COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 14/11/2019
la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES
Me Marie QUESTE
ARRÊT du : 14 NOVEMBRE 2019
No : 366 - 19
No RG 18/03344
No Portalis DBVN-V-B7C-F2EH
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 14 Septembre 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No:1265234014407403
Monsieur U... F...,
exerçant sous l'enseigne JBS UTILITAIRES,
né le [...] à BEAUNE (21200)
[...]
Ayant pour avocat postulant Me Ladislas WEDRYCHOWSKI, membre de la SCP WEDRYCHOWSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Jean-François CANIS, avocat au barreau de CLERMONT FERRAND
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265236261014024
SAS ST-HUBERT MT PIERRES
[...]
[...]
Ayant pour avocat Me Marie QUESTE, avocat au barreau de BLOIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 09 Novembre 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 juin 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 26 SEPTEMBRE 2019, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller, qui en a rendu compte à la collégialité
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé par arrêt contradictoire le 14 NOVEMBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Pour les besoins de son activité de maçonnerie, la société St-Hubert Mt Pierres (ci-après St-Hubert) a acheté à M. U... F... :
- un camion Iveco 65C15 «ampliroll grue» avec deux bennes, au prix TTC de 24000€
-deux bennes neuves et un godet chargeur, au prix TTC de 4308€
-un manitou MT 625, au prix de 15000€
Exposant avoir réglé l'intégralité du prix au moyen de plusieurs chèques encaissés entre le 17 février et le 19 septembre 2017, avoir adressé plusieurs relances à M. F..., par voie postale aussi bien que par téléphone et par «SMS», puis l'avoir vainement mis en demeure par courrier recommandé du 22 décembre 2017 de lui livrer les matériels acquis, la société St-Hubert a fait assigner M. F... devant le tribunal de commerce de Blois aux fins d'entendre :
-prononcer la résolution de la vente
-condamner M. F... à lui restituer la somme de 43308 € correspondant au prix des matériels vendus, avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017
-condamner M. F... à lui payer la somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts
-ordonner l'exécution provisoire de la décision
-condamner M. F... à lui payer une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 14 septembre 2018, le tribunal a accueilli l'intégralité des demandes de la société St-Hubert.
M. F... a relevé appel de cette décision par déclaration du 9 novembre 2018, en critiquant tous les chefs du jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 février 2019, M. F... demande à la cour, au visa des articles 1604 et suivants, 1193 et suivants et 1196 et suivants du code civil, de :
-dire bien appelé, mal jugé
-réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Blois en date du 14 septembre 2018.
-dire n'y avoir lieu à résolution de la vente
-débouter la société St-Hubert de ses demandes
-condamner la société St-Hubert à lui verser la somme de 4000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
-la condamner en outre aux entiers dépens.
M. F... assure qu'il a livré les matériels vendus «au moment du contrat de vente et du début des versements», sans davantage de précision, puis fait valoir :
-que la société St-Hubert, à qui il appartient de prouver le défaut de livraison, ne rapporte pas la preuve qui lui incombe
-que même à admettre, en application de l'article 1604 du code civil, qu'il appartient au vendeur de prouver la remise de la chose, on ne saurait lui faire grief de ne produire aucune pièce probante, alors qu'il est invraisemblable que la société St-Hubert ait accepté de régler l'intégralité du prix et de supporter les risques de perte des choses vendues si celles-ci ne lui ont pas été livrées.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 mai 2019, la société St-Hubert demande à la cour, sur le fondement des articles 1353, 1582 et 1583, 1603 et 1604, 1610 et 1611 du code civil, de :
-déclarer M. F... irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes et l'en débouter
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Blois le 14 septembre 2018 en l'intégralité de ses dispositions
-condamner M. F... au paiement d'une somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
-condamner M. F... aux entiers dépens.
La société St-Hubert, qui commence par rappeler qu'elle a réglé l'intégralité du prix sans obtenir en contrepartie la livraison des biens acquis, fait valoir :
-que M. F..., à qui il incombe, en application des articles 1353 et 1604 du code civil, de prouver qu'il a satisfait à son obligation de délivrance, concède ne pas pouvoir démontrer qu'il a livré les matériels en cause
-qu'en application des articles 1610 et 1611 du même code, pareil manquement à l'obligation de délivrance l'autorise à demander la résolution de la vente et des dommages-intérêts
-que faute d'avoir pu prendre possession des matériels qu'elle avait achetés à M. F..., elle a dû louer du matériel pour exécuter les travaux qui lui avaient été commandés, et acquérir un autre camion ampliroll avec benne, au prix TTC de 7800€, auquel se sont ajoutés 372€ TTC de frais de livraison
-que dans la mesure où la vente conclue avec M. F... avait absorbé l'intégralité de sa trésorerie, elle a été contrainte de recourir à plusieurs crédits pour financer cet achat et celui des diverses machines dont elle avait besoin, et ainsi subi un important préjudice matériel et financier qui doit être réparé.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 6 juin 2019.
SUR CE, LA COUR :
Il convient de relever à titre liminaire que l'intimée, qui demande à la cour de déclarer l'appelant «irrecevable et mal fondé» en ses demandes, ne développe aucun moyen au soutien de son exception d'irrecevabilité. Il convient en conséquence de considérer que la recevabilité de l'appel et des demandes de M. F... n'est pas discutée, et de statuer sur le fond.
En application de l'article 1603 du code civil, le vendeur a deux obligations principales : celle de délivrer la chose et celle de garantir la chose qu'il vend.
Si le vendeur manque à faire délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'article 1610 énonce que l'acheteur peut demander la résolution de la vente.
Au cas particulier, dès lors que ni l'existence du contrat de vente conclu entre les parties, ni le paiement de l'intégralité du prix, ne sont contestés, il appartient à M. F..., en application de l'alinéa second de l'article 1353 du code civil, de prouver qu'il a délivré les matériels vendus à la société St-Hubert, qui l'a régulièrement mis en demeure à cet effet par courrier recommandé du 23 octobre 2017, réitéré le 22 décembre 2017, respectivement présentés le 25 octobre et le 24 décembre suivants.
M. F... ne rapporte aucune preuve de ce qu'il aurait satisfait à son obligation de délivrance et, sauf à vouloir renverser la charge de la preuve, fait inutilement valoir qu'il lui paraît invraisemblable que la société St-Hubert ait accepté de régler l'intégralité du prix sans avoir reçu livraison des matériels vendus.
Dans ces circonstances, les premiers juges ont justement tiré les conséquences de la défaillance de M F... en prononçant la résolution de la vente conclue entre les parties, et en condamnant en conséquence M. F... à restituer à la société St-Hubert l'intégralité du prix de la vente ainsi anéantie.
L'article 1611 du code civil énonce que s'il résulte du défaut de délivrance au terme convenu un préjudice pour l'acquéreur, le vendeur doit être condamné au paiement de dommages-intérêts.
En l'espèce, la société St-Hubert démontre que pour exercer son activité, faute d'avoir pu prendre possession du camion benne ampliroll vendu par M. F..., elle a dû acheter le 22 décembre 2017 un autre camion du même type au prix TTC de 7800euros et que, pour financer cet achat et celui des autres matériels qui lui faisaient défaut, alors que le prix payé à M. F... avait tari sa trésorerie, elle a dû souscrire entre le 24 janvier 2018 et le 29 octobre 2018 quatre ouvertures de crédit.
C'est donc à bon droit encore que les premiers juges ont condamné M. F..., qui ne développe au demeurant aucun moyen sur ce chef de condamnation critiqué, à régler à la société St-Hubert la somme de 8000€ à titre de dommages-intérêts, en considérant que le défaut de livraison du matériel vendu avait conduit à désorganiser l'activité de cette société et lui avait causé un préjudice financier.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
M. F..., qui échoue en toutes ses prétentions, devra supporter les dépens de la présente instance et sera condamné à payer à la société St-Hubert une indemnité de 2500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME la décision entreprise,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE M. U... F... à payer à la société St-Hubert Mt Pierres la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. U... F... aux dépens.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT