COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/05/2019
la SCP CORNU-SADANIA
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
ARRÊT du : 02 MAI 2019
No : 186 - 19
No RG 18/03183 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FZZO
DÉCISION ENTREPRISE : jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de TOURS en date du 11 Septembre 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265226442441709
Madame R... E... épouse C...
née le [...] à KAISERSLAUTERN
[...]
[...]
Ayant pour avocat Me Sabine CORNU-SADANIA, membre de la SCP CORNU-SADANIA, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉE :
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265234686719835
Société CRCAM BRIE - PICARDIE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [...]
Ayant pour avocat postulant Me Joanna FIRKOWSKI, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Thierry CHAS, membre de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS,
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 16 Novembre 2018
Assignation à jour fixe délivrée le 10 janvier 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 28 MARS 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 02 MAI 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Se prévalant de deux prêts notariés consentis les 25 février 1989 et 14 octobre 1989 à Monsieur N... C... et à son épouse, Madame R... E..., ainsi que de la grosse en la forme exécutoire d'un jugement rendu le 15 février 1997 par le tribunal de grande instance de Tours, confirmé par arrêt de cette cour en date du 10 décembre 1998 devenu irrévocable après rejet du pourvoi en cassation diligenté par les époux C..., la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel BRIE PICARDIE (la CRCAM) a, le 3 octobre 2014, fait délivrer à Madame C... commandement de payer valant saisie de ses biens immobiliers sis [...] puis l'a assignée le 29 janvier 2015 devant le juge de l'exécution de Tours en réclamant leur vente forcée.
La prorogation des effets du commandement a été ordonnée le 27 septembre 2016.
Par jugement en date du 11 septembre 2018, signifié à Madame C... le 3 octobre 2018 sans mention de la nécessité de saisir la cour selon la procédure à jour fixe, puis le 12 octobre 2018 avec cette mention, le juge de l'exécution a notamment rejeté les exceptions de nullité et fins de non recevoir présentées par Madame C..., déclaré irrecevables ses demandes tirées de l'absence d'un titre exécutoire, de l'existence d'une prescription, de l'absence d'exigibilité de la créance et tendant au paiement de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice né de la demande en paiement d'intérêts, rejeté ses autres demandes, dit qu'elle est débitrice de la somme à actualiser de 4.105.090,34 euros et a ordonné la vente forcée des biens saisis.
Madame C..., qui réside outre-mer, a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 16 novembre 2018.
Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de déclarer recevable sa contestation de l'existence d'un titre exécutoire et en conséquence celle de l'existence, de la validité et du contenu de l'acte de cautionnement que lui oppose la CRCAM, de dire qu'il n'existe aucun cautionnement notarié, encore moins valide, qui garantisse les dettes afférentes au prêt litigieux, de juger que la CRCAM ne dispose d'aucun titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, de juger que les dettes afférentes au prêt sont éteintes par prescription depuis le 22 juin 2013, de prononcer la caducité du commandement de payer, d'ordonner la mainlevée de la saisie immobilière et la radiation de toute publication relative au commandement de payer et à l'hypothèque conventionnelle renouvelée.
A titre subsidiaire et si l'existence d'un titre exécutoire était retenue, de juger que le montant global maximal qu'elle a accepté de garantir est de 304.898,03 euros de sorte que la créance détenue par la CRCAM ne pourra être fixée qu'à ce montant, de retenir que les intérêts, frais et accessoires de la dette principale ne sont pas couverts par l'acte de cautionnement et non plus les intérêts échus et capitalisés depuis le 5 mai 1997 ; à défaut de condamner la CRCAM à l'indemniser à hauteur des intérêts capitalisés mis à sa charge; de déchoir le prêteur de l'intégralité des intérêts et dire que les paiements réalisés doivent s'imputer par priorité sur le principal ; de juger en tout état de cause que les intérêts capitalisés antérieurs au 3 octobre 2009 sont prescrits; de dire que la CRCAM BRIE PICARDIE n'est pas la bénéficiaire de l'acte de cautionnement du 14 octobre 1989 et en conséquence de juger que seules les dettes échues avant le 11 mai 2007 peuvent être garanties par le cautionnement du 14 octobre 1989.
En tout état de cause, elle réclame le rejet des demandes formées à son encontre et condamnation de l'intimée à lui verser 30.000 euros en réparation de son préjudice moral, 92.500 euros au titre de son préjudice économique résultant de la perte de ses fermages, 10.000 euros au titre de l'atteinte à sa réputation et son honneur et 5.000 euros au titre du préjudice subi en considération des écritures injurieuses de la CRCAM au cours de la procédure de première instance. Elle sollicite enfin paiement d'une indemnité de procédure de 15.000 euros et condamnation de l'intimée à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP CORNU SADANIA.
A/ Elle soutient d'abord qu'aucun acte de cautionnement valide n'existe de sorte que c'est l'existence même d'une dette qui est contestée.
Elle fait valoir qu'elle a emprunté avec son mari une somme correspondant aujourd'hui à 233.551,89 euros (prêt 804) ; que le 1er septembre 1989, Monsieur C... a seul souscrit deux emprunts 805 et 806 auprès de la CRCAM de l'Oise lesquels étaient affectés à l'achat de matériel pour l'exploitation; qu'elle a, le 1er septembre 1989, régularisé deux actes de cautionnement sous seing privé afférent aux deux emprunts du même jour, l'un pour un montant de 1.400.000 francs au principal d'une durée de 4 ans (soit la durée du prêt) l'autre pour un montant de 92.000 francs en principal d'une durée de 5 ans, soit un montant global de garantie personnelle à hauteur de 1.492.000 francs en principal ;
Que le 14 octobre 1989 la même banque a consenti une ouverture de crédit de 2.000.000 de francs à Monsieur C... avec effet rétroactif à compter du 5 septembre dont l'objet est le « financement des besoins de l'exploitation » ce qui est différent de l'objet du premier prêt ; qu'elle s'est le même jour et dans le même acte notarié portée « caution solidaire et hypothécaire » dans les termes suivants ; "Laquelle a déclaré se rendre et constituer caution solidaire et hypothécaire de l'emprunteur envers le prêteur, pour le remboursement de la somme de deux millions de francs en principal, intérêts, frais et accessoires, en vertu du présent contrat, et l'exécution de toutes les obligations en résultant. Pour la sûreté et garantie de ses engagements, Madame C..., caution solidaire, affecte et hypothèque en outre, au profit du prêteur, ce qui est accepté par son représentant, l'immeuble ci-après désigné".
Elle affirme que ce cautionnement ne peut concerner les prêts réalisés 805 et 806 déjà existants auxquels il n'est fait aucune référence ; qu'il existait en réalité deux temps dans les opérations qui avaient été négociées ; qu'en effet le prêt no805 dont le paiement du capital était différé de 4 ans devait être relayé, à son terme, par un prêt amortissable sur du plus long terme puis, dans un deuxième temps par la création de l'OCH de 2.000.000 de francs qui avait une durée qui ne correspondait aucunement à celle du prêt 805 (avec garantie de Madame C... sur cette OCH) dont l'objet était de couvrir, notamment, le prêt amortissable devant être mis en place pour relayer le prêt no805 arrivé à son terme.
Elle fait valoir que, le 16 décembre 1993, et alors que les parties étaient en discussion pour la mise en place du prêt amortissable prenant le relais de l'emprunt no805, le service contentieux de la CRCAM a informé Monsieur C... qu'elle venait de prendre connaissance d'une saisie-attribution émanant de la Banque Scalbert DUPONT, et exigeait le paiement immédiat sous 8 jours des soldes des prêts 801 et 805 qui étaient arrivés à terme mais dont le paiement avait été suspendu compte tenu des négociations en cours à l'époque pour la mise en place du prêt amortissable devant prendre le relais.
Elle prétend qu'il ne pouvait y avoir aucun incident de paiement concernant le prêt no805 puisque le paiement du capital qui devait intervenir à l'échéance devait être aménagé avec la souscription d'un prêt amortissable qui a été subitement refusé par la CRCAM de manière infondée.
Elle précise que la CRCAM fonde la saisie immobilière sur la seule garantie du prêt no805 ; qu'elle conteste, au vu de ce qui vient d'être exposé, que le cautionnement contenu dans l'acte notarié du 14 octobre 1989 se rattache au prêt no805 ; que ceci est démontré tant par les dispositions relatives à l'OCH qu'à celles concernant le TEG puisque le prêt no805 devait être remboursé avec application d'un TEG de 10,78% tandis que le TEG maximum des prêts couverts par l'OCH était de 10,103% ; que ceci résulte également des termes de l'acte notarié qui précise que l'OCH consentie à Monsieur C... « se réalisera » par des emprunts, avances en compte, escompte etc... et que le taux d'intérêt applicable sera celui de chacun des actes qui « seront » réalisés, ces actes n'existant pas au jour où l'acte notarié a été rédigé. Et elle soutient que son engagement de caution avait donc pour seul objet les prêts futurs qui devaient être mis en place pour relayer le prêt no 805.
Elle fait subsidiairement valoir que s'il était retenu qu'elle a donné une garantie hypothécaire de la dette d'un tiers, le terme de cette garantie était fixé au 5 septembre 2006 et l'arrivée de ce terme rend nuls tout commandement de payer et procédure ultérieure.
B/ Elle affirme ensuite que la CRCAM n'est pas titulaire d'un titre exécutoire au sensde l'article L311-2 du code des procédures civiles d'exécution;
Qu'en effet, le cautionnement ne peut produire aucun effet en raison de son caractère vague et incomplet qui est contraire à la règle de l'ancien article 2015 du code civil (devenu l'article 2292 du même code) puisque que les conditions du prêt no805 ne sont pas précisées dans l'acte notarié qu'il s'agisse du montant en principal dû ou des intérêts applicables ; que le montant de ce prêt n'est même pas celui qui a été renseigné dans l'acte de prêt puisque ce n'est pas la somme de 1.400.000 francs qui a été prêtée en exécution de ce prêt mais la somme celle de 1.267.000 francs ; que la Cour de cassation retient que les actes notariés qui contiennent un engagement de cautionnement et une affectation hypothécaire mais se limitent à fixer le plafond des dettes garanties et n'indiquent pas les éléments permettant l'évaluation des créances correspondantes, ne sont pas des titres exécutoires contenant une créance liquide et exigible pouvant fonder valablement les poursuites.
Elle souligne que le juge de l'exécution a considéré que la CRCAM disposait de deux titres exécutoires : l'acte notarié du 14 octobre 1989 et le jugement du 25 février 1997 confirmé par l'arrêt de du 10 décembre 1998 et ce alors que la CRCAM ne se fondait pas sur ces deux dernières décisions pour démontrer l'existence d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ; qu'en tout état de cause un jugement qui se borne à « constater » une dette entre un prêteur et un emprunteur n'a aucune autorité de la chose jugée et ne peut être considéré comme étant un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
C/ Elle prétend ensuite qu'à supposer que la CRCAM dispose d'une créance et d'un titre exécutoire son action est irrecevable et à tout le moins infondée en ce qu'elle est tardive ; qu'en effet, la seule chose qui a été précisée par l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Amiens est qu'au 31 mai 2012 la créance du prêteur envers son emprunteur n'était pas prescrite, cette disposition irrévocable ne permettant cependant pas de conclure qu'à la date à laquelle la procédure d'exécution forcée a été engagée la CRCAM n'était pas prescrite ; que la cour d'appel d'Amiens avait retenu que la prescription interviendrait le 22 juin 2013 ; que le commandement de payer valant saisie lui ayant été délivré le 3 octobre 2014, la dette principale était éteinte par prescription ; que, contrairement à ce que prétend la CRCAM la prescription n'a pas été suspendue par l'instance alors pendante jusqu'à ce que l'arrêt soit irrévocable et ait autorité de la chose jugée c'est à dire jusqu'au prononcé de l'arrêt de cassation du 29 octobre 2014 rejetant le pourvoi pour le prêt 805 ; qu'il n'existe aucun acte interruptif ou suspensif de prescription entre le 31 mai 2012 et le 22 juin 2013 et notamment qu'aucun effet interruptif ou suspensif ne peut être reconnu aux écritures de la CRCAM devant les juridictions saisies puisqu'elle n'a formulé aucune demande reconventionnelle et s'est bornée à demander le débouté des demandes formulées par ses emprunteurs. Et elle soutient que le commandement de payer du 3 octobre 2014 étant en réalité caduque puisque fondé sur un titre exécutoire inexistant, il n'a produit aucun effet interruptif de prescription et que cette caducité entraîne l'absence de tout effet interruptif de l'assignation devant le juge de l'exécution ; qu'avant le 1er juin 2012 aucun effet interruptif de prescription n'était reconnu à une mesure conservatoire ; que l'hypothèque conventionnelle avait un terme conventionnel au 5 septembre 2006 ; que la CRCAM a renouvelé cette hypothèque avec effet jusqu'au 28 juillet 2016 ; qu'en tout état de cause, la Cour de cassation décide que lorsque l'hypothèque conventionnelle est convenue avec un terme, elle ne peut être renouvelée.
D/ A titre subsidiaire et sur le quantum de la créance elle fait valoir qu'elle avait garanti un montant maximal de 304.898,03 euros en principal, intérêts, frais et accessoires et si la cour devait considérer que son engagement était supérieur à cette somme, elle fait valoir qu'il serait alors manifestement disproportionné à ses ressources et demande que la garantie consentie lui soit déclarée inopposable.
Elle souligne que la somme cautionnée comprenait les intérêts, frais et accessoires ; que la quasi-totalité des sommes réclamées par la banque concerne des intérêts capitalisés qu'elle n'a pas cautionnés ; qu'en tout état de cause, la prescription quinquennale ne permettrait d'obtenir paiement que des intérêts échus et capitalisés depuis le 3 octobre 2009.
Elle prétend par ailleurs qu'elle a garanti les dettes envers la CRCAM de l'Oise et non celle de BRIE PICARDIE.
E/ Elle reproche au premier juge de l'avoir déclarée irrecevable en sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts d'un montant 3.880.312,80 euros correspondant aux intérêts dont il est demandé paiement.
Elle souligne que la banque a attendu plus de 20 ans pour réaliser une mesure d'exécution forcée, ce qui est un comportement fautif puisqu'elle est ainsi parvenue à se rendre créancière de sommes exorbitantes sans jamais adresser à la caution une information annuelle quant au quantum de la dette qu'elle lui oppose ; que ce manquement doit conduire à la déchéance du prêteur de son droit à percevoir les intérêts au taux contractuel et à imputer les paiements sur le capital restant dû. Elle affirme que, contrairement à ce qu'a retenu le juge de l'exécution, cette demande de déchéance du droit aux intérêts ne remet pas en cause la fixation de la créance opérée par le jugement du 25 février 1997 et l'arrêt de la Cour d'Orléans du 10 décembre 1998 puisqu'en matière de déchéance, même si la caution a été condamnée, la décharge doit être prononcée ; qu'au visa de l'article L313-22 du code monétaire et financier, la Cour de cassation en assemblée mixte a jugé que la caution peut par conséquent se prévaloir d'un défaut d'information postérieur à la date à laquelle le jugement la condamnant au paiement du principal et des intérêts postérieurs au taux conventionnel a acquis force de chose jugée pour solliciter la déchéance.
A titre subsidiaire elle soutient que ce comportement fautif doit conduire la cour à lui allouer des dommages et intérêts qui correspondent au montant des intérêts qui lui sont réclamés.
F/ Elle détaille encore ses préjudices tant moral qu'économique à savoir la perte du fermage (18.500 euros) subie pendant 5 ans et l'atteinte à sa réputation et à son honneur résultant des propos de la CRCAM particulièrement violents, blessants et inadaptés qu'il s'agisse de l'accuser de mentir, de vouloir tromper le tribunal, ou de s'interroger sur ses capacités psychiques.
La CRCAM sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de l'appelante à lui verser une indemnité de procédure de 5.000 euros.
Elle fait valoir que, nonobstant la prétention contraire émise aujourd'hui par Madame C..., l'acte notarié d'ouverture de crédit se rattachait notamment à deux prêts constatés le 1er septembre précédent ; que cette ouverture de crédit a été garantie à l'acte par le cautionnement solidaire et hypothécaire de Madame C... sur l'immeuble saisi ; que l'ensemble des prêts susvisés ont été déchus du terme le 7 mars 1994 pour défaut de paiement ainsi qu'en raison de poursuites judiciaires exercées par la BANQUE SCALBERT DUPONT ; que les prêts 801-802 et 806 ont été soldés mais pas les prêts 804 et 805 qui restaient dus et ont donc été visés par la saisie immobilière;
Elle détaille les procédures engagées et les décisions rendues, notamment le jugement du tribunal de grande instance de Tours en date du 25 février 1997 et l'arrêt de cette cour du 10 décembre 1998 qui ont fixé sa créance au titre des actes authentiques, soulignant que ces décisions concernent «Les époux C... E...», terme qui vise donc non seulement Monsieur C... qui était emprunteur mais aussi Madame C... qui à cet égard ne pouvait être prise qu'en sa qualité de caution solidaire puisqu'elle n'était pas emprunteur ; que l'appelante était donc tenue au paiement d'une somme alors arrêtée à 1.474.433,99 francs + intérêts à 14,30% à compter du 1er juin 1994, lesdits intérêts avec capitalisation à compter du 6 mai 1997 selon l'ajout apporté par l'arrêt d'appel du 10 décembre 1998. Elle affirme que comme l'a relevé le premier juge Madame C... subit aussi l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance de Beauvais du 28 mars 2011, à l'arrêt confirmatif de la cour d'appel d'Amiens du 31 mai 2012 pour sa partie non cassée par l'arrêt de la Cour de cassation du 29 octobre 2014 et à l'arrêt de la cour de renvoi de Douai du 17 décembre 2015, lesdites décisions ayant dit in fine que la créance née du prêt no 804 était prescrite mais que celle du prêt no 805 ne l'était pas à la date de l'arrêt de la cour d'Amiens ; que pendant ces instances auxquelles elle n'avait intérêt à agir qu'en sa qualité de caution, l'appelante n'a jamais remis en cause la validité ou l'étendue de son cautionnement et ne peut donc présenter aujourd'hui ses prétentions de ces chefs ; qu'elle-même dispose bien de titres exécutoires opposables à l'appelante à savoir un commandement de saisie du 3 octobre 1994 délivré notamment en vertu de l'acte notarié du 14 octobre 1989, du jugement du tribunal de grande instance de Tours du 25 février 1997 et de l'arrêt de cette cour du 10 décembre 1998 outre également l'arrêt de la cour de cassation du 22 juin 2017 ayant rejeté le pourvoi qui concernait le prêt 805 dont ils fixent le principe (acte notarié) et liquident le montant (jugement et arrêt confirmatif) en confirmant implicitement mais nécessairement pour ces derniers ce principe et l'existence de la créance ; que si l'arrêt du 31 mai 2012 relevait que la prescription ne serait acquise que le 22 juin 2013, le cours de cette prescription s'est trouvé suspendu par l'instance alors pendante et ce jusqu'à ce que l'arrêt soit irrévocable et ait alors autorité de la chose jugée c'est-à-dire jusqu'au prononcé de l'arrêt de cassation du 29 octobre 2014 rejetant le pourvoi pour le prêt 805 ; qu'aucune prescription n'était donc acquise pour ce prêt le 3 octobre 2014 lorsque le commandement de saisie immobilière a été délivré ; que le montant de la créance ne doit qu'être actualisé en tenant compte des versements versés de 1994 à 1997 et des intérêts ayant couru depuis ces décisions avec notamment la capitalisation des intérêts accordée par l'arrêt d'appel : que le quantum de la créance n'a pas à être limité à la somme maximale de 2.000.000 Frs soit 304.898 euros, Madame C... faisant une citation tronquée des dispositions de l'ouverture crédit notariée du 14 octobre 1989 qui stipule en page 9 qu'en conséquence de son cautionnement " Elle s'oblige solidairement avec l'emprunteur, en renonçant aux bénéfices de division et de discussion, au paiement de la somme principale de deux millions de francs et de tous accessoires et intérêts" et une telle limitation contrevenant par ailleurs à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 25 février 1997 ayant fixé la créance. Elle souligne que la capitalisation n'a pas été accordée en vertu d'une clause contractuelle mais par application de l'article 1154 ancien du code civil dont les conditions étaient réunies ; que se heurte tout autant à l'autorité de la chaise jugée la demande tendant à voir écarter les intérêts par application de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 puis de l'article L 313-22 du code monétaire financier.
Elle souligne que la dette est bien antérieure à la fusion de la CRCAM BRIE-PICARDIE avec la Caisse de l'Oise soit avant le 11 mai 2007.
Elle fait enfin valoir que la demande en paiement de dommages et intérêts formée par l'appelante excède les pouvoirs du juge de l'exécution définis par l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que celui-ci connaît " des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée même si elles portent sur le fond du droit " et pour la procédure de saisie immobilière " des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement même si elles portent sur le fond du droit ", le texte ajoutant que le juge de l'exécution connaît aussi " des demandes en réparation fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable des mesures d'exécution forcée " ; que deux avis de la Cour de cassation ont indiqué que "le juge de l'exécution ne peut se prononcer sur la nullité d'un engagement résultant d'un acte notarié exécutoire, invoquée en raison de l'absence prétendue d'une des conditions requises par la loi pour la validité de sa formation" et qu'elle a jugé le 8 septembre 2011 que "le juge de l'exécution ne peut connaître des demandes tendant à remettre en cause le titre exécutoire dans son principe".
A titre subsidiaire et si la cour se reconnaissait le pouvoir de connaître de telles demandes, elle en souligne le caractère infondé.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
A/ En ce qui concerne l'existence d'un cautionnement valide :
Attendu que la CRCAM communique (sa pièce no 3 bis) le contrat de prêt 805 consenti à Monsieur C... le premier septembre 1989 ;
Que ce contrat précisait que la somme prêtée avait pour objet de financer " les plantations et la mise en culture de vignes AOC + matériel" ;
Qu'il précisait en son article 29 intitulé "garanties" : " OCH sur 2.000.000 francs 2ème rang sur A203 et 1er rang sur A 204 + caution solidaire de Mme C... montant 2.000.000 francs durée 15 ans" ;
Que cette dernière a expressément approuvé cette mention en signant en marge ;
Que la CRCAM a consenti le 14 octobre 1989 à Monsieur C... une ouverture de crédit hypothécaire d'un montant de 2.000.000 de francs ; que cet acte précise qu'il a un effet rétroactif au 5 septembre 1989 et qu'il résulte du jugement rendu le 25 février 1997 auquel Madame C... était partie et dont les énonciations font foi jusqu'à inscription de faux, que "les parties s'accordent au moins sur le fait que ces prêts 805 et 801 ont été conclus dans le cadre de l'ouverture de crédit consentie par acte authentique reçu le 14 octobre 1989 par Me P... " ;
Qu'il sera d'ailleurs relevé que la somme des prêts consentis (133.000 francs pour le prêt 801 et 1.267.000 francs pour le prêt 805) est bien de 2.000.000 de francs ;
Que, contrairement à ce que prétend l'appelante, l'objet en est le même puisque les plantations, la mise en culture et le matériel visés par les prêts 801 et 805 concernent bien les besoins de l'exploitation visés par l'OCH ;
Que Madame C... contredit aujourd'hui devant cette cour les déclarations opérées devant le tribunal en 1997 et que ses dires sans fondement ne seront en conséquence pas retenus puisqu'elle ne peut plus contester que le cautionnement contenu dans l'acte du 14 octobre 1989 se réfère au prêt 805;
Que si l'OCH ne mentionne pas expressément le numéro de ce prêt, le contrat du premier septembre 1989 qui le constate mentionne quant à lui expressément l'OCH à venir ;
Que l'engagement de caution, qui n'est pas une garantie hypothécaire, donné par Madame C..., porte bien notamment sur la bonne fin du prêt no 805 et est donc valide ;
B/ Sur l'existence d'un titre exécutoire :
Attendu que Madame C... prétend que le créancier poursuivant ne peut se prévaloir de son cautionnement, d'une part en ce qu'il est vague et incomplet et ne rappelle pas les dispositions du prêt no 805, d'autre part en ce que le jugement du 25 février 1997 n'a aucune autorité de la chose jugée puisqu'il se borne à constater l'existence d'une créance de la banque au titre du prêt no805 mais ne prononce aucune condamnation ;
Mais attendu que l'acte du 14 octobre 1989 constatant le cautionnement de Madame C... vient en complément du contrat de prêt du premier septembre de cette même année dont elle avait entièrement eu connaissance puisqu'elle y avait porté sa signature ;
Que le montant de la somme prêtée, le taux effectif global appliqué, le montant de l'indemnité de recouvrement sont expressément précisés en page 8 du cautionnement et que l'engagement de la caution était donc donné au regard de conditions complètement exposées lui permettant d'avoir une parfaite connaissance de l'étendue de son engagement ;
Que l'appelante omet de prendre en considération que la banque disposait d'un titre exécutoire, à savoir l'acte de prêt et de cautionnement authentique en date du 14 octobre 1989 et n'avait pas à solliciter un jugement de condamnation lui-même exécutoire ;
Que lorsqu'il existe un titre exécutoire mais que la créance doit être calculée, le juge a pouvoir de fixer le montant dû par le débiteur ;
Qu'il résulte de l'exposé des demandes des parties figurant dans la décision du 25 février 1997 que tel était précisément l'objet de la demande de la banque;
Que le tribunal, en constatant que la somme de 1.474.443,99 francs était due au titre du prêt no805 a simplement indiqué quel était, à la date de sa décision, le montant de la somme due en application du titre exécutoire dont disposait déjà le créancier et que c'est en vain que Madame C... prétend que ce jugement n'aurait pas quant à lui de force exécutoire puisqu'il ne fait que liquider, à la date à laquelle il statue, le montant des sommes dues à la CRCAM déjà détentrice d'un titre exécutoire ;
C/ En ce qui concerne la prescription intervenue :
Attendu que l'appelante fait ensuite valoir que la cour d'appel d'Amiens avait retenu dans sa décision ayant sur ce point l'autorité de la chose jugée que la prescription interviendrait, pour l'action engagée au titre du prêt no805, le 22 juin 2013 ; que le commandement de payer n'ayant été délivré que le 3 octobre 2014, les demandes en paiement de l'intimée sont prescrites ;
Que la banque soutient que les dispositions de l'arrêt rendu le 22 juin 2013 sont irrévocables et que Madame C... ne peut donc réintroduire une discussion sur l'existence d'une prescription ;
Mais attendu que le dispositif de cet arrêt qui a seul l'autorité de la chose jugée retient exclusivement que la prescription du prêt 805 n'est pas acquise à la date de prononcé de cette décision, ce qui ne préjudice pas d'une éventuelle prescription intervenue après le prononcé de celle-ci ;
Que Madame C... ne porte pas atteinte à l'autorité de la chose jugée en demandant qu'il soit retenu que la prescription est intervenue le 22 juin 2013, soit postérieurement à la décision qui a constaté que cette prescription n'était pas encore intervenue le 31 mai 2012 ;
Attendu que la CRCAM ne conteste pas que le délai de prescription a commencé à courir le 22 juin 2008, en raison de la réforme de la loi sur la prescription et pour les motifs retenus par l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, mais prétend que le délai de 5 années qui a commencé à courir à compter de cette date a été interrompu à compter du 7 mai 2009, date à laquelle Monsieur et Madame C... l'ont assignée devant le tribunal de grande instance de Beauvais notamment pour faire reconnaître la prescription de sa créance fondée sur le prêt no 805, jusqu'au 22 juin 2017, date de l'arrêt de la Cour de cassation ayant définitivement rejeté cette demande ;
Attendu qu'aux termes des articles 2241 et 2242 du code civil, la demande en justice, même en référé, même devant une juridiction incompétente et même si l'assignation est annulée pour vice de procédure interrompt la procédure jusqu'à l'extinction de l'instance ;
Mais attendu que la CRCAM était défenderesse à l'action engagée par Madame C... le 7 mai 2009 tendant à voir juger prescrite la dette issue des contrats de prêts conclus les 25 février et 14 octobre 1989 ;
Que seule constitue, pour le défendeur à une action, une demande en justice interrompant la prescription, celle par laquelle il prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ;
Que la banque ne conteste pas que, lors de la procédure introduite par la caution le 7 mai 2009, elle n'a conclu qu'au rejet de ses demandes, ce qui ressort d'ailleurs de l'exposé de la procédure contenu dans l'arrêt rendu le 31 mai 2012 par la cour d'appel d'Amiens ;
Qu'elle n'a, au cours de cette procédure, formé aucune demande reconventionnelle et que le délai de prescription de son action au titre du prêt no 805 n'a pas été interrompu au cours de cette instance (Cass.1re Civ., 10 avril 2019, no 18-17.581 ) ;
Que le délai d'action pour obtenir paiement au titre de ce prêt expirait donc le 22 juin 2013 et que la banque était donc prescrite quand elle a délivré commandement valant saisie immobilière le 3 octobre 2014 ;
Qu'il convient en conséquence de constater que la CRCAM ne disposait plus à cette date d'un titre exécutoire lui permettant de procéder à des actes d'exécution et de prononcer la nullité du commandement et de la saisie subséquente ;
- Sur les demandes reconventionnelles en paiement de dommages et intérêts formées par l'appelante :
Attendu que le juge de l'exécution est compétent pour indemniser les préjudices résultant de mesures d'exécution forcées non fondées ;
Attendu que Madame C..., qui s'était régulièrement engagée en qualité de caution, ne justifie aucunement avoir subi un préjudice moral né de la présente procédure d'exécution, ni une atteinte à sa réputation ou à son honneur et encore moins un préjudice résultant d'écritures de la CRCAM qui ne sauraient être qualifiées d'injurieuses et sera déboutée de sa demande tendant à la réparation de ces chefs de préjudice ;
Qu'il ne saurait être retenu qu'elle a subi un préjudice économique résultant de la perte des fermages auxquels elle aurait pu prétendre puisqu'elle n'avait consenti aucun bail rural et qu'un tel préjudice ne saurait résulter de son intention d'en consentir un et de la possibilité de percevoir une somme annuelle de 18.500 euros puisqu'il s'agirait là d'un préjudice de perte de chance dont elle ne se prévaut pas ;
Qu'il sera surabondamment relevé que l'appelante n'aurait en tout état de cause pas pu justifier d'une telle perte de chance en produisant exclusivement (sa pièce no28) une attestation quasi illisible établie le 23 janvier 2017 par Monsieur K... H... qui indique qu'il est "intéressé" par la location des terres appartenant à Madame C... sans aucunement faire état du montant du fermage qu'il offrait de verser ;
Attendu que la CRCAM, succombant à l'instance, en supportera les dépens et qu'il sera fait application, au profit de l'appelante, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME la décision entreprise,
STATUANT À NOUVEAU,
CONSTATE la prescription de l'action en paiement engagée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel BRIE PICARDIE au titre du cautionnement du prêt no805 consenti à Monsieur N... C... les 25 février 1989 et 14 octobre 1989,
DÉCLARE en conséquence nul le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 3 octobre 2014 à Madame R... E..., épouse C..., et la procédure de saisie immobilière subséquente,
DÉBOUTE Madame R... E..., épouse C..., de ses demandes en paiement de dommages et intérêts,
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel BRIE PICARDIE à payer à la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel BRIE PICARDIE aux dépens de première instance et d'appel,
ACCORDE à la SCP CORNU SADANIA, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT