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02/04/2020 | FRANCE | N°19/00812

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 02 avril 2020, 19/00812


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/04/2020
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
Me Alexis DEVAUCHELLE
ARRÊT du : 02 AVRIL 2020


No : 58 - 20
No RG 19/00812 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F4HV


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 17 Janvier 2019


PARTIES EN CAUSE


APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No:1265244352153400
Monsieur L... F...
né le [...] à PARIS (75000)
[...]
[...]

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Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Christophe MOYSAN, ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/04/2020
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
Me Alexis DEVAUCHELLE
ARRÊT du : 02 AVRIL 2020

No : 58 - 20
No RG 19/00812 - No Portalis
DBVN-V-B7D-F4HV

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 17 Janvier 2019

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No:1265244352153400
Monsieur L... F...
né le [...] à PARIS (75000)
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Christophe MOYSAN, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265239182719014
AXA France IARD
dont le siège social est :
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au Barreau D'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Frédéric CHEVALLIER, membre de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS,

AXA ASSURANCE IARD MUTUELLE
dont le siège social est :
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au Barreau D'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Frédéric CHEVALLIER, membre de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS,

AXA France VIE
dont le siège social est :
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au Barreau D'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Frédéric CHEVALLIER, membre de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS,

AXA ASSURANCE VIE MUTUELLE
dont le siège social est :
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au Barreau D'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Frédéric CHEVALLIER, membre de la SCP HERVOUET/CHEVALLIER/GODEAU, avocat au barreau de BLOIS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 Mars 2019
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 19 décembre 2020 2019

Dossier communiqué au Ministère Public le 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 13 FEVRIER 2020, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 02 AVRIL 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Dans la perspective de la cessation de son activité, M. L... F..., qui exerçait les fonctions d'agent général d'assurances pour la compagnie AXA France au sein d'une agence qu'il avait développée à [...] (41), s'est rapproché de M. T... H..., qui exerçait les mêmes fonctions dans une agence qu'il exploitait de son côté à [...] (41).

Le 24 juillet 2014, M. F... et M. H... ont signé avec les sociétés AXA France Iard, AXA assurance Iard mutuelle, AXA France Vie et AXA assurance Vie mutuelle, ci-après dénommées AXA, un protocole d'accord qui fixait le cadre de leur future association, qui prévoyait notamment que pour parvenir à une répartition des droits de créance (droits aux commissions) à hauteur de 55 % pour M. F... et de 45 % pour M. H..., les futurs associés concluraient entre eux une cession «de portefeuilles» de gré à gré.

Selon traité de nomination en date du 3 décembre 2014, M. L... F... et M. T... H... ont été nommés de manière indivisible agents généraux Axa à compter du 1er janvier 2015, pour exploiter et gérer les portefeuilles des agences de [...] et [...] (37).

Comme projeté, les droits de créance de chacun des associés ont été répartis aux conditions particulières du traité de nomination à hauteur de 55 % pour M. L... F... et de 45 % pour T... H....

La cession de gré a gré prévue au protocole du 24 juillet 2014 a été formalisée le 30 décembre 2014 par un acte sous seing privé aux termes duquel M. F... a cédé à M. H... une partie de ses droits de créances sur les portefeuilles dont il avait la gestion à [...], au prix de 260000euros fixé sur la base des valorisations des indemnités de fin de mandat et de la valeur d'exploitation des portefeuilles de chaque partie transmis par AXA.

Par courrier recommandé du 16 juin 2015, M. F... a présenté à la direction commerciale d'AXA sa démission de ses fonctions d'agent général associé des agences de [...] et [...].

La cessation d'activité de l'un des agents généraux associés emportant cessation de plein droit du mandat réputé indivisible, en application de l'article 7 des conditions particulières du traité de nomination, M. F... et M. H... ont signé entre eux, le 9 novembre 2015, un protocole de séparation à effet au 31 décembre suivant.

La compagnie AXA a pris acte de ce que chacun des associés souhaitait poursuivre seul son activité et, alors que dans pareille situation les conditions particulières du traité de nomination permettent à chaque associé qui le souhaite d'être renommé sur sa quote-part de portefeuille (en l'espèce 55 % de la valeur des portefeuilles pour M. F... et 45 % pour M. H...), les associés ont préféré, en accord avec la compagnie d'assurance, revenir à la situation antérieure au 1er janvier 2015 -reprise par M. F... de la gestion des portefeuilles de l'entité de [...], reprise par M. H... de la gestion des portefeuilles de l'entité de [...]).

Par courrier du 20 novembre 2015, la compagnie AXA a proposé de renommer au 1er janvier 2016 M. F... en qualité d'agent général chargé de la gestion et de l'exploitation de l'agence de [...], M. H... en qualité d'agent général chargé de l'agence de [...], de racheter à M. H... les droits de créance qu'il avait acquis de M. F... le 30 décembre 2014, sur la base du prix de cession (260000 euros) diminué «des contrats de [...]» que Messieurs F... et H... étaient convenus [dans le protocole du 9+ novembre 2015] de transférer à [...] (d'une valeur maximum de commissions de 75000 euros), puis de confier à M. F..., sur le portefeuille correspondant aux parts cédées à M. H... et rachetées par elle, un mandat de gestion provisoire.

Si ce mandat de gestion provisoire a effectivement été conclu le 22 juin 2016 entre la compagnie AXA et M. F..., à effet au 1er janvier 2016, le protocole d'accord qui avait été établi entre la compagnie d'assurances et les deux anciens associés à fin de tirer toutes les conséquences de la séparation des agents généraux associés n'a finalement jamais été régularisé -M F... l'ayant seul signé le 25 novembre 2015.

Le 28 octobre 2016, M. F... a informé la compagnie AXA qu'il cesserait ses fonctions le 1er mai 2017.

La compagnie d'assurance en a pris acte et, constatant qu'il ne lui avait présenté aucun successeur, a adressé le 29 juin 2017 à M. F... une évaluation de son indemnité de fin de mandat, sans objet, à tout le moins direct, avec le présent litige.

Reprochant à la compagnie AXA de ne pas avoir respecté les termes du protocole de séparation conclu directement entre lui-même et M. H... le 9 novembre 2015, en effectuant une mauvaise interprétation de ce protocole au seul bénéfice de M. H..., en réglant à ce dernier, à titre d'acompte, une somme de 125000 euros qui lui a permis d'engager une procédure judiciaire à son encontre, en refusant de lui restituer les commissions liées aux contrats irrégulièrement cédés à M. H... pour un montant de 8874euros, puis en procédant sur les sommes à lui revenir à une retenue de 66130 euros qui l'a contraint, de fait, à accepter que M. H... se désiste d'une instance qu'il avait engagée à son encontre, M. F..., soutenant que les fautes ainsi commises par la compagnie d'assurance lui ont causé un préjudice qui ne saurait être évalué à moins de 100000euros, a fait assigner la compagnie d'assurance devant le tribunal de grande instance de Blois pour l'entendre condamner, sur le fondement des articles 1126, 1129 et 1382 [anciens] du code civil, à lui payer en principal la somme de 100000euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 17 janvier 2019, le tribunal a :

-débouté M. F... de ses demandes tendant à voir dire que la compagnie AXA a commis des fautes dans l'exécution de ses obligations à l'occasion de la rupture du contrat d'association entre M. H... et M. F... et à voir condamner la compagnie AXA à lui verser une somme de 100000euros toutes causes de préjudice confondues en réparation du préjudice par lui allégué,
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. F...
-condamné Monsieur F... à payer aux sociétés Axa France Iard, AXA assurance Iard mutuelle, Axa France vie et AXA assurance vie, dénommées ensemble AXA France, la somme de 3000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. F... a relevé appel de cette décision par déclarations en date du 6 mars puis du 21 mars 2019, jointes par ordonnance du 5 juin 2019, en intimant d'abord la compagnie d'assurance AXA France, ensuite les sociétés Axa France Iard, AXA assurance Iard mutuelle, Axa France vie et AXA assurance vie, et en critiquant expressément, dans chacune de ses déclarations d'appel, tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses moyens, M. F... demande à la cour, au visa des articles 1126, 1139 et 1382 [anciens] du code civil, de :

-réformer le jugement entrepris,
-dire et juger que la compagnie AXA France a commis une faute dans l'exécution de ses obligations à l'occasion de la rupture du contrat d'association entre Monsieur H... et Monsieur F...,
-la condamner à régler à Monsieur F... la somme de 100000€ toutes causes de préjudices confondus outre 10000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens

Au soutien de ses prétentions, M. F... expose :

-que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il n'a jamais soutenu que la compagnie AXA serait partie au protocole du 9 novembre 2015 et que cette convention lui serait opposable
-que nonobstant, ladite compagnie a eu un «rôle éminent» dans la rédaction et dans l'exécution de ce protocole puisque, faute d'accord entre M. H... et lui-même sur le traitement des clients identifiés comme pouvant être rattachés au portefeuille de [...], le protocole tripartite proposé par la compagnie AXA n'a pas été régularisé, et la compagnie a alors considéré que seul le protocole signé le 9 novembre 2015 entre lui-même et M. H... devait s'appliquer,

-que la première faute qu'il reproche à la compagnie AXA consiste à s'être livrée successivement à deux interprétations distinctes de ce protocole, le 18 décembre 2015 puis le 6 janvier 2016,
-qu'alors que dans son courriel du 18 décembre 2015, la compagnie indiquait que les clients mentionnés sur la liste qu'elle avait fournie ne pourraient être transférés de [...] vers [...] qu'à réception de l'accord écrit des clients concernés obtenu au plus tard le 31 décembre 2015, elle est revenue sur cette analyse le 6 janvier 2016, en considérant que le protocole signé le 9 novembre 2015 n'exigeait pas d'accord écrit, que seul le refus exprimé par un client pouvait entraîner son maintien à l'agence de [...], et en expliquant qu'en conséquence elle allait procéder au transfert des clients que M. H... justifiait avoir contactés sans essuyer de refus
-que ce changement d'attitude de la compagnie d'assurance, et le transfert de clients réalisé en dépit des contestions qu'il a émises dès le 6 janvier 2016, constitue une faute qui lui a causé un important préjudice, en ce que les négociations qu'il avait entreprises avec M. H... s'en sont trouvées figées et qu'aucun règlement amiable n'a plus été possible avec son ex associé
-que la compagnie AXA a encore commis une faute en laissant M. H... manqué à ses devoirs déontologique en démarchant des clients susceptibles de transfert après la date du 31 décembre 2015 qui avait été fixée au protocole, et ce malgré les courriels des 8 et 16 janvier 2016 par lesquels il l'avait alertée de cette situation
-qu'alors que dans un courriel du 8 février 2016, prenant acte de la tournure contentieuse des relations entre les ex associés, la compagnie AXA s'était engagée à une totale neutralité, ladite compagnie a encore commis une faute en prenant finalement parti pour M. H..., à qui elle a réglé une somme de 125000 euros à titre d'acompte sur les sommes que lui-même devait à son ex associé
-que la compagnie d'assurance a par ailleurs réglé à M. H... une somme de 66130 euros au titre des contrats prétendument transférés de [...] vers [...], alors que ces contrats n'ont pu être transférés en l'absence d'accords écrits des clients concernés, ce qui lui a causé un préjudice dans la mesure où la perception de cette somme a permis à M. H... de se désister de l'action qu'il avait engagée contre lui
-que les premiers juges ont retenu à tort qu'en signant un mandat de gestion provisoire, il aurait accepté de ne plus être titulaire de ses droits et ne pouvait donc exiger aucune indemnité de fin de mandat sur les droits en cause, alors que nonobstant la signature de ce mandat, conclu à effet rétroactif, il s'est toujours opposé au règlement de cette somme de 66130 euros et que dans un courrier du 9 décembre 2016, la compagnie AXA l'avait mis en demeure de lui retourner ce mandat en sorte qu'il s'est trouvé contraint, par la menace de ne pas percevoir l'indemnité de fin de contrat à laquelle il avait droit, de signer le mandat en cause
-qu'en lui faisant ainsi perdre cette somme de 66130 euros, en réglant pour son compte une somme de 125000 euros à M. H..., en n'empêchant pas ce dernier de démarcher ses clients de manière déloyale puis en refusant de lui régler la somme de 8874 euros correspondant au montant des cotisations qui lui étaient dues sur les contrats irrégulièrement cédés, la compagnie AXA lui a causé un préjudice qui, toutes causes confondues, justifie sa condamnation au paiement d'une somme de 100000 euros

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 17 décembre 2019, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de leurs moyens, les sociétés AXA France Iard, AXA Assurance Iard mutuelle, AXA France Vie et AXA Assurance mutuelle, dénommées ensemble AXA France, demandent à la cour de :

-déclarer mal fondé l'appel interjeté par M. L... F... en toutes fins qu'il comporte,
En conséquence,
-confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Blois en date du 17 janvier 2019,
Y ajoutant,
-condamner M. L... F... à payer à la compagnie d'assurance AXA France la somme de 10000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Alexis Devauchelle avocat aux offres de droit

La compagnie AXA commence par rappeler que les agents généraux d'assurance exercent leur activité dans le cadre d'une réglementation professionnelle qui leur est propre, notamment les règles prévues aux articles L. 540-1 et L. 540-2 du code des assurances, les statuts de leur profession approuvés par les décrets no 96-901 et 902 du 15 octobre 1996, lesquels renvoient à la convention fédérale du 16 avril 1996, aux accords d'entreprise, spécialement au protocole conclu le 28 juin 2000 entre AXA France et le syndicat de ses agents généraux, puis aux traités de nomination conclus avec chacun des agents.

La compagnie rappelle ensuite que les agents ne sont pas propriétaires des portefeuilles de clientèle, mais qu'ils acquièrent seulement un «droit de clientèle» dont la valeur patrimoniale se révèle lors de la cessation de leurs fonctions, soit qu'ils cèdent de gré à gré leur droit de présentation à un successeur, soit qu'ils obtiennent de la compagnie d'assurance le paiement d'une indemnité compensatrice, dite indemnité de fin de mandat.

La compagnie explique ensuite qu'au cas particulier, embarrassée de constater que deux de ses agents généraux voulaient mettre un terme à leur association, elle a dû composer amiablement, dans l'intérêt de ceux-ci, mais dans l'intérêt des assurés constitutifs de sa propre clientèle également, en sorte que, faute d'avoir réussi à conclure avec eux un protocole d'accord tripartite, elle n'a pas eu d'autre choix que de considérer que le seul accord liant M. F... et M. H... était le protocole conclu entre eux le 9 novembre 2015.

Ce protocole ayant été conclu entre deux professionnels de l'assurance en mesure de saisir le sens et la portée de leur engagements, elle a considéré, à sa lecture, que l'accord des intéressés sur le transfert d'une part du portefeuille de [...] vers [...] n'était conditionné à aucun accord écrit des assurés concernés, mais qu'à partir du moment où M. H... justifiait avoir pris contact avec un client qui ne s'était pas opposé au transfert de son contrat d'une agence à l'autre, le transfert était acquis, dans la limite de la valeur de 75000 euros fixée par les intéressés.

Elle ajoute qu'en toute hypothèse M. F... ne peut lui reprocher à faute les difficultés d'interprétation de cet accord qui a été rédigé de manière lapidaire, auquel elle n'a pas été partie et dont elle ne saurait en conséquence supporter les éventuelles conséquences dommageables.

La compagnie explique ensuite que dès lors que tous étaient d'accord pour que chaque agent général se retrouve, après la séparation, dans la situation qui était la sienne antérieurement à l'association qui a échoué (reprise par M. F... de la gestion du portefeuille et de l'agence de [...] ; reprise par M. H... de la gestion du portefeuille et des locaux de [...]), il fallait trouver une solution pour revenir sur la cession des droits de créances intervenue le 30 décembre 2014 entre M. F... et M. H..., qui ne pouvait se défaire sans contrepartie de droits qu'il avait acquis 260000 euros, en sorte que, M. F... ne souhaitant pas racheter les droits de M. H..., elle a elle-même racheté ces droits, en proposant à M. H... de gérer les droits ainsi acquis, jusqu'à son départ à la retraite, au moyen d'un mandat de gestion provisoire.

La compagnie précise que compte tenu de la diminution de la valeur du portefeuille, l'indemnité de fin de mandat de M. H... a été arrêté, non pas à 260000euros, mais à 230074euros, qu'elle a réglé à l'intéressé ladite somme, déduction faite de la somme de 38944 euros correspondant au montant des droits de créance transférés à son agence de [...] dans le cadre de l'accord passé avec M. F..., au moyen d'un premier règlement de 125000euros intervenu le 17 février 2016 et d'un second règlement réalisé le 2 mai 2017.

La compagnie ajoute que M. F... ne peut soutenir que la somme de 125000 euros correspondrait à un acompte à valoir sur la réalisation de la liquidation de son association avec M. H... alors qu'il s'agit, comme l'ont retenu les premiers juges, d'une fraction de l'indemnité qui était conventionnellement due à M. H... et que M. F..., sauf à omettre qu'il avait cédé ses droits à son ex associé pour un montant de 260000euros, ne peut prétendre à aucune indemnité de fin de mandat sur la partie du portefeuille qu'il avait cédée et qu'il a simplement gérée de manière provisoire en vertu du mandat qu'ils avaient régularisé à cet effet.

La compagnie AXA souligne enfin que M. F..., qui est tiers à la transaction qu'elle a passée avec M. H..., ne pouvait intervenir dans cette relation qui ne concerne que son ex associé et elle-même.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 décembre 2019.

A l'audience, relevant qu'était partie en première instance, non pas la société AXA Assurance mutuelle, mais la société AXA Assurance Vie mutuelle, la cour a invité les parties à bien vouloir préciser, au moyen d'une note en délibéré à transmettre contradictoirement avant le 27 février 2020, si les parties intimées devaient être considérées comme étant les sociétés suivantes : société d'assurance mutuelle AXA Assurances IARD Mutuelle, société d'assurances AXA Assurance mutuelle, SA AXA France IARD, SA AXA France Vie.

Dans une note transmise contradictoirement par voie électronique le 14 février 2020, les sociétés intimées ont précisé leurs désignations exactes, à savoir : société d'assurance mutuelle AXA Assurances IARD Mutuelle, société d'assurances AXA Assurance VIE mutuelle, SA AXA France IARD, SA AXA France Vie.

M. F... n'a formulé aucune observation.

SUR CE, LA COUR :

La cour observe à titre liminaire que la compagnie d'assurances AXA France n'a pas la personnalité juridique et que les sociétés AXA Assurances IARD Mutuelles, AXA Assurance mutuelle, AXA France IARD et AXA France VIE interviennent toutes quatre à la cause, comme en première instance, comme devant être dénommées ensemble AXA France.

La cour relève par ailleurs que M. F... ne conteste pas le montant de son indemnité de fin de mandat évalué par AXA, mais agit exclusivement à fin de dommages et intérêts, et ce sur le fondement délictuel de l'article 1382 ancien du code civil -les deux autres textes visés au dispositif de ses écritures, qui concernent l'objet des conventions et la définition de la mise en demeure, ne pouvant fonder une action en responsabilité tirée d'un manquement contractuel.

Ces observations faites, il convient d'examiner successivement les fautes que M. F... reproche à la compagnie AXA.

L'appelant soutient d'abord que la somme de 125000 euros que la compagnie AXA a réglée le 17 février 2016 à M. H... à titre d'acompte constituerait un acompte sur les sommes que lui-même devait à son ex associé.

Comme l'ont exactement indiqué les premiers juges, cette somme de 125000euros ne correspond nullement à un acompte à valoir sur la réalisation de la liquidation de l'association entre M. F... et M. H..., ni à un acompte sur des sommes que M. F... aurait dû à son ex associé à quelque titre que ce soit, mais correspond à un acompte sur l'indemnité de fin de mandat qui était statutairement due à M. H..., non pas par M. F... qui ne lui a pas racheté les droits qu'il lui avait cédés le 31 décembre 2014, mais par la compagnie AXA qui les a elle-même rachetés.

M. F..., qui avait cédé une partie de ses droits à M. H... en 2014, n'a pas souhaité les lui racheter ensuite de leur séparation en 2015. C'est donc la compagnie AXA elle-même qui les a rachetés, et c'est à celui qui en était titulaire que ces droits ont été payés. M. F... ne peut soutenir contre le bon sens que la compagnie d'assurance aurait dû l'indemniser de la valeur patrimoniale de droits qu'il ne détenait plus pour les avoir cédés en 2014 à M. H..., ni remettre en cause le mandat de gestion provisoire qu'il a signé le 22 juin 2016. En concluant ce mandat de gestion provisoire avec la compagnie AXA, dont il soutient sans aucune offre de preuve qu'il aurait été contraint de le signer sous la menace, M. F... a nécessairement admis qu'il n'était pas titulaire des droits de créance sur lesquels la compagnie lui confiait un mandat de gestion provisoire. N'étant pas titulaire de ces droits, il a perçu des commissions pour sa gestion pendant la durée d'exécution du mandat, mais il ne pouvait prétendre, en fin de mandat, à une indemnité compensatrice qui est la contrepartie d'un «droit de clientèle» qu'il n'avait pas, ce que précisait d'ailleurs expressément l'article 4 du mandat en ces termes : «ce mandat n'étant qu'un mandat de gestion provisoire, M. L... F... est dispensé du paiement du droit de reprise attaché à ce portefeuille et ne pourra bénéficier d'une indemnité de fin de mandat y afférent».

M. F... ne peut donc imputer à faute à la compagnie AXA d'avoir réglé à M. H... une somme de 125000euros devant prétendument lui revenir.

M. F... ne peut pas davantage reprocher à la compagnie d'assurance d'avoir réglé à tort à M. H..., au titre des contrats transférés de [...] vers [...], une somme de 66130 euros, alors que ladite somme de 66130euros n'a rien à voir avec la valeur des droits transférés d'une agence à l'autre mais correspond, comme la somme de 125000euros, à l'indemnité de fin de mandat dont la compagnie d'assurance était redevable envers M. H... en contrepartie des droits qu'elle lui a rachetés.

Compte tenu de la diminution de la valeur du portefeuille, M. H... a en effet accepté que la compagnie d'assurance lui «rachète» au prix de 230074euros les droits qu'il avait lui-même achetés 260000euros quelques mois plus tôt à M. F..., et ce prix de 230074euros a été payé en deux règlements de 125000 et 66130 euros, le solde de 38944 euros ayant lui seul été payé par compensation avec les droits de créance attachés aux clients transférés de l'agence de [...] à celle de [...].

S'agissant de ces transferts, qui n'ont finalement pas porté sur des valeurs de contrats de 75000euros, comme initialement prévu entre M. F... et M. H..., mais sur des valeurs de 38944euros seulement, et que M. F... impute encore à faute à la compagnie AXA, la cour relève, de première part que le protocole tripartite que la compagnie AXA avait proposé à ses deux agents généraux de régulariser pour organiser les effets de la rupture de leur association n'a finalement pas été signé ; de seconde part que les parties s'accordent pour dire que le «protocole de séparation» signé le 9 novembre 2015 entre M. F... et M. H... n'était pas opposable à la compagnie AXA mais que, faute de meilleur accord, c'est néanmoins sur la base de ce protocole qu'elle a volontairement accepté d'appliquer que la compagnie a évalué les indemnités de fin de mandat dues à chacun de M. F... et de M. H... -M F... à raison de la cessation de ses fonctions d'agent général d'assurances, M. H... à raison de la rupture de son mandat sur les droits de créance qu'il avait acquis en 2014 de M. F... dans la perspective de leur association.

Ce protocole que la société AXA indique en page 10 de ses écritures n'avoir eu d'autre choix que d'appliquer contient, concernant le transfert d'une partie de la «clientèle» de [...] vers [...], la stipulation suivante :

«D'un commun accord en date du 9 novembre 2015, une part du portefeuille de [...] d'un montant de 75000euros sera transférée à l'agence de [...]. T... H... prendra contact avant le 31 décembre avec les clients concernés pour recevoir leur accord. En cas de refus, ils resteront à [...] sans compensation. Le solde restant dû à T... H... sera indemnisé au coefficient de 1,4 [
] sous réserve d'accord de la compagnie ...».

Il est exact que la compagnie AXA a successivement fait deux lectures de ce protocole, en considérant dans une première position exprimée par courriel du 18 décembre 2015 que l'accord des clients concernés devait être exprimé dans un écrit reçu au plus tard le 31 décembre 2015, puis en retenant finalement, le 6 janvier 2016, que le protocole n'exigeait pas d'accord écrit des clients et que seul leur refus pouvait justifier leur maintien à l'agence de [...].

Sans qu'il soit utile de se prononcer sur la manière dont il convenait d'interpréter ce protocole, la cour observe que M. F... n'établit aucun préjudice ayant pu résulter de l'interprétation retenue par la compagnie d'assurance.

Sauf à méconnaître le statut des agents généraux d'assurances et les stipulations du traité de nomination qui le liait contractuellement avec la compagnie AXA, M. F... se méprend en en effet en tenant comme établi qu'en déduisant de l'indemnité due à H... une somme de 38944euros au titre de la valeur des contrats transférés entre les agences de [...] et [...], la compagnie d'assurance lui a nécessairement causé un préjudice en le privant de cette somme.

La séparation des deux anciens associés n'a pas conduit à l'établissement d'un compte de liquidation commun, comme le sous-entend l'appelant ; chacun de M. F... et de M. H... a été indemnisé de manière autonome de la valeur patrimoniale de ses droits, l'un parce qu'il cessait purement et simplement ses fonctions, l'autre parce qu'il a cédé une partie de ses droits à la compagnie d'assurance, et ce sans que ce qui a pu être versé en trop à l'un l'ait nécessairement été au détriment de l'autre.

Dès lors qu'il a choisi de rechercher la responsabilité délictuelle de la compagnie d'assurance, qu'il ne démontre pas quelle faute détachable du mandat la compagnie d'assurance a commis en acceptant un transfert de clients entre les agences de [...] et [...], alors qu'il s'était contractuellement engagé vis-à-vis de son ex associé sur le principe de ce transfert, et qu'en ne contestant, ni devant les premiers juges, ni devant la cour, le montant de l'indemnité de fin de mandat qui lui a été offerte, M. F..., qui se réfère à la situation de M. H... plutôt qu'à la sienne, n'établit nullement que la valeur des contrats transférés a eu une influence dommageable sur ses propres droits, ne peut qu'être débouté de sa demande en réparation du préjudice allégué au titre du transfert de contrats critiqué.

M. F..., qui reproche encore à la compagnie AXA de ne pas avoir empêché M. H... de démarcher «ses» clients postérieurement au 31 décembre 2015, n'offre pas la moindre preuve de l'action déloyale de son ancien associé.

L'appelant n'établit d'aucune manière, enfin, que la compagnie AXA aurait commis une faute en versant à M. H... une somme d'argent qui l'aurait conduit à se désister de l'action qu'il avait engagée à son encontre. Outre que la somme d'argent que M. F... reproche à la compagnie d'assurance d'avoir versé à M. H... est une somme d'argent que la compagnie était statutairement tenue de verser à l'intéressé, M. F... n'explique d'aucune manière comment ce règlement aurait pu le contraindre à accepter le désistement de son adversaire.

Par confirmation du jugement critiqué, M. F... sera donc débouté de toutes ses demandes.

M. F..., qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l'instance et régler aux sociétés AXA France Iard, AXA Assurance Iard mutuelle, AXA France Vie et AXA Assurance mutuelle, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de leurs frais irrépétibles, une indemnité d'un montant total de 3000euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en tous ses chefs critiqués la décision entreprise,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. L... F... à payer aux sociétés AXA France Iard, AXA Assurance Iard mutuelle, AXA France Vie et AXA Assurance mutuelle, dénommées ensemble AXA France la somme totale de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. L... F... aux dépens,

ACCORDE à Maître Alexis Devauchelle le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 19/00812
Date de la décision : 02/04/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-04-02;19.00812 ?
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