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12/09/2019 | FRANCE | N°18/02412

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 12 septembre 2019, 18/02412


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/09/2019
Me Véronique PIOUX
Me Laure MOIROT
ARRÊT du : 12 SEPTEMBRE 2019


No : 275 - 19
No RG 18/02412
No Portalis DBVN-V-B7C-FYKO




DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Orléans en date du 07 Juin 2018


PARTIES EN CAUSE


APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: -/-


- Madame U... B... épouse Q...
désignée comme tutrice de son époux M. A... Q

... suivant décision du Juge des tutelles d'Orléans en date du 30 décembre 2014.
née le [...] à Saint Maurice (94410) [...]
[...]


Ayant pour avocat Maître Véro...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 12/09/2019
Me Véronique PIOUX
Me Laure MOIROT
ARRÊT du : 12 SEPTEMBRE 2019

No : 275 - 19
No RG 18/02412
No Portalis DBVN-V-B7C-FYKO

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'Orléans en date du 07 Juin 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: -/-

- Madame U... B... épouse Q...
désignée comme tutrice de son époux M. A... Q... suivant décision du Juge des tutelles d'Orléans en date du 30 décembre 2014.
née le [...] à Saint Maurice (94410) [...]
[...]

Ayant pour avocat Maître Véronique PIOUX, avocat au barreau d'ORLEANS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006050 du 15/10/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)

- Monsieur M. A... Q...
Représenté par Mme U... B... épouse Q..., son épouse, en qualité de tutrice, suivant décision du Juge des tutelles d'Orléans en date du 30 décembre 2014.
né le [...] à Blois (41000) [...]
[...]

Ayant pour avocat Maître Véronique PIOUX, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265225575810341

La SA NATIXIS WEALTH MANAGEMENT
Prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits de la SA BANQUE PRIVEE 1818, [...]

Ayant pour avocat postulant Me Laure MOIROT, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Philippe BENSUSSAN, membre de la SELARL DOLLA-VIAL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 08 Août 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 9 Mai 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 23 MAI 2019, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :
Madame Marie-Lyne EL BOUDALI, lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT, lors du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé le 12 SEPTEMBRE 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 12 juillet 2010 Monsieur A... Q... et son épouse, Madame U... B..., ont ouvert dans les livres de la Banque Privée 1818 d'une part un compte d'instrument financier référencé [...] et un compte d'espèces associé portant le [...], d'autre part un compte de dépôt référencé [...].

Faisant valoir que depuis juillet 2011 les deux comptes fonctionnent en situation débitrice et que la situation n'a pas été régularisée malgré plusieurs demandes, Banque Privée 1818 a, le 12 septembre 2014, assigné Monsieur et Madame Q... devant le tribunal de grande instance d'Orléans en réclamant leur condamnation solidaire à lui verser 101.295,11 euros majorés du taux conventionnel EONIA + 6%, soit 1.379,72 euros au titre du solde débiteur du compte [...] et 99.415,45 euros au titre du solde débiteur du compte [...]. Elle a ensuite porté sa réclamation à la somme de 104.435,32 euros arrêtée au 15 janvier 2015. Elle a en outre sollicité la capitalisation des intérêts, 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur et Madame Q... se sont opposés à ces prétentions et ont demandé au tribunal de retenir que la banque a failli à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, et qu'elle n'a pas agi de bonne foi, de fixer leur préjudice à la somme de 850.000 euros correspondant à la perte totale de leur portefeuille de titres sauf à parfaire ainsi qu'à la somme de 10.000 euros sauf à parfaire, représentant les intérêts depuis la date d'acquisition calculés au taux de 3,5%sur le prêt de 100.000 euros consenti le 21 septembre 2011 et ayant servi à l'acquisition d'un bien immobilier situé aux [...], de condamner la banque à leur verser ces sommes, de juger qu'ils ne sont débiteurs que du principal du prêt ayant permis l'acquisition du bien immobilier, de leur allouer 100.000 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 7 juin 2018, le tribunal a condamné solidairement Monsieur et Madame Q... à payer à la Banque Privée 1818 le capital restant dû, soit la somme de 104.435,32 euros, en prononçant la déchéance des intérêts et frais depuis le 1er novembre 2011, dit que la BANQUE PRIVÉE 1818 devra rétablir les comptes des époux Q... sans faire apparaître les intérêts et les frais accessoires depuis le 1er novembre 2011, dit n'y avoir lieu à ordonner la capitalisation des intérêts, débouté les parties du surplus de leurs demandes et condamné Monsieur et Madame Q... aux dépens.

Madame U... B... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tutrice de son époux, Monsieur A... Q..., a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 8 août 2018.

Elle en poursuit l'infirmation partielle en demandant à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la Banque Privée 1818, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société NATIXIS WEALTH MANAGEMENT ( NATIXIS) ne peut réclamer les intérêts et frais depuis le 1er novembre 2011, qu'elle devra rétablir leurs comptes sans faire apparaître ces intérêts et frais accessoires depuis le 1er novembre 2011, dit n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts et rejeté la demande de paiement d'une indemnité de procédure formée par la banque mais de l'infirmer de ses autres chefs et de condamner NATIXIS à leur verser la somme de 850.000 euros parfaire à titre de dommages et intérêts pour la perte totale de leur portefeuille de titres; celle de 10.000 euros à parfaire au titre des intérêts dus sur le prêt de 100.000 euros, de dire qu'ils ne sont débiteurs que d'une somme de 100.000 euros mais de leur allouer la même somme en réparation de leur préjudice moral et de condamner l'intimée à leur verser une indemnité de procédure de 10.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens.

En ce qui concerne les soldes débiteurs des comptes, elle demande à la cour d'approuver le tribunal en ce qu'il a retenu que la banque aurait dû leur proposer un crédit à l'issue d'une période de trois mois pendant laquelle ils étaient demeurés débiteurs. Elle soutient qu'ils n'ont pas approuvé les conditions générales du contrat prévoyant l'unicité des comptes et que la banque ne peut se prévaloir de la clause la prévoyant pour tenter d'échapper aux dispositions du code de la consommation.

Elle fait valoir que son époux, qui était l'un des fondateurs de la société CD CONSULTING dont les actions ont fait l'objet d'un apport au profit de la société EASYDENTIC devenue société SAFETIC , a reçu 153.257 actions EASYDENTIC d`une valeur de 7 euros chacune soit 1.072.801 euros ; qu'il a placé ces titres sur le compte d'instrument financier [...] ouvert à la Banque privée 1818 ; que cette dernière n'a pas répondu à son injonction d'avoir à justifier de la situation de ce compte et de son évolution par la production des relevés du portefeuille. Elle fait observer que l'intimée a produit un document intitulé "ouverture de compte" qui mentionne à la page "évaluation du patrimoine" un portefeuille d'un montant de
850.000 euros ; que, dans ce document il est bien indiqué que leur connaissance et leur compréhension des marchés financiers sont faibles, qu'il s'agit pour eux de la première opération d'investissement et que le placement sur le compte d'instrument représentait entre 61 et 100% de leur patrimoine (en réalité 65,74%) et qu'ils ont donc signé un mandat de conseil.

Elle précise que la société SAFETIC a été placée en liquidation judiciaire le 13 février 2012 et que les titres ont en conséquence perdu la totalité de leur valeur ; que les services de conseil en investissement (CIF) et de gestionnaire de portefeuille pour le compte de tiers, comme les prestataires de service d'investissement (PSI) sont soumis à un corpus de règles qu'elle rappelle et elle en déduit que la banque était tenue d'une obligation d'information, d'une obligation de conseil et d'une obligation de mise en garde mais qu'elle a manqué à ces trois obligations.

Elle fait par ailleurs valoir qu'ils se sont portés acquéreurs en septembre 2011 d'un bien immobilier sis aux [...] pour le prix de 100.000 euros entièrement financé par un prêt in fine octroyé par la Banque Privée 1818 au taux de 3,5% l'an alors qu'à la date de cet emprunt, ils possédaient un portefeuille de titres qui leur aurait permis de financer eux-mêmes cette acquisition mais que la banque a préféré percevoir les intérêts d'un prêt au mépris de ses clients qui auraient gagné à diversifier leur patrimoine sans alourdir leurs charges. Et elle souligne que ce bien a dû être revendu pour payer le prêt.

La Société NATIXIS WEALTH MANAGEMENT sollicite la confirmation du jugement déféré hormis en qu'il l'a déchue des intérêts et frais depuis le 1er novembre 2011, dit qu'elle devra rétablir les comptes des époux Q... sans faire apparaître les intérêts et les frais accessoires depuis cette date et en ce qu'il a rejeté ses demandes tendant à capitalisation des intérêts et au paiement de dommages et intérêts. Elle sollicite en conséquence paiement solidaire des appelants à lui verser la somme de 104.435,32 euros, arrêtée au 15 janvier 2015, outre les intérêts au taux conventionnel EONIA + 6%, la capitalisation des intérêts et le paiement de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle réclame enfin versement d'une indemnité de procédure de 10.000 euros pour la procédure de première instance et d'une seconde indemnité de 10.000 euros pour la procédure d'appel et condamnation de Monsieur et Madame Q... à supporter les dépens.

Elle fait tout d'abord valoir que les conclusions d'appelants no1 d'une part ne comportent aucun moyen à l'appui de la demande tendant à voir rejeter sa demande en paiement de la somme de 104.435,32 euros, d'autre part ne font nullement référence au jugement déféré et elle affirme qu'en l'absence de toute critique du jugement attaqué, la cour ne peut statuer sur les conclusions des appelants.

Sur le fond elle souligne que Monsieur et Madame Q... ont expressément reconnu avoir pris connaissance des conditions générales versées aux débats ; qu'il ne s'agit pas d'une simple clause de style dont ils ignoraient la portée et elle précise que les pièces qu'elle produit établissent que les conditions particulières et générales étaient présentées dans le même acte puisqu'elles étaient intitulées « Conditions générales et particulières juillet 2009 ». Elle rappelle que les époux Q... étaient par ailleurs destinataires des relevés de compte rappelant l'application des conditions générales et notamment celle relative à la fusion des deux comptes, Elle indique que les comptes référencés 500 09 et 500 12 ont fonctionné en position débitrice constante depuis la fin de l'année 2011 et souligne que les appelants ne contestent d'ailleurs ni le principe ni le quantum de sa créance.

Elle fait valoir qu'une jurisprudence constante retient que lorsqu'un découvert tacite est accordé et qu'il s'étale sur une période supérieure à trois mois et pour un montant inférieur à la somme de 75.000 euros, une proposition de crédit à la consommation doit intervenir ; qu'en l'espèce à l'expiration du délai de trois mois,
le solde fusionné des deux comptes était d'un montant de 84.296 euros, soit une somme supérieure au seuil de 75.000 euros prévu à l'article L.311-3 du code de la consommation ; que c'est à tort que le premier juge a indiqué qu'il n'était pas en mesure de vérifier ce solde puisqu'elle communique les relevés des comptes qui permettent de vérifier ses dires et elle affirme que ces relevés démontrent que les découverts sur les comptes n'étaient pas soumis aux dispositions des articles L 311-1 et suivants du code de la consommation et qu'elle n'était donc pas contrainte de formuler une offre de crédit au profit des appelants. Elle fait enfin valoir que ses demandes effectuées au titre des intérêts sont justifiées par la clause « Découverts et Crédits» de la brochure «Tarifs et Conditions de la Banque Privée 1818» qui prévoit expressément la rémunération du découvert non autorisé au taux conventionnel EONIA + 6%.

En ce qui concerne les manquements qui lui sont reprochés, elle rappelle qu'elle n'a pas invité les appelants à souscrire des titres mais que c'est une fois en possession des titres de la société SAFETIC reçus par Monsieur Q... en rémunération d'un brevet, que les époux Q... ont décidé d'ouvrir un compte d'instruments financiers dans ses livres et d'y inscrire une partie des titres SAFETIC préalablement détenus par un autre établissement bancaire ; qu'elle n'a en aucun cas initié une souscription de titres qu'elle n'a reçus que par la voie d'un transfert entrant ; qu'elle a ensuite exécuté les opérations de ventes ordonnées par Monsieur Q..., au gré de ses besoins de trésorerie ; qu'il n'a jamais existé entre les parties le moindre mandat de gestion, la volonté des consorts Q... étant de ne pas intervenir sur les marchés financiers mais uniquement de conserver les titres SAFETIC, la contrepartie de l'apport du brevet inventé par Monsieur Q... ; que le reproche qui lui est adressé d'avoir manqué à ses obligations de bonne conduite prévues aux articles L.533-11 et suivants du code monétaire et financier, et décrites dans le règlement général de l'AMF, à savoir à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde est dénué de tout fondement, de tels manquements ne pouvant intervenir que lors d'opérations spéculatives alors qu'elle n'est jamais intervenue, que ce soit dans l'acquisition des titres reçus en rémunération par Monsieur Q... ou pour vendre ces titres afin de les remplacer par d'autres, le portefeuille des appelants étant resté monotitres par leur seule volonté et sans qu'ils ne recueillent son avis sur ce point ; qu'elle étaitdonc simple dépositaire des titres déposés dans ses livres par les appelants qui étaient déjà en leur possession et n'a rempli qu'une prestation de tenue de compte et de réception / transmission d'ordres.

Elle soutient subir un préjudice résultant de ce qu'elle a dû une nouvelle fois se mobiliser pour répondre à des demandes formulées de mauvaise foi, dans des termes identiques à ceux présentées au premier juge dont la motivation n'a même pas été critiquée. Elle prétend qu'elle aurait pu éviter une procédure judiciaire si les appelants avaient proposé de bonne foi d'apurer leurs dettes, ce qui justifie selon elle paiement de la somme réclamée à titre de dommages et intérêts.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

1/ sur les écritures des époux Q... :

Attendu que c'est sans pertinence que l'intimée prétend que la cour n'a pas à statuer sur les écritures des appelants au motif qu'elles n'exposent pas en quoi le jugement déféré est critiquable puisque, si ces conclusions ne se réfèrent pas expressément à la décision dont appel, elles sont motivées en fait et en droit et il en résulte un raisonnement contraire à celui retenu par le premier juge ;

Qu'il sera d'ailleurs relevé que NATIXIS aurait pu s'épargner la formulation d'un tel moyen dont elle ne tire aucune conséquence procédurale, ne réclamant ni le rejet ni la constatation de l'irrecevabilité des écritures de ses adversaires ;

2/ Sur la somme principale dont paiement est sollicité par NATIXIS :

Attendu que c'est à raison que l'intimée souligne, qu'hormis la discussion relative à son obligation de formuler une offre de crédit dans les trois mois suivant les découverts non régularisés, les époux Q... ne contestent pas les positions débitrices de leurs comptes ;

Attendu que Monsieur et Madame Q... font valoir qu'aux termes de l'article L.311-47 ancien du code de la consommation dans sa version applicable au litige, la banque est contrainte de proposer au titulaire d'un compte ayant fonctionné à découvert depuis plus de trois mois une offre préalable de crédit et que, Banque Privée 1818 ayant manqué à cette obligation, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il l'a déchue de son droit à percevoir les intérêts et les frais;

Mais attendu que si l'article L.311-47 ancien du code de la consommation devenu L.312-93 qui énonce que :« Lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, le prêteur propose sans délai à l'emprunteur un autre type d'opération de crédit au sens de l'article L. 311-2 dans les conditions régies par le présent chapitre », l'article L.311-3 ancien du même code précise quant à lui ajoute que « Sont exclus du champ d'application du présent chapitre : (
) 2o Les opérations dont le montant total du crédit est inférieur à 200 € ou supérieur à 75.000 euros, à l'exception de celles, mentionnées à l'article L. 313-15, ayant pour objet le regroupement de crédits » ;

Que la banque soutient que le montant total du crédit étant supérieur à 75.000 euros, elle n'avait pas à proposer un contrat de prêt aux appelants et, pour justifier du dépassement du montant de 75.000 euros, se prévaut du cumul des deux comptes, ce qui est contesté par Monsieur et Madame Q... ;

Attendu qu'il résulte des pièces concordantes produites par les parties que les appelants ont été mis en demeure par LRAR du 3 juin 2013 de rembourser le solde débiteur du compte de dépôt et du compte titres, soit une somme totale de 93.234,08 euros arrêtée au 23 mai 2013 ;

Que, dans son acte introductif d'instance du 12 septembre 2014, Banque Privée 1818 fait état d'une créance de 101.295,17 euros arrêtée au 16 juillet 2014, laquelle a été portée à 104.435,32 euros aux termes d'un arrêté de compte au 15 janvier 2015 ;

Que c'est cette somme dont l'intimée réclame aujourd'hui paiement en réclamant qu'elle soit assortie d'intérêts au taux conventionnel EONIA + 6% et d'intérêts capitalisés ;

Attendu que les articles I.3 et XIV intitulés « Convention de compte courant » et «Convention de service et de compte d'instruments financiers » des conditions générales d'ouverture de comptes prévoient expressément une clause d'unicité des comptes de laquelle il résulte que si l'un des comptes est créditeur et l'autre débiteur, il doit être tenu compte de leurs sommes pour apprécier le débit ou le crédit ;

Qu'il convient donc d'additionner les soldes débiteurs pour vérifier le montant du débit du compte ainsi unifié ;

Que Monsieur et Madame Q... ne sauraient prétendre ne pas avoir été informés de cette clause puisqu'ils ont expressément déclaré dans les conditions particulières de la convention d'ouverture de comptes du 12 juillet 2010 : "avoir reçu, pris connaissance, approuvé et accepté les conditions générales et particulières de ventes, les conditions tarifaires, les règles de fonctionnement de compte ainsi que l'intégralité de la présente convention de compte";

Attendu que le tribunal a retenu qu'à la date du 1er novembre 2011, soit à l'issue du délai de trois mois prévu par le premier de ces textes, la position des deux comptes était inconnue, ce qui ne lui permettait pas de vérifier que le solde fusionné était de 84.149,30 euros comme le prétendait la banque ;

Mais attendu que celle-ci versait aux débats les relevés d'opérations du 1er juillet 2011 au 16 juillet 2014 des comptes [...] et [...] desquels il résulte que le compte [...] présentait au premier novembre 2011, c'est à dire à l'issue du délai de trois mois après qu'il soit devenu débiteur, un solde négatif de 1.238,58 euros tandis que le compte [...] présentait à la même date un solde débiteur de 83.057,42 euros, à lui seul supérieur à 75.000 euros et le total des deux comptes au premier novembre 2011 étant de même supérieur à cette somme ;

Qu'en conséquence, si la permanence du découvert non autorisé est considérée comme une opération de crédit, il est établi qu'en l'espèce, cette opération n'était pas soumise aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation visées, et que Banque Privée 1818 n'ayant pas l'obligation de formuler une offre de prêt, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il l'a déchue du droit à percevoir les intérêts conventionnels ;

3/ Sur les manquements reprochés à la banque au titre de la gestion du portefeuille titres :

Attendu que Monsieur et Madame Q... reconnaissent eux-mêmes n'avoir signé, avec l'intimée, qu'un contrat de conseil et qu'il ne peut donc être compris comment ils peuvent développer une argumentation fondée en majeure partie sur l'existence d'un mandat de gestion qu'il n'ont jamais confié à Banque Privée 1818 ;

Que c'est par une déformation des faits et au mépris des pièces qu'ils communiquent eux-mêmes et de celles qui sont produites par la banque qu'ils se présentent comme des particuliers ayant souhaité procéder à des investissements sur les marchés financiers qui n'auraient pas reçu de conseils adaptés de la banque dans laquelle ils avaient ouvert un compte titres puisque:

- ils étaient en possession de tous leurs titres lorsqu'ils ont ouvert leurs comptes dans les livres de Banque Privée 1818,

- ils n'en ont jamais acquis d'autres sur les marchés financiers,

- les ventes des titres SAFETIC auxquelles ils ont procédé ont exclusivement servi à obtenir des liquidités mais jamais à effectuer des réinvestissements sur les marchés financiers, la banque n'étant tenue de leur apporter un conseil qu'en cas de réinvestissements,

- les époux Q... n'ont jamais sollicité le moindre conseil pour gérer leur portefeuille titre qui est resté identique ;

Que l'attitude des appelants s'explique aisément par le fait que les titres dont ils étaient en possession avaient, outre leur valeur financière, une valeur symbolique forte puisque représentant la récompense de la découverte faite par Monsieur Q... et brevetée par lui ;

Que l'attachement des époux Q... à ces titres particuliers explique qu'il n'ait existé chez eux aucune volonté spéculative ni aucun désir de diversifier leur compte titres en recourant à d'autres investissements sur les marchés financiers qu'ils connaissaient au demeurant mal et sur lesquels ils n'ont jamais eu l'intention de se risquer ;

Qu'au regard de cette situation, Monsieur et Madame Q..., qui n'ont pas acquis leur portefeuille titres par l'intermédiaire de Banque Privée 1818, qui n'ont effectué aucune transaction financière avec les titres qu'ils possédaient, et qui n'ont jamais souhaité diversifier leur portefeuille, ne sont pas fondés à invoquer des dispositions du code monétaire et financier qui ne s'appliquent qu'à des établissements bancaires qui proposent des produits financiers à leurs clients et les gèrent pour leur compte ;

Attendu que leurs écritures démontrent d'ailleurs elles-mêmes que les textes sur lesquels ils fondent leurs demandes ne sont pas applicables puisqu'en ce qui concerne l'obligation d'information, ils rappellent qu'elle "vise à s'assurer que l'investissement envisagé correspond aux objectifs d`investissement du client, que ce dernier est en mesure de faire face à tous risques liés à la transaction recommandée et qu'il possède l'expérience et les connaissances nécessaires pour comprendre les risques inhérents à la transaction recommandée ou au service de gestion de portefeuille fourni" ;

Que le simple exposé d'une telle obligation aurait dû suffire pour les convaincre qu'ils ne peuvent en revendiquer la mise en oeuvre à leur profit puisque Banque Privée 1818 n'a aucunement répondu à des objectifs d'investissements, n'a recommandé aucune transaction et ne s'est pas vu confier de service de gestion d'un portefeuille ;

Qu'ils prétendent fallacieusement que le contrat signé avec l'intimée était "leur première opération d'investissement" puisqu'ils n'ont fait aucun investissement par l'intermédiaire de l'intimée et se sont contentés de déposer sur un compte ouvert en ses livres les titres dont ils étaient déjà possesseurs, cette possession ne résultant même pas d'un investissement antérieur mais d'une rémunération ;

Qu'ils se fondent sur des dispositions du code monétaire et financier imposant aux banques de communiquer au client les informations lui permettant raisonnablement de comprendre la nature du service d'investissement et les risques encourus mais qu'il n'existait, ainsi qu'il vient d'être rappelé, aucun investissement effectué par l'intermédiaire de Banque Privée 1818 et que la simple lecture des textes cités aurait pu permettre à Monsieur et Madame Q... de constater qu'ils ne pouvaient en revendiquer l'application à leur profit

Quel'obligation de conseil dont ils se prévalent ne leur est pas plus applicable puisqu'ils indiquent eux-mêmes qu'il appartient au banquier gestionnaire, (souligné par la cour) dans la phase précontractuelle de fournir une information adaptée en fonction de l'évaluation personnalisée qui doit lui permettre de connaître le degré de connaissances et de compétence de son client nécessaires pour comprendre les risques inhérents au mode de gestion de portefeuilles mais qu'ils n'avaient conclu aucun mandat de gestion ainsi qu'ils le reconnaissent eux-mêmes ;

Que les époux Q... prétendent que l'obligation de conseil impose à la banque de guider ses clients dans le choix des investissements qui s'offrent à eux et leur recommander une solution adaptée à ses besoins mais qu'il ne peut une nouvelle fois qu'être constaté qu'ils n'ont procédé à aucun investissement par l'entremise de l'intimée à laquelle ils ont exclusivement confié la garde des titres qu'ils possédaient déjà ;

Que de même, Monsieur et Madame Q... ne sauraient sérieusement soutenir "que le banquier a l'obligation d'agir avec diligence conformément au mandat de gestion" alors qu'ils n'ont conclu aucun mandat de gestion.
Qu'enfin l'obligation de mise en garde dont ils font état n'est pas plus applicable au litige puisque des dispositions de l'article L.533-12 du code monétaire et financier et des articles 314-10 et suivants du Règlement général de l'AMF exposent que le banquier doit fournir, dans le cadre d'une opération spéculative,(souligné par la cour) toutes les informations nécessaires, y compris publicitaires, au client quant aux produits dont il propose l'investissement (souligné par la cour) ; qu'elles étaient dès lors inapplicables en l'espèce ;

Qu'il ne peut donc qu'être constaté que toutes les règles de droit dont font état les appelants sont sans lien avec leur propre situation ;

Qu'il ne peut être compris comment, alors qu'ils fondent notamment leurs prétentions, et notamment celles relatives à un devoir de conseil, sur des dispositions ne s'appliquant qu'aux seules les relations contractuelles nées d'un mandat de gestion, ils peuvent écrire que la banque ne peut arguer de l'absence de régularisation d'un contrat de gestion puisque "cela ne change pas l'existence de ses obligations et devoirs qu'elle n'a pas remplis" ;

Que la banque, qui n'était investie que du seul mandat de transmission d'ordres de vente n'était tenue d'aucune obligation d'information précontractuelle, de conseil à l'égard de ses clients ni de mise en garde (Cass. com 9 novembre 2010, no09-71.0658) ;

Que Monsieur et Madame Q... n'avaient pas plus chargé Banque Privée 1818 de surveiller la santé financière de la société SAFETIC et qu'ils ne peuvent pas plus lui reprocher de ne pas les avoir avertis de la déconfiture de cette société qui est seule à l'origine de la perte de leur patrimoine et de leurs difficultés financières qui ne peuvent être imputées à faute à l'intimée qui n'avait pas à s'immiscer dans la gestion de leurs affaires qu'ils avaient expressément décidé de conserver en ne signant pas de mandat de gestion ;

Que c'est à raison que le tribunal les a déboutés de leurs demandes fondées sur des manquements de la banque à des obligations qui ne lui incombaient pas ;

- Sur les manquements reprochés à la banque lors de l'acquisition du bien immobilier :

Attendu que c'est de même sans sérieux que les époux Q... reprochent à l'intimée de ne pas leur avoir conseillé de payer l'appartement qu'ils ont acquis aux [...] en vendant des titres SAFETIC alors d'une part qu'ils ne démontrent pas que le rendement de ces titres était inférieur au taux du crédit octroyé par la banque et que, d'autre part ils ne justifient pas que les intérêts de cet emprunt ne pouvaient pas être en totalité ou en partie déduits de leurs revenus fiscaux et qu'ils ne pouvaient pas bénéficier d'avantages fiscaux rendant plus avantageuse la souscription d'un emprunt ;

Qu'au regard de cette totale carence, déjà soulignée par le premier juge, dans l'administration de la preuve d'un préjudice, les appelants ne sont pas fondés à reprocher à la banque un quelconque manquement à l'origine d'un préjudice non établi ;

- Sur les autres demandes des parties :

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil, applicable à la date à laquelle la cour statue puisque la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisés, la capitalisation des intérêts n'est pas de droit et ne sera pas ordonnée ;

Attendu que le sens du présent arrêt, qui déboute les époux Q... de leurs demandes tendant à voir juger que la banque a commis des fautes, conduit à confirmer également la décision déférée en ce qu'elle a rejeté leurs demandes de réparation d'un préjudice moral ;

Que NATIXIS ne fait état d'aucun élément caractérisant une faute commise par les appelants ; que le caractère non fondé de leurs réclamations ne suffit pas à démontrer leur mauvaise foi ; qu'elle ne fait état d'aucun préjudice qui soit distinct de celui résultant de la nécessité de passer du temps et d'exposer des sommes pour assurer sa défense, de tels frais ressortant de l'indemnisation prévue par l'article 700 du code de procédure civile mais non de dommages et intérêts ;

Attendu que Monsieur et Madame Q..., succombant à l'instance d'appel, en supporteront les dépens et qu'il sera fait application, au profit de l'intimée, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise, hormis en ce qu'elle a prononçant la déchéance des intérêts et frais depuis le 1er novembre 2011, dit que la société BANQUE PRIVÉE 1818 devra rétablir les comptes des époux Q... sans faire apparaître les intérêts et les frais accessoires depuis le 1er novembre 2011, et débouté la société BANQUE PRIVÉE 1818 de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de procédure,

STATUANT À NOUVEAU de ces seuls chefs,

CONDAMNE solidairement Monsieur A... Q... et son épouse, Madame U... B..., à payer à la société NATIXIS WEALTH MANAGEMENT la somme de 104.435,32 euros, outre les intérêts au taux conventionnel EONIA + 6% à compter du 12 septembre 2014,

DÉBOUTE Monsieur A... Q... et Madame U... B..., de leur demande tendant à voir juger que la société NATIXIS WEALTH MANAGEMENT devra rétablir leurs comptes sans faire apparaître les intérêts et les frais accessoires depuis le 1er novembre 2011,

CONDAMNE in solidum Monsieur A... Q... et Madame U... B... à payer à la société NATIXIS WEALTH MANAGEMENT une indemnité de procédure de 800 euros pour la procédure de première instance

Y AJOUTANT,

CONDAMNE in solidum Monsieur A... Q... et Madame U... B... à payer à la société NATIXIS WEALTH MANAGEMENT la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

CONDAMNE in solidum Monsieur A... Q... et Madame U... B... aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 18/02412
Date de la décision : 12/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-12;18.02412 ?
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