COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/08/2019
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SCP GUILLAUMA-PESME
ARRÊT du : 22 AOUT 2019
No : 237 - 19
No RG 18/01613 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FWS7
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 22 Mars 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265220046387712
Monsieur C... J...
né le [...] CAMBRAI
[...]
[...]
Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Ariane VENNIN, membre de la SELAS A7 AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,
Madame H... O... épouse G...
née le [...] à PONTAULT COMBAULT (77340) [...]
[...]
Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Ariane VENNIN, membre de la SELAS A7 AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,
D'UNE PART
INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: -/-
- Maître V... L...
Es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS REV'SOLAIRE
[...]
Défaillant,
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265218850518362
- la SA FINANCO GUIPAVAS
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]
Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA PESME, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me X. HELAIN, membre de la SELARL HAUSSMANNE KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l'Essonne,
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 07 Juin 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 4 avril 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 16 MAI 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 22 AOUT 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon contrat en date du 11 avril 2012, Monsieur C... J... et Madame H... O..., épouse G..., ont conclu avec la société REV'SOLAIRE un contrat portant sur la commande et l'installation de panneaux photovoltaïques moyennant le prix de 21.400 euros entièrement financé par un crédit de ce montant souscrit le même jour auprès de la SA FINANCO et remboursable sur 158 mois au TAEG de 5,96%.
Ils ont signé le 26 juin 2012 une attestation de livraison certifiant la complète exécution des travaux et FINANCO a débloqué les fonds entre les mains de la prestataire.
En juillet 2014, le tribunal de commerce d'Orléans a prononcé la liquidation judiciaire de la société REV'SOLAIRE et désigné Maître V... L... en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 29 septembre 2015, Monsieur J... et Madame G... ont assigné Maître V... L..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société REV'SOLAIRE ainsi que la société FINANCO devant le tribunal d'instance d'Orléans en sollicitant la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit subséquent.
Par décision du 16 décembre 2016, ce tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d'Orléans qui, par jugement en date du 22 mars 2018 a :
- dit que le jugement du tribunal d'instance du 16 décembre 2016 est définitif et que seul le
tribunal de commerce d'Orléans peut connaître de la cause,
- dit que les dispositions du code de la consommation n'ont pas lieu à s'appliquer aux contrats
conclus le 11 avril 2012 entre Monsieur C... J... et Madame H... O...
avec la société REV SOLAIRE, d'une part, et la société FINANCO, d'autre part,
- débouté Monsieur C... J... et Madame H... O... de toutes leurs demandes fondées sur les dispositions du code de la consommation,
- débouté Monsieur C... J... et Madame H... O... de leurs demandes
d'annulation ou de résolution des contrats conclus le 11 avril 2012 avec la société REV SOLAIRE et la société FINANCO,
- condamné solidairement Monsieur C... J... et Madame H... O... à
poursuivre l'exécution pleine et entière du contrat de crédit souscrit le 11 avril 2012 auprès de
la société FINANCO jusqu'à son terme,
- dit que la société FINANCO n'a pas commis de faute en payant à la société REV SOLAIRE le montant du prêt contracté par Monsieur C... J... et Madame H... O...,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraire,
- condamné solidairement Monsieur C... J... et Madame H... O... aux
entiers dépens.
Monsieur J... et Madame G... ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 7 juin 2018.
Ils en poursuivent l'infirmation en demandant à titre principal à la cour de prononcer l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté ; à titre subsidiaire de prononcer la résolution de ces contrats ; en tout état de cause, de constater la faute commise par la société FINANCO dans le déblocage des fonds et de dire qu'elle sera privée de son droit à restitution du capital prêté et devra leur rembourser la somme de 3.851,95 euros à parfaire au titre des sommes déjà versées par eux. Si la nullité ou la résolution n'étaient pas prononcées, ils réclament condamnation de FINANCO à leur verser 34.000 euros de dommages et intérêts en réparation de sa faute liée au déblocage des fonds. En tout état de cause, ils sollicitent le rejet des demandes formées à leur encontre et la condamnation de FINANCO, au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Ils exposent tout d'abord pourquoi sont applicables au litige les dispositions du code de la consommation. Ils énumèrent ensuite les non respect du bon de commande à ces dispositions, ce qui entraîne la nullité du contrat principal et exposent qu'il n'y a pas eu de confirmation du contrat nul puisqu'ils n'en connaissaient pas la nullité.
A titre subsidiaire ils soutiennent que le contrat de prestation de services comportait le raccordement de l'installation puisqu'il indique expressément que les frais de raccordement ERDF sont à la charge du vendeur ; que malgré leur injonction du 11 avril 2012, REV'SOLAIRE n'a pas procédé au raccordement de l'installation ni réalisé les autres démarches administratives qui lui étaient demandées ; que même si l'installation est désormais raccordée, ils produisent moitié moins que la production annuelle d'électricité qui leur avait été promise par la société REV'SOLAIRE et qu'ils versent aux débats le rapport d'expertise de la société ENERGIES TOITURES relevant les nombreux vices d'installation des panneaux photovoltaïques par la société REV'SOLAIRE.
Ils prétendent que FINANCO a commis des fautes en ne vérifiant pas la régularité du bon de commande au regard des dispositions d'ordre public du code de la consommation et en libérant les fonds au vu d'une attestation lacunaire et font valoir subsidiairement que cette faute autonome doit entraîner paiement de dommages et intérêts s'il n'est pas fait droit à leurs demandes d'annulation ou de résolution des contrats.
FINANCO conclut à titre principal à la confirmation du jugement déféré. A titre subsidiaire et si la cour prononçait la nullité du contrat de vente, elle réclame versement du capital emprunté de 21.400 euros déduction étant à faire des échéances payées. A titre subsidiaire également et s'il était retenu qu'elle a commis une faute, elle demande qu'il soit jugé que les appelants n'ont subi aucun préjudice et de les condamner à lui rembourser le capital prêté. En tout état de cause, elle sollicite 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'appelante à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP GUILLAUMA- PESME.
Elle fait valoir qu'il a définitivement été jugé que les appelants ont fait un acte de commerce ; que le matériel a été mis en service et qu'ils se plaignent exclusivement d'une production insuffisante sans même verser le contrat de vente et l'intégralité de factures de revente auprès d'ERDF ; que le vendeur n'avait fait aucune promesse contractuelle relative au rendement de l'installation ou à son autofinancement ; que le code de la consommation n'est pas applicable et qu'une prétendue nullité serait en tout état de cause confirmée par le consentement des emprunteurs qui ont procédé à la mise en service de l'installation et à son raccordement.
Elle prétend qu'elle n'a pas commis de faute en ne vérifiant pas le contrat puisqu'elle n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client ; que Monsieur J... et Madame G... n'ont subi aucun préjudice puisque l'installation fonctionne parfaitement et que le "rapport d'expertise" dont ils se prévalent et qui n'est pas probant ne dit pas le contraire.
Maître L..., assigné à une employée habilitée à recevoir l'acte, n'a pas comparu. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu que Monsieur J... et Madame G... ont, le 29 septembre 2015, assigné Maître L..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société REV' SOLAIRE, ainsi que la société BANQUE FINANCO, devant le tribunal d'instance d'Orléans aux fins d'annulation ou de résolution des contrats de vente et de prêt ;
Que FINANCO a seule comparu et a expressément demandé acte de ce qu'elle ne soulevait pas l'incompétence du tribunal d'instance, quoiqu'il lui apparaissait que la demanderesse avait accompli, en l'espèce, un acte de commerce ;
Que, par jugement en date du 16 décembre 2016 le tribunal s'est cependant déclaré d'office incompétent au profit du tribunal de commerce d'Orléans, en considérant qu'il pouvait le faire, s'agissant de la violation d'une règle de compétence d'attribution d'ordre public, et en retenant que les demandeurs qui revendaient à EDF la totalité de l'énergie produite par l'installation photovoltaïque, avaient fait acte de commerce en acquérant les panneaux photovoltaïques litigieux ;
Qu'aucun contredit n'ayant été formé à l'encontre de cette décision, elle est devenue définitive ;
Attendu que le seul motif du renvoi de Monsieur J... et Madame G... devant le tribunal de commerce est la qualification d'acte de commerce du contrat principal qu'ils ont conclu ;
Que, bien que cette décision de renvoi du dossier au tribunal de commerce soit contraire à la jurisprudence habituelle de cette cour lorsqu'elle doit connaître de la conclusion d'un contrat concernant l'achat et la pose de panneaux photovoltaïques, les appelants n'ont pas formé contredit à l'encontre du jugement rendu le 16 décembre 2016 qui est désormais devenu irrévocable et s'impose à la cour comme à eux ;
Qu'ils ne peuvent dès lors soutenir que le code de la consommation est applicable alors que cette argumentation est contraire à une décision définitive qui a expressément écarté les dispositions de ce code pour dire le tribunal de commerce compétent ;
Que la cour est investie, par l'effet dévolutif de l'appel, des seuls pouvoirs du tribunal de commerce et ne peut statuer comme si elle disposait des pouvoirs du tribunal d'instance et devait connaître d'un litige ne concernant pas un acte de commerce ;
Que les dispositions du code de la consommation sont dès lors inapplicables au litige, ce qui rend sans objet l'argumentation des appelants de leur violation ;
Que cette argumentation n'a donc pas à être examinée par la cour et sera entièrement écartée et que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat de vente et celle du contrat de crédit affecté sur le fondement du non respect des dispositions du code de la consommation ;
Attendu que Monsieur J... et Madame G... font par ailleurs valoir que le contrat principal doit être résolu au motif que les panneaux ne produisent pas la quantité d'énergie qui leur avait été promise et que l'installation ne s'autofinance pas ;
Mais attendu que la quantité d'énergie produite, qui a pu être un argument de vente, même si ce n'est cependant démontré par aucune pièce, n'est en tout état de cause pas entrée dans le champ contractuel puisque REV'SOLAIRE ne s'est pas engagée dans le contrat sur ce point ;
Que, si la production d'une certaine quantité d'énergie était déterminante pour Monsieur J... et Madame G..., ils auraient dû veiller à ce qu'elle soit mentionnée dans le contrat mais que, ne l'ayant pas fait, ils ne peuvent aujourd'hui soutenir que doit être résolu pour insuffisance de production un contrat qui ne fait aucune mention d'une quantité minimum ou moyenne devant être produite ;
Qu'il sera surabondamment relevé que, bien que le tribunal ait déjà souligné cette carence, Monsieur J... et Madame G... ne sauraient sérieusement démontrer une absence de production suffisante en produisant aux débats une unique facture de revente d'énergie datant du 3 décembre 2013 ;
Attendu que les appelants fondent également leur demande de résolution du contrat principal sur l'existence de vices cachés ;
Mais attendu que la démonstration de tels vices résulte exclusivement d'un " rapport" de la société ENERGIES TOITURES qui indique que l'installation est dépourvue d'écran de sous toiture permettant d'éviter tout risque de condensation et d'éventuelles infiltrations ; que les couloirs en zincs sont dépourvus de joint mousse préconisé pour éviter tout risques d'entrées d'eau en cas de fortes pluies et de neige soufflée ; que l'onduleur "n'est pas calibré à juste titre pour la puissance installée, ce qui représente une perte de production pour les clients" et que celui qui a été mis en place ne correspond pas au bon de commande, puisqu'il s'agit d'un SMA Sunny Boy 1700 TL au lieu de l'onduleur SMA Sunny Boy 2100 TL qui a été commandé ; qu'enfin le ballon thermodynamique aurait été "surfacturé" ;
Que la société ENERGIES TOITURES conclut en indiquant que si elle avait été consultée, elle aurait déconseillé à Monsieur J... et Madame G... de procéder à une telle installation peu rentable ;
Mais attendu que, si le juge peut se fonder sur un rapport d'expertise non contradictoire, encore faut-il :
- d'une part qu'il s'agisse d'un rapport émanant d'un expert, ce qui n'est aucunement le cas du document établi par ENERGIES TOITURES qui n'est pas expert mais exerce une activité concurrente de celle de REV'SOLAIRE et dont rien ne démontre qu'elle soit plus qualifiée que cette dernière,
- d'autre part que le rapport non contradictoire soit corroboré par des éléments extrinsèques tels que témoignages, factures de réparation ou autres,
- enfin que les vices affectant l'installation soient suffisamment importants pour justifier la résolution du contrat, ce qui n'est pas plus le cas en l'espèce puisqu'une surfacturation n'est pas une cause de résolution d'un contrat, qu'aucun désordre n'est survenu depuis plus de sept années sur la toiture des appelants et que la " réparation" éventuelle des désordres n'a même pas été chiffrée ;
Que la cour ne peut donc accorder la moindre valeur probante à "l'expertise" réalisée par ENERGIES TOITURE et ne peut que constater que les appelants n'apportent pas la preuve qui leur incombe de l'existence d'une cause de résolution du contrat ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande tendant à la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit affecté ;
Attendu que Monsieur J... et Madame G... prétendent enfin que FINANCO aurait commis une faute autonome justifiant le paiement de dommages et intérêts en procédant au déblocage des fonds sans s'assurer que les travaux étaient entièrement réalisés et l'installation raccordée ;
Que cependant, REV'SOLAIRE ne pouvant procéder elle-même au raccordement au réseau public, qui incombe exclusivement à EDF, et ne s'étant aucunement engagée à procéder à ce raccordement puisqu'elle avait exclusivement indiqué qu'elle supporterait le coût "des frais administratifs", le prêteur n'avait pas à vérifier la réalité d'un tel raccordement avant de délivrer les fonds ;
Qu'en tout état de cause, Monsieur J... et Madame G... ne sauraient se plaindre d'une délivrance des fonds sans raccordement puisque ce dernier est désormais avéré et qu'à supposer même que l'attestation de fin de travaux n'ait pas été assez précise, il n'existe aucun lien de causalité entre le paiement opéré à leur demande par FINANCO et les préjudices dont ils se plaignent aujourd'hui, lesquels ne résultent, selon leurs propres écritures, que d'une productivité moindre que celle qu'ils espéraient ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de l'ensemble de leurs demandes ;
Attendu que Monsieur J... et Madame G..., qui succombent en leurs prétentions, supporteront les dépens de l'instance et qu'il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE in solidum Monsieur C... J... et Madame H... O..., épouse G..., à payer à la société BANQUE FINANCO la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Monsieur C... J... et Madame H... O..., épouse G..., aux dépens d'appel,
ACCORDE à la SCP GUILLAUMA-PESME, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT