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22/08/2019 | FRANCE | N°18/01713

France | France, Cour d'appel d'Orléans, 22 août 2019, 18/01713


COUR D'APPEL D'ORLÉANS


CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE






GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/08/2019
la SCP GUILLAUMA PESME


ARRÊT du : 22 AOUT 2019


No : 241 - 19
No RG 18/01713 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FW2Q


DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de TOURS en date du 27 Avril 2018


PARTIES EN CAUSE


APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265223670052893


SNC SEDEF
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siÃ

¨ge [...]


Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA PESME, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me X. HEL...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/08/2019
la SCP GUILLAUMA PESME

ARRÊT du : 22 AOUT 2019

No : 241 - 19
No RG 18/01713 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FW2Q

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de TOURS en date du 27 Avril 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265223670052893

SNC SEDEF
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège [...]

Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA PESME, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me X. HELAIN, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l'Essonne,

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No:-/-

Monsieur S... O...
[...]

Défaillant

Madame E... U... épouse O...
[...]

Défaillante

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 18 Juin 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 mars 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 16 MAI 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 22 AOUT 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 3 juin 2010, la SNC SEDEF a consenti à Monsieur S... O... et à son épouse, Madame E... U..., un prêt personnel d'un montant de 15.000 euros remboursable en 120 mensualités au taux effectif global de 6,90%.

Les échéances du prêt étant demeurées impayées à compter du mois de décembre 2015, SEDEF, après vaine mise en demeure en date du 5 juillet 2016, a prononcé la déchéance du terme le 11 août 2016 puis a assigné les emprunteurs les 2, 9, et 14 novembre 2017 devant le tribunal d'instance de Tours en réclamant leur condamnation solidaire à lui verser la somme principale de 9.375,24 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 6,691% à compter du 11 août 2016, ou à défaut du 14 novembre 2017, et ce avec capitalisation des intérêts.

Par jugement en date du 27 avril 2018, le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts pour absence de mention du coût de la prime d'assurance facultative due pour chaque échéance de remboursement du prêt.

SEDEF a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 18 juin 2018.

Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de condamner solidairement Monsieur S... O... et Madame E... U... à lui payer la somme de 9.375,24 euros au taux nominal de 6,691% l'an à compter du 11 août 2016, ou subsidiairement à compter de la délivrance de l'assignation, d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dans le cadre de l'anatocisme, de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros et de condamner les intimés à supporter les dépens.

Elle prétend que le premier juge ne pouvait relever d'office le moyen tiré de la déchéance du droit à percevoir les intérêts en raison de la prescription quinquennale intervenue ; que si les règles issues du code de la consommation sont d'ordre public, celles relatives à la prescription le sont également ; que ne sont imprescriptibles que les crimes contre l'humanité ; que si l'on peut comprendre qu'un juge puisse soulever d'office des causes de nullités ou de déchéance du droit aux intérêts lorsque l'emprunteur est seul face à l'avocat de la banque, cela ne se comprend plus lorsque l'emprunteur est assisté d'un conseil qu'il paye ou qu'il se fait désigner par l'aide juridictionnelle ; que dans ce dernier cas l'Etat est d'ailleurs doublement perdant car il paye le juge pour faire respecter les règles d'ordre public mais également l'avocat pour faire le même travail ; que l'avocat n'a plus aucune utilité ; que dès lors, un conseil ne servant plus à rien et ayant moins de pouvoir que le juge qui n'est enfermé dans aucun délai, on devrait interdire à tous les consommateurs d'être assistés d'un avocat devant les tribunaux d'instance ; que si Monsieur et Madame O... avaient comparu assistés d'un avocat, elle aurait pu leur opposer la prescription de toutes les causes de nullité ou de déchéance du droit aux intérêts ; qu'il est donc totalement inacceptable que le tribunal d'instance puisse avoir plus de droit que Monsieur et Madame O... eux-mêmes.

Monsieur et Madame O... assignés en l'étude de l'huissier de justice n'ont pas comparu. Le présent arrêt sera donc rendu par défaut.

La cour a invité la société SEDEF à s'expliquer au moyen d'une note en délibéré sur le fond du litige et notamment sur les dispositions des articles L.311-33 et L.311-11 du code de la consommation en leur version applicable au litige ainsi que sur le modèle type no 2 de l'annexe à l'article R 311-6 du code de la consommation.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que l'appelante soutient que la prescription quinquennale est opposable au juge qui ne pouvait donc soulever d'office le moyen tiré d'un non respect des dispositions du code de la consommation ;

Mais attendu que la prescription extinctive a pour but de sanctionner l'inaction d'une partie et de ne plus lui permettre, passé un certain délai, de faire état de dispositions légales qui lui seraient favorables ;

Que le juge n'est pas une partie et qu'en relevant d'office un moyen d'ordre public, il ne protège pas l'une ou l'autre des parties mais assure le respect de telles dispositions par tous ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.141-4 devenu R 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d'office toutes les dispositions du code de la consommation ;

Que ce texte ne précise aucunement que le juge est soumis, pour ce faire, aux délais de prescription ou de forclusion édictées par ce même code qui peuvent être opposées aux parties elles-mêmes ;

Que le juge n'a en outre connaissance du non respect des dispositions d'ordre public édictées par la loi qu'à la date de sa saisine ;

Que c'est dès lors à bon droit que le tribunal a retenu qu'il pouvait soulever d'office le moyen tiré du non respect des dispositions de l'article L.311-11 du code de la consommation ;

Que la possibilité offerte au juge par le code de la consommation, lui permet de faire état du non respect des dispositions de ce code même si la partie intéressée n'invoque aucune violation de ces mêmes dispositions et n'invoque aucun fait susceptible de la caractériser ;

Que les digressions de l'appelante sur l'utilité des avocats n'engagent qu'elle seule et sont sans intérêt pour la solution du litige et qu'il ne peut être opéré de comparaison entre la prescription pénale et la prescription civile, laquelle n'est aucunement d'ordre public, contrairement à ce que soutient SEDEF, mais exclusivement d'intérêt privé puisqu'elle ne peut, sauf en matière de droit de la consommation et il y a peu en matière de sécurité sociale, être soulevée d'office par le juge ;

Attendu que le prêt du 3 juin 2010 d'un montant de 15.000 euros a été consenti avant l'entrée en vigueur de la loi du premier juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation

Que l'appelante ne discute pas qu'étaient applicables au litige les dispositions des articles L.311-21 anciens et suivants du code de la consommation ;

Attendu qu'aux termes de l'article L.311-33 du code de la consommation en sa rédaction applicable au litige : " Le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L.311-8 à L.311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû" ;

Que l'article L.311-11 du même code, également dans sa rédaction applicable au litige mentionne que : "Pour les opérations à durée déterminée, l'offre préalable précise en outre pour chaque échéance le coût de l'assurance et les perceptions forfaitaires éventuellement demandées ainsi que l'échelonnement des remboursements ou, en cas d'impossibilité, le moyen de les déterminer" ;

Attendu qu'il ne s'évince pas de ce texte l'obligation pour l'établissement de crédit d'indiquer séparément le montant de l'échéance et le coût de l'assurance et ce d'autant moins que les modèles d'offres préalables type annexés à l'article R.311-6 du code de la consommation, qui comportent, selon ce texte, les mentions que les offres doivent contenir en fonction de l'opération de crédit proposée, ne prévoient pas de faire figurer séparément pour chaque échéance le coût de l'assurance puisque l'offre type est ainsi rédigée : "Montant par échéance : - sans assurance :... € - avec assurance : ....€";

Or attendu que l'examen de l'offre de crédit souscrite par Monsieur et Madame O... révèle qu'elle est strictement conforme au modèle type no 2 de l'annexe à l'article R 311-6 du code de la consommation ;

Attendu par ailleurs que les dispositions de l'article L 311-1 du code de la consommation, ne saurait être interprétées comme l'a fait le tribunal au regard de l'évolution législative ultérieure qui ne pouvait être anticipée par l'établissement de crédit qui a fidèlement reproduit les mentions du modèle type en vigueur en précisant " Montant par échéance mensuelle sans assurance : 171,80 euros. Montant par échéance mensuelle avec assurance : 189,78 euros" ;

Qu'il s'ensuit que l'offre de crédit mentionnant, conformément au modèle type, le montant de l'échéance avec assurance et le montant sans assurance, la sanction de la déchéance du droit aux intérêts conventionnels n'est pas encourue et la décision déférée doit être infirmée sur ce point ;

Attendu que SEDEF justifie avoir mis en demeure par lettres du 5 juillet 2016 Monsieur et Madame O... de s'acquitter du montant des échéances impayées pour un montant de 1.581,78 euros sous un délai de quinze jours à peine de déchéance du terme ;

Que les emprunteurs n'ont pas réglé cette somme dans le délai imparti de sorte que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée ;

Attendu que la créance de la banque est ainsi ventilée :
- mensualités échues : 1.126,13 euros
- capital non échu : 7.057,54 euros
- assurance : 161,68 euros
- indemnité légale 8% : 654,69 euros
- agios échus impayés : 340,15 euros ;

Attendu que l'indemnité légale qui constitue une clause pénale revêt un caractère manifestement excessif au regard du taux d'intérêt appliqué et de l'absence de préjudice spécifique allégué par la banque ; qu'elle sera par conséquent réduite à 1 euro ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de condamner solidairement et Madame O... à payer à SEDEF la somme de 8.685,51 euros outre les intérêts au taux de 6,691% sur la somme de 8.183,68 euros à compter du 11 août 2016 et au taux légal sur le solde à compter de cette date ;

Attendu que la règle édictée par l'article L.313-52 du code de la consommation, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 313-51 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 ancien du code civil étant au surplus relevé qu'aux termes des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil, applicable à la date à laquelle la cour statue puisque la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisés, la capitalisation des intérêts n'est pas de droit ;

Que SEDEF sera donc déboutée de sa demande tendant à la capitalisation des intérêts ;
Attendu que Monsieur et Madame O... qui succombent seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel et qu'il sera fait application, au profit de l'appelante, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, rendu par défaut et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a condamné Monsieur et Madame O... à supporter les dépens de première instance,

STATUANT À NOUVEAU sur ses autres chefs,

CONDAMNE solidairement Monsieur S... O... et son épouse, Madame E... U..., à verser à la société SEDEF la somme de 8.685,51 euros outre les intérêts au taux de 6,691% sur la somme de 8.183,68 euros et au taux légal sur le solde compter du 11 août 2016,

DÉBOUTE la société SEDEF de sa demande tendant à la capitalisation des intérêts,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE in solidum Monsieur S... O... et Madame E... U... à verser à la société SEDEF la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Monsieur S... O... et Madame E... U... aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Numéro d'arrêt : 18/01713
Date de la décision : 22/08/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-08-22;18.01713 ?
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