COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 14/11/2019
la SCP SOREL
Me François JAECK
Me Sandra SILVA
ARRÊT du : 14 NOVEMBRE 2019
No : 363 - 19
No RG 18/02243
No Portalis DBVN-V-B7C-FX6U
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 18 Mai 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265221557052520
SA CAISSE D' EPARGNE ET DE PREVOYANCE LOIRE-CENTRE
Prise en la personne de son représentant légal
[...]
Ayant pour avocat Me Franck SILVESTRE, membre de la SCP SOREL, avocat au barreau d'[...]
D'UNE PART
INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265237480792031
Monsieur Y..., S..., Q... J...
né le [...] [...] [...]
Ayant pour avocat postulant Me François JAECK , avocat au barreau de BLOIS et pour avocat plaidant Me Grégory DUBERNAT, membre de la SELARL RINEAU ET ASSOCIES, du barreau de NANTES
Timbre fiscal dématérialisé No: 1265233223410233
Monsieur W... K...
né le [...] à LA CHARTRE SUR LE LOIR (72340) [...]
[...]
Ayant pour avocat postulant Sandra SILVA , avocat au barreau d'[...] et pour avocat plaidant Me Etienne WEDRYCHOWSKI, du barreau de PARIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 26 Juillet 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 26 septembre 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 26 SEPTEMBRE 2019, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé par arrêt contradictoire le 14 NOVEMBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 21 juillet 2014, la SAS MCHS, représentée par M. W... K..., a souscrit auprès de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre (ci-après dénommée Caisse d'épargne) :
-un prêt équipement entreprise [...] d'un montant de 350000 €, remboursable sur 84 mois au taux de 2,98 %
-un prêt équipement entreprise [...] d'un montant de 50.000 €, remboursable sur 84 mois au taux de 2,98 %
Par actes séparés des 18 juillet et 31 juillet 2014, Messieurs Y... J... et W... K... se sont portés cautions solidaires, pour une durée de 120 mois, des engagements souscrits par la société MCHS à l'égard de la Caisse d'épargne, chacun dans la limite de 113750€ au titre du prêt no [...] et de 16250 € au titre du prêt no [...].
La SAS MCHS a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Blois du 2 octobre 2015, puis en liquidation judiciaire par jugement du 23 octobre suivant.
La Caisse d'épargne a déclaré ses créances au passif de la société MCHS le 30 octobre 2015, puis actualisé sa déclaration le 2 novembre suivant.
Par courriers recommandés du 19 novembre 2015, la Caisse d'épargne a informé chacune des cautions de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la débitrice principale, leur a dénoncé la déchéance du terme des deux concours en cause puis les a vainement mises en demeure d'honorer leurs engagements avant de les assigner en paiement devant le tribunal de commerce de Blois.
Par jugement du 18 mai 2018, le tribunal de commerce de Blois a :
-constaté le caractère disproportionné des engagements de caution consentis par M. J... à la Caisse d'épargne le 18 juillet 2014,
-constaté le caractère disproportionné des engagements de caution consentis par M. K... à la Caisse d'épargne le 18 juillet 2014,
-débouté la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, à l'égard de M. J... et de M. K... ,
-condamné la Caisse d'épargne à payer à M. J... la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la Caisse d'épargne à payer à M. K... la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la Caisse d'épargne aux entiers dépens
La Caisse d'épargne a relevé appel de ce jugement le 26 juillet 2018, en en critiquant tous les chefs.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 septembre 2019, la Caisse d'épargne demande à la cour, au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile, puis 1134 et 2298 et suivants anciens du code civil, de :
-dire et juger irrecevables les conclusions notifiées le 23 septembre 2019 par M. K...
-recevoir la concluante en son appel et le dire fondé
-infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
-dire et juger recevable et bien fondée l'action de la Caisse d'épargne,
-dire et juger irrecevables et mal fondées les demandes de Monsieur Y... J..., et l'en débouter,
-condamner en conséquence, Monsieur Y... J... à payer et porter à la Caisse d'épargne les sommes suivantes :
$gt;la somme de 113.750 €, due au titre des cautionnements du prêt [...], outre les intérêts dus au taux conventionnel de 2,98 % du 19 novembre 2011, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement et ce, avec capitalisation des intérêts au taux conventionnel,
$gt;la somme de 16.250 €, due au titre des cautionnements du prêt [...], outre les intérêts dus au taux conventionnel de 2,98 % du 19 novembre 2011, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement et ce, avec capitalisation des intérêts au taux conventionnel,
-condamner Monsieur W... K... à payer et porter à la Caisse d'épargne les sommes suivantes :
$gt;la somme de 113.750 €, due au titre des cautionnements du prêt [...], outre les intérêts dus au taux conventionnel de 2,98 % du 19 novembre 2011, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement et ce, avec capitalisation des intérêts au taux conventionnel,
$gt;la somme de 16.250 €, due au titre des cautionnements du prêt [...], outre les intérêts dus au taux conventionnel de 2,98 % du 19 novembre 2011, date de la mise en demeure, jusqu'à parfait paiement et ce, avec capitalisation des intérêts au taux conventionnel,
Etant précisé que le cumul des condamnations de Messieurs J... et K... ne saurait excéder :
$gt;la somme de 162.031,74 €, au titre des cautionnements du prêt 4295955,
$gt;la somme de 24.896,13 €, au titre des cautionnements du prêt 4295956.
-ordonner la capitalisation des intérêts au taux conventionnel en application de l'article 1154 du code civil,
-condamner in solidum Messieurs J... et K... à payer et porter à la Caisse d'épargne une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner in solidum Messieurs J... et K... aux entiers dépens
A titre liminaire, la Caisse d'épargne demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 23 septembre par M. K..., en rappelant que la clôture avait initialement était fixée au 28 mars 2019, pour l'affaire être plaidée le 25 avril suivant, que la veille de la clôture, M. K... avait constitué avocat et conclu, que M. J... avait de son côté conclu le jour de la clôture, en sorte que l'audience de plaidoiries avait été reportée au 26 septembre 2019, et la clôture au 5 septembre 2019, que le 4 septembre 2019, veille de la clôture, M. J... a sollicité un nouveau report de clôture à fin de produire une nouvelle pièce, que M. K... s'est associé à cette demande de report sans évoquer la production de nouvelles écritures, que la clôture a été reportée au 26 septembre 2019, date de l'audience des plaidoiries, et que le 23 septembre 2019 à 18h32, deux jours avant la clôture et les plaidoiries, M. K... a notifié de nouvelles conclusions en doublant le volume de son argumentation, en présentant une demande nouvelle, et cela sans même satisfaire aux prescriptions de l'article 954 al. 2 du code de procédure civile en mettant en exergue ses moyens nouveaux, ce dont elle déduit que M. K... adopte un comportement contraire à la loyauté des débats qui justifie, en application de l'article 15 du code de procédure civile, d'écarter des débats ses conclusions tardives.
Sur le fond, réitérant purement et simplement ses conclusions notifiées le 31 juillet 2019, la Caisse d'épargne fait valoir :
-qu'au vu des renseignements fournis par les cautions elles-mêmes, les premiers juges, qui ont à la fois inversé la charge de la preuve et dénaturé les pièces produites, ont retenu à tort que les engagements litigieux étaient disproportionnés aux biens et revenus des cautions au sens de l'article l'article L.341-4 du code de la consommation
-que M. J... ne peut exciper de la nullité de son cautionnement, au motif qu'elle se serait rendue coupable de dol à son égard en ne l'informant pas clairement sur les conditions de mise en œuvre de la garantie BPI France financement, alors qu'il ne démontre pas que ces informations étaient déterminantes de son engagement et qu'il avait en toute hypothèse une parfaite connaissance du fonctionnement de la garantie OSEO
-que ni M. J... ni M. K..., qui sont tous les deux des cautions averties, ne peuvent lui reprocher un quelconque manquement au devoir de mise en garde
-que leur demande de déchéance des intérêts, tirée d'un manquement à son obligation annuelle d'information, est dénuée de portée et ne nécessite en conséquence pas qu'elle produise de décompte idoine, puisque la limite des engagements de chacune des cautions est nettement inférieure au seul capital restant dû au titre des deux prêts garantis
-qu'enfin M. J..., qui ne justifie pas être en mesure de régler les sommes dues au terme d'un délai de 24 mois, ne pourra qu'être débouté de sa demande de délais de paiement
Dans ses dernières conclusions notifiées le 25 septembre 2019, intitulées «pour régularisation de la pièce 34» et reprenant pour les reste ses conclusions notifiées le 15 avril 2019, M. J... demande à la cour, au visa des articles 1108, 1110 anciens et 1343-5 du code civil, L.341-4 ancien et L.332-1 du code de la consommation, et L.313-22 du Code monétaire et financier :
$gt;à titre principal, de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté le caractère disproportionné des engagements de caution consentis par Monsieur Y... J... à la Caisse d'épargne le 18 juillet 2014,
$gt;à titre subsidiaire, de :
-constater le manquement de la Caisse d'épargne à son obligation d'information sur le fonctionnement de la garantie accordée BPI France,
-prononcer la nullité des engagements de caution de Monsieur J... du 18 juillet 2014,
$gt;à titre très subsidiaire, de :
-constater le manquement de la Caisse d'épargne à son obligation d'information annuelle de la caution,
-prononcer la déchéance de la Caisse d'épargne de tout droit aux pénalités ou intérêts de retards échus,
-enjoindre à la Caisse d'épargne de produire des décomptes actualisés,
$gt;à titre infiniment subsidiaire, de :
-accorder à Monsieur J... les plus larges délais de paiement, de préférence par un report pur et simple de l'obligation de régler, et à défaut par les délais les plus larges,
$gt;en tout état de cause, de :
-condamner la Caisse d'épargne à lui payer la somme de 5000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner la Caisse d'épargne aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de ses prétentions, M. J... fait valoir:
-qu'en 2014, il a perçu des revenus annuels de 92948€, que la maison au Maroc à laquelle il est fait référence dans la fiche de renseignements dont se prévaut la Caisse d'épargne est un bien propre de son épouse qui l'a recueillie par succession, que ses parts dans les SCI Lundi, Mardi, Jeudi et Vendredi ne peuvent être prises en considération que pour leur valeur indiquée dans les statuts de ces sociétés, et que même à déterminer la valeur de ces parts en considération du patrimoine des SCI en question, ce patrimoine, qui peut être évalué à un montant de 523500€, était grevé de charges d'emprunts représentant au 18 juillet 2014 710676,26€
-que, antérieurement aux garanties litigieuses, il avait en outre consenti d'autres engagements de caution s'élevant à la somme totale de 1120359€, ce que ne pouvait ignorer la Caisse d'épargne qui était bénéficiaire d'engagements d'un montant total de 567750€
-que sa situation n'était pas meilleure quand il a été appelé en paiement puisqu'il a perçu en 2018 un salaire annuel de 38228€ et qu'il supporte, avec son épouse dont la rémunération mensuelle est de 1000€, des mensualités de crédit de 1800€
-que dans ces circonstances, la Caisse d'épargne ne saurait se prévaloir de ses engagements de caution du 18 juillet 2014, manifestement disproportionnés à ses capacités de remboursement
Subsidiairement, M. J... ajoute :
-que la garantie BPI France figurait à l'acte de prêt au côté de son engagement de caution et de celui de M. K... en sorte que, faute d'avoir reçu la moindre information de la Caisse d'épargne, il ignorait le fonctionnement de cette garantie et s'est engagé par erreur en pensant qu'en cas de difficultés de la débitrice principale, son engagement de caution ne serait recherché qu'après la mise en œuvre de la garantie BPI France, Caisse d'épargne dont il déduit que son engagement devra être annulé
-qu'en toute hypothèse la Caisse d'épargne, qui ne justifie pas avoir respecté son obligation annuelle d'information, devra être déchue de tout droit aux intérêts
Dans ses conclusions notifiées le 27 mars 2019, M. K... demande à la cour de :
$gt;à titre principal :
-constater le caractère disproportionné les engagements de caution consentis par Monsieur W... K... à la Caisse d'épargne le 18 juillet 2014
-en conséquence :
-confirmer le jugement attaqué.
-débouter la Caisse d'épargne de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
$gt;à titre subsidiaire :
-constater le manquement de la Caisse d'épargne à son obligation d'information sur le fonctionnement de la garantie BPI France
-constater le manquement de la Caisse d'épargne à son obligation de mise en garde
-en conséquence :
-condamner la Caisse d'épargne à payer à M. W... K... la somme de 130000 € à titre de dommages et intérêts
-ordonner la compensation des dettes respectives des parties
$gt;à titre très subsidiaire :
-constater le manquement de la Caisse d'épargne à son obligation d'information annuelle de la caution
-en conséquence :
-prononcer la déchéance de la Caisse d'épargne de tout droit aux pénalités ou intérêts de retards échus
-enjoindre à la Caisse d'épargne de produire des décomptes actualisés
$gt;à titre additionnel :
-condamner la Caisse d'épargne à lui payer la somme de 7000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
-condamner la Caisse d'épargne aux entiers dépens de l'instance
A l'appui de ses prétentions, M. K... expose :
-qu'en 2014, ses revenus annuels se sont élevés à la somme de 91160€, alors que l'annuité des prêts garantis était de 63380,52 €, ce qui représente presque 60 % de ses revenus
-que lui aussi s'était engagé en qualité de caution antérieurement aux engagements litigieux, vis-à-vis de la Caisse d'épargne, de la société BNP Paribas et de la Banque polulaire Val de France, pour des montants particulièrement élevés
-qu'il est désormais divorcé, qu'il n'a pas été repris comme salarié par la société à laquelle a été cédée la société MCHS, en sorte que sa situation actuelle ne lui permet pas de faire face à ses engagements
-que la Caisse d'épargne, qui ne lui a remis aucune notice d'information, lui a fait perdre une chance de ne pas contracter un engagement conforme aux exigences de BPI France
-que ladite a enfin failli à son égard, caution profane, d'une part à son devoir de mise en garde, d'autre part à son obligation d'information annuelle
Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 septembre 2019, M. K... réitère ses demandes formées le 27 mars 2019 et, y ajoutant, demande subsidiairement à la cour d'annuler ses engagements de caution, en faisant valoir que s'il a avait été informé sur le fonctionnement de la garantie BPI et ainsi mis en mesure d'apprécier les effets de cette garantie sur son propre engagement, il n'aurait pas consenti aux cautionnements litigieux.
L'instruction, qui devait être clôturée le 5 septembre 2019, a finalement été clôturée par ordonnance du 26 septembre 2019 après un report accordé par le conseiller de la mise en état.
SUR CE, LA COUR :
A titre liminaire, la cour relève que la note adressée aux parties le 1er octobre 2019, par laquelle elle les invitait, au moyen d'une note en délibéré, à présenter leurs observations sur la recevabilité des conclusions notifiées le 23 septembre 2019 par M. K..., après avoir relevé que la Caisse d'épargne avait notifié des conclusions à fin d'irrecevabilité devant le conseiller de la mise en état le 25 septembre 2019, est sans objet dans la mesure où ladite Caisse avait notifié dès le 24 septembre 2019 des conclusions demandant à la cour elle-même de déclarer irrecevables les conclusions de M. K... notifiées le 23 septembre 2019.
Sur la recevabilité des conclusions notifiées le 23 septembre 2019 par M. K...:
L'article 15 du code de procédure civile énonce que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense et l'article 16 du même code prescrit au juge de faire observer en toutes circonstances le principe fondamental de contradiction.
En l'espèce, alors que la clôture de l'instruction devait intervenir le 5 septembre 2019 et qu'elle a été reportée au 26 septembre suivant à la demande de M. J..., M. K..., qui avait notifié le 27 mars 2019 des conclusions de 12 pages, a notifié le 23 septembre 2019 en fin de journée, soit à peine plus de deux jours avant la clôture reportée et l'audience des plaidoiries, des conclusions de 23 pages, comportant une demande subsidiaire en nullité du cautionnement qui n'avait encore jamais été présentée, étayée par un nouveau moyen tiré du caractère vicié de son consentement.
En invoquant ainsi par rapport à ses précédentes écritures un nouveau moyen au soutien d'une prétention nouvelle, fût-elle admissible en application de l'article 564 du code de procédure civile, sans présenter ce moyen ni cette demande d'une manière formellement distincte comme l'y oblige le 2e alinéa de l'article 954, sans non plus mettre en exergue, par souci de loyauté, les éléments complémentaires à son argumentation dont le volume a quasiment doublé, M. K... a méconnu le principe fondamental de contradiction énoncé à l'article 15 du code de procédure civile, en concluant trop tardivement pour permettre à la Caisse d'épargne de pouvoir répliquer.
Les conclusions de M. K... notifiées le 23 septembre 2019 seront en conséquence écartées des débats.
Sur le fond
-sur la disproportion manifeste des engagements de caution
Selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l'article L. 332-1 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Au sens de ces dispositions, qui bénéficient tant aux cautions profanes qu'aux cautions averties, la disproportion s'apprécie à la date de conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement ainsi souscrit et des biens et revenus de la caution, en prenant en considération son endettement global, y compris celui résultant d'autres engagements de caution, dès lors que le créancier avait ou pouvait avoir connaissance de cet endettement.
C'est à la caution qui se prévaut des dispositions de l'article L. 332-1 de rapporter la preuve de la disproportion qu'elle invoque.
Le code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, mais s'il le fait, il est en droit de se fier aux renseignements communiqués par la caution, sauf existence d'anomalies apparentes.
Le créancier peut en outre démontrer que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où il l'a appelée en paiement.
En l'espèce, M. J... et M. K... se sont chacun portés cautions solidaires des engagements souscrits par la société MCHS le 18 juillet 2014, dans la limite d'une somme totale de 130000€, en signant l'un et l'autre une fiche de renseignements.
M. J... a déclaré sur cette fiche être marié sous le régime de la communauté légale réduite aux acquets, avoir trois enfants à charge. Il a indiqué percevoir un salaire annuel de 80000€, précisé que son épouse, qui a consenti aux cautionnements litigieux, percevait un revenu annuel de 16500€ puis, sur son patrimoine, M. J... a indiqué posséder une maison au Maroc d'une valeur de 150000€ et détenir des parts sociales de SCI.
S'agissant de ces parts de SCI, la fiche renseignée par M. J..., sur laquelle il était indiqué «patrimoine de la caution -si la caution possède des biens (immeubles, valeurs mobilières, fonds de commerce, etc.), préciser leur nature et leur valeur», se présente comme suit :
nature du bien adresse prix et date d'acquisition valeur estimative actuelle hypothèque
SCI VENDREDI 97 % [...] 170 000 € 09/03 300 000,00 € oui
SCI JEUDI 5 % [...] 105 000 € 04/00 350 000 € oui
SCI MARDI 50 % [...] 200 000 € 07/06 350 000,00 € oui
SCI LUNDI 40 % [...] 65 000 € 2012 100.000 € oui
Concernant ses engagements antérieurs, à la rubrique dénommée «emprunts ou engagements en cours», M. J... a déclaré :
-un emprunt «Audi Bank» de 25.000 € souscrit en 2013 pour une durée de 36 mois, représentant une charge mensuelle de 740 €,
-un cautionnement d'un prêt de 120.400 € souscrit par la SCI VENDREDI en 2003
Il convient de rappeler que, sauf anomalies apparentes, le créancier peut se fier à ce qui est inscrit par la caution sur la fiche de renseignements.
S'agissant de la maison au Maroc, M. J... n'a nullement mentionné qu'il s'agirait d'un bien propre de son épouse, en sorte que la valeur de cette maison doit être prise en considération dans l'appréciation de la disproportion manifeste de son engagement.
Concernant la valeur patrimoniale des parts de SCI, M. J... ne peut soutenir qu'elle doit être évaluée en considération du seul capital social des sociétés en cause, au montant indiqué dans les statuts des sociétés dont s'agit, alors que dans la fiche qu'il a lui-même renseigné, M. J... n'a pas valorisé ses parts de SCI à la somme totale de 1747€ qu'il retient aujourd'hui (400€ pour la SCI Lundi, 500€ pour la SCI Mardi, 750€ pour la SCI Jeudi et 97€ pour la SCI Vendredi).
Sur la valeur patrimoniale de ces parts, les parties sont surtout en désaccord en ce que la Caisse d'épargne soutient que les montants déclarés correspondent à la valeur des parts de M. J..., dont la patrimoine mobilier s'établirait alors à 1100000€, tandis que l'intéressé assure que les montants déclarés correspondent à la valeur des immeubles détenus par les SCI, ce dont il déduit qu'en considération du nombre des parts qu'il détient dans les quatre SCI en cause, son patrimoine mobilier ne pourrait être évalué au-delà de 523500€ [en réalité 681000€ si l'on retient sa méthode pour procéder au calcul].
Si l'on admet qu'il existe un doute sur la lecture qui peut être faite de la fiche de renseignements signée et certifiée exacte par M. J... sur ce point, force est de constater que l'intéressé ne fournit aucun élément permettant de lever ce doute. Partant, dès lors que la caution supporte, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, et que M. J... ne produit pas le moindre élément sur la valeur des immeubles détenus par les SCI en cause lors de son engagement, il convient de retenir, en l'absence de preuve contraire, que les montants qu'il a lui-même renseignés correspondent, non pas à la valeur du patrimoine des SCI, mais à la seule valeur des parts qu'il détenait.
Concernant la valeur de ces parts de SCI encore, il est exact qu'elle ne peut être déterminée au regard de la valeur des biens immobiliers acquis par les dites sociétés, sans tenir compte du passif de ces sociétés, constitué des prêts qu'elles ont contractés pour financer l'acquisition des immeubles (civ. 1, 12 juillet 2012, no 11-20192). Mais là encore, dès lors que M. J..., qui supporte la charge de la preuve, ne fournit aucune estimation de la valeur des immeubles détenus par les SCI dans lesquelles il est associé, il ne permet pas à la cour de vérifier si, comme le soutient la Caisse d'épargne, la valeur des parts qu'il a lui-même déclarée ne correspond pas, précisément, à cette valeur justement calculée en considération de la valeur des immeubles acquis par les sociétés en cause, déduction faite du passif constitué par les emprunts contractés.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, faute pour M. J... de produire une estimation de la valeur des immeubles appartenant aux SCI dont il est associé, la valeur de ses parts sociales dans lesdites sociétés ne peut être retenue que pour le montant qu'il a lui-même déclaré dans la fiche de renseignement, à hauteur de 1100000 euros.
S'agissant des engagements antérieurement conclus, il convient de rappeler que, tenu d'un devoir de loyauté à l'égard du créancier, M. J... ne peut se prévaloir d'engagements qu'il a omis de déclarer à la Caisse d'épargne lorsqu'il a lui-même valorisé son patrimoine dans la fiche de renseignements, sauf à ce que ces engagements n'aient pu être ignorés par la banque.
Dans la rubrique consacrée aux cautionnements antérieurement donnés, M. J... a simplement mentionné l'existence d'un encours de cautionnement de 120.400 € sur un prêt souscrit par la SCI VENDREDI en 2003, qui correspond, selon sa pièce 25, à une garantie consentie au Crédit immobilier de France.
Le silence de M. J... sur les deux cautionnements donnés à la BNP Paribas en 2009, comme sur les trois cautionnements consentis à la Banque populaire Val de France en 2011 et 2012 et sur les prêts souscrits par les SCI auprès du Crédit mutuel, du crédit immobilier de France, de la Banque CIC Ouest et de la Banque populaire Val de France, lui interdit d'opposer ces engagements à la Caisse d'épargne, dès lors qu'ils ne figurent pas sur la fiche de renseignement et que rien n'établit que l'appelante aurait pu en avoir connaissance.
Il apparaît en revanche, et la Caisse d'épargne ne le conteste pas, que la fiche patrimoniale de M. J... comportait des anomalies apparentes que la banque avait les moyens de détecter. M. J... établit en effet qu'au jour de la souscription de l'engagement litigieux, il était déjà engagé à l'égard de la Caisse d'épargne au titre de cinq engagements de caution :
-cautionnement du 19 octobre 2012 de 100000€
-cautionnement du 19 octobre 2012 de 81250€
-cautionnement du 21 mai 2013 de 97500€
-cautionnement du 15 juillet 2013 de 65000€ (étant précisé que M. J... ne justifie que d'un seul cautionnement donné à cette date à hauteur de 65000€)
-cautionnement du 8 avril 2014 de 29000€
Soit un encours total d'engagements antérieurs en faveur de la Caisse d'épargne de 372750 euros.
Ces cautionnements, que l'appelante ne pouvait ignorer puisqu'ils avaient été pris à son profit, lui sont opposables pour l'appréciation du caractère éventuellement disproportionné des cautionnements litigieux.
Au vu de ces éléments, en ne retenant que les cautionnements et prêts antérieurs opposables à la Caisse d'épargne pour apprécier la disproportion alléguée, étant rappelé que pour apprécier la disproportion manifeste de l'engagement de la caution commune en biens, doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son épouse, il apparaît que :
-le patrimoine immobilier de M. J... au jour du cautionnement pouvait être évalué à 150000euros
-le patrimoine mobilier de M. J... pouvait être évalué à 1100000euros
-ses encours de prêt étaient de 25000€
-ses encours de cautionnements antérieurs étaient de 493150 euros (120400€ + 372750 €).
Etant rappelé que les revenus mensuels de M. J... étaient de l'ordre de 6660€, qu'il remboursait des mensualités d'emprunt de 740€, que son épouse percevait un revenu d'environ 1375€ et que le couple avait trois enfants à charge, l'engagement de caution de M. J..., donné à hauteur de 130000€, n'était pas manifestement disproportionné à ses revenus et patrimoine, tels que la Caisse d'épargne pouvait les apprécier au regard de ce que l'intéressé lui avait déclaré et ce qu'elle en connaissait par ailleurs.
A titre surabondant, la cour relève que, même à déduire de la valeur des parts sociales déclarée par M. J... à hauteur de 1100000euros le passif des SCI correspondant aux encours de prêts que ne pouvait ignorer la Caisse d'épargne pour les deux prêts qu'elle avait elle-même consentis à la SCI du Lundi, qui représentaient 284425,48 euros (54674,94€ + 229750,54€), l'engagement de caution de M. J... n'apparaît pas pour autant manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a retenu la disproportion de l'engagement de M. J... et débouté en conséquence la Caisse d'épargne de ses demandes en paiement.
De son côté, M. K... a déclaré sur la fiche de renseignements être divorcé, percevoir un salaire annuel de 50300€, rembourser par mensualités de 780€ un prêt personnel de 25000€ souscrit en 2011 sur une durée de 3 ans, régler une pension alimentaire de 635€ par mois, posséder un immeuble d'habitation d'une valeur de 350000€ et détenir 50 % des parts sociales de deux SCI d'une valeur globale de 650000€.
Aucune autre information n'a été consignée, notamment à la rubrique «cautions données», restée vierge.
M. K..., qui a certifié les informations fournies dans la fiche de renseignements comme exactes et sincères, ne peut aujourd'hui se prévaloir, pour établir le caractère disproportionné de son engagement de caution à l'égard de la Caisse d'épargne, de précédents engagements de caution donnés à la BNP Paribas et à la Banque Populaire Val de France.
Si, comme il l'indique, M. K... avait consenti à la Caisse d'épargne, antérieurement à l'engagement discuté, un précédent cautionnement, ladite Caisse ne pouvait l'ignorer, mais M. K... ne justifie d'aucune manière de ce précédent engagement, dont il n'indique d'ailleurs ni la date ni même le montant.
En ne retenant aucun des cautionnements antérieurs qui, pour ceux qui n'ont pas été déclarés au créancier, lui sont inopposables, et pour celui dont la Caisse d'épargne n'aurait pu ignorer l'existence s'il a effectivement été souscrit, n'est pas justifié, il apparaît que :
-le patrimoine immobilier de M. K... au jour de la conclusion du cautionnement pouvait être évalué à la somme de 350000€
-son patrimoine mobilier pouvait être évalué à 650000€
-son encours d'emprunt pouvait être évalué, compte tenu du nombre maximum de mensualités pouvant demeurer à échoir, à un maximum de 4680€ (6 X 780€)
-ses encours de cautionnement antérieur étaient nuls.
Compte tenu de ces éléments, étant rappelé que les revenus mensuels de M. K..., divorcé, étaient de l'ordre de 4200€, et même de 7596€ selon les indications figurant dans ses conclusions, qu'il réglait une pension alimentaire de 635€ et supportait, pour quelques mois seulement encore, des mensualités de crédit de 780€, il n'apparaît pas que le cautionnement litigieux de 130000€ était manifestement disproportionné à ses revenus, charges et patrimoine au jour de sa souscription.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a retenu la disproportion de l'engagement de M. K... et débouté en conséquence la Caisse d'épargne de ses demandes en paiement dirigées à son encontre.
Sur l'exception de nullité du cautionnement soulevée à titre subsidiaire par M. J...
Les contrats de prêt souscrits le 21 juillet 2014 par la société MCHS mentionnent l'un et l'autre les garanties suivantes :
-caution société de cautionnement BPI France financement – BPI Garantie hors conv. TPE 40 %
-caution personne physique M. Y... J... 25 %.
Les engagements de cautionnement de M. J... ne font quant à eux aucunement référence à la garantie BPI Finance et aux termes des deux cautionnements en cause, M. J... a expressément renoncé au bénéfice de division prévu à l'article 2303 du code civil, en s'engageant à s'acquitter des sommes dues sans pouvoir exiger que le prêteur engage de quelconques poursuites préalables à l'encontre d'autres personnes s'étant portées le cas échéant caution de la débitrice principale. Il a en outre expressément accepté, en cas de pluralité de cautions, que «l'engagement de chaque caution lui soit propre et ne puisse donc avoir d'incidence au regard des autres cautions ».
Il n'a été nulle part mentionné que la garantie de la BPI à hauteur de 40 % s'imputerait sur la dette M. J... envers la banque, ni que cet organisme s'engageait à payer 40 % de la dette et que l'engagement de caution de M. J... ne serait recherché qu'après mise en œuvre de la garantie BPI.
Dès lors qu'il avait expressément renoncé au bénéfice de division et qu'il avait été clairement informé de ce que les éventuelles autres garanties ne pouvaient avoir aucune incidence sur son propre engagement, M. J... ne peut soutenir que la non-subsidiarité de la garantie BPI constituait une condition déterminante de son engagement, alors qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir qu'il ait fait de l'existence même de la garantie BPI, qui n'était pas mentionnée aux actes de cautionnement, une condition de son engagement et qu'il ne démontre au demeurant pas que, s'il avait été informé plus amplement sur le fonctionnement de la garantie BPI, il aurait renoncé à se porter caution ou aurait limité son engagement, ce alors qu'il avait renoncé au bénéfice de discussion comme au bénéfice de division, qu'il avait limité ses engagements à une somme déterminée et qu'il résulte en outre de ses propres pièces (no 10) qu'en 2009, alors même que la BNP lui avait remis les conditions générales de la garantie PBI anciennement dénommée OSEO, dont le fonctionnement était comparable, il n'avait pas renoncé pour autant à s'engager comme caution.
M. J..., qui ne démontre donc, ni que la Caisse d'épargne a sciemment conservé des informations sur la garantie BPI en vue de l'induire en erreur, ni que son consentement aurait été vicié de quelque manière que ce soit, sera débouté de ses demandes en nullité des cautionnements en cause.
Sur les demandes de dommages-intérêts formées par M. K... au titre d'un manquement de la banque à son devoir d'information et de mise en garde
En application des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, les établissements de crédit sont tenus d'un devoir de loyauté à l'égard de leurs cocontractants.
Le devoir de mise en garde, qui consiste à alerter la caution sur les risques d'endettement excessif nés de la souscription de son engagement, n'existe qu'à l'égard de la caution non avertie.
M. K..., qui s'est présenté aux actes des prêts garantis comme le président de la SAS MCHS, sur la fiche de renseignements comme le directeur de la société commerciale dénommée Espace conseil, qui est gérant et associé de diverses sociétés civiles et commerciales, dont certaines existaient depuis une dizaine d'années lors de la conclusion des engagements litigieux, n'était pas un dirigeant inexpérimenté lorsqu'il a souscrit les cautionnements litigieux en juillet 2014 puisque, âgé à l'époque de plus de cinquante ans, il dirigeait des sociétés commerciales depuis une dizaine d'années, présidait la société ayant contracté les deux prêts garantis et disposait en conséquence des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques de son engagement.
La Caisse d'épargne n'était donc tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de M. K..., qui doit être considéré comme une caution avertie.
S'agissant des obligations d'information de la Caisse d'épargne, M. K... ne peut utilement reprocher à l'appelante de lui avoir fait perdre une chance « de ne pas contracter un engagement de caution conforme aux exigences de la garantie BPI», en faisant valoir que l'établissement bancaire ne justifie pas lui avoir remis les conditions générales de la garantie BPI et n'aurait pas respecté la condition dite de modération des sûretés exigée par l'organisme de garantie, alors que le défaut de remise des conditions générales de la garantie BPI est sans incidence sur cette exigence de conformité et qu'en toute hypothèse, à supposer l'exigence de modération des sûretés non satisfaite, ce qui n'est nullement démontré, il ne pouvait en résulter aucune conséquence préjudiciable pour M. K..., qui n'est nullement bénéficiaire de la garantie dont s'agit.
M. K... sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts, infondée.
Sur la demande de déchéance des intérêts :
Selon l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé leur concours financier à une entreprise sous la condition de son cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant à la caution, ainsi que le terme de cet engagement ou, si l'engagement est à durée indéterminée, de rappeler à la caution la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée, sous peine de déchéance des intérêts échus depuis la précédente information, jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.
En l'espèce, la Caisse d'épargne ne justifie pas avoir satisfait à son obligation d'information annuelle.
Il n'est cependant pas contesté qu'au titre du prêt [...], il reste dû en capital une somme de 300486,18 euros et qu'en garantie de ce prêt, chacun de M. J... et de M. K... s'est engagé à hauteur de 113750 euros, tandis qu'au titre du prêt [...], il reste dû en capital une somme de 46219,63€ et que, en garantie de ce prêt, M. J... et M. K... se sont tous deux engagés à hauteur de 16250 € chacun.
Dans ces circonstances, le prononcé de la déchéance est sans incidence sur le montant du principal dû par chacune des cautions, dont les condamnations ne seront en revanche assorties que des intérêts au taux légal. La déchéance du droit aux intérêts contractuels ne faisant en effet pas obstacle au cours des intérêts moratoires au taux légal, la créance de la Caisse d'épargne envers les cautions produit intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2015, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l'article 1153 al. 3 ancien du code civil.
Dans la limite des demandes de la Caisse d'épargne, qui entend que le cumul des condamnations prononcées contre M. J... et M. K... n'excède pas 50 % des sommes lui restant dues, soit 162031,74euros au titre du prêt [...] et 24896,13€ au titre du prêt [...], chacun de M. J... et de M. K..., qui ne sont pas engagés solidairement entre eux, sera condamné à payer à ladite Caisse, dans la limite d'une somme globale de 186927,87 euros (162031,74€ + 24896,13€) :
-au titre du cautionnement donné en garantie du prêt [...], la somme de 113750€, majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2015
-au titre du cautionnement donné en garantie du prêt [...], la somme de 16250€, majorée des intérêts au taux légal à compter de la même date
En application de l'article 1154 ancien du code civil, les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 20 avril 2016, date de la demande.
-sur la demande de délais de grâce de M. J... :
L'article 1244-1 ancien du code civil permet d'accorder au débiteur impécunieux des délais de paiement qui, dans la limite de deux années, empruntent leur mesure aux circonstances.
En l'espèce, M. J... a déjà bénéficié, de fait, de très larges délais de paiement.
Il n'y a pas lieu dans ces circonstances de lui accorder de nouveaux délais ; sa demande sur ce chef sera en conséquence rejetée.
Sur les demandes accessoires :
M. J... et M. K..., qui succombent au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devront supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la Caisse d'épargne la charge de la totalité de ses frais irrépétibbles. En application de l'article 700 du code de procédure civile, M. J... et M. K... seront en conséquence condamnés in solidum à lui payer une indemnité de procédure de 1 500euros.
PAR CES MOTIFS
ECARTE des débats les conclusions notifiées le 23 septembre 2019 par M. W... K...,
INFIRME la décision entreprise,
STATUANT À NOUVEAU :
REJETTE la demande subsidiaire de M. Y... J... tendant à entendre annuler ses engagements de caution du 18 juillet 2014,
CONDAMNE chacun de M. Y... J... et de M. W... K... à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre, dans la limite d'une somme globale de 186927,87 euros :
-au titre de leurs cautionnements donnés en garantie du prêt [...], la somme de 113750€, avec au taux légal à compter du 21 novembre 2015
-au titre de leurs cautionnements donnés en garantie du prêt [...], la somme de 16250€, avec intérêts au taux légal à compter de la même date
ORDONNE la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 20 avril 2016,
REJETTE la demande de dommages-intérêts de M. W... K...,
CONDAMNE IN SOLIDUM M. Y... J... et M. W... K... à payer à la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre une indemnité de 1500euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE IN SOLIDUM M. Y... J... et M. W... K... aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT