COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 29/08/2019
la SELARL AACG
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
ARRÊT du : 29 AOUT 2019
No : 266 - 19
No RG 18/02392 -
No Portalis DBVN-V-B7C-FYJG
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de TOURS en date du 17 Juillet 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265233430537922
Monsieur B... Y...
né le [...] [...] [...]
[...]
Ayant pour avocat Me Jean-Baptiste CHICHERY, membre de la SELARL AACG, avocat au barreau de TOURS,
Madame A... C... épouse Y...
née le [...] [...] [...]
[...]
Ayant pour avocat Me Jean-Baptiste CHICHERY, membre de la SELARL AACG, avocat au barreau de TOURS,
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265225284100980
- la SA FRANFINANCE
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés [...]
Ayant pour avocat Me Joanna FIRKOWSKI, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS,
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 11 Août 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 9 Mai 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 23 MAI 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
lors des débats : Madame Fatima HAJBI,
Lors du prononcé : Madame Marie-Claude DONNAT.
ARRÊT :
Prononcé le 29 AOUT 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 15 mars 2017, Monsieur B... Y... et son épouse, Madame A... C..., ont souscrit auprès de la société FRANFINANCE un prêt personnel de 43.881,72 euros remboursable en 120 échéances mensuelles au taux effectif global de 5,96 % l'an.
Des échéances étant demeurées impayées, FRANFINANCE a prononcé la déchéance du terme le 3 novembre 2017 avant d'assigner les emprunteurs le 11 janvier 2018 devant le tribunal d'instance de Tours en réclamant leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 44.756,01 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,96% à compter de la mise en demeure du 2 août 2017, outre 3520,88 euros au titre de l'indemnité légale de 8%. Monsieur et Madame Y... ne se sont pas opposés à cette demande, réclamant uniquement des délais de paiement.
Par jugement en date du 17 juillet 2018, le tribunal a dit FRANFINANCE recevable en son action mais prononcé la déchéance de son droit à percevoir les intérêts contractuels, condamné solidairement Monsieur et Madame Y... à payer la somme de 43.881,72 euros au titre du capital restant dû, dit que celui-ci que ne produira pas intérêts au taux légal, rejeté les autres demandes des parties et condamné in solidum Monsieur et Madame Y... à supporter les dépens. Pour statuer ainsi, il a retenu que les emprunteurs ne pouvaient connaître le montant des échéances mensuelles avec assurance, lesquelles n'étaient pas mentionnées dans l'encadré en tête du contrat.
Monsieur et Madame Y... ont par déclaration en date du 11 août 2018, relevé un appel limité aux dispositions du jugement ayant rejeté leur demande tendant à se voir octroyer des délais de paiement, et ont demandé à la cour de juger que, durant ces délais, les sommes dues ne produiront pas d'intérêts, que les remboursements s'imputeront d'abord sur le capital. Ils ont sollicité condamnation de FRANFINANCE aux dépens ainsi qu'à leur verser 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 pour la procédure d'appel.
Ils font valoir qu'ils sont tous deux retraités et que leurs charges dépassent leurs
revenus.
Ils précisent qu'ils sont actuellement en procédure devant cette cour dans une instance les opposant à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société BANQUE SOLFEA, et que l'issue de cette procédure devrait leur permettre un retour à meilleure fortune.
Ils demandent par ailleurs à la cour d'approuver le premier juge en ce qu'il a prononcé la déchéance du prêteur de son droit à percevoir les intérêts contractuels.
FRANFINANCE forme appel incident de la décision en ce qu'elle l'a déchue de son droit à réclamer paiement des intérêts contractuels et l'a déboutée de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de procédure et elle sollicite condamnation solidaire des appelants à lui verser 44.756,01 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,96% à compter de la mise en demeure du 2 août 2017, 3.520,88 euros au titre de la clause pénale avec intérêts de droit à compter du jugement entrepris, 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, 1.500 euros au titre de ceux d'appel et condamnation des appelants à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP LAVAL- FIRKOWSKI.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu qu'avant de statuer sur les délais de paiement réclamés par les appelants, il convient de déterminer les sommes dont ils seront redevables au titre du prêt litigieux ;
- Sur la déchéance du droit aux intérêts
Attendu qu'aux termes de l'article L. 312-28 du code de la consommation« un encadré, inséré au début du contrat, informe l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit. La liste des informations figurant dans le contrat et dans l'encadré mentionné au premier alinéa est fixée par décret en Conseil d'Etat ».
Que ce décret, qui figure au code de la consommation sous l'article R.312-10 précise que: « Le contrat de crédit (..) comporte de manière claire et lisible, dans l'ordre précisé ci-dessous L'encadré mentionné à l'article L. 312-28 qui indique en caractère plus apparents que le reste du contrat, dans l'ordre choisi par le prêteur et à l'exclusion de toute autre information:
a) Le type de crédit ;
b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds ;
c) La durée du contrat de crédit ;
d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l'emprunteur doit verser et, le cas échéant, l'ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l'autorisation que l'emprunteur doit rembourser ;
e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d'adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s'appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables ;
f) Le taux annuel effectif global, et le montant total dû par l'emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;
g) Tous les frais liés à l'exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d'un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l'utilisation d'un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;
h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant ;
i) Le cas échéant, l'existence de frais de notaire ;
j) En cas de crédit servant à financer l'acquisition de bien ou service déterminés, ce bien ou ce service et son prix au comptant ;
Que, pour fonder sa décision de déchéance du prêteur de son droit à réclamer paiement des intérêts contractuels, le tribunal a retenu que, dans l'encadré figurant en 1ère page de l'offre de contrat litigieuse, le montant des échéances est de 180 euros, puis de 524,41 euros, hors assurances facultatives, alors qu'une assurance a été proposée aux époux Y... et souscrite par ceux-ci et que par conséquent « le montant des échéances qu'ils devaient verser aurait donc dû inclure l'assurance facultative ».
Qu'il a ainsi considéré que dès lors que l'emprunteur souscrit à l'assurance facultative, celle-ci fait partie intégrante des échéances, et doit être expressément mentionnée dans l'encadré figurant au début du contrat de prêt, ce qui n'est pas le cas puisque dans cet encadré le montant des échéances est indiqué comme étant de 180 euros, puis de 524,41 euros, ce qui est le montant des échéances hors assurance facultatives alors qu'une assurance avait été souscrite par les époux Y... ;
Que ces derniers demandent à la cour d'approuver cette motivation et font valoir que la mention du montant de la cotisation mensuelle d'assurance et la précision que « s'ajoute à l'échéance » en page 3 de l'offre de crédit dédiée à l'adhésion à l'assurance facultative ne correspond pas aux exigences de l'article L.312-28 du code de la consommation ;
Attendu que, si l'article R.312-10 du code de la consommation n'impose pas que soit mentionné, dans l'encadré prévu par l'article L. 311-18 du même code, le montant de la mensualité avec l'assurance facultative souscrite par l'emprunteur il n'en demeure pas moins que la page 3 du contrat mentionne que Monsieur et Madame Y... ont souscrit une assurance facultative mais que le coût mensuel de cette assurance n'est pas précisé, les emprunteurs étant renvoyés à un tableau prévoyant trois types différents d'assurance sans précision de celui auquel ils souscrivaient ;
Que, s'il ne s'évince pas de l'article R 312-10 susvisé l'obligation pour l'établissement de crédit d'indiquer séparément le montant de l'échéance et le coût de l'assurance, les modèles d'offres préalables type annexés à l'article R 311-6 du code de la consommation doivent contenir en fonction de l'opération de crédit proposée, la mention : "Montant par échéance : - sans assurance :... € - avec assurance : ....€" ;
Qu'en l'espèce, l'offre de crédit acceptée par les emprunteurs ne mentionne à aucun moment le montant de l'assurance, que ce soit dans l'encadré ou dans l'offre de prêt et que c'est à raison que le premier juge a prononcé la déchéance du prêteur de son droit à percevoir les intérêts au taux contractuel au motif que les époux Y... n'ont pas été correctement informés du montant des remboursements mis à leur charge ;
- Sur les délais de paiement :
Attendu qu'aux termes de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues et peut, par décision spéciale et motivée, ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital ;
Attendu que Monsieur et Madame Y... sont tous les deux retraités et perçoivent ensemble des ressources mensuelles de 2.205,49 euros ;
Qu'ils ne font pas état de charges de loyer ou de remboursement de prêt immobilier mais précisent qu'ils ont souscrit trois autres crédits en sus de l'emprunt aujourd'hui litigieux :
- l'un de 22.000 euros souscrit en 2012 auprès de la société SOLFEA avec des mensualités de 300 euros,
- l'autre auprès de la société SOFINCO pour un montant, en capital, de 4.500 euros, remboursable en 84 mensualités de 71,78 euros,
- le troisième de 41.592 euros souscrit en mars 2014 auprès de la société FRANFINANCE et dont les échéances sont de 522,57 euros par mois.
Qu'ils précisent que, compte tenu de leur situation financière précaire et des dépassements d'autorisation de découvert ou des rejets de chèques en découlant, ils se voient prélever d'importants frais bancaires tous les mois ;
Qu'ils font cependant valoir qu'une instance les oppose à la société BNP PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SOLFEA dans le cadre du premier prêt ; que cette cour a ordonné une expertise graphologique qui a permis de vérifier qu'ils n'étaient pas les signataires de l'attestation de fin de travaux et qu'ils ont donc bon espoir qu'à tout le moins la résolution du contrat sera prononcée puisque les travaux n'ont jamais été achevés ;
Mais attendu que les charges de remboursement mensuel dont font état les appelants s'élèvent aujourd'hui, sans compter le prêt litigieux, à 894,35 euros ;
Qu'à supposer qu'ils obtiennent gain de cause dans l'instance dont ils font état, ces charges s'élèveront à 594,35 euros et ils obtiendront remboursement des sommes dont ils se sont déjà acquittés pour un montant de plus de 15.000 euros ;
Qu'ils sont cependant redevables, au titre du crédit aujourd'hui soumis à la cour de 44.756,01 euros et, qu'à supposer cette somme diminuée de celle de 15.000 euros dont ils prétendent pouvoir éventuellement obtenir remboursement, ils resteraient redevables de 29.000 euros avec des charges de remboursements mensuels au titre de leurs autres crédits maintenues à hauteur de 594,35 euros ;
Qu'ils prétendent que leurs charges actuelles comprenant des remboursements mensuels de 894 euros excèdent leurs ressources et qu'ils ne pourraient donc s'acquitter des 29.000 euros restants en deux ans puisque cela les conduirait à supporter des remboursements mensuels d'un montant total de près de 1.800 euros mensuels ( [29.000/ 24 =]1.208 euros+ 594 euros) avec des revenus de 2.200 euros ;
Que c'est en conséquence à raison que le premier juge, constatant qu'ils ne pourraient se libérer dans le délai maximum de deux années imposé par la loi, les a déboutés de leur demande tendant à l'octroi de délais de paiement et que le jugement déféré sera entièrement confirmé ;
- Sur les autres demandes formées par les parties :
Attendu que Monsieur et Madame Y..., succombant en leur appel, devront supporter les dépens mais que les situations respectives des parties imposent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise,
Y AJOUTANT,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur B... Y... et son épouse, Madame A... C... aux dépens d'appel,
ACCORDE à la SCP LAVAL- FIRKOWSKI, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT