mais que le preneur peut donner congé à l'expiration d'une période triennale, au moins six mois à l'avance, par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire, puisqu'elle n'a pas donné congé à l'expiration d'une période biennale, le bail prenant effet au 1er août 2007 jusqu'au 31 juillet 2016 et n'a pas non plus respecté le délai de préavis de six mois.

La SARL Trans CMG indique dans ce courrier qu'elle prend acte de la position de la bailleresse concernant la résiliation du bail et sa volonté de la voir libérer les lieux, et considère que les relations contractuelles sont irrémédiablement dégradées du seul fait de l'attitude de la SARL [...] qui s'est toujours refusée à remédier aux désordres affectant les lieux loués. Il n'y a donc aucun accord amiable entre les parties sur la nature et la date de la résiliation, la locataire s'étant toujours opposée à une résiliation à ses torts. Ce courrier est équivoque et ne peut permettre au preneur de choisir la date de résiliation du bail poursuivie par le bailleur, en dehors du respect des dates pour lesquelles il pouvait donner congé, ce qu'il n'a pas fait.

Ce moyen sera donc écarté.

- sur la demande de résiliation du bail

Le bailleur demande la résiliation du bail pour manquement du preneur à ses obligations.

* sur l'absence d'usage de la chose en bon père de famille,

La convention du 1er septembre 2005 n'autorise pas de sous-location et le règlement général des parties communes qui y est annexé n'autorise pas le stationnement de véhicules sur les parties communes.

La SARL [...] produit un constat d'huissier établi le 26 mai 2009 (pièce 37) dont il ressort que la boîte à lettre de l'extrémité ouest du bâtiment des lieux loués et l'une de ses fenêtres porte des autocollants au nom de l'Apave et qu'un véhicule avec la mention "Apave" est stationné. La locataire a évolué dans ses explications indiquant devant l'expert judiciaire que l'Apave donnait des stages de formation à ses salariés puis devant le tribunal et la cour que la SARL Trans CMG entreposait du matériel de l'Apave facturé pour un montant total de 4383,34€. La liste des clients de la société de 2007 à 2012 produite en pièce 24 permet de retrouver la mention de l'Apave pour la période du 1er avril 2009 au 31mars 2010, avec une facturation de 4383,34€. Bien que la nature de cette facturation ne soit pas établie par cette pièce, il n'est pas certain qu'elle provienne d'une sous location et ce grief ne sera pas donc retenu, la bailleresse ayant la charge de la preuve sur ce point.

L'intimée justifie en pièces 39 (constat d'huissier du 28 septembre 2009) et 164 (attestation d'un salarié d'une entreprise partageant le dépôt avec la locataire) que le preneur stationnait ses véhicules sur les parties communes notamment pour les laver, de manière hebdomadaire et empilait des palettes vides en hauteur au raz de la clôture sans tenir compte du risque déboulement, ce dernier grief résultant aussi des pièces 38, 40 et 63. Ces faits ne peuvent être justifiés par les difficultés de chargement et déchargement que l'appelante dénonce en produisant des constats d'huissier établis en 2009 (pièces 6 et 9), faute de lien susffisant entre eux.

En outre l'intimée établit en pièces 161 à 163 que sa locataire a stationné en juillet 2009, mai 2010, juillet 2011 certains de ses véhicules sur d'autres emplacements que ceux qui lui sont attribués.

Le caractère répété de ces manquements, même si le grief de sous location n'est pas retenu, suffit à caractériser une absence d'usage de la chose en bon père de famille par la locataire, suffisamment grave pour constituer un motif de nature à justifier la résiliation du bail aux torts de cette dernière.

* sur le non paiement des loyers et charges

La SARL [...] réclame un arriéré de loyers et charges à hauteur de 147.076,71€, dépôt de garantie impayé inclus, que conteste la SARL Trans CMG qui estime que l'indexation et les charges foncières ne sont pas dues et que le montant du loyer et des charges réclamés par la bailleresse est erroné de sorte qu'au vu des versements qu'elle a effectués, elle serait à jour de ses loyers et charges.

Le nouveau bail liant les parties à compter du 1er août 2007 obéit aux conditions et clauses du bail expiré, à défaut de nouvelle convention et son loyer doit correspondre à la valeur locative, à défaut d'accord des parties.

La convention du 1er septembre 2005 stipule en ses paragraphes IV et VII que le loyer est indexé à partir du 1er septembre 2006 suivant l'indice INSEE, l'indice de référence étant le 4ème trimestre 2004 (1269) et que le preneur rembourse au bailleur sa quote part d'impôt foncier au prorata temporis de l'occupation et des surfaces louées sur justificatif du bailleur.

