COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 02/05/2019
Me Olivier BERRON
la SELARL Y... ET ASSOCIES
ARRÊT du : 02 MAI 2019
No : 180 - 19
No RG 18/01454 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FWII
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 20 Avril 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
Madame H... N...
née le [...] à ISSY LES MOULINEAUX (92130) [...]
[...]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/004240 du 25/06/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)
Ayant pour avocat Me Olivier BERRON, membre de la société d'avocats ARCOLE, Avocat au barreau de BLOIS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265224366974516
SA SOCIETE GENERALE
Société Anonyme
dont le Siège Social est à [...], agissant poursuites et diligences de son représentant légal demeurant audit Siège [...]
Ayant pour avocat Me B... Y..., membre de la SELARL Y... ET ASSOCIES, avocat au barreau de BLOIS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 30 Mai 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 février 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 28 MARS 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 02 MAI 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Les 7 et 12 août 2009, la Société Générale a consenti à l'EURL PIN'UP une convention de trésorerie d'un montant de 1.500 euros et un prêt de 8.000 euros
Madame H... N... s'est portée caution de ces engagements par deux actes signés à ces deux mêmes dates à hauteur de 1.950 euros pour tous les engagements de la société et de 5.200 euros pour le prêt.
La liquidation judiciaire de l'EURL PIN'UP a été prononcée le 8 avril 2011 par le tribunal de commerce de Blois.
Le 4 août 2016, la banque a assigné Madame N... devant le tribunal de commerce de Blois pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 1.049.83 euros au titre du cautionnement du 7 août 2009 couvrant toutes les dettes de l'EURL PIN'UP et de la somme de 5.200 euros au titre du cautionnement du 12 août 2009 relatif au prêt d'investissement consenti à la même société.
Par jugement en date du 20 avril 2018 improprement qualifié rendu en dernier ressort le tribunal a débouté Madame N... de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son engagement de caution du 12 août 2017, dit que ceux-ci ne sont pas disproportionnés, condamné Madame N... à payer à la Société Générale au titre de son cautionnement de toutes les dettes de l'EURL la somme de 1.025,06 euros, et au titre de son engagement de caution du prêt la somme de 5.200 euros, ces deux sommes étant assorties des intérêts au taux légal depuis le 23 mai 2011. Le tribunal a ordonné la capitalisation des intérêts et alloué à la Société Générale une indemnité de procédure de 1.000 euros.
Madame N... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 30 mai 2018.
Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de prononcer la nullité du cautionnement du 12 août 2009, de constater la disproportion des engagements de caution et dire que la banque ne pourra s'en prévaloir, de déchoir la Société Générale de son droit aux intérêts à compter du 7 mars 2012 et de la condamner à lui verser une indemnité de procédure de 2.500 euros ainsi qu'à supporter les dépens.
Elle fait valoir que son cautionnement du 12 août n'est pas conforme aux dispositions des articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable à l'espèce antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, puisque sa signature précède les mentions manuscrites ; que la fiche de renseignements établie à l'occasion du premier cautionnement démontre la disproportion de cet engagement et que la seconde fiche, qui fait état de disponibilité de 10.000 euros, comporte une anomalie apparente puisque cette somme était apportée pour obtenir le prêt réclamé et qu'elle n'était donc plus disponible. Elle souligne enfin que la banque a reconnu ne pas pouvoir justifier avoir rempli son obligation d'information annuelle depuis le 7 mars 2012 et elle prétend que c'est à compter de cette date que doit être prononcée la déchéance des intérêts.
La Société Générale sollicite à titre principal la confirmation de la décision attaquée; A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la nullité du cautionnement du 12 août 2009 serait prononcée elle réclame condamnation de Madame N... à lui payer la somme de 1.950 euros au titre de son cautionnement de toutes les dettes de l'EURL PIN UP, augmentée des intérêts au taux légal depuis le 23 mai 2011. En tout état de cause, elle réclame l'infirmation du chef du jugement qui a limité la capitalisation des intérêts jusqu'à la date du 31 décembre 2012 et demande à la cour d'ordonner la capitalisation des intérêts par année entière et de condamner Madame N... à lui verser une indemnité de procédure de 2.500 euros pour la procédure d'appel ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de Maître B... Y....
Elle prétend que le fait que Madame N... ait apposé sa signature avant la mention manuscrite légale n'a pu amoindrir son information ou sa protection ou être source d'une quelconque confusion puisque l'acte sous seing privé portait exclusivement sur son engagement de caution solidaire.
Elle soutient qu'il convient de tenir compte de la somme de 10.000 euros dont Madame N... disposait, ainsi que cela a été précisé dans la fiche de dialogue remplie le 12 août 2009, cet apport ayant dûment été enregistré sur le relevé bancaire de l'EURL PIN UP du mois d'août 2009.
Elle précise qu'elle a d'elle-même tiré les conséquences du fait qu'elle n'a pas adressé à Madame N... de lettres d'information postérieurement au 7 mars 2012 en ne sollicitant sa condamnation qu'à lui payer la somme de 5.200 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2011 et celle de 1.025,06 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2011 alors qu'il résulte des pièces qu'elle communique ; qu'au titre du prêt de 8.000 euros, le montant de la dette en principal de l'EURL PIN'UP s'élevait à la somme de 5.948,63 euros supérieure au montant de l'engagement de caution de Madame N... tandis que le solde de l'ouverture de compte fait apparaître un débit de 1.025,06 euros. Et elle souligne que la déchéance du droit aux intérêts contractuels ne s'applique pas aux intérêts légaux qui sont dus par la caution à compter de la mise en demeure qui lui a été adressée.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu en ce qui concerne la nullité du second cautionnement qu'en application de l'article L.341-2 du code de la consommation, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même." ;
Attendu que c'est en faisant une lecture erronée de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 22 septembre 2016 (pourvoi no15-19.543) qui lui était communiqué par la banque que le tribunal a débouté Madame N... de cette demande en retenant que « la position récente de la Cour de cassation est que la position de la signature n'entache pas significativement le consentement de la caution » ;
Que la position de la Cour de cassation est en effet demeurée la même et qu'elle retient toujours que l'absence de signature en dessous de la mention manuscrite entraîne la nullité du cautionnement ;
Que l'arrêt susvisé indique seulement que lorsque la signature est portée en marge ou avant la mention manuscrite, la nullité n'est cependant pas encourue SI la caution a paraphé la mention et qu'aucun texte ne figure entre son paraphe et son engagement manuscrit, la Haute juridiction ayant retenu qu'un tel paraphe suivant immédiatement la mention manuscrite permet de vérifier la connaissance qu'avait la caution de l'étendue et de la portée de son engagement ;
Qu'en l'espèce, le 12 août 2009, la signature de Madame N... a été apposée avant la mention manuscrite, sous le texte dactylographié dont les derniers paragraphes étaient relatifs à la reconnaissance de la remise de l'acte et à la clause attributive de compétence ;
Qu'aucun paraphe n'a été porté immédiatement sous la mention manuscrite de l'engagement de caution le paraphe de Madame N... en bas et en coin de page après un autre texte dactylographié suivant la mention manuscrite ne pouvant suppléer l'absence de signature sous cette mention manuscrite ;
Qu'en effet, l'article L. 341-2 du code de la consommation prescrit à peine de nullité que l'engagement manuscrit émanant de la caution précède sa signature;
Qu'ayant constaté que la caution avait apposé sa signature immédiatement sous les clauses pré-imprimées de l'acte et inscrit la mention manuscrite légalement requise sous sa signature, sans la réitérer sous cette mention, le tribunal devait constater que cet engagement était nul ;
Que, par infirmation du jugement déféré, il convient donc de prononcer la nullité de l'acte de cautionnement du 12 août 2009 ;
Attendu en ce qui concerne la disproportion alléguée pour le premier cautionnement qu'aux termes de l'article L.341-4 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à ses obligations ;
Qu'en l'espèce, Madame N... a déclaré le 7 août 2009 percevoir des revenus mensuels de 753 euros, n'avoir aucun patrimoine et aucune épargne ;
Que, si ce n'est que cinq jours plus tard, lorsqu'elle a souscrit le second cautionnement qu'elle a indiqué disposer d'une somme de 10.000 euros investie dans l'EURL qu'elle créait, elle ne conteste cependant pas qu'elle détenait ces fonds ;
Que l'investissement de cette somme dans la société ne peut être analysé que comme un apport en numéraire incorporé au capital social de l'EURL et devait donc être pris en compte par la banque pour apprécier une éventuelle disproportion des engagements de Madame N..., une telle appréciation ne s'opérant pas, contrairement à ce que prétend l'appelante, au regard des "disponibilités" de la caution mais de son patrimoine pouvant être réalisé ;
Qu'au regard de cet apport en numéraire, l'engagement souscrit le 7 août 2009 à hauteur de 1.950 euros n'apparaissait aucunement disproportionné et que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné Madame N... à honorer cet engagement ;
Attendu qu'aux termes de l'article L.341-6 du code de la consommation et de l'article L.313-22 du code monétaire et financier le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à la formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ;
Attendu que la banque reconnaît ne pas pouvoir verser aux débats les lettres d'information postérieures au 7 mars 2012 ;
Que c'est sans fondement que Madame N... prétend que la Société Générale doit être déchue de son droit à percevoir les intérêts depuis le 7 mars 2012 et non le 31 mars 2013 puisque la précédente information du 7 mars 2012 valait jusqu'au 31 mars 2013 et que c'est à compter de la fin de cette précédente information que la déchéance doit s'appliquer ;
Attendu que Madame N... ne conteste pas la capitalisation des intérêts ;
Attendu que chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions conservera à sa charge les dépens exposés pour la procédure et qu'il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que ce soit pour la procédure de première instance ou pour celle d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise, mais seulement en ce qu'elle a condamné Madame H... N... à payer à la Société Générale, au titre de son cautionnement en date du 12 août 2009, la somme de 1.025,06 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2011, et a ordonné la capitalisation des intérêts,
L'INFIRME pour le surplus
STATUANT À NOUVEAU,
DÉCLARE nul l'engagement de caution souscrit le 12 août 2009 par Madame H... N...,
DÉBOUTE en conséquence la Société Générale de sa demande tendant au paiement de la somme de 5.200 euros,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune d'elles supportera les dépens qu'elle aura pu engager à l'occasion de la procédure de première instance et d'appel et DIT n'y avoir lieu en conséquence à accorder aux avocats de la cause le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT