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18/04/2019 | FRANCE | N°18/013771

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 18 avril 2019, 18/013771


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/04/2019
la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES
la SCP BERTRAND RADISSON BROSSAS
ARRÊT du : 18 AVRIL 2019

No : 154 - 19
No RG 18/01377 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FWDA

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 19 Avril 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265221818355970

Madame I... A...
née le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Gaëtane MOULET, membre

de la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 12...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/04/2019
la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES
la SCP BERTRAND RADISSON BROSSAS
ARRÊT du : 18 AVRIL 2019

No : 154 - 19
No RG 18/01377 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FWDA

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 19 Avril 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265221818355970

Madame I... A...
née le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Gaëtane MOULET, membre de la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265222931866791

Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE
Service contentieux
[...]

Ayant pour avocat Me Philippe BERTRAND, membre de la SCP BERTRAND RADISSON BROSSAS, avocat au barreau d'ORLEANS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 25 Mai 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 14 Février 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 07 MARS 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 18 AVRIL 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige :

Selon acte sous seing privé en date du 17 juillet 2012, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE (la CRCAM) a consenti à l'EURL SYDEL un prêt immobilier destiné à financer les travaux d'aménagement d'un bâtiment à usage commercial, ce prêt d'un montant de 316.000 euros étant remboursable en 84 mensualités au taux de 3,71%.

Le remboursement de ce prêt a été garanti par un privilège de nantissement inscrit sur le fonds de commerce de librairie papeterie de l'EURL SYDEL ainsi que par la société OSÉO pour moitié et par le cautionnement solidaire donné le 6 juillet 2012 par Madame I... G..., épouse A..., gérante associée de l'EURL, à concurrence de la somme de 63.200 euros. Monsieur E... A..., époux de la gérante, a expressément consenti à ce cautionnement.

Par jugements en dates des 3 février et 25 mai 2016, le tribunal de commerce d'Orléans a prononcé d'abord le redressement, puis la liquidation judiciaire de l'EURL SYDEL.

La banque a déclaré ses créances qui ont été admises à hauteur des sommes déclarées, soit pour le prêt immobilier susvisé à hauteur de la somme de 236.929,22 euros.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 juin 2016, la CRCAM a mis Madame A... en demeure d'honorer ses engagements et, en l'absence de paiement, l'a assignée le 16 juin 2017 devant le tribunal de commerce d'Orléans en réclamant sa condamnation à lui payer la somme de 63.200 euros.

Par jugement en date du 19 avril 2018, le tribunal a condamné Madame A... à payer à la demanderesse la somme de 63.200 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 2016 avec imputation par priorité des paiements sur le capital, ordonné la capitalisation annuelle des intérêts, accordé à Madame A... des délais lui permettant de régler sa dette en 23 mensualités de 1.000 euros la dernière du solde, dit qu'en cas de non respect de cet échéancier, le solde du montant dû deviendra immédiatement exigible, et alloué à la CRCAM une indemnité de procédure de 1.000 euros.

Madame A... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 25 mai 2018.

Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de dire son cautionnement nul et de nul effet en l'absence de mention manuscrite sur l'avenant et de l'erreur ou du dol ayant vicié son consentement. A titre subsidiaire, elle soutient que la banque a manqué à son obligation d'information et de loyauté et engagé sa responsabilité en ne l'informant pas sur la garantie OSEO, et demande que lui soient alloués des dommages et intérêts d'un montant égal à son engagement et que soit ordonnée la compensation entre les créances respectives des parties. A titre encore subsidiaire, elle demande à la cour de dire son cautionnement inopposable en raison de sa disproportion. Encore plus subsidiairement, de juger que la banque a manqué à son devoir de mise en garde et de la condamner à lui verser des dommages et intérêts d'un montant égal à son engagement puis d'ordonner la compensation entre les créances respectives des parties. A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite les plus larges délais de paiement et en toutes hypothèses, réclame paiement d'une indemnité de procédure de 6.000 euros ainsi que condamnation de l'intimée à supporter les dépens dont distraction au profit de la SELARL ACTE AVOCATS ASSOCIES.

Elle prétend que la banque ne serait pas recevable à agir à son encontre puisqu'elle s'est portée caution d'un prêt dont la dernière échéance devait intervenir le 10 juillet 2019 ; que la CRCAM a déclaré sa créance au titre d'un prêt dont la dernière échéance est au 10 avril 2022. Elle affirme qu'un nouveau prêt ou un avenant a nécessairement aggravé la charge du cautionnement en rendant le prêt initial plus onéreux avec un amortissement du capital ralenti et en augmentant le risque encouru par la caution de se voir appelée aux lieu et place du débiteur principal, même si la durée du cautionnement n'a pas été modifiée. Et elle soutient que son consentement à cette modification aurait donc dû être recueilli dans les formes exigées pour le cautionnement.

Elle soutient ensuite que son consentement a été vicié parce qu'elle y a consenti "de toute évidence" au regard de la garantie OSEO accordée à hauteur de 50% du montant du prêt. Elle se prévaut d'un arrêt rendu par la Cour de cassation qui a retenu en un tel cas la nullité du cautionnement. Et elle fait valoir que l'acte de prêt mentionne au titre des garanties :
- Le « nantissement du fonds de commerce »
- La « caution personne physique » : Mme A... 20% -
- La « caution société de cautionnement » : OSEO GARANTIE 50%
et affirme qu'elle n'a donc pu comprendre que la garantie OSEO ne profitait qu'à la banque. Elle souligne que la renonciation par la caution au bénéfice de division et de discussion n'atteint pas le recours de la caution contre les cofidéjusseurs et/ou codébiteurs.

A titre subsidiaire, elle soutient que, dès lors que la banque ne produit pas les conditions générales OSEO paraphées par elle-même l'avertissant des limites de cette garantie qui ne la décharge pas à 50% de la dette et donc de sa propre garantie, elle a manqué à son obligation d'information précontractuelle et à son obligation de contracter de bonne foi ; que, libraire de formation, elle n'avait aucune expérience commerciale ; que le projet était voué à l'échec dès le début puisque le montant du loyer était tel que l'équilibre pouvait être difficilement atteint par l'exploitation de ce fonds qui était à créer ; mais que la Caisse d'Epargne a omis de la mettre en garde sur le risque d'endettement né de l'opération financée.

Elle excipe enfin de la disproportion du cautionnement souscrit en faisant valoir que, si la fiche de renseignements qu'elle a remplie ne mentionne pas ses autres crédits et engagements, la Caisse d'Epargne ne pouvait les ignorer puisqu'elle bénéficiait d'un nantissement pari passu avec le Crédit Agricole ; qu'il existait donc des anomalies apparentes sur la fiche de solvabilité et que la banque ne peut donc lui opposer les renseignements qui y figurent. Et elle soutient que sa situation réelle doit dès lors être prise en considération.

La CRCAM sollicite quant à elle la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance de la banque de son droit aux intérêts conventionnels. Elle réclame en conséquence condamnation de Madame A... à lui payer la somme de 63.200 euros outre intérêts au taux annuel de 3,71% à compter du 2 juin 2016. En tout état de cause elle réclame versement d'une nouvelle indemnité de procédure de 3.000 euros ainsi que condamnation de l'appelante à supporter les dépens, dont distraction au profit de la SCP BERTRAND RADISSON BROSSAS.

Elle affirme qu'il n'y a pas eu d'avenant et que les conditions quant au montant emprunté et au taux appliqué n'ont pas été modifiées, seule la durée du crédit ayant été allongée.

Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucun dol ; que Madame A... ne justifie aucunement que le fait que la garantie OSEO ait pu lui profiter aurait été un élément déterminant de son consentement au cautionnement ; qu'en tout état de cause, elle a renoncé au bénéfice de l'article 2310 du code civil à l'égard des organismes de caution mutuelle agissant en qualité de co-cautions et ne saurait dès lors prétendre que la croyance qu'elle-même pourrait se retourner contre OSEO aurait vicié son consentement.

Elle soutient que l'appelante était une caution avertie ; qu'elle avait certes une formation de libraire mais oublie de préciser que la société SYDEL qu'elle gérait était créée depuis trois années lorsque le prêt litigieux lui a été accordé ; que Madame A... était donc en possession de tous les éléments utiles pour souscrire son engagement et elle souligne que l'opération n'était aucunement vouée dès le début à l'échec puisque le prêt a été remboursé pendant trois années.

Enfin, elle affirme que la fiche de solvabilité renseignée par Madame A... ne présentait aucune anomalie apparente et qu'elle peut en conséquence opposer à la caution l'intégralité de ses propres déclarations, aucune disproportion ne pouvant être retenue au regard de celles-ci.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Sur la nullité de l'engagement de caution :

* sur l'existence d'un avenant :

Attendu que Madame A... soutient qu'un ou plusieurs avenants ont opéré novation du contrat initial et qu'elle aurait donc dû souscrire un nouvel engagement, sa garantie initiale ayant disparu en application de l'article 1281 du code civil disposant que la novation opérée à l'égard du débiteur principal libère les cautions ;

Attendu que l'article 1273 du code civil stipule que la novation ne se présume pas et qu'il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte ;

Qu'un arrêt de la troisième chambre de la Cour de cassation est venu expliciter les critères nécessaires à la novation ayant un effet libératoire pour la caution (Cass. Civ 3, 4 avril 2001 no 99-11.301) ;

Qu'en application de cette décision, il convient de vérifier qu'il y a eu une extinction de la dette principale et la création d'une nouvelle obligation ainsi qu'un changement de l'assiette des obligations du débiteur et de la caution ;

Qu'aux termes d'une jurisprudence constante, toute modification des modalités de remboursement d'un emprunt n'emporte pas conclusion d'un nouveau contrat (cf notamment Cass. com 21 janvier 2003 no 94 -18.829) ;

Que, la novation ne se présumant pas, elle doit résulter clairement des actes et qu'en cas d'emprunt, il ne suffit pas, pour l'opérer, de modifier les modalités de remboursement ;

Attendu qu'en l'espèce, le prêt consenti à l'EURL SYDEL n'a pas été renégocié et qu'il n'a été signé aucun avenant mais que l'EURL a uniquement fait usage des dispositions contractuelles lui permettant une « pause crédit ›› et une " modulation" du montant des échéances contractuellement, possibilités expressément prévues par les articles A2 et A1 du contrat de prêt ;

Que Madame A... a accepté que le cautionnement s'applique au remboursement de toutes les sommes que le cautionné pourra devoir en application du contrat de prêt dont elle a approuvé les mentions, y compris celles concernant la pause crédit et la modulation des mensualités en en paraphant toutes les pages, tant en sa qualité de caution qu'en sa qualité de représentant légal de l'emprunteur

Que les parties n'ont d'ailleurs signé aucun avenant et qu'en l'absence d'obligations principales nouvelles garanties et en raison de son caractère accessoire, l'engagement de caution initial de Madame A... subsiste et couvre le contrat initial ;

* sur l'existence d'un dol ou d'une erreur :

Attendu qu'il appartient à la partie qui se prévaut d'un vice du consentement d'apporter la preuve du dol ou de l'erreur qu'elle invoque ;

Que le dol suppose la volonté de tromper d'un cocontractant ou sa réticence à communiquer à l'autre partie des éléments qu'elle sait être déterminants pour son consentement ;

Que Madame A... n'articulant aucun argument relatif à une telle tromperie, sa demande tendant à voir reconnaître l'existence d'un dol sera rejetée ;

Attendu que l'erreur qu'elle invoque ne peut, aux termes de l'ancien article 1110 du code civil applicable au litige, être reconnue que lorsqu'elle porte sur la substance même de ce qui en est l'objet ;

Que l'appelante, qui s'est engagée à hauteur de 20% de l'encours dû par la société qu'elle gérait, n'expose pas comment elle aurait pu comprendre que la garantie OSEO, consentie à hauteur de 50% de ce même encours, l'aurait autorisée à recouvrer sur cette caution mutuelle les sommes qu'elle serait éventuellement amenée à régler à la Caisse d'Epargne en cas de défaillance de la débitrice principale ;

Qu'en effet, le contrat de prêt mentionne expressément qu'ont comparu le prêteur, l'emprunteur et la caution ;

Que Madame A... ne peut donc limiter sa comparution au seul engagement de caution et que les conditions générales du prêt qu'elle a paraphées l'informaient très précisément tant en sa qualité de dirigeante de l'emprunteur qu'en sa qualité de caution ;

Qu'en outre, en signant son engagement de caution, elle a expressément renoncé aux dispositions de l'article 2309 du code civil qui permet à la caution ayant acquitté la dette du débiteur principal d'exercer un recours contre les autres, chacune pour sa part et portion et qu'elle ne saurait dès lors prétendre que sa croyance en l'existence d'un recours envers OSEO aurait été déterminante de son consentement;

Qu'elle n'a enfin jamais indiqué faire du cautionnement donné par OSEO une condition déterminante de son propre engagement ;

Qu'aucun vice du consentement donné par Madame A... à la garantie souscrite n'étant démontré, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation du cautionnement ;

Sur les manquements du prêteur à son obligation de mise en garde et d'information:

Attendu qu'à supposer même que Madame A..., gérante de la société SYDEL depuis près de trois années, ait été une caution non avertie, elle a été avisée par le contrat de cautionnement signé par ses soins qu'elle ne disposait d'aucun recours contre la caution mutuelle et ne peut dès lors soutenir que la Caisse d'Epargne aurait manqué à son devoir de l'informer qu'elle ne pourrait obtenir remboursement, par OSEO, caution mutuelle, des sommes payées au titre de son engagement ;

Qu'elle ne produit aucune pièce permettant de penser que l'opération financée par la Caisse d'Epargne était dès l'origine vouée à l'échec et que c'est sans pertinence qu'elle prétend que la banque a manqué à son obligation de mise en garde "lorsqu'elle a accordé le second prêt du 9 septembre 2014" puisqu'il n'y a eu aucun nouveau prêt accordé depuis le 27 juin 2012 ;

Que les dires du liquidateur judiciaire d'un loyer trop élevé au regard des bénéfices attendus ne permettent pas de retenir que le projet était "manifestement voué à l'échec" comme le prétend l'appelante puisque le mandataire judiciaire a exclusivement relevé que l'équilibre ne pouvait être que difficilement atteint par l'exploitation du fonds de commerce de librairie créé par Madame A... mais non que le projet était dès l'origine irréaliste ;

Qu'il sera d'ailleurs relevé que la société SYDEL était créée depuis près de trois années lorsqu'elle a souscrit le prêt litigieux et que cel+ui-ci a été remboursé sans difficulté apparente du 10 février 2013 au 10 février 2016, ce qui dément l'affirmation d'une impossibilité de remboursement évidente dès l'origine du fonctionnement de la société ;

Que c'est à raison que la banque fait observer que le développement de la librairie ouverte par l'EURL SYDEL a pâti de la fermeture partielle des accès piétonniers durant ses trois premières années d'activité ainsi que d'un arriéré sur charges locatives de 120.000 euros dont elle n'aurait pas eu connaissance antérieurement ainsi qu'en fait état le projet de plan de cession (pages 6 et 8 de la pièce no8 de l'appelante);

Qu'en l'absence de connaissance d'un risque avéré d'endettement résultant de la défaillance de l'emprunteur, société gérée par la caution, la banque n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde particulière ;

Qu'il ne peut qu'être constaté que Madame A... n'apporte pas la preuve qui lui incombe d'un manquement du prêteur à ses obligations contractuelles;

- Sur l'existence d'une disproportion des engagements de la caution :

Attendu qu'aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Que la preuve d'une telle disproportion incombe à la partie qui l'invoque ;

Attendu que Madame A... ne conteste pas avoir rempli une fiche de solvabilité ne faisant pas état d'un crédit à la consommation antérieurement souscrit;

Qu'il convient de rappeler que la vérification qui doit être opérée par le prêteur sur la proportionnalité des engagements d'une caution repose sur un régime déclaratif et qu'il revient donc à la caution, tenue envers la banque d'une obligation de bonne foi et de loyauté, de mentionner l'intégralité de ses revenus, de son patrimoine et de ses charges ;

Qu'en l'absence de déclaration complète, la caution ne peut opposer au prêteur sa situation réelle lors de la souscription de son engagement, hormis si ses dires contenaient des anomalies manifestes qui auraient dû conduire la banque à les vérifier ;

Qu'en l'espèce, Madame A... a déclaré percevoir des revenus annuels de 24.000 euros mais être propriétaire d'un immeuble d'une valeur de 350.000 euros et devoir s'acquitter d'échéances mensuelles au titre d'un emprunt immobilier pour une somme totale de 280.037 euros et au titre d'un prêt à la consommation pour un solde de 32.708 euros ;

Qu'elle fait valoir qu'elle était en outre engagée :
- au titre d'un cautionnement de 39.000 euros signé en faveur de la Caisse d'Epargne le 27 juin 2012,
- d'une garantie de 90.000 euros souscrite au bénéfice de la société HACHETTE;

Que le cautionnement souscrit au profit de la société HACHETTE est daté du 21 décembre 2012 , et est donc postérieur au cautionnement litigieux et que l'intimée ne pouvait donc en connaître l'existence ;

Que Madame A..., qui n'a pas déclaré l'engagement souscrit auprès de la Caisse d'Epargne, n'est pas fondée à soutenir que la CRCAM le connaissait au seul motif qu'elle a pris un nantissement sur le fonds de commerce pari passu avec la Caisse d'Epargne ;

Que ce nantissement permettait certes à la CRCAM de savoir que le fonds de commerce de l'EURL était également nanti au profit d'une autre banque mais non que cette dernière avait également exigé le cautionnement de la gérante ;

Qu'il a été ci-dessus rappelé le régime déclaratif qui s'impose à la caution et qui l'empêche de soutenir que le prêteur a, d'une quelconque manière, l'obligation de vérifier ses dires en l'absence d'anomalie apparente ;

Qu'en l'espèce, il n'existait, lors de la souscription de l'engagement litigieux, aucune anomalie apparente qui aurait dû conduire l'intimée à vérifier les dires de Madame A... et que les omissions de cette dernière dans ses déclarations caractérisent ses propres manquements contractuels mais non ceux du prêteur ;

Attendu que la disproportion manifeste prévue par le code de la consommation s'apprécie au regard des biens de la caution sans distinction, de sorte que les biens dépendant de la communauté doivent être pris en considération quand bien même ils ne pourraient être engagés pour l'exécution de la condamnation éventuelle de la caution (Cass. Com., 15 novembre 2017, no 16-10.504) étant au surplus relevé que Monsieur A... a expressément consenti à l'engagement de son épouse et a ainsi engagé les biens communs ;

Qu'au regard d'un actif net de 70.000 euros, la Caisse d'Epargne pouvait sans faute retenir que l'engagement à hauteur de 63.200 euros de Madame A..., dont l'époux percevait des revenus annuels de 50.000 euros, n'était aucunement disproportionné ;

- Sur les autres demandes formées par les parties :

Attendu que c'est à raison que le premier juge a retenu que la banque ne justifiait pas avoir rempli son obligation d'information annuelle de la caution, la production de lettres en date du 25 janvier 2013, 10 mars 2016 et 3 mars 2017 ne démontrant pas leur envoi à la caution ;

Qu'il convient de confirmer le jugement déféré qui a déchu la banque de son droit à percevoir les intérêts conventionnels ;

Qu'il sera relevé qu'en imputant les paiements effectués, soit 192.206,82 euros (4565,61 x 15 = 68.484, 15 euros) + (3195,93 x 19 = 60.722,67 euros) sur le capital emprunté la SCI aurait été redevable, au 10 février 2016, date à laquelle plus rien n'a été réglé, de la somme en principal de 123.793,18 euros montant supérieur au cautionnement donné par Madame A... tenue à hauteur de 63.200 euros;

Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il la condamnée à verser cette somme ;

Attendu que l'appelante ne fait état d'aucun moyen et aucune argumentation critiquant le chef de la décision qui a ordonné la capitalisation des intérêts ;

Attendu que Madame A... ne produit aucune pièce sur ses ressources et ses charges depuis le prononcé de la liquidation judiciaire et qu'il ne pouvait dès lors être fait droit à sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement, lesquels ne peuvent être accordés qu'au regard de la situation du débiteur, en l'espèce inconnue du tribunal et de la cour ;

Que, conformément à la demande de la CRCAM, le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a refusé de tels délais ;

Que Madame A..., succombant à l'instance d'appel, devra en supporter les dépens et qu'il sera fait application, au profit de l'intimée, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Madame I... G..., épouse A..., à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame I... G..., épouse A..., aux dépens d'appel,

ACCORDE à la SCP BERTRAND RADISSON BROSSAS, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/013771
Date de la décision : 18/04/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2019-04-18;18.013771 ?
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