La SARL Trans CMG doit donc aussi l'indexation et sa quote part de taxe foncière à partir du 1er août 2007, dans le cadre du bail statutaire qui s'applique à cette date. Elle doit aussi régler ses charges d'électricité et d'eau. En revanche, la convention du 1er septembre 2015 ne stipulant aucune participation par le preneur aux frais du transformateur et de la ligne, c'est à bon droit que le tribunal a dit qu'ils n'étaient pas dus.

Sur le montant du loyer, l'intimée produit en pièce 309 un rapport amiable établi en septembre 2015 par le Cabinet C... qui a évalué la valeur locative à 39.000€ HT soit 3250€ HT par mois soit la somme de 3900€ TTC, hors charges. Outre ce rapport d'expertise non contradictoire, elle s'appuie aussi sur le fait volontaire du preneur car ainsi que l'a relevé le premier juge, ce montant correspond au loyer facturé par les bailleurs et réglé par la société Trans CMG avant mais aussi après le 31 juillet 2007, outre l'indexation et les charges, ainsi que le juge des référés puis le juge de l'exécution l'ont relevé dans leurs décisions respectives des 17 juin 2009 et 12 septembre 2016 (pièces 143 et 313 produites par l'intimée).

La SARL [...] verse aux débats la totalité des factures adressées à sa locataire mentionnant le montant du loyer, avec précision des indices d'indexation (cf pour exemple pièce 101), des charges d'électricité et d'eau en précisant les numéros des compteurs individuels, dont l'existence, s'agissant des compteurs d'électricité a été confirmée par l'expert judiciaire (pièce 155), ce qui permettait à la locataire de vérifier sa consommation (cf pour exemple pièces 35, 45, 193, 198, 247, 266, 281), de la quote part des taxes foncières d'assurance, et la locataire a réglé jusqu'en 2008 puis de manière partielle les sommes appelées, sans adresser de courriers pour contester leurs montants. Celle-ci a même, dans ses conclusions après expertise du 11 février 2014 fixé elle-même un montant de loyer supérieur à celui appelé par le bailleur (pièce 285 page 11 produite par l'intimé).

L'intimée produit en pièce 314 un décompte mentionnant d'une part les sommes dues au 31 juillet 2016 qui sont justifiées par les factures jointes susvisées, d'autre part, les versements effectués par la locataire pour un total à compter d'avril 2009 de 309.457,73€ qui correspondent à ceux justifiés par la locataire en pièces 25 et 29 (copie des chèques versés aux débats), étant précisé que les justificatifs fournis concernent les sommes réglées de janvier 2010 à mars 2015 pour un total de 273.448,20€ saisie conservatoire de 41.614,80€ non incluse, que la société Trans CMG n'allègue pas que tel ou tel versement aurait été omis par sa bailleresse, et que pour la période antérieure à janvier 2010, elle mentionne en pièce 30 des récapitulatifs de sommes versées, sans justificatifs, et sans non plus préciser l'omission de tel ou tel versement.

Il en ressort que le dernier versement a été effectué en mars 2015 et que même avant cette date les loyers et charges n'ont pas été réglés en totalité, l'intimée justifiant en outre par une attestation de son expert comptable (sa pièce 64) que le dépôt de garantie n'a pas été payé.

En conséquence, en déduisant la participation aux frais du transformateur et de la ligne (2563,16€) et en ajoutant le dépôt de garantie de 5540€ qui fait l'objet d'une demande spécifique devant la cour, la SARL Trans CMG reste devoir à la SARL [...] la somme de 144.513,55€ au 31 juillet 2016.

Dès lors, la société bailleresse justifie de deux manquements graves pour justifier la résiliation du bail aux torts de la société locataire.

Si la SARL Trans CMG invoque elle aussi, le non respect par la bailleresse de ses obligations, notamment en raison des dysfonctionnement et désordres affectant les locaux loués, elle ne demande pas la résiliation du bail aux torts du bailleur pour ces raisons et les invoque uniquement à l'appui de sa demande de dommages et intérêts.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail aux torts de la SARL Trans CMG, celle ci prenant effet entre les parties, à la date de la fin du bail le 31 juillet 2016.

Sur les sommes réclamées par les parties

- sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Trans CMG

L'appelante sollicite des dommages et intérêts à hauteur de 20000€ en invoquant une double faute de la bailleresse qui d'une part aurait failli à ses obligations en refusant de remédier aux désordres et dysfonctionnements affectant le sol, la couverture, les rideaux métalliques et l'installation électrique des locaux litigieux et d'autre part, aurait agi de manière abusive en poursuivant la résiliation judiciaire du bail, en procédant à une saisie conservatoire sur le fondement d'un bail inexistant et d'un commandement de payer injustifié, puis en persistant à revendiquer la résiliation du bail pour des motifs fallacieux, et en pratiquant une deuxième saisie conservatoire à hauteur de près de 43.000 €.

Sur le second point, il n'y a pas lieu à dommages et intérêts puisque même si le commandement de payer du 12 mars 2009 a été annulé, les demandes de résiliation du bail par la SARL [...] aux torts de sa locataire et de paiement de l'arriéré de loyers et charges sont reconnues bien fondées.

S'agissant des désordres, la convention du 1er septembre 2015 dont les clauses ont continué à s'appliquer après son expiration dans le cadre du nouveau bail applicable à cette date, stipule que la bailleresse doit tenir les locaux "clos et couverts, sauf accident ou effraction par un tiers, prendre en charge les grosses réparations visées à l'article 606 du Code civil et assurer au preneur une jouissance paisible des lieux".

Le preneur doit quant à lui "entretenir pendant tout le cours de la convention, les lieux loués, constamment en bon état de réparation locative et d'entretien, notamment les peintures, fermetures, ferrures, plomberies et autres, et doit aussi entretenir les robinets d'eau en bon fonctionnement, et généralement fera son affaire personnelle de l'entretien et la remise en état de toutes réparations de quelque nature qu'elles soient, et même de tous remplacement qui deviendraient nécessaires, le tout relatif aux plomberie, appareils de chauffage (...), robinetteries, sols intérieurs et extérieurs concernant les parkings, aire de manoeuvres et de sationnement et en général, à tout ce qui pourra garnir les lieux loués sans exception ni réserve et sans que cette énonciation soit limitative, à l'exception du clos et du couvert".

Le bailleur n'a donc à sa charge que les grosses réparations de l'article 606 du Code civil ainsi que l'obligation d'assurer le clos et le couvert.

S'agissant des désordres affectant le sol, il ressort du constat du 28 février 2009 produit en pièce 6 par la SARL Trans CMG que le sol est fissuré en plusieurs endroits, plus particulièrement au niveau des joints de dilatation, outre une zone où le ciment est morcelé au fond du local.

L'expert judiciaire a relevé l'existence de ces fissures qu'il qualifie de "ponctuelles" à deux endroits le long des joints, mais indique qu'il s'agit d'une "représentation normale des pathologies de ce type de dallage industriel qui doit être entretenu régulièrement". Or, l'entretien du sol incombe au preneur en vertu des clauses contractuelles susvisées. Il ne peut donc être retenu de manquement de la bailleresse à ce titre.

S'agissant de la toiture, des traces d'infiltration au plafond ont été constatées, ainsi qu'il ressort du constat d'huissier établi le 20 février 2009 qui mentionne des traces de ruissellement dans les bureaux du 1er étage et du constat établi le 22 décembre 2009 dont il ressort que le socle de l'ensemble des palettes et le sol sont mouillés et que plusieurs palettes contenant du café ont été soumises à une humidité encore visible et sont détériorées (pièce 9 produite par l'appelante). Elle produit aussi en pièce 23 un courrier d'un client de la société Trans CMG en date du 22 décembre 2010 qui indique avoir connu une dégradation de ses marchandises avec notamment des problèmes de produits mouillés et constaté le 19 novembre une détérioration de la toiture "pouvant" engendrer des fuites d'eau à l'intérieur du dépôt sans autre précision.

La bailleresse justifie avoir effectué des travaux de nettoyage et de réparation de la toiture en juin 2008, janvier 2009 et le nettoyage des cheneaux en octobre 2010 (pièces 36, 168, 169, 174).

En outre, l'expert judiciaire n'a pas constaté de nouvelles fuites y compris lors de la réunion du 12 juillet 2011, alors qu'une pluie diluvienne s'était abattue.

Il s'en déduit qu'il a été remédié aux désordres précédemment décrits, aucun nouveau problème d'infiltration notamment après l'expertise n'étant en outre établi.

Ces désordres ont toutefois causé à la locataire un préjudice de jouissance et financier lié à la détérioration de palettes, que le premier juge a à juste titre constaté mais sans l'indemniser, alors que l'obligation d'assurer le clos et le couvert incombe à la bailleresse. Il ressort en outre du courrier adressé le 28 novembre 2008 à la locataire par la bailleresse au sujet de "fuite d'eau lié à la toiture", dans lequel elle admet que "cette toiture aurait dû être entièrement révisée cet été" ce qui n'a pu être fait en raison d'un accident sur le chantier, que la locataire a bien avisé sa bailleresse du problème d'infiltrations et lui a demandé d'intervenir.

Il convient dès lors de réparer ce dommage en allouant à ce titre à la société Trans CMG la somme de 3000€ de dommages et intérêts.

Sur les rideaux métalliques de fermeture des quais, l'expert judiciaire a constaté le dysfonctionnement des rideaux 1 et 2 , et notamment leur oxydation anormale en précisant toutefois que cette oxydation était due essenteiellement à un défaut d'entretien régulier et à un manque total de graissage. Or, l'entretien incombait au preneur et la responsabilité du bailleur ne peut donc être retenue à ce titre.

S'agissant de l'électricité, le constat d'huissier du 20 février 2009 relève uniquement "une multitude de fils raccordés au compteur EDF situé dans le local de la société Trans CMG" sans autre précision.

L'expert judiciaire n'a toutefois pas relevé d'anomalie et a constaté que des compteurs divisionnaires avaient été installés par le bailleur dans chaque zone. En outre, la SARL [...] a produit des factures d'entretien et de réparation de l'installation électrique.

Aucune faute de la SARL [...] n'est donc démontrée sur ce point.

- au titre des loyers et charges

Pour les raisons déjà indiqués, la SARL Trans CMG doit être condamnée à payer à la SARL [...] la somme de 144.513,55€ outre les intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2018 date des conclusions signifiées par l'appelante devant le premier juge. La locataire ne pouvait notamment se dispenser de régler ces sommes au prétexte de l'inexécution par la bailleresse de ses obligations alors qu'il est uniquement retenu contre cette dernière un manquement à son obligation d'assurer le couvert durant une période limitée.

- sur les demandes de dommages et intérêts formées par la SARL [...]

L'expert a relevé que la locataire avait manqué à son obligation d'entretien notamment concernant le sol et les rideaux de fermeture métallique des quais.

L'intimée produit en outre en pièce 331 un constat d'huissier du 5 avril 2017 concernant l'état des lieux loués, dont il ressort un état de saleté général important ainsi qu'une détérioration de la moquette, de la peinture, des façades, de la robinetterie. Ce constat est toutefois postérieur de près d'un an à la date de résiliation du bail et n'est que partiellement probant, un local inoccupé pendant plus de deux ans étant nécessairement sale et détérioré. Il n'est par ailleurs pas produit de devis ou de facture au titre de travaux de remise en état.

Il sera en conséquence alloué la somme de 3000€ au titre de la remise en état des lieux loués s'agissant notamment du défaut d'entretien des sols et des rideaux métalliques pointé par l'expert.

La SARL [...] a en outre subi un préjudice économique résultant de ce que la SARL Trans CMG est partie brutalement en ne la prévenant qu'une quinzaine de jours avant, sans respecter le délai de préavis de six mois en cas de congé. En outre, la société Trans CMG a procédé depuis près de dix ans à des paiements seulement partiels et à des dates irrégulières, sans régler la TVA sur une partie des loyers, la privant de revenus pendant plusieurs mois.

Le préjudice lié au retard dans le paiement des loyers et charges n'est réparé que pour partie par l'octroi des intérêts de retard, qui sont alloués à compter du 3 septembre 2018. En revanche, le bail n'étant résilié qu'au 31 juillet 2016, la SARL Trans CMG doit les loyers jusqu'à cette date et le préjudice financier résultant du départ des lieux loués sans respect d'un délai de préavis est donc déjà pris en compte dans ce cadre.

La SARL [...] reste donc subir un préjudice économique mais la somme allouée par le tribunal à ce titre apparaît excessive et sera ramenée à la somme de 6000€.

Sur les autres demandes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.

La SARL Trans CMG succombe dans l'essentiel de ses demandes et le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Elle doit pour les mêmes raisons être condamnée aux dépens exposés devant la cour, outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Wedrychowski et au paiement à l'intimée d'une somme de 5000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
* condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] la somme totale de 138.973,55 € TTC au titre des loyers et charges impayés sur la période du 1er septembre 2007 jusqu'au 31 juillet 2016 avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2018 ;
* condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 5.000 € au titre de la remise des locaux loués ;
* condamné la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 30.000 € en réparation de son préjudice économique;
* débouté la SARL Trans CMG de la totalité de sa demande de dommages et intérêts;

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

- Condamne la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] la somme de 144.513,55€ outre les intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2018 ;

- Condamne la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 3.000 € au titre de la remise des locaux loués ;

- Condamne la SARL Trans CMG à payer à la SARL [...] des dommages-intérêts à hauteur de 6.000 € en réparation de son préjudice économique ;

- Condamne la SARL [...] à payer à la SARL Trans CMG des dommages et intérêts à hauteur de 3000€ au titre du préjudice résultant d'infiltrations en toiture ;

Confirme le jugement déféré dans le surplus de ses dispositions contestées ;

Y ajoutant,

- Condamne la SARL Trans CMG à verser à la SARL [...] une indemnité de 5000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette le surplus des demandes ;

- Condamne la SARL Trans CMG aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 19/014501
Date de la décision : 02/04/2020
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2020-04-02;19.014501 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award