COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/08/2019
la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL
la SCP BALI COURQUIN JOLLY PICARD
ARRÊT du : 22 AOUT 2019
No : 236 - 19
No RG 18/01539 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FWOS
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 22 Mars 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265222665108546
Monsieur N... B...
né le [...] à PARIS (75014)
[...]
[...]
Ayant pour avocat postulant Me Eric GRASSIN, membre de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Gladys DARRIAU, membre de la SCP WEDRYCWOSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,
Monsieur V... B...
né le [...] à EAUBONNE (95600) [...]
[...]
Ayant pour avocat postulant Me Eric GRASSIN, membre de la SELARL AVOCAT LOIRE CONSEIL, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Gladys DARRIAU, membre de la SCP WEDRYCWOSKI ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No:1265220178868275
SARL ALPI
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège, [...]
Ayant pour avocat postulant Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Olivier JOLLY, membre de la SCP BALI -COURQUIN-JOLLY- PICARD, avocat au barreau de l'EURE,
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 06 Juin 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 28 mars 2019
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 25 AVRIL 2019, à 9 heures 30, devant Monsieur Jean-Louis BERSCH , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, qui en a rendu compte à la collégialité
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 22 AOUT 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
La société ALPI est intervenue au cours des années 2013 à 2016 en qualité de sous-traitant des sociétés DEMEURES TERRE ET TRADITION (DTT) et CONSTRUCTIONS TRADITIONNELLES DU VAL. DE LOIRE (CTVL), filiales de la société GROUPE FOUSSE CONSTRUCTIONS.
Les sociétés CTVL et DTT ayant fait l'objet, suivant jugements du 21 avril 2016, d'une procédure de redressement judiciaire qui a été convertie en liquidation judiciaire, la société ALPI a réclamé à la société EULER HERMES, en sa qualité de garant, le paiement des sommes restant dues au titre des contrats de sous-traitance et a procédé à la déclaration de ses créances entre les mains du mandataire judiciaire.
La société EULER HERMES, qui a réglé à la société ALPI les sommes dues par la société CTVL, a dénié sa garantie s'agissant la société DTT aux motifs qu'aucune garantie n'avait été souscrite pour cette société.
La société ALPI après avoir vainement mis en demeure la société GROUPE FOSSE de lui régler les factures restant dues par la société DTT et avoir indiqué par lettre du 14 octobre 2016 qu'elle rechercherait la responsabilité personnelle des dirigeants de la société DTT, a fait assigner le 4 novembre 2016, devant le tribunal de commerce d'Orléans, Messieurs N... et V... B... à l'effet, en l'état de ses dernières conclusions, de les voir condamner solidairement, au visa des articles L 231-13 et L 241-9 du code de la construction et de l'habitation, des dispositions de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975 et 1134 du code civil, à lui payer 19.173,66 euros au titre des factures dues par la société DTT, 7.500 euros à titre de dommages et intérêts outre 4.000 euros pour frais de procédure.
Messieurs B... qui ont demandé au tribunal de surseoir à statuer, se sont subsidiairement opposés aux prétentions de la société ALPI et ont sollicité sa condamnation à lui payer 5.000 euros à titre de dommages et intérêts et 2.000 euros pour frais de procédure.
Par jugement du 22 mars 2018, le tribunal a débouté Monsieur N... B... et Monsieur V... B... de leur demande de sursis à statuer, les a condamnés solidairement à payer à la société ALPI la somme de 19.173,66 euros HT et celle de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur N... B... et Monsieur V... B... ont relevé appel de ce jugement le 6 juin 2018.
Ils en poursuivent l'infirmation et demandent à la cour de surseoir à statuer dans l'attente de la vérification de la créance de la société ALPI en suite de la contestation présentée par les sociétés CTVL et DTT, de la débouter de toutes ses prétentions et de la condamner à leur payer 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 2.000 euros pour frais de procédure.
Ils affirment que la société DTT a bien souscrit auprès de la société EULER HERMES un contrat de garantie de paiement des sous-traitants, qu'elle était à jour de ses cotisations et que c'est à tort que la société EULER HERMES refuse en raison d'un litige connu des organes de la procédure collective d'honorer son engagement.
Ils soutiennent qu'il ne peut dès lors leur être reproché d'avoir fait travailler la société ALPI sans avoir souscrit de contrat de garantie de paiement, de sorte que n'ayant commis aucune faute détachable de leur fonction de dirigeants de nature à engager leur responsabilité personnelle la demande en paiement ne peut prospérer à leur encontre.
Ils font valoir subsidiairement que les créances déclarées par la société ALPI au passif des sociétés CTVL et DTT font l'objet de contestations et qu'elle tente de se faire régler des sommes qui doivent être vérifiées par le mandataire liquidateur.
La société ALPI qui souhaite voir confirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts spécifiques la reprend devant la cour et réclame une somme de 6.000 euros pour frais de procédure.
Elle fait valoir que le fait de recourir à la sous-traitance sans souscrire de garantie de paiement en violation des dispositions de l'article L 231-13 du code de la construction et de l'habitation constitue une infraction pénale prévue et réprimée par l'article L 241-9 du même code, qu'il s'agit d'une faute d'une gravité certaine détachable des fonctions de dirigeant qui engage la responsabilité personnelle du mandataire social et oblige à réparer les conséquences financières de la faute.
Elle soutient que contrairement à ce que prétendent les appelants, la société DTT n'a pas souscrit de contrat de garantie et souligne que les contrats de sous-traitance mentionnent la société GROUPE FOUSSE comme caution et non la société EULER HERMES que les appelants n'ont pas appelée dans la cause.
Elle réplique que sa créance a été admise au passif de la société DTT pour la somme de 19.173,66 euros par ordonnance du juge commissaire du 5 octobre 2017 qu'elle est par conséquent actuelle certaine et exigible et elle considère que c'est à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité de Messieurs N... et V... B... dans la mesure où ils ont aggravé le passif de la société DTT MAISON en n'ayant pas souscrit d'assurance.
Elle s'estime fondée à obtenir réparation du préjudice complémentaire subi du fait du retard de paiement, de la faute et des manoeuvres dilatoires des dirigeants de la société DTT dont les contestations ont été formées de mauvaise foi puisqu'ils maintiennent devant la cour que la créance est contestée alors qu'elle a été définitivement admise au passif de la société.
SUR CE :
I - Sur la demande de sursis à statuer :
Attendu que les appelants réitèrent devant la cour leur demande de sursis à statuer dans l'attente de la vérification de la créance de la société ALPI ;
Attendu que la société ALPI a déclaré le 24 mai 2016 sa créance au passif de la société DTT en sa qualité de sous-traitante pour un montant de 12.161,97 euros au titre de la situation de travaux et de 7.011,69 euros au titre des retenues de garantie ;
Attendu que comme l'ont relevé les premiers juges la créance de la société ALPI a été admise au passif de la société DTT par ordonnance du juge commissaire du 5 octobre 2017 pour un montant de 19.173,66 euros ;
Qu'il s'ensuit qu'en l'absence de contestation de la créance de la société ALPI la demande de sursis à statuer n'est pas fondée et le jugement qui l'a rejetée doit être confirmé ;
II - sur la demande en paiement de la somme de 19.173,66 euros :
Attendu que selon l'article L 231-13 du code de la construction et de l'habitation, le constructeur est tenu de conclure par écrit les contrats de sous-traitance avant tout commencement d'exécution des travaux à la charge du sous-traitant. Ces contrats comportent les énonciations suivantes :
g) la justification de l'une ou l'autre des garanties de paiement prévues à l'article 14 de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ou de toute autre garantie, délivrée par un établissement de crédit, une société de financement ou une entreprise d'assurance, de nature à garantir le paiement des sommes dues au titre du sous-traité.
Attendu que l'article L 241-9 du même code dispose que sera puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 18.000 euros, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, chargé de l'une des opérations mentionnées à l'article L 241-8 n'aura pas conclu par écrit un contrat de sous-traitance avant l'exécution des travaux de chacun des lots de l'immeuble ou aura conclu un contrat ne comportant pas l'énonciation prévue à l'avant-dernier alinéa de l'article L 231-13;
Attendu que Messieurs N... et V... B... anciens gérants de la société DTT ne prouvent qu'il ait été souscrit au profit de son sous-traitant la société ALPI une garantie de paiement comme l'exige l'article L 231-13 ;
Qu'en effet l'offre de garantie constructeur de maisons individuelles qu'ils produisent émanant de la société EULER HERMES qui n'est pas signée par celle-ci et les extraits du grand livre sur lequel figurent des prélèvements au profit de cette société sont insuffisants à rapporter une telle preuve alors que la société ALPI communique une lettre de la société EULER HERMES du 1er juin 2016 qui écrit qu'aucune garantie n'a été ouverte à son profit;
Que force est de constater par ailleurs que les appelants qui soutiennent que c'est à tort que la société EULER HERMES refuse sa garantie dans la mesure où un contrat a été régulièrement régularisé avec cette société et que les cotisations ont été payées ne l'ont pas appelée dans la cause ce que le tribunal avait déjà relevé ;
Attendu enfin que le contrat de sous-traitance ne fait pas référence à une garantie de la société EULER HERMES mais désigne la société GROUPE FOUSSE comme caution ;
Attendu qu'en ne souscrivant pas la garantie de paiement prévue à l'article 14 de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ou toute autre garantie, délivrée par un établissement de crédit, une société de financement ou une entreprise d'assurance comme l'exige l'article L 231-13 du code de la construction et de l'habitation tout en laissant croire dans le contrat de sous traitance que la société ALPI bénéficiait de la garantie du GROUPE FOUSSE, ce qui était illégal puisqu'il ne s'agit pas d'une société pouvant accorder une telle garantie, les dirigeants de la société DTT ont sciemment méconnu les dispositions légales et ont commis ainsi une faute détachable de l'exercice de leurs fonctions qui engage leur responsabilité personnelle et les oblige à réparer les conséquences dommageables pour la société ALPI ;
Attendu que la société ALPI justifie par la production d'un courrier de Maître G... liquidateur judiciaire de la société DTT qu'elle n'a aucune chance en l'état des réalisations d'actif d'obtenir paiement de sa créance ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a condamné Messieurs N... et V... B... à payer à la société ALPI la somme de 19.173,66 euros admise à titre chirographaire au passif de la société DTT par ordonnance du juge commissaire du 5 octobre 2017 et qui aurait dû être réglée dans le cadre de la garantie légale si elle avait été souscrite, sauf à préciser qu'ils sont tenus in solidum et non solidairement dès lors qu'aucune solidarité légale ou conventionnelle ne trouve à s'appliquer et que leurs fautes respectives ont concouru à l'entier dommage de la société ALPI ;
III - sur la demande de dommages et intérêts spécifiques :
Attendu que la société ALPI réclame une somme de 7.500 euros de dommages et intérêts spécifiques en réparation du préjudice résultant du retard de paiement, des manoeuvres des dirigeants de la société DTT et de leur comportement dilatoire ;
Mais attendu qu'elle ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle allègue ; que les frais qu'elle a exposés pour assurer sa défense sont indemnisés dans le cadre des dispositions de l'article 700 du code procédure civile ;
Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement qui l'a déboutée de sa demande formée à ce titre ;
IV - sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
Attendu que la société ALPI obtenant gain de cause la procédure ne revêt pas un caractère abusif et les intimés seront déboutés de leur demande de dommage et intérêts ;
Attendu que Messieurs N... et V... B... seront condamnés aux dépens et à payer une indemnité de procédure à la société ALPI en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort:
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à préciser que Monsieur N... B... et Monsieur V... B... sont condamnés in solidum et non solidairement ;
Y AJOUTANT
DÉBOUTE Monsieur N... B... et Monsieur V... B... de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE in solidum Monsieur N... B... et Monsieur V... B... à payer à la société ALPI la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Monsieur N... B... et Monsieur V... B... aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT