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12/09/2019 | FRANCE | N°18/02777

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 12 septembre 2019, 18/02777


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/09/2019
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
la SCP VALERIE DESPLANQUES
ARRÊT du : 12 SEPTEMBRE 2019


No : 282 - 19
No RG 18/02777
No Portalis DBVN-V-B7C-FY7J


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 13 Juillet 2018


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265232966996456
La société ATR TECHNOLOGY,
Prise en la personne de son Prés

ident, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés es qualité audit siège. [...]




Ayant pour avocat postulant par Me Isabell...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/09/2019
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
la SCP VALERIE DESPLANQUES
ARRÊT du : 12 SEPTEMBRE 2019

No : 282 - 19
No RG 18/02777
No Portalis DBVN-V-B7C-FY7J

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 13 Juillet 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265232966996456
La société ATR TECHNOLOGY,
Prise en la personne de son Président, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés es qualité audit siège. [...]

Ayant pour avocat postulant par Me Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Philippe HECTOR, avocat au barreau de MARSEILLE,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265234652899815
SAS CARROSSERIE TROUILLET
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit [...] [...]

Ayant pour avocat postulant Me VALERIE DESPLANQUES, membre de la SCP VALERIE DESPLANQUES, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Sophie GHENASSIA, avocat au barreau de PARIS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 Septembre 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 Mai 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 23 MAI 2019, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé le 12 SEPTEMBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 21 juin 2016, la SAS CARROSSERIE TROUILLET a passé commande auprès de la SAS ATR TECHNOLOGY de 370 bennes 3T STD L3 1250.

Le bon de commande prévoyait la livraison sur le site de l'acquéreur d'une première série de 10 bennes mi-juillet 2016, puis celle de 30 bennes chaque mois pendant 12 mois, la première livraison de trente bennes pouvant débuter en septembre ou octobre 2016 selon le choix du client. Il était par ailleurs convenu que certaines pièces (articulations, verrous, axes, chappes...) seraient fournies par la société CARROSSERIE TROUILLET.

Des discussions se sont engagées sur la date à laquelle les paiements devraient intervenir. Le bon de commande prévoit que le paiement doit intervenir à la date d'expédition des bennes.

Le 3 août 2016, ATR TECHNOLOGY a sollicité paiement des 10 premières bennes qui ont été livrées le 9 septembre 2016 et le 31 août 2016, CARROSSERIE TROUILLET lui a adressé une traite de 14.939,52 euros.

Le 5 décembre 2016, elle a adressé 44.818,56 euros en règlement de la facture du 18 novembre 2016 correspondant aux 30 prochaines bennes commandées.

Faisant valoir que les 10 premières bennes, reçues avec 4 semaines de retard, présentaient des non conformités qui n'avaient pas, malgré ses demandes, été corrigées sur les 30 bennes suivantes reçues le 4 janvier 2017 qu'elle a refusées et qui lui ont été à nouveau livrées le 19 janvier 2017 en présentant des défauts, CARROSSERIE TROUILLET a assigné ATR TECHNOLOGY devant le tribunal de commerce de Blois en réclamant la résolution judiciaire du contrat conclu le 21 juin 2016 et la condamnation de la défenderesse à lui rembourser la somme de 44.818,56 euros versée sans livraison outre des dommages et intérêts en réparation des préjudices commerciaux. ATR TECHNOLOGY s'est opposée à ces demandes et a reconventionnellement sollicité la résolution du contrat aux torts de CARROSSERIE TROUILLET et sa condamnation à lui verser la somme de 390.805,20 euros, montant de la prestation convenue.

Par jugement en date du 13 juillet 2018, le tribunal a prononcé la résolution judiciaire du contrat conclu le 21 juin 2016, condamné ATR TECHNOLOGY au remboursement de la somme de 44.818,56 euros, débouté ATR TECHNOLOGY de ses demandes et l'a condamnée à verser à CARROSSERIE TROUILLET 15.000 euros de dommages et intérêts et 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

ATR TECHNOLOGY a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 28 septembre 2018.

Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de débouter l'intimée de l'ensemble de ses prétentions, de juger que la rupture du contrat incombe à faute à CARROSSERIE TROUILLET et de la condamner à lui verser la somme de 390.805,20 euros de dommages et intérêts, une indemnité de procédure de 5.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la société LEXAVOUE.

Elle rappelle que l'intimée devait lui fournir du matériel destiné à la fabrication des bennes et des plans en DXF ou DWG ; que, dès la mise en fabrication des 10 premières bennes servant de prototype, CARROSSERIE TROUILLET a eu du retard dans l'envoi des pièces qu'elle s'était engagée à livrer en Pologne pour la fabrication des bennes ou a livré des pièces de mauvaise qualité et qu'elle n'a pas payé les dix premières bennes à la date convenue qui était celle de l'expédition de l'usine ; que, cependant, les prototypes ayant été validés et réglés, elle a procédé à la fabrication des trente bennes suivantes ; qu'elle a de nouveau rencontré des difficultés dans la livraison des pièces par l'intimée et dans leur qualité ainsi qu'il est démontré par son courriel du 28 novembre 2016, ainsi que dans les modalités de règlement ; que sa cocontractante lui a demandé le 30 novembre 2016, de ne plus respecter les conditions de cadencement et de "mettre un frein à la production en passant de 30 bennes par mois à 30 bennes tous les deux mois ou de les fabriquer seulement sur demande" ; qu'elle lui a répondu le même jour que c'était impossible puisque les modalités de fabrication étaient mises en oeuvre et lui proposait une rencontre pour discuter des paiements. Et elle soutient que les trente bennes livrées en janvier ont été refusées par CARROSSERIE TROUILLET sans motifs sérieux, dans le seul but de rompre le contrat soulignant que, contrairement à ce que prétend l'intimée, elle a contesté les motifs de ces refus de réception et a tenté en vain de trouver des solutions amiables au litige.

Elle fait valoir que le premier envoi de 10 bennes a été réceptionné et validé par la CARROSSERIE TROUILLET comme conforme à la commande passée ; qu'hormis des défauts de peinture mineurs ou de chocs subis pendant le transport, ces prototypes étaient ceux attendus par l'intimée qui en avait établi les plans.

Elle précise que la mauvaise foi de sa co-contractante est démontrée par ses multiples atermoiements sur les conditions de paiement ; qu'en effet il était initialement prévu un acompte de 20% à la commande et le solde lors de l'expédition de l'usine ; que CARROSSERIE TROUILLET a tenté d'imposer ses conditions d'achat avec un paiement à 60 jours, ce qu'elle a expressément refusé au regard des prix bas déjà obtenus par sa cocontractante ; que CARROSSERIE TROUILLET a ensuite proposé un paiement à 30 jours qu'elle a également refusé et qu'un accord a été conclu sur l'absence de paiement d'un acompte et un paiement à la date de l'expédition ; que ce sont ces conditions de paiement qui ont été signées le 21 juin 2016 par l'intimée qui se prévaut fallacieusement de courriels échangés avant cette date. Et elle souligne que sa première facture est d'ailleurs rédigée conformément à ces dispositions.

Elle reproche au tribunal d'avoir retenu la non conformité des bennes livrées sans le moindre élément de preuve et d'avoir indiqué sans plus d'éléments de preuve que "la livraison des dix premières bennes a posé un certain nombre de problèmes de finition et non-conformité" alors qu'elle n'avait aucunement à mastiquer les soudures, que la peinture avait été choisie par CARROSSERIE TROUILLET qui avait établi seule les plans des prototypes qui ont été parfaitement respectés et que les marques des cartons sur les carrosseries ne résultaient que des fortes chaleurs et de l'attente des éléments dans l'usine en raison des retards de sa cocontractante, de telles marques, corrigées par une nouvelle application de peinture, ne pouvant en tout état de cause constituer des non conformités.

Elle conteste formellement les photographies produites par l'intimée comme ayant été établies de façon non contradictoire alors qu'il était facile pour CARROSSERIE TROUILLET de se ménager des preuves convaincantes au moyen d'un procès-verbal de constat établi par huissier de justice ou par une expertise.

