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21/11/2019 | FRANCE | N°19/00212

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 21 novembre 2019, 19/00212


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/11/2019
la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES
Me François JAECK
ARRÊT du : 21 NOVEMBRE 2019


No : 386 - 19
No RG 19/00212 -
No Portalis DBVN-V-B7C-F3A2


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de BLOIS en date du 29 Août 2018


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265235298715048
SARL VOLKSWAGEN BANK GMBH
Agissant poursuite et diligences de ses représent

ants légaux
[...]


Ayant pour avocat Me Béatrice BORDONE-DUBOIS, membre de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS


D'UNE PA...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/11/2019
la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES
Me François JAECK
ARRÊT du : 21 NOVEMBRE 2019

No : 386 - 19
No RG 19/00212 -
No Portalis DBVN-V-B7C-F3A2

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de BLOIS en date du 29 Août 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265235298715048
SARL VOLKSWAGEN BANK GMBH
Agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux
[...]

Ayant pour avocat Me Béatrice BORDONE-DUBOIS, membre de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265241847023446
Monsieur D..., Jean-Paul, MICHEL C...
né le [...] à Dieppe (76200) [...]
[...]

Madame J... M... épouse C...
née le [...] à Rabat (Maroc)
[...]

Ayant pour avocat tous deux Me François JAECK, membre du cabinet JURISGUARD, avocat au barreau de BLOIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 Décembre 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 19 septembre 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 03 OCTOBRE 2019, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 21 NOVEMBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 21 décembre 2013, la société de droit allemand Volkswagen bank gmbh (Volkswagen) a consenti à M. D... C... et Mme J... M..., son épouse, un contrat de location avec option d'achat portant sur un véhicule Audi A7 Sportback d'une valeur de 69000euros.

Le contrat prévoyait le paiement de 36 loyers mensuels de 1255,94euros, et un prix de vente final de 33300€.

Les loyers étant restés impayés à compter de novembre 2015, la société Volkswagen a vainement mis en demeure M. et Mme C... de régulariser la situation et a provoqué la déchéance du terme le 9 février 2016.

Le véhicule a été restitué par M. et Mme C... le 19 mars 2016, et vendu le 10 mai suivant aux enchères publiques, au prix de 37500euros.

Statuant sur opposition à une ordonnance du 8 août 2016 ayant enjoint à M. et Mme C..., sur requête de la société Volkswagen représentée par la société Concilian, de payer à la société Volkswagen, pour solde de sa créance, la somme de 13520,52 euros avec intérêts au taux contractuel de 18 % à compter du 10 février 2016, le tribunal d'instance de Blois, retenant que l'action de la société Volkswagen n'était pas atteinte par la forclusion biennale mais que la société Volkswagen devait être déchue du droit aux intérêts, pour avoir soumis aux époux C... un contrat de crédit rédigé en caractères dont la hauteur est inférieure à celle du corps 8, et n'avoir pas justifié de la date de consultation du FICP, a, par jugement du 29 août 2018 :

-déclaré M. et Mme C... recevables en leur opposition à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer en date du 8 août 2016,

-mis ladite ordonnance à néant et, statuant à nouveau,

-déclaré irrecevable la requête en injonction de payer présentée par la société Concilian,

-dit le tribunal valablement saisi par l'opposition des défendeurs,

-déclaré la société Volkswagen recevable en sa demande de paiement,
-prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

-condamné M. D... C... et Madame J... C... née M... à payer à la société Volkswagen la somme de 3063 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 février 2016,

-débouté M. et Mme C... de leur demande de dommages et intérêts,

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

-dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,

-débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

-condamné in solidum M. et Mme C... aux dépens de l'instance

La société Volkswagen a relevé appel de cette décision par déclaration du 28 décembre 2018, en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable la requête en injonction de payer présentée par la société Concilian
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels
- condamné M. et Mme C... à lui payer la somme de 3063 ?euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 février 2016
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 août 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses arguments et moyens, la société Volkswagen demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil applicables au litige, 220 du même code, et des articles L.311-1 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige, de :

-recevoir la société la société Volkswagen en son appel, l'en dire recevable et bien fondée, et en conséquence :

-infirmer le jugement rendu le 29 août 2018 par le tribunal d'instance de Blois en ce qu'il a :

-déclaré irrecevable la requête en injonction de payer présentée par la société Concilian
-prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels
-limité la condamnation des époux C... à payer la société Volkswagen la somme de 3063 € et rejeté la solidarité entre les débiteurs
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Et, statuant à nouveau,

-déclarer recevable la requête en injonction de payer présentée par la société Concilian
-condamner solidairement Monsieur et Madame C... à payer à la société Volkswagen la somme totale de 16737,69 €
-condamner solidairement Monsieur et Madame C... au paiement des intérêts légaux sur ladite somme à compter du 9 février 2016, date de la mise en demeure
-débouter Monsieur et Madame C... de leur appel incident, comme mal fondé, les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions
-condamner solidairement Monsieur et Madame C... à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel
-condamner solidairement Monsieur et Madame C... aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCPA Thaumas avocats associés

La société Volkswagen commence par assurer justifier d'un mandat valablement donné à la société dénommée Concilian, ce dont elle déduit que la requête déposée pour son compte par cette société de recouvrement était valable.

La société Volkswagen soutient ensuite que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge en appliquant des textes du code de la consommation pris dans leur rédaction postérieure au 1er juillet 2016, inapplicables au contrat litigieux, les caractères du contrat conclu avec les époux C... sont d'une hauteur supérieure au corps d'imprimerie 8, mesurée selon la méthode préconisée par le secrétaire d'état à la consommation dans une réponse ministérielle publiée le 25 juin 2001 au Journal officiel. Elle assure avoir consulté le fichier des incidents de paiement lors de la conclusion du contrat en cause et en justifier, puis fait valoir qu'en toute hypothèse sa créance n'étant pas constituée d'intérêts, mais de loyers échus impayés et d'une indemnité de résiliation, elle ne saurait encourir la déchéance d'intérêts.

En réponse à l'appel incident de M. et Mme C..., la société Volkswagen fait valoir qu'elle a vérifié la solvabilité des locataires en renseignant une fiche de dialogue idoine que les intéressés ont certifiée exacte, que les époux C..., qui ont justifié de revenus très confortables, déclaré être propriétaires de leur immeuble d'habitation et n'avoir aucune charge d'emprunt à rembourser, ne peuvent lui reprocher de ne pas les avoir interrogés sur les engagements de caution qu'ils avaient pu donner avant la souscription du contrat de location en cause, alors qu'elle n'était tenue d'aucune obligation de cette nature et que leurs engagements de caution, qui n'étaient pas exigibles, n'avaient pas à être pris en considération dans l'évaluation de leur solvabilité, ce dont elle déduit qu'elle n'était tenue à leur égard d'aucun devoir de mise en garde. La société Volkswagen ajoute enfin que les époux C... ne peuvent davantage exciper de la nullité du contrat litigieux, alors qu'ils ne démontrent pas qu'elle aurait commis la moindre fraude à leur égard.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 7 juin 2019, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé détaillé de leurs arguments et moyens, M. et Mme C... demandent à la cour de :

-confirmer le jugement du tribunal d'instance de Blois en date du 29 août 2018 en ce qu'il a :
-déclaré Monsieur et Madame C... recevables en leur opposition à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer en date du 8 Aout 2016
-mis à néant la dite ordonnance et statuant à nouveau :
-dit irrecevable la requête en injonction de payer présentée par la société Concilian
-prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société Volkswagen Bank
-dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
-dire et juger recevables et bien fondés les époux C... en leur appel incident,
-infirmer et réformer le jugement du tribunal d'instance de Blois en date du 29 août 2018 en ce qu'il a :
-condamné les époux C... à payer à la société Volkswagen bank la somme de 3063 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 février 2016
-débouté les époux C... de leur demande de dommage-intérêts,
-condamné les époux C... aux dépens de l'instance

Réformant le jugement sur ces points et statuant à nouveau :

-condamner la société Volkswagen aux entiers dépens de première instance et tout particulièrement ceux de la requête en injonction de payer et ses actes de significations, la dite requête ayant été dite et jugée irrecevable
-dire et juger le contrat de financement comme s'inscrivant dans le cadre d'une opération frauduleuse au détriment du consommateur. Prononcer la nullité du contrat de financement tant par son objet illicite que par le vice du consentement des époux C...
-débouter en conséquence la société Volkswagen bank de toutes ses demandes, fins et conclusions
-condamner en conséquence la SARL de droit allemand Volkswagen Bank Gmbh à restituer aux époux C... la somme de 28 437 euros par eux versés en exécution de celui-ci
-condamner Volkswagen au paiement de la dite somme au profit des époux C...

Subsidiairement,

-condamner la société Volkswagen à verser à titre de dommage intérêts aux époux C..., en réparation du préjudice subi résultant de la violation par le prêteur-loueur professionnel de son obligation de mise en garde, une somme équivalente à celle qui serait mise à la charge des époux C... par la juridiction de céans au titre du contrat litigieux,
-ordonner la compensation des créances réciproques
-dire et juger la société Volkswagen «irrecevable et mal fondée» en toutes ses demandes plus amples ou contraires. L'en «débouter»
-condamner la société Volkswagen à payer aux époux C... une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles par eux exposés en appel
-condamner la société Volkswagen aux entiers dépens, de première instance et d'appel

Les époux C... font valoir que la société Volkswagen ne justifie toujours pas de la régularité du mandat qu'elle avait donné à la société de recouvrement Concilian, ni de ce que le signataire de la requête était habilité à signer un tel acte, ce dont elle déduit que le premier juge a justement déclaré la requête en injonction de payer irrecevable.

Faisant ensuite valoir que la Cour de cassation, dont la position a été consacrée par le législateur, assimile la location avec option d'achat à une opération de crédit, M. et Mme C... en déduisent que la société Volkswagen doit être déchue du droit aux intérêts faute d'apporter la preuve de ce qu'elle a régulièrement consulté le FICP, faute d'avoir procédé à une vérification sérieuse de leur solvabilité, en les interrogeant notamment sur les engagements de caution que M. C... avait pu souscrire et qui doivent être considérés comme des dettes exigibles, faute encore de leur avoir fait signer un contrat lisible, rédigé en caractères de corps 8 au moins, c'est-à-dire supérieurs à 3 mm, et pour avoir, enfin, inséré à l'article 13 du contrat une clause étrangère au modèle type aggravant leur situation en mettant à leur charge des frais de remise en état et de kilomètres supplémentaires non prévus par la loi.

M. et Mme C... ajoutent que, pour appliquer la sanction de la déchéance des intérêts, le premier juge a justement considéré que les intérêts représentent la différence entre le prix au comptant du bien financé (69000euros) et le coût du financement (78508,89€), pour en déduire qu'en considération des loyers payés (28 437euros) et du prix de revente du véhicule (37500 euros), la créance de la société Volkswagen était de 3063euros.

Au soutien de leur appel incident, M. et Mme C... font valoir que le véhicule loué était équipé d'un moteur diesel 3 litres dont les caractéristiques avaient été délibérément modifiées par le groupe Volkswagen, à l'origine d'une fraude de notoriété publique destinée à tromper les autorités publiques et les consommateurs, que leur consentement à la location financière a été vicié par cette fraude commise par «la maison mère» Volkswagen, dont la société Volkswagen Bank est une filiale, ce dont ils déduisent que le contrat devra être annulé et que la société Volkswagen devra en conséquence être condamnée à leur restituer la somme de 28437euros correspondant aux 22 loyers de 1292,61euros qu'ils ont réglés.

Subsidiairement, M. et Mme C... soutiennent que la société Volkswagen a manqué à son devoir de mise en garde à leur égard, à tout le moins envers Mme C..., qui était un emprunteur profane, en leur faisant souscrire un engagement sans prendre en considération, pour apprécier leur solvabilité, les engagement de caution donnés entre 2003 et 2014 par M. C... pour une somme de 1120359€, et sollicitent en conséquence la condamnation de l'appelante à les indemniser de leur préjudice «à concurrence d'une somme équivalente à celle qui pourra être mise à leur charge».

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 19 septembre 2019.

SUR CE, LA COUR :

Sur la recevabilité de la requête en injonction de payer présentée par la société Concilian

Ainsi que l'a justement indiqué le premier juge, la société de recouvrement de créances dénommée Concilian pouvait présenter une requête aux fins d'obtention, au profit de la société Volkswagen, d'une ordonnance portant injonction de payer à l'encontre de M. et Mme C..., à condition de justifier avoir été mandatée à cette fin.

Devant la cour comme devant le premier juge, la société Volkswagen produit un mandat donné le 18 mai 2011 à la société Concilian (pièce 17), sur lequel il est précisé à l'article 2 que ledit mandat a pris effet «à la date du 1er janvier 2011 pour une durée identique à celle du contrat de prestation de services qui l'organise».

Faute pour la société Volkswagen de produire le contrat de prestations de services auquel il est fait référence, c'est à bon droit que le premier juge a considéré que la société Volkswagen ne justifiait pas d'un mandat valablement donné à la société Concilian à la date à laquelle la requête en injonction de payer litigieuse avait été déposée, et en a déduit que ladite requête devait être déclarée irrecevable.

Le jugement sera donc confirmé sur ce premier chef.

Sur le fond

-sur l'exception de nullité du contrat

Au soutien de leur demande de nullité du contrat de location, M. et Mme C... produisent un article de presse relatif à l'accusation de la justice américaine à l'encontre du constructeur automobile Volkswagen, sans expliquer comment leur contractante, qui n'est pas le constructeur du véhicule qu'ils ont pris en location, aurait trompé leur propre consentement, sans justifier que le véhicule qu'ils avaient pris à bail était équipé d'un moteur du type de ceux décrits dans l'article de presse, et sans fournir le moindre élément de nature à démontrer que les qualités écologiques du moteur qu'ils avaient choisi, de forte cylindrée, avaient été déterminantes de leur consentement.

Au vu de ces éléments, le premier juge a justement rejeté la demande de nullité de M. et Mme C..., en considérant que ces derniers n'apportaient pas la preuve de la fraude prétendument commise à leur égard.

Le jugement sera donc confirmé sur ce chef.

-sur la demande en paiement de la société Volkswagen

Il convient de relever à titre préliminaire que le premier juge n'a pas méconnu les modifications de la rédaction des textes du code de la consommation puisqu'il avait au contraire clairement indiqué que le litige était relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi no 2010-737 du 1er juillet 2010, ce qui n'est pas contesté, puis précisé qu'il serait donc fait application des articles du code de la consommation «dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011», mais «dans leur numérotation postérieure au 1er juillet 2016».

Pour la clarté du raisonnement, les articles du code de la consommation auxquels il sera fait référence par la cour seront pris dans leur rédaction issue de la loi du 1er juillet 2010, mais aussi, et sans que cela soit rappelé par la suite, dans leur numérotation applicable avant le 1er juillet 2016.

A son alinéa 2, l'article L. 311-2 du code de la consommation assimile la location avec option d'achat à une opération de crédit. Il en résulte que par application des alinéas 1 et 2 de l'article L. 311-48, le loueur qui est assimilé au prêteur est déchu du droit aux intérêts, en totalité, lorsqu'il ne remet pas au preneur un contrat satisfaisant aux conditions de l'article L. 311-18, notamment un contrat rédigé de manière lisible, en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit, comme le prescrit l'article R. 311-5, et que le bailleur est pareillement déchu des intérêts, mais en totalité ou seulement dans la dans la proportion fixée par le juge dans ces dernières hypothèses, lorsqu'il n'a pas vérifié ou ne justifie pas avoir vérifié la solvabilité du preneur à partir d'un nombre suffisant d'informations, ou lorsqu'il n'a pas consulté ou ne justifie pas avoir consulté le fichier des incidents de paiement caractérisés prévu à l'article L. 333-4 (FICP), comme le lui impose l'article L. 311-8.

Selon l'article R. 311-5 du code de la consommation, le contrat prévu à l'article L. 311-18 doit être présenté de manière clair et lisible et rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.

Le corps est la mesure standard du caractère d'imprimerie, exprimée en points et délimitée par l'extrémité supérieure de la plus haute ascendante et l'extrémité inférieure de la plus basse descendante. Le corps huit correspond à 3 mm en points Didot. On mesure le corps d'une lettre de la tête des lettres montantes (l, d, b) à la queue des lettres descendantes (g, p, q). Le blanc que l'on remarque d'une ligne à l'autre provenant du talus existant entre les lettres qui ne montent ni ne descendent (comme le a, le o, le c), il faut, pour s'assurer du respect de l'exigence réglementaire, diviser la hauteur en millimètres d'un paragraphe (mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne) par le nombre de lignes qu'il contient, et vérifier que le quotient ainsi obtenu est au moins égal à trois millimètres.

En l'espèce, comme l'a indiqué le premier juge, cette vérification conduite sur plusieurs paragraphes du contrat révèle un quotient nettement inférieur à 3. Il apparaît par exemple que l'article 13 intitulé «restitution du matériel», d'une hauteur de 46 mm, concentre 17 lignes, dont chacune n'occupe, au détriment de la lisibilité, que 2,7 mm, alors que ce paragraphe ne devrait pas contenir plus de 15 lignes (46/3). Il apparaît que les articles 8 et 9, qui comptent respectivement 5 et 6 lignes pour des hauteurs de 14 et 17 mm, ne satisfont pas non plus aux exigences réglementaires puisque chacune des lignes n'occupe que 2,8 ou 2,83 mm.

C'est donc à bon droit qu'en application de l'article L. 311-48 al. 1 précité, devenu l'article L. 341-4, le premier juge a dit que la société Volkswagen devait être déchue du droit aux intérêts.

Dans un contrat de location avec option d'achat, les intérêts représentent la différence entre le prix au comptant du bien financé, soit en l'espèce 69000 euros, et le coût du financement, soit 78513,84euros (113,781 % du prix au comptant).
Les manquements de la société Volkswagen aux exigences formelles de l'article L. 311-18 du code de la consommation étant sanctionnés par une déchéance totale du droit aux intérêts, sur laquelle le juge n'a aucune appréciation d'opportunité, c'est à bon droit là encore que le premier juge a considéré que M. et Mme C... ne pouvaient être tenus qu'au remboursement du capital.

La créance de la bailleresse doit donc être calculée en déduisant du prix au comptant du véhicule (69000€), son prix de revente (37500€) et, non pas l'intégralité des sommes versées par M. et Mme C..., comme l'a retenu le premier juge, mais l'intégralité des loyers versés (27630,68€), à l'exclusion des sommes versées en sus, en contrepartie de l'entretien périodique du véhicule et de l'option «véhicule de remplacement VIP» souscrite par les locataires.

M. et Mme C... seront en conséquence condamnés à payer à la société Volkswagen la somme de 3869,32euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 février 2016, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l'article 1153 ancien du code civil.

Selon l'article 1202 du code civil, pris dans son ancienne rédaction applicable à la cause, la solidarité, qui ne se présume pas, doit être expressément stipulée, sauf dans les cas où elle a lieu de plein droit en vertu d'une disposition de la loi.

La location avec option d'achat d'un véhicule de prestige, fût-ce à usage familial et avec le consentement des deux époux, n'entre pas dans la catégorie des actes ménagers d'entretien et d'éducation auxquels l'article 220 du code civil attache la solidarité de plein droit.

C'est donc à bon droit encore que le premier juge a débouté la société Volkswagen de sa demande tendant à entendre condamner solidairement M. et Mme C....

-sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts tirée du manquement de la bailleresse à son obligation de mise en garde

A l'occasion de la conclusion d'un contrat de location avec option d'achat, que la loi assimile à un contrat de crédit, il incombe au loueur de vérifier les capacités financières du locataire non averti, au regard de ses ressources et éventuellement de son patrimoine, et de l'avertir, le cas échéant, des risques nés de l'octroi du financement accordé.

En l'espèce, la société Volkswagen ne conteste pas que Mme C... doit être considérée comme une locataire non avertie.

Il ressort de la fiche de dialogue signée et certifiée exacte par M. et Mme C... que les ressources mensuelles du couple, qui avait trois enfants à charge, s'élevaient à 7800 euros, que M. et Mme C... étaient propriétaires de leur logement et n'avaient aucune charge d'emprunt ni autre obligation de remboursement de type pension alimentaire.

En l'absence de difficultés apparentes pour faire face au règlement des loyers, qui représentaient moins d'un sixième des revenus de la famille, la société Volkswagen n'était tenue d'aucune obligation particulière de mise en garde à l'égard des époux C....
M. et Mme C... ne peuvent reprocher à la société Volkswagen de ne pas les avoir interrogés, pour apprécier leur solvabilité, sur les engagements de caution que M. C... avait pu souscrire avant la conclusion du contrat de location litigieux.

Le contrôle de solvabilité dépend en effet de la nature de l'engagement de souscrit, et est à la mesure de celui-ci. Pour un contrat de location avec option d'achat d'une durée de 36 mois, qui obligeait les preneurs à régler un loyer de 1255 par mois et leur offrait une option d'achat, autrement dit la possibilité, aussi, de restituer le véhicule sans pénalité au terme de la location, la société Volkswagen devait simplement s'assurer que les époux C... avaient une capacité de financement de 1255 euros par mois pendant 36 mois, ce qu'elle a fait.

Dès lors que les époux C... n'étaient engagés que pour une durée de trente-six mois, qu'ils n'avaient aucune obligation d'acquérir le véhicule en cause au terme du contrat de location et que, au regard des revenus du couple, que la société Volkswagen avait vérifiés, l'engagement de location, qui apparaissait adapté aux capacités financières des époux C..., ne faisait naître aucun risque d'endettement excessif, la société Volkswagen, on l'a dit, n'avait aucune obligation de mise en garde particulière à l'égard de M. et Mme C....

C'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la responsabilité de la société Volkswagen ne pouvait être engagée.

Sur les demandes accessoires

Les parties, qui succombent respectivement en l'essentiel de leurs prétentions, conserveront la charge des dépens dont elles ont fait l'avance, sans qu'il y ait lieu, dans ces circonstances, à indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS

CONFIRME en toutes ses dispositions critiquées la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a condamné M. D... C... et Madame J... C... née M... à payer à la société Volkswagen bank gmbh la somme de 3063 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 février 2016,

L'INFIRME sur ce seul chef et,

STATUANT À NOUVEAU sur le montant de la créance de la société Volkswagen,

CONDAMNE M. D... C... et Madame J... M... épouse C... à payer à la société Volkswagen bank gmbh la somme de 3869,32euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 février 2016,

Y AJOUTANT

DIT n'y avoir lieu à indemnité de procédure en application de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chacune des parties la charge des dépens dont elle a fait l'avance,

DIT n'y avoir lieu d'accorder à la SCPA Thaumas avocats associés le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 19/00212
Date de la décision : 21/11/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-21;19.00212 ?
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