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18/04/2019 | FRANCE | N°18/026171

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 18 avril 2019, 18/026171


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/04/2019
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
ARRÊT du : 18 AVRIL 2019

No : 156 - 19
No RG 18/02617 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FYWI

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON en date du 15 Septembre 2015,

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :

Madame C... J...
née le [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Joanna FIRKOWSKI, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au ba

rreau d'ORLEANS,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/007653 du 12/11/2018 accordée par le bureau ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/04/2019
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
ARRÊT du : 18 AVRIL 2019

No : 156 - 19
No RG 18/02617 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FYWI

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON en date du 15 Septembre 2015,

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :

Madame C... J...
née le [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Joanna FIRKOWSKI, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/007653 du 12/11/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)

D'UNE PART

INTIMÉE :

La BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST,
anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE SA,
prise en la personne du Président de son Conseil d'Administration et de ses administrateurs, en exercice, et de tous représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège. [...]

Ayant pour avocat postulant Me Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Philippe CHALOPIN, membre de la SELARL ATLANTIC JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 08 Octobre 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 février 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 07 MARS 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 18 AVRIL 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige :

Selon acte sous seing privé en date du 24 juillet 2009, la société NUANCES AGENCEMENTS a ouvert un compte courant professionnel no [...] dans les livres de la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE (la Banque Populaire).

Par acte séparé du 27 avril 2010, Monsieur T... J... et son épouse, Madame C... M..., se sont portés caution solidaire et indivisible des engagements de la société envers la Banque Populaire dans la limite de 12.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou des intérêts de retard.

Le 29 février 2012, la société NUANCES AGENCEMENTS a contracté un prêt de restructuration professionnel [...] de 100.000 euros auprès de la même banque. Ce prêt a été garanti par un nantissement du fonds de commerce et par l'engagement de caution de Madame C... J... donné par acte séparé du 3 mars 2012, dans la limite de la somme de 60.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou des intérêts de retard.

La société NUANCES AGENCEMENTS a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de la Roche Sur Yon en date du 13 février 2013, et la procédure collective a été convertie en liquidation judiciaire par nouveau jugement du 10 avril 2013.

La Banque Populaire a déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers, pour les sommes de :
- 93.102,60 euros à titre privilégié, en vertu du prêt du 29 février 2012 (prêt de restructuration),
- 5.495,60 euros à titre chirographaire en vertu du solde débiteur du compte courant professionnel et d'un prêt SOCAMA FEI no [...] non cautionné par Madame J...

Après avoir vainement mis en demeure Monsieur et Madame J... d'honorer leurs engagements de caution le 19 avril 2013, le prêteur a procédé à l'inscription d'une hypothèque provisoire sur un immeuble appartenant à Madame J... et l'a assignée le 15 janvier 2014 devant le tribunal de grande instance de La Roche sur Yon afin de la voir condamnée à lui payer la somme de 1.580,20 euros au titre du solde débiteur du compte courant professionnel outre les intérêts au taux légal depuis le 13 septembre 2013 en exécution de l'engagement de caution du 27 avril 2010 ainsi que celle de 60.009,67 euros au titre du prêt de restructuration professionnel augmentée des intérêts au taux légal depuis la mise en demeure du 19 avril 2013 en exécution de l'engagement de caution du 3 mars 2012 outre une indemnité de procédure.

Madame J..., qui s'est opposée aux prétentions de la banque, a invoqué la nullité de son engagement de cautionnement du 3 mars 2012, la disproportion de son engagement de caution du 27 avril 2010 et subsidiairement la déchéance du droit de la banque de son droit à percevoir les intérêts contractuels pour manquement à son obligation d'information annuelle.

Par jugement du 15 septembre 2015, le tribunal a débouté Madame J... de sa demande de nullité de l'acte de cautionnement signé le 3 mars 2012, l'a condamnée à payer à la Banque Populaire la somme de 60.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2014 et celle de 1.580,20 euros au titre du solde débiteur du compte courant avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2014, a ordonné la capitalisation des intérêts échus à compter du 15 janvier 2014 et a débouté Madame J... de sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement.

Statuant sur l'appel relevé par Madame J..., la cour d'appel de Poitiers, par arrêt du 17 janvier 2017, a déclaré recevable sa demande portant sur le caractère disproportionné du cautionnement souscrit le 3 mars 2012, a confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Madame J... de sa demande d'annulation de ce cautionnement, a infirmé le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau, a dit que les engagements de caution souscrits les 27 avril 2010 et 3 mars 2012 sont manifestement disproportionnés et que la banque ne peut donc s'en prévaloir. Elle a débouté la Banque Populaire de toutes ses demandes en paiement, a dit sans objet les demandes relatives à la déchéance du droit aux intérêts et à l'octroi de délais de paiement, et a condamné l'intimée à verser à Madame J... la somme de 3.000 euros pour frais de procédure.

Saisie par le pourvoi formé par la Banque Populaire, la Cour de cassation, par arrêt du 4 juillet 2018, a cassé et annulé l'arrêt rendu le 17 janvier 2017 par la cour d'appel de Poitiers, mais seulement en ce qu'il a dit que l'engagement de caution souscrit par Madame J... le 27 avril 2010 a un caractère manifestement disproportionné, que la Banque Populaire Atlantique ne peut s'en prévaloir, a rejeté, en conséquence, sa demande en paiement à ce titre, et a statué sur les frais et dépens. Pour statuer ainsi, la Haute cour a retenu que la cour d'appel avait privé sa décision de base légale en omettant de rechercher si, comme elle y était invitée, Monsieur et Madame J... n'étaient pas mariés sous le régime de la communauté légale et, dans ce cas, si l'engagement de caution souscrit par Madame J... était manifestement disproportionné tant au regard de ses biens propres et ses revenus que de celui des biens communs, incluant les revenus de son conjoint.

Elle a remis, sur les seuls points objets de la cassation, la cause et les parties dans l'état ou elles se trouvaient et les a renvoyées devant cette cour qui a été saisie par déclaration de la Banque Populaire en date du 8 octobre 2018.

Madame J..., qui sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à la Banque Populaire la somme de 60.000 euros au titre du prêt de restructuration professionnel et celle de 1.580,20 euros au titre du solde débiteur du compte courant professionnel, a ordonné la capitalisation des intérêts et l'a déboutée de sa demande de délais de paiement et d'indemnité de procédure, demande à la cour, à titre principal, de constater le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution du 27 avril 2010 et de débouter l'intimée de ses demandes ; à titre subsidiaire, de constater le manquement de la banque à son obligation d'information annuelle, de la déchoir de tout droit aux intérêts et, à titre très subsidiaire, de lui octroyer des délais de paiement dans la limite de deux ans. Elle réclame en toute hypothèse la condamnation de la banque à lui verser une indemnité de procédure de 3.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la S.C.P. LAVAL etamp; FIRKOWSKI.

Elle soutient que son engagement de caution à hauteur de 12.000 euros souscrit le 27 avril 2010 est disproportionné à ses revenus et à ceux du couple qui étaient de 7.245 euros pour l'année 2009 et de 16.511 euros en 2010 et qui ne disposait d'aucun patrimoine immobilier puisqu'il avait contracté un emprunt sur 30 ans et avait donc déjà souscrit des engagements au titre d'un prêt de 153.799 euros et d'un cautionnement de 42.000 euros. Elle précise que la société rencontrait dès cette date des difficultés financières.

Elle relève que le tribunal, qui a retenu que la banque ne justifiait pas avoir satisfait à son obligation d'information annuelle et qui l'a déchue de son droit aux intérêts contractuels, a omis d'en faire mention dans le dispositif de sa décision et répond que c'est sans fondement que la banque prétend que l'obligation d'information ne s'applique pas au cautionnement tous engagements. Elle soutient que la production du courrier du 25 février 2013 est insuffisant pour démontrer que l'intimée a satisfait à son obligation d'information annuelle.

Elle fait enfin état d'une situation financière particulièrement difficile.

La Banque Populaire demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle se dénomme désormais BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté le moyen tiré d'une disproportion de l'acte de cautionnement souscrit le 27 avril 2010, a ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter du 15 janvier 2014, date de l'acte introductif d'instance, a débouté Madame J... de sa demande de délais de paiement et l'a condamnée à supporter les dépens, mais de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sollicite condamnation de Madame J... à lui payer 12.000 euros au titre du cautionnement du 27 avril 2010 et ce en garantie des sommes qui lui sont dues au titre du solde débiteur du compte courant et du prêt de restructuration professionnel, outre les intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2013, date du dernier décompte. Elle réclame la capitalisation des intérêts à compter du 15 janvier 2014 conformément à l'article 1154 du code civil, et versement d'une indemnité de procédure de 1.500 euros pour les frais exposés en première instance et de 2.500 euros pour les frais d'appel avec la précision de ce qu'en cas d'exécution forcée, le montant des sommes retenues par l'huissier de justice en application du décret no 2016-230 du 26 février 2016 devra être supporté par la débitrice. Elle sollicite enfin condamnation de Madame J... aux dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient qu'en présence d'époux communs en biens tous deux cautions solidaires d'une même dette, l'appréciation de la proportionnalité de l'engagement de chacun d'eux doit être effectuée, non seulement en considération des biens propres de l'époux concerné, mais également au regard des biens communs du couple. Et elle fait observer que Monsieur et Madame J... ont perçu des revenus de 28.988 euros en 2010 et qu'ils sont propriétaires d'une maison d'habitation dont Madame J... se garde de communiquer la valeur de sorte qu'elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la disproportion de l'engagement à son patrimoine et à ses revenus.

Elle fait valoir, s'agissant du devoir d'information annuelle, que l'article L 313-22 du code monétaire et financier ne s'applique pas au cautionnement tous engagements qui a été souscrit sans référence à un concours financier particulier, qu'elle n'est tenue de justifier de l'exécution de l'obligation d'information annuelle qu'au titre du cautionnement du prêt mais non du compte courant, que le cautionnement du prêt ayant été donné par acte du 3 mars 2012 et la société NUANCES AGENCEMENTS ayant été placée en liquidation judiciaire le 10 avril 2013, elle justifie avoir exécuté son obligation d'information annuelle par la production de la lettre d'information adressée à la caution le 25 février 2013 et qu'elle n'encourt par conséquent aucune déchéance des intérêts légaux qui ont commencé à courir à compter de la mise en demeure du 19 mars 2013.

Elle s'oppose enfin aux délais de paiement sollicités en soulignant que l'intimée en a déjà bénéficié de fait, compte-tenu de la durée de la procédure.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers le 17 janvier 2017 a déclaré recevable la demande de Madame J... portant sur le caractère disproportionné du cautionnement souscrit le 3 mars 2012, a confirmé le jugement en ce qu'il a débouté Madame J... de sa demande d'annulation de ce cautionnement, a infirmé le jugement en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau, a dit que les engagements de caution souscrits par Madame J... les 27 avril 2010 et 3 mars 2012 sont manifestement disproportionnés et que la banque ne peut donc s'en prévaloir. Il a débouté la banque de toutes ses demandes en paiement, a dit sans objet les demandes relatives à la déchéance du droit aux intérêts et à l'octroi de délais de paiement, et a condamné la Banque Populaire à verser à Madame J... la somme de 3.000 euros pour frais de procédure ;

Que l'arrêt rendu le 4 juillet 2018 par la Cour de cassation casse et annule cet arrêt "mais seulement en ce qu'il a dit que l'engagement de caution souscrit le 27 avril 2010 a un caractère manifestement disproportionné et que la société Banque Populaire Atlantique ne peut s'en prévaloir, rejette en conséquence sa demande en paiement à ce titre et statue sur les frais et dépens" ;

Qu'il résulte de cette cassation partielle que sont devenues irrévocables les autres dispositions non cassées de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, et notamment celle qui a déclaré disproportionné l'engagement de caution souscrit le 3 mars 2012 ;

Que ce caractère irrévocable rend sans objet la demande de Madame J... tendant à l'infirmation du chef du jugement de première instance qui l'a condamnée à payer à la Banque Populaire la somme de 60.000 euros au titre du prêt de restructuration professionnel, cette infirmation ayant déjà été prononcée par les chefs non cassés de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers ;

Que cette cour n'est donc saisie que du litige portant sur le caractère disproportionné de l'engagement de caution souscrit le 27 avril 2010 par Madame J... à hauteur de 12.000 euros et sur les sommes qui pourraient lui être réclamées au titre de ce cautionnement ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Qu'il appartient à celui qui s'en prévaut de d'établir l'existence d'une disproportion ;

Attendu que Madame J... fait valoir qu'à la date à laquelle a été souscrit l'engagement litigieux, la société connaissait déjà des difficultés, ce qui est sans lien avec la disproportion du cautionnement dont elle a uniquement saisi la cour et conduit à ne pas examiner cette argumentation ;

Que l'appelante indique ensuite qu'elle-même et son époux n'étaient pas imposables au titre de l'impôt sur le revenu des années 2009 et 2010 ; qu'en 2009, elle n'a déclaré aucun revenu alors que son époux a déclaré un revenu annuel de 7.245 euros soit une moyenne mensuelle de 603,75 euros ; qu'en 2010, elle a perçu 2.726 euros annuels et son époux 16.511 euros ; qu'ils avaient deux enfants à charge ; qu'il résulte du tableau d'amortissement afférent au crédit immobilier qu'ils avaient souscrit qu'ils n'étaient pas, au 27 avril 2010, propriétaires d'un bien immobilier puisqu'ils avaient contracté un emprunt sur une période de 300 mois ; qu'à la date du 27 avril 2010, Monsieur J... avait déjà souscrit, en sus de l'emprunt susvisé, un cautionnement de 42.000 euros au titre d'un premier prêt octroyé par la même banque au profit de la société NUANCES AGENCEMENTS ;

Attendu qu'en présence d'époux communs en biens tous deux cautions solidaires d'une même dette, l'appréciation de la proportionnalité de l'engagement de chacun d'eux doit être effectuée non seulement en considération des biens propres de l'époux concerné mais également au regard des biens communs du couple (Cass com, 5 février 2013, no 11-18644) ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de l'avis d'imposition de l'année 2009 qui porte sur les revenus de l'année 2008, ni de l'avis d'imposition 2010 qui porte sur les revenus de l'année 2009 ;

Qu'il résulte tant du jugement déféré que des pièces communiquées par les parties devant la cour qu'au moment de l'engagement litigieux :
- les revenus mensuels de Monsieur et Madame J... en 2010 étaient au total de 2.535 euros (avis d'imposition 2011 sur les revenus 2010),
- le couple était propriétaire d'un immeuble d'habitation, le fait qu'un emprunt ait pu être souscrit pour le financer étant sans effet sur ce droit de propriété,
- Madame J... ne communique aucune pièce permettant de vérifier le prix d'acquisition de ce bien,
- il n'est pas possible de vérifier si ce prix a été payé en totalité ou en partie seulement au moyen de l'emprunt immobilier souscrit à hauteur de 153.799 euros,
- Madame J... ne soutient pas qu'elle-même et son époux ne seraient plus propriétaires de cet immeuble,

Qu'il convient de constater que Madame J..., sur laquelle pèse la charge de la preuve d'une disproportion, ne justifie pas de la valeur nette (valeur - emprunts à courir) à la date de son engagement ;

Qu'elle n'apporte dès lors pas la preuve qui lui incombe d'une part d'une disproportion existant au jour de la signature de son engagement ;

Que le prêteur fait par ailleurs à raison valoir que Madame J... est toujours propriétaire de son immeuble qui a une valeur d'au moins 153.000 euros, montant du prêt souscrit pour le financer et que le capital restant dû sur les emprunts à la date à laquelle la caution est appelée a nécessairement diminué, ce qui augmente la valeur nette actuelle de ce bien et lui permet d'honorer son engagement à hauteur de la seule somme de 12.000 euros due à la date à laquelle elle a été appelée ;

Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir constater l'existence d'une disproportion du cautionnement souscrit le 27 avril 2010 ;

Attendu que la banque fait valoir qu'elle est créancière de Madame J..., d'une part au titre du solde débiteur du compte courant d'un montant de 1.580,20 euros, d'autre part de 93.102,60 euros au titre de l'emprunt de 100.000 euros ;

Attendu que, si le cautionnement du 3 mars 2012 souscrit en même temps que cet emprunt est désormais déclaré disproportionné, rien n'empêche la banque de se prévaloir de l'engagement de Madame J... en date du 27 avril 2010 pour retenir qu'elle garantit également cet emprunt ;

Qu'en effet, dans cet acte, l'appelante s'est expressément engagée à garantir " toutes les obligations dont le débiteur principal est ou pourrait être tenu vis-à-vis de la Banque Populaire Atlantique (..) et, sans que cette énumération soit limitative, les soldes définitifs ou provisoires des comptes courants ouverts au débiteur principal (..) les crédits le concernant";

Que la banque peut donc se prévaloir de cet engagement pour réclamer paiement par la caution au titre de tous les emprunts souscrits par la société, y compris ceux postérieurs à la souscription de la garantie, et au titre du solde débiteur du compte courant ;

Attendu que la banque ne saurait prétendre avoir satisfait à son obligation d'information annuelle en adressant une unique lettre d'information à Madame J... alors qu'elle était tenue d'une telle information jusqu'au paiement de l'emprunt ;

Mais attendu que même en retenant que les dispositions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier empêchent l'intimée de réclamer paiement des intérêts au taux contractuel, il ne peut qu'être relevé qu'au regard de paiements intervenus au titre du prêt de consolidation contracté le 29 février 2012 et devant être remboursé au moyen d'échéances mensuelles de 1.558,33 euros, le montant total des échéances remboursées depuis le début du prêt jusqu'à l'ouverture de la liquidation judiciaire intervenue le 10 avril 2013 s'élève au maximum à 18.705,96 euros;

Qu'en imputant ces paiements sur le capital emprunté de 100.000 euros, reste due, même sans tenir compte du solde débiteur du compte courant nécessitant d'être recalculé en raison de la déchéance prononcée, une somme de 81.294,04 euros en tout état de cause supérieure au montant cautionné de 12.000 euros ;

Que Madame J... sera donc condamnée à verser à l'intimée la somme de 12.000 euros au titre de son engagement du 27 avril 2010 ;

Attendu que la banque, qui a adressé une mise en demeure à Madame J... le 19 avril 2013, réclame paiement des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2013, ce qui est favorable à la caution et qu'il sera fait droit à cette demande ;

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 1343-2 nouveau du code civil, applicable à la date à laquelle la cour statue puisque la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisés, la capitalisation des intérêts n'est pas de droit et ne sera pas ordonnée ;

Attendu que Madame J... communique un avis d'impôts sur les revenus perçus en 2017 aux termes duquel elle-même et son mari ont perçu un revenu annuel de 15.694 euros ;
Qu'elle justifie de ressources modestes qui conduisent à lui accorder les délais de paiement qui seront précisés au dispositif de la présente décision ;

Que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à l'octroi de tels délais ;

Attendu que les demandes de l'appelante et l'intimée étant partiellement fondées, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que Madame J... supportera la charge des dépens de première instance et d'appel sans qu'il y ait lieu de lui faire supporter les frais d'exécution forcée que la loi laisse à la charge du créancier ;
PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

STATUANT dans la limite de la cassation intervenue,

DONNE ACTE à la BANQUE POPULAIRE ATLANTIQUE de ce qu'elle se dénomme désormais BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST,

CONFIRME le jugement rendu le 15 septembre 2015 par le tribunal de grande instance de La Roche sur Yon en ce qu'il a condamné Madame C... M... épouse J... aux dépens,

INFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a condamné Madame C... M... épouse J... à payer à la Banque Populaire Atlantique la somme de 1.580,20 euros au titre du solde débiteur du compte courant avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2014 et a ordonné la capitalisation des intérêts,

STATUANT À NOUVEAU de ces chefs,

PRONONCE la déchéance du prêteur de son droit à réclamer paiement, par Madame C... M... des intérêts au taux contractuel,

CONDAMNE Madame C... M... épouse J... à payer à la BANQUE POPULAIRE DU GRAND OUEST la somme de 12.000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2013,

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/026171
Date de la décision : 18/04/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2019-04-18;18.026171 ?
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