Elle soutient qu'aucun manquement à son obligation de délivrance ne peut lui être reproché puisque c'est l'intimée qui a refusé à deux reprises ses livraisons et conteste formellement avoir reçu le courrier daté du 12 avril 2017 produit par CARROSSERIE TROUILLET qui ne rapporte ni la preuve de sa délivrance ni celle de son refus de le réceptionner.
Elle rappelle que le contrat a connu un début d'exécution, détaille les courriels échangés entre les parties pendant deux mois et affirme qu'ils démontrent que les retards de fabrication ne résultent que de l'absence d'envoi par l'intimée des pièces convenues et de l'absence de paiement à la date prévue, et établissent que CARROSSERIE TROUILLET a souhaité rompre le contrat parce qu'elle ne désirait plus le poursuivre avec le cadencement initial mais désirait une fabrication des bennes seulement à sa demande.

Elle soutient avoir subi un préjudice résultant de la non exécution du contrat conclu pour un montant de 440.300 euros HT et être bien fondée à obtenir paiement de cette somme après déduction des paiements effectués par CARROSSERIE TROUILLET à hauteur de 49.494,80 euros.

CARROSSERIE TROUILLET demande à la cour de confirmer le jugement déféré et d'y ajouter la condamnation de l'appelante à lui verser un intérêt conventionnel de 2% par semaine de retard à compter du 4 janvier 2017, date de la première livraison des trente bennes refusées, dans une limite de 4.818,50 euros, à lui payer des intérêts capitalisés, à lui verser une nouvelle indemnité de procédure de 5.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens.

Elle fait valoir que la non conformité des bennes lui a été préjudiciable, d'une part, parce qu'elle s'est trouvée dans l'incapacité de livrer ses agences, ce qui les a placées en grande difficulté vis à vis de leurs clients, d'autre part parce qu'elle avait payé les bennes dont elle n'a pu prendre possession. Elle soutient que son paiement ne peut caractériser une acceptation des bennes qui ne lui avaient pas encore été livrées et elle souligne qu'elle a contesté la conformité des bennes litigieuses le jour même de leur réception.

Elle précise que l'appelante ne peut fonder ses demandes sur les dispositions des articles 1103, 1221 et 1231 1 du code civil, lesquelles, issues de l'ordonnance du 10 février 2016, ne sont entrées en vigueur que le premier octobre 2016, l'article 9 de l'ordonnance précisant que les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.

Elle rappelle que l'obligation de délivrance n'est pas satisfaite si le vendeur livre un bien non conforme. Et elle soutient qu'ATR TECHNOLOGY n'a livré que 10 des 370 bennes, objet de la commande du 21 juin 2016, lesquelles n'étaient pas conformes à cette commande ; qu'elle a refusé à deux reprises les trente bennes suivantes qui présentaient de nombreuses et graves malfaçons ; qu'ATR TECHNOLOGY n'a jamais remédié aux malfaçons constatées de manière contradictoire et n'a pas tenté de livrer à nouveau les trente bennes refusées.

Elle fait valoir que les premières bennes présentaient des impacts sur la face avant, le fond de benne, une des ridelles, les goussets et le bas des poteaux ainsi que des marquages sur la carrosserie consécutifs à des cartons collés sur la peinture fraîche, et qu'elle a rencontré ensuite des problèmes de montage si importants qu'elle a dû demander à sa cocontractante de stopper la fabrication des bennes suivantes ; que ces dernières présentaient lors de la première livraison une absence de pointage en face inférieure, des trous dans les tubes 70 x 30, des éclats de peinture puis, lors de la seconde, des découpes des poteaux non conformes, une absence de planéité des ridelles latérales de 3 à 5 mm et des coulures de peintures.

Elle conteste un retard lui incombant dans la livraison des pièces convenues et souligne qu'ATR TECHNOLOGY ne s'en est jamais plainte avant la première instance et fait valoir que c'est sans bonne foi que l'appelante soutient qu'elle n'aurait pas respecté les conditions de paiement puisque, si le bon de commande accepté le 13 juin et signé le 21 juin prévoyait un paiement à l'expédition, il résulte des pièces qu'elle communique que les parties s'étaient mises d'accord pour un paiement devant intervenir dans les trente jours de la livraison et que c'est bien ce dernier délai qui est porté sur les factures établies par l'appelante.

Elle prétend que ses conditions d'achat doivent être appliquées et que les condamnations prononcées doivent donc être assorties d'intérêts de retard de 2% par semaine dans la limite de 10% des sommes qu'elle a versées et elle réclame la capitalisation des intérêts. Elle soutient également avoir subi un préjudice commercial et une perte de marge résultant de ce qu'elle n'a pu tenir ses obligations envers ses propres clients, du seul fait de la défaillance d'ATR TECHNOLOGY.

Elle s'oppose, pour les motifs sus exposés, à la demande reconventionnelle formée par l'appelante en faisant valoir que la responsabilité de la résolution du contrat incombe entièrement à ATR TECHNOLOGY.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR

Attendu que, bien que les deux parties réclament la résolution du contrat, il ne peut qu'être constaté que la convention a reçu un commencement d'exécution concernant 10 bennes qui ont été payées et conservées par CARROSSERIE TROUILLET qui ne propose pas leur restitution à ATR TECHNOLOGY et ne réclame pas remboursement du prix ;

Qu'il convient en conséquence de retenir que les parties sollicitent non la résolution mais la résiliation du contrat litigieux ;

- Sur les conditions de paiement :

Attendu que les conventions légalement formées entre les parties ont force de loi entre elles et doivent être exécutées de bonne foi ;

Attendu qu'en l'espèce c'est sans bonne foi que CARROSSERIE TROUILLET prétend que les parties avaient convenu d'un paiement 30 jours après la livraison ;

Qu'en effet, ses conditions d'achat n'ont été acceptées par ATR TECHNOLOGY que sous la réserve expresse de la modification des conditions de paiement, l'appelante précisant que les règlements "doivent être comme indiqué en point 5 en conditions particulières à établir lors des commandes" ;

Qu'il résulte des pièces concordantes communiquées par les parties que des discussions se sont engagées entre elles avant la signature du contrat, ATR TECHNOLOGY entendant obtenir paiement d'acomptes et un paiement lors de l'expédition alors que CARROSSERIE TROUILLET demandait que soient prévus des paiements 30 jours après la livraison ;

Que ces discussions ont eu lieu avant la signature du contrat et que CARROSSERIE TROUILLET ne peut sérieusement se prévaloir de courriels échangés le 14 juin 2016 sur les conditions de paiement pour prétendre que ses conditions auraient été acceptées alors que c'est en étant parfaitement informée du refus par ATR TECHNOLOGY de ses conditions de paiement qu'elle souhaitait voir mettre en oeuvre qu'elle a signé le 21 juin 2016 un bon de commande ne les reproduisant pas ;

Qu'elle a en effet reconnu avoir pris connaissance des clauses du contrat qui mentionnaient d'une part les conditions de vente d'ATR TECHNOLOGY, d'autre part les conditions de règlement ainsi rédigées : "solde à la mise à disposition des machines (en notre usine de Pologne) à chaque série de 30 ensembles (10 ensembles pour la première série) Photos envoyées avec chaque facture avant le départ" ;

Que c'est sans sérieux qu'elle fait valoir que prendre connaissance n'équivaut pas à accepter alors même qu'elle a porté sous l'ensemble de ces clauses la mention "Bon pour accord Lu et approuvé le 21 juin 2016", a signé et a apposé son cachet ;

Attendu que c'est alors qu'elle avait accepté ces conditions de vente et de paiement et que sa cocontractante avait mis en oeuvre les moyens humains et matériels lui permettant d'honorer ses engagements en fabriquant 30 bennes par mois, que CARROSSERIE TROUILLET a unilatéralement décidé de ne plus payer lors de l'expédition des bennes mais 30 jours après leur réception ;

Que c'est bien l'intimée qui a créé les premières difficultés refusant de payer le 3 août 2016, les 10 premières bennes fabriquées par ATR TECHNOLOGY ;

Que cette dernière lui écrivait alors " désolé mais depuis l'origine c'est comme cela. Au début nous avions un acompte à la commande, solde avant expédition et transport en plus. Vous nous avez fait baisser nos prix. Vous avez demandé de ne pas payer d'acompte et qu'on vous offre le transport. Nous avons accepté et convenu ensemble de conserver le règlement avant expédition. Cela a toujours été clair. Dit et écrit sur tous nos documents. Sur la commande que vous avez signée il est également bien indiqué règlement avant expédition. Je ne peux rien faire d'autre, nous attendons votre règlement comme convenu."

Que CARROSSERIE TROUILLET n'a pas répondu sur ces points, se contentant d'adresser le 4 août un courriel exigeant la livraison des bennes en semaine 32 et n'a envoyé que le 31 août 2016 à sa cocontractante une traite à échéance au 22 septembre 2016 (sa pièce 5) en indiquant au mépris de ses propres engagements lors de cet envoi " condition de règlement : par lettre de change (30 jours à date de facture)" ;

Qu'il résulte de ce rappel des faits incontestables que, n'ayant pas respecté ses obligations contractuelles, CARROSSERIE TROUILLET ne peut se plaindre de ce que les dix premières bennes ne lui ont été livrées que le 9 septembre 2016 ;

- Sur l'absence de conformité des 10 premières bennes :

Attendu en ce qui concerne cette première livraison que, pour démontrer sa non conformité à sa commande, l'intimée produit sous le numéro 6 de ses pièces communiquées le courriel qu'elle a adressé à ATR TECHNOLOGY le 9 septembre 2016 en ces termes : "Nous avons bien reçu les 10 bennes ce matin. Nos principales remarques : L'emballage est conforme à nos attentes toutefois le carton a collé à de multiples endroits provoquant des marquages. Il y a des impacts sur la face avant, le fond de benne, une des ridelles, les goussets de poteaux et en bas des poteaux. Le dimensionnel et l'aspect fonctionnel sera contrôlé par un montage sur notre châssis ayant servi au prototype en semaine 37" ;

Que s'agissant, non de véhicules de luxe mais de bennes destinées au transport de bois, il n'est pas sérieux de prétendre qu'une caractéristique esthétique était exigée ;

Que quelques impacts sur une face et un fond de benne ainsi que sur des goussets et des poteaux, pour désagréables et anormaux qu'ils soient, ne caractérisent pas des non conformités à la commande, CARROSSERIE TROUILLET disposant des moyens pour remédier à ces désordres légers qui ne pouvaient tout au plus qu'entraîner une petite réduction du prix convenu ;

Que c'est sans être contredite qu'ATR TECHNOLOGY expose que les marques des cartons sur les bennes résultent d'un entreposage pendant un mois dans des conditions de fortes chaleur, ce délai d'un mois étant dû à l'absence de paiement par CARROSSERIE TROUILLET à la date convenue ainsi qu'il a été ci-dessus relaté ;

Qu'en tout état de cause, ce désordre était lui aussi mineur, pouvait être repris sans difficultés moyennant un coût modique, et ne saurait justifier une résiliation du contrat ;

Attendu que la lecture du courriel adressé le 9 septembre 2016 par CARROSSERIE TROUILLET dont les termes ont été rappelés ci-dessus permet de constater que l'intimée y indiquait procéder au contrôle des prototypes " en semaine 37", la semaine 37 étant celle du 12 au 18 septembre 2016 ;

Attendu que c'est pour la première fois dans un courriel du 10 octobre 2016, soit un mois après la date à laquelle elle avait procédé au contrôle des bennes fournies par sa cocontractante qu'elle écrit " compte tenu des problèmes rencontrés lors du montage du prototype du salon nous vous demandons de stopper tout de suite la production des 30 bennes en cours, proposer et mettre en oeuvre un plan d'action pour la reprise des bennes sur site" ;

Que ce courriel ne fait aucunement état de la responsabilité d'ATR TECHNOLOGY dans les difficultés signalées mais uniquement de problèmes rencontrés lors du montage du prototype, ces difficultés semblant en conséquence dues à l'imperfection des plans établis par CARROSSERIE TROUILLET ;

Que la réponse du même jour d'ATR TECHNOLOGY conforte cette analyse puisque cette dernière précise qu'elle lance la découpe des 18 pièces demandées par sa cocontractante , qu'elle viendra sur site avec son chef d'atelier chaudronnerie et que, ce dernier suivant la fabrication en usine, il pourra regarder avec CARROSSERIE TROUILLET les modifications demandées et les points nécessaires à corriger sur les bennes afin que les suivantes en cours de fabrication soient lancées en série sans difficulté ;

Que contrairement à ce que sous-entend l'intimée, ce courriel de réponse n'est pas une reconnaissance de responsabilité mais la manifestation de la volonté de l'appelante de procéder aux modifications et corrections nécessaires au regard des difficultés de montage des prototypes, difficultés dont elle n'indique aucunement être responsable ;

Qu'il sera souligné que CARROSSERIE TROUILLET, qui n'avait pas hésité à se plaindre de marques sur la peinture et de légers impacts sur les bennes, n'a fait état d'aucun défaut de fabrication dû à sa cocontractante au cours des semaines suivant son contrôle et qu'il peut en être déduit que les prototypes étaient conformes à ses plans puisqu'elle n'aurait pas manqué de protester si elle avait constaté des défauts de conformité ;

Qu'aucun autre courriel ou courrier autre que celui du 10 octobre 2016, qui ne fait pas état de manquements d'ATR TECHNOLOGY, n'a été adressé par CARROSSERIE TROUILLET qui ne s'est pas opposée à la fabrication des 30 bennes suivantes et qui a conservé les dix premières bennes sans plus d'observations, ce qui démontre qu'elle en était satisfaite ;

Qu'elle ne sollicite pas la reprise de ces bennes et la restitution du prix versé pour elles ;

Que c'est dès lors à nouveau sans bonne foi qu'elle écrit aujourd'hui que "dès les premières fabrications (elle) a eu à déplorer la non conformité des bennes fabriquées" alors qu'elle n'établit aucunement que les "difficultés de montage" dont elle a fait état en octobre 2016 étaient imputables à un défaut de fabrication, l'ensemble des éléments sus rappelés permettant de retenir qu'ils étaient au contraire imputables à un défaut de ses propres plans ;

- Sur l'absence de conformité des 30 bennes suivantes :

Attendu qu'il ressort des courriels échangés à ce sujet entre les parties que leurs relations se sont tendues, CARROSSERIE TROUILLET demandant dès novembre 2016 et de plus fort en décembre 2016 à revoir le cadencement de 30 bennes par mois tandis qu'ATR TECHNOLOGY rappelait les conditions de paiement contractuelles qui n'avaient pas été respectées lors de la première livraison ;

Que l'appelante a fait connaître à sa cocontractante que les 30 bennes suivantes étaient fabriquées et attendaient d'être payées pour être expédiées ;

Que c'est manifestement sous la menace d'une procédure de référé qui avait été formulée dans un courriel d'ATR TECHNOLOGY en date du 5 décembre 2016 que CARROSSERIE TROUILLET a cette fois accepté de payer lors de l'expédition au moyen d'une traite ;

Attendu que CARROSSERIE TROUILLET a refusé la livraison des 30 bennes en indiquant, par courriel du 4 janvier 2017 "pour les point suivants qui sont non conformes -(liste non exhaustive en fonction de ce qui était visible) photos ci jointes : pas de pointage en face inférieure des bennes, bennes non protégées par un emballage, présence de trous dans les tubes 70 x 30, éclats de peinture" ;

Qu'il s'agissait encore une fois de désordres pouvant paraître mineurs mais qu'ATR a cependant répondu qu'elle allait procéder à la reprise des bennes pour qu'elles donnent satisfaction et a réexpédié ces bennes qui sont à nouveau parvenues le 19 janvier 2017 à l'intimée qui les a une nouvelle fois refusées "pour les points mentionnés dans l'avis de non conformité ci-joint (liste non exhaustive en fonction de ce qui était visible) photo ci jointes ceci sous réserve de la conformité en terme de dimensionnel qui n'a pu être contrôlé" en indiquant que "les découpes sur les poteaux (face avant) sont non conformes sur au moins 25 bennes sur 30" et en faisant état de "la non planéité des ridelles sur au moins 80% de la livraison et de coulures de peintures constatées en plusieurs endroits" ;

Attendu que les photographies produites montrent des découpes irrégulières sur 3 poteaux, ce qui ne permet pas de vérifier l'affirmation de ce que 25 bennes sont atteintes de ces désordres ;

Que sont également jointes treize photographies de ridelles dont certaines montrent un défaut de planéité manifeste et d'autres non ; qu'il n'est pas possible, au regard de ces photographies qui ne permettent pas de vérifier que la même ridelle n'a pas été photographiée à plusieurs reprises, de constater le nombre de ridelles qui n'étaient pas planes ;

Que, surtout, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, CARROSSERIE TROUILLET ne peut prétendre démontrer des absences de conformité des matériels livrés au moyen de photographies qu'elle a seule effectuées, sans témoin extérieur, sans date connue, et sans démontrer qu'elles sont celles du matériel fabriqué par ATR TECHNOLOGY, ou que ce sont celles du matériel qui lui a été livré après la reprise des 30 bennes et réalisation de travaux pour remédier aux désordres ;

Attendu qu'au surplus, dès le 22 janvier 2017, ATR TECHNOLOGY s'étonnait du refus de ces bennes et le contestait en faisant valoir qu'il était normal que certaines ridelles présentent une légère courbure puisque celle-ci provient de la soudure des poignées sur une tôle de faible épaisseur et en précisant que cette courbure pourrait être supprimée si CARROSSERIE TROUILLET revoyait ses plans et acceptait des chaînettes et un joint PU et si elle effectuait les gabarits promis depuis le début de l'exécution des pièces ; qu'elle rappelait ses courriels précédents faisant état de la mauvaise qualité des poignées des ridelles et soulignait que les mêmes poignées défectueuses lui étaient cependant toujours adressées, quand elles l'étaient ;

Que l'appelante continuait en exposant qu'elle avait dû modifier les trous de certains poteaux et ne pas les laisser rectangulaires précisément pour empêcher les ridelles de bouger ; que cette modification était encore une fois due à la mauvaise qualité des pièces reçues qui devaient être modifiées et ajustées en raison de leur non conformité et de l'obligation de travailler sans les gabarits promis ; qu'elle soulignait qu'elle avait prévenu à plusieurs reprises des difficultés rencontrées avec les pièces adressées par CARROSSERIE TROUILLET ;

Qu'elle rappelait qu'elle avait dû meuler les ronds et supports des charnières envoyées par l'intimée ce qui nuisait à leur bon positionnement et conduisait à une importante perte de temps ;

Qu'elle précisait qu'elle avait cherché en vain les coulures et n'en avait découvert que quelques unes sous quelques tubes, ce qui peut arriver, mais que l'ensemble de la peinture était très satisfaisant ;

Que CARROSSERIE TROUILLET n'a pas répondu à cette argumentation technique qui est confortée par les courriels adressés par l'appelante pour se plaindre à plusieurs reprises de l'envoi de fournitures de mauvaise qualité qui la contraignaient à procéder à des reprises sur ces fournitures et à des adaptations sources d'importantes pertes de temps ;

Attendu dès lors qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, la démonstration d'une absence de conformité incombant à ATR TECHNOLOGY des 30 bennes livrées le 19 janvier 2017 n'est pas apportée par CARROSSERIE TROUILLET à laquelle une telle preuve incombait ;

- Sur la résiliation du contrat et ses conséquences :

Attendu que, pour démontrer l'absence de sérieux de sa cocontractante, CARROSSERIE TROUILLET se plaint des retards apportés par ATR TECHNOLOGY dans la livraison des bennes commandées et soutient que l'appelante ne s'est jamais plainte de retards dans l'envoi des fournitures qui lui incombait ;

Mais attendu que, non seulement l'appelante démontre lui avoir fait part à plusieurs reprises et notamment en novembre et décembre 2016, de l'envoi de pièces non conformes ainsi que de retards dans l'envoi des pièces qui préjudiciaient à la production et la conduisaient à payer des ouvriers qui ne pouvaient travailler, mais qu'il résulte de la pièce no13 produite par CARROSSERIE TROUILLET elle-même qu'elle a adressé le 7 mars 2017 au conseil de l'appelante un courrier en ces termes : " En effet, nous ne contestons absolument pas qu'il ait existé un retard dans la fourniture des pièces nous incombant" ce qui démontre que le décalage des dates de livraison initialement prévues lui incombe et ne peut être imputé à faute à l'appelante ;

Attendu qu'aux termes de l'ancien article 1604 du code civil applicable au litige le vendeur a l'obligation de délivrer et de garantir une chose dont les caractéristiques correspondent à la commande et l'acheteur ne peut être tenu d'accepter une chose différente ;

Qu'il incombe au vendeur d'apporter la preuve de la livraison de la chose commandée et à l'acheteur d'apporter la preuve de ce que le bien qui lui a été livré n'était pas conforme à sa commande ;

Attendu qu'il a été retenu que les pièces produites par CARROSSERIE TROUILLET, qui émanent toutes d'elle-même et ne sont confortées par aucun autre élément extérieur que l'indication, par ATR TECHNOLOGY, de ce qu'elle allait faire procéder une première fois aux travaux de reprise nécessaires sur les 30 bennes, ne lui permettent pas d'apporter la preuve qui lui incombe de ce que le matériel qui lui a été livré le 19 janvier 2017 présentait encore des défauts incombant à l'appelante et qu'elle l'a refusé à raison ;

Que ce n'est donc que surabondamment qu'il sera relevé que, dès le 30 novembre 2015, l'intimée avait, avant de se plaindre de désordres, indiqué sans ambiguïté souhaiter voir modifier le contrat définitivement conclu avec l'appelante et entendait cesser de faire procéder à une fabrication mensuelle de 30 bennes pour obtenir une fabrication à la demande et qu'il est permis de s'interroger sur sa réelle volonté de voir perdurer les relations contractuelles ;

Qu'il convient d'infirmer la décision déférée et de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de CARROSSERIE TROUILLET, laquelle sera en conséquence déboutée de ses prétentions ;

Attendu qu'ATR TECHNOLOGY entend obtenir paiement de dommages et intérêts à hauteur de 390.805,20 euros, somme qu'elle aurait dû percevoir, déduction faite des sommes déjà reçues, si le contrat s'était normalement exécuté ;

Que cependant, elle aurait dû, en exécution de la convention, supporter le coût de fabrication et de transport des bennes commandées et que, n'exposant pas de tels frais, son préjudice ne peut être celui résultant de l'absence de paiement de la somme convenue ;

Qu'il résulte du courrier adressé par son conseil à CARROSSERIE TROUILLET qu'elle avait, à la date de la résiliation du contrat dont il est désormais jugé qu'elle est imputable à l'intimée, mis en fabrication les 30 bennes suivantes et exposé pour ce faire les sommes de 24.990 et de 17.850 euros ; qu'elle a dû payer une pénalité de 19.800 euros pour rompre de manière anticipée le contrat de commande d'acier nécessaire à la fabrication des bennes ; qu'elle a dû engager et licencier du personnel ce qui a entraîné un surcoût de 8.000 euros ;

Qu'il convient enfin de tenir compte de sa perte de marge nette, laquelle, au regard de ce qu'ATR TECHNOLOGY a exposé à plusieurs reprises dans ses courriers qu'elle avait "tiré ses prix au maximum", sera réparé par l'octroi d'une somme de 20.000 euros ;

Que CARROSSERIE TROUILLET sera donc condamnée à lui verser la somme totale de 90.640 euros ;

- Sur les autres demandes formées par les parties :

Attendu que l'intimée succombant à l'instance devra en supporter les dépens et qu'il sera fait application, au profit de l'appelante, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE la SAS CARROSSERIE TROUILLET à payer à la SAS ATR TECHNOLOGY la somme de 90.640 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt outre celle de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS CARROSSERIE TROUILLET aux dépens de première instance et d'appel,

ACCORDE à la société LEXAVOUE, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 18/02777
Date de la décision : 12/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;18.02777 ?
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