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18/04/2019 | FRANCE | N°18/012751

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 18 avril 2019, 18/012751


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/04/2019
la SELARL CELCE-VILAIN
Me Elise HOCDÉ
ARRÊT du : 18 AVRIL 2019

No : 151 - 19
No RG 18/01275 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FV3S

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 23 Mars 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265222119893953

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
venant aux droits et actions de la société SYGMA BANQUE à compter du 1er septembre 2015, agi

ssant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Ayant pour av...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 18/04/2019
la SELARL CELCE-VILAIN
Me Elise HOCDÉ
ARRÊT du : 18 AVRIL 2019

No : 151 - 19
No RG 18/01275 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FV3S

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 23 Mars 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265222119893953

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
venant aux droits et actions de la société SYGMA BANQUE à compter du 1er septembre 2015, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Ayant pour avocat Me Pascal VILAIN, membre de la SELARL CELCE VILAIN, avocat au barreau d'ORLEANS,

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265220487597547

Monsieur Q... P...
né le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Elise HOCDE, avocat au barreau de TOURS,

Madame L... Y... épouse P...
née le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Elise HOCDE, avocat au barreau de TOURS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 14 Mai 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 24 Janvier 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 07 MARS 2019, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 18 AVRIL 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige :

Selon acte sous seing privé en date du 7 mai 2014, Monsieur Q... P... et son épouse, Madame L... Y..., ont souscrit auprès de la société SYGMA BANQUE aux droits de laquelle vient aujourd'hui la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (la BNP) un crédit d'un montant de 27.500 euros remboursable en 180 échéances mensuelles avec différé de 12 mois au taux d'intérêt de 5,87%. Ce prêt était destiné au financement d'une installation photovoltaïque.

Les échéances étant restées impayées à compter du premier janvier 2016, l'établissement prêteur après avoir prononcé la déchéance du terme le 20 mai 2016, a mis en demeure Monsieur et Madame P... de lui payer la somme de 32.379,29 euros le 23 mai 2016.

N'ayant pas obtenu paiement, il a assigné Monsieur et Madame P... devant le tribunal d'instance d'Orléans afin de les voir condamner solidairement à lui verser 33.714,11 euros assortis des intérêts au taux annuel conventionnel sur 31.346,11 euros à compter du premier mars 2017. Monsieur et Madame P... ont reconventionnellement sollicité la nullité du contrat principal de vente et l'annulation du contrat de crédit.

Par jugement en date du 23 mars 2018 le tribunal a jugé recevables les demandes reconventionnelles formées par Monsieur et Madame P..., rejeté leur demande avant dire droit, débouté la BNP de l'ensemble de ses demandes, condamné la banque à rembourser à Monsieur et Madame P... les échéances versées, lui a ordonné, en tant que de besoin, de faire procéder à la mainlevée de l'inscription du Fichier national des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers de Monsieur et Madame P..., débouté ceux-ci du surplus de leurs demandes et leur a alloué une indemnité de procédure de 800 euros. Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu que les époux P... ne sollicitaient pas la nullité du contrat de vente mais uniquement celle du contrat de prêt ; que le certificat de livraison établi avant la libération des fonds était incomplet et ne permettait pas à SYGMA BANQUE de verser les sommes dues entre les mains de la prestataire et que la seule photocopie de l'attestation de livraison produite par le prêteur n'était pas suffisamment probante.

La BNP a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 14 mai 2018.
Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de déclarer irrecevables ou mal fondées les demandes des intimés et de les condamner solidairement à lui verser la somme de 33.714,11 euros, assortie des intérêts au taux conventionnel de 5,87% sur 31.346,11 euros à compter du premier mars 2017.A titre subsidiaire, elle réclame restitution par Monsieur et Madame P... du capital emprunté de 27.500 euros assorti des intérêts au taux légal à compter de l'assignation. En tout état de cause, elle sollicite paiement de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Elle fait valoir que Monsieur et Madame P... ne peuvent solliciter l'annulation du contrat de prêt et du contrat de vente de panneaux photovoltaïques sans mettre en cause le vendeur de ces panneaux ; que la demande en nullité du contrat de crédit affecté fondée sur la nullité du contrat principal de vente nécessite cependant une telle mise en cause puisque les intimés soutiennent que le contrat de prêt serait nul en raison d'irrégularités affectant le bon de commande.

Elle fait par ailleurs valoir qu'elle n'a commis aucune faute en libérant les fonds au vu d'une attestation de fin de travaux précise et régulière.

Monsieur et Madame P... sollicitent la confirmation du jugement déféré et la condamnation de la BNP à leur verser 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure d'appel manifestement abusive et "statuant à nouveau" de prononcer la nullité du contrat de crédit au motif de l'absence de formulaire détachable de rétractation et de la violation des disposions d'ordre public de l'article L.111-1 et L.121-23 ancien du code de la consommation sur le bon de commande, de "débouter la BNP de toute demande financière, en premier lieu au motif de ses fautes directes et en second lieu du fait de la restitution des matériels qui sera ordonnée au profit du binôme (Vendeur/Prêteur) sur le fondement de la remise des parties en l'état où elles se trouvaient avant de conclure". A titre subsidiaire ils demandent à la cour de débouter la BNP de sa demande de restitution du capital du crédit au motif de l'absence du document original « attestation de fin de travaux, demande de décaissement des fonds », de l'absence de la signature du codébiteur, tiers à l'emprunteur principal sur ce document, de l'absence de l'information essentielle sur le contrat de vente de la productivité de l'installation. A titre infiniment subsidiaire, ils sollicitent la déchéance du prêteur de son droit à percevoir les intérêts du crédit "en l'absence de prérogative du démarcheur en violation des dispositions d'ordre public de l'article L.311-8 du code de la consommation". En tout état de cause, ils réclament condamnation "de la BNP à leur restituer les sommes perçues du montant arrêté à la somme de (mémoire)€ dans le délai de 1 mois suivant la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 € par jour de retard à l'expiration dudit délai", de procéder à la radiation de l'inscription au fichier FICP/Banque de France "dans le délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir" et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration dudit délai, à leur verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que les écritures et les demandes des époux P... ne sont pas aisées à analyser puisqu'après avoir sollicité la confirmation du jugement déféré ils demandent cependant à la cour de statuer à nouveau en présentant des prétentions qui n'ont pas été examinées par le premier juge ou qu'il a écartées ;

Attendu qu'il apparaît que les intimés demandent en réalité à la cour de prononcer la nullité du contrat de prêt au motif de la nullité du bon de commande qui ne comprendrait pas de bordereau de rétractation et les mentions obligatoires prévues par le code de la consommation ;

Attendu que la BNP fait à raison valoir que de telles demandes sont irrecevables faute de mise en cause du vendeur ;

Que les époux P... procèdent à une lecture inexacte de la jurisprudence de la Cour de cassation qu'ils communiquent puisque, si la Haute juridiction retient que "commet une faute la banque qui s'abstient, avant de verser les fonds empruntés, de vérifier la régularité du contrat principal"(Cass. Civ 1 ère . 26 septembre 2018, no17-20.815), elle n'autorise pas en ce cas le juge à prononcer la nullité du contrat de crédit mais se borne à retenir que le prêteur peut être alors déchu de son droit à restitution des fonds versés à raison de sa propre faute, ce qui est très différent ;

Que l'absence de mentions obligatoires sur un bon de commande comme l'absence de bordereau de rétractation n'entraînent pas automatiquement la nullité du contrat de crédit mais peuvent uniquement conduire le juge à prononcer la nullité du contrat principal ;

Que ce n'est que lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé qu'en application de l'ancien article L.311-21 du code de la consommation en sa rédaction applicable au litige, le contrat de crédit affecté est annulé de plein droit ;

Qu'en l'espèce, les époux P... ne peuvent solliciter la nullité du contrat principal puisqu'ils n'ont pas mis en cause leur vendeur ;

Que leurs longs développements sur la liquidation judiciaire de ce dernier sont indifférents puisqu'il leur appartenait de faire désigner un mandataire ad hoc si la procédure de liquidation était clôturée ou d'appeler en la cause le liquidateur si elle ne l'était pas ;

Que leur demande tendant à voir juger nul le contrat de crédit, exclusivement fondée sur le non respect des dispositions du code de la consommation par le vendeur, ne peut en conséquence qu'être déclarée irrecevable ;

Attendu qu'est de même irrecevable la demande tendant à voir ordonner "la restitution des matériels qui sera ordonnée au profit du binôme (Vendeur/Prêteur) sur le fondement de la remise des parties en l'état où elles se trouvaient avant de conclure" faute de mise en cause du vendeur et de l'absence de possibilité de prononcer l'annulation du contrat principal, ce qui empêche toute restitution ;

Attendu par ailleurs qu'aucun texte n'exige que le prêteur produise le document original de l'attestation de fin de travaux ;

Qu'il est indifférent que cette attestation ait été signée par un seul des co-emprunteurs, l'emprunteur solidaire étant engagé par l'attestation ainsi délivrée par son co-emprunteur ;

Qu'aux termes d'une jurisprudence établie, le prêteur, qui n'est ni un technicien ni le conseiller de l'emprunteur n'a pas à vérifier le fonctionnement correct de l'installation si lui est communiquée une attestation de fin de travaux établissant la réalisation de la prestation convenue et qu'il a encore moins à s'informer de la productivité de l'installation qui n'est pas entrée dans le champ contractuel et qui ne peut être vérifiée que plusieurs mois plus tard ;

Attendu que l'attestation établie par Monsieur P... est intitulée "certificat de livraison de bien ou de fourniture de services", ce qui démontre qu'il concernait tant la livraison que l'installation qui était une fourniture de services ;

Qu'il est indifférent qu'elle ait été signée par Monsieur P... seul, Madame P..., emprunteur solidaire, étant engagée par l'attestation ainsi délivrée par son co-emprunteur ;

Que l'attestation indique que "la livraison du bien et la fourniture de la prestation de services au client emprunteur désigné ci après a été réalisée conformément à la commande de ce dernier" ;

Que dans la case dédiée au client Monsieur P... a attesté que le bien ou la prestation a été livré et a précisé accepté le déblocage des fonds au profit du vendeur ou prestataire de service ; qu'il a daté cette attestation et l'a signée ;

Que cette attestation était claire et suffisamment précise et qu'il sera relevé que l'installation était d'ailleurs effective, qu'elle fonctionne et que les époux P... revendent l'énergie produite (cf leur pièce no 15 faisant état de l'encaissement de la somme de 972,87 euros versée par EDF pour la période ayant couru entre septembre 2014 et septembre 2015) et ne se plaignent que d'une rentabilité moindre que celle espérée mais d'aucune malfaçon ;

Que c'est sans bonne foi qu'ils entendent se prévaloir d'une attestation du maire de Lailly en Val de ce qu'il n'a reçu aucun document d'urbanisme concernant les travaux réalisés sur l'immeuble des intimés puisque le prêteur n'avait pas à vérifier l'obtention de tels documents au regard de l'attestation de fin de travaux délivrée par Monsieur P... et qu'il n'est pas soutenu et encore moins démontré que la mairie ait réclamé une mise en conformité du bien des intimés ;

Que l'attestation délivrée était donc conforme à la réalité ;

Et attendu que l'argumentation d'une absence de justification d'une formation du démarcheur à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement ne peut qu'être écartée, une telle obligation n'incombant pas au prêteur mais à l'employeur de ce démarcheur qui n'a, en l'espèce, pas été appelé à la cause ;

Qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré et de dire que Monsieur et Madame P... sont redevables envers la BNP du solde de la somme empruntée ;

Attendu que la créance du prêteur est ainsi ventilée :
intérêts différés non réglés : 1.801,09 euros
intérêts de retard arrêtés au 20 mai 2016 : 13,60 euros
assurances : 690,60 euros
capital à échoir : 27.500 euros
Indemnités légales : 2.368 euros
débits : 8,76 euros
intérêts de retard actualisés au premier mars 2017 : 1.332,06 euros ;

Que l'indemnité légale, qui a le caractère d'une clause pénale, apparaît manifestement excessive au regard du taux d'intérêt contractuel et de l'absence de préjudice spécifique allégué par la banque et sera réduite à un euro ;

Que les débits de 8,76 euros ne sont pas justifiés ;

Que les échéances d'assurance sont dues avant la déchéance du terme puisqu'il s'agit d'un prêt différé ;

Que Monsieur et Madame P... seront en conséquence condamnés à payer à la BNP la somme de 31.338,35 euros assortie d'intérêts au taux conventionnel sur 27.500 euros et au taux légal sur le surplus à compter du deux mars 2017 ;

Attendu que Monsieur et Madame P..., succombant à l'instance, en supporteront les dépens et qu'il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE solidairement Monsieur Q... P... et son épouse, Madame L... Y... à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 31.338,35 euros assortie d'intérêts au taux conventionnel de 5,87% sur 27.500 euros et au taux légal sur le surplus à compter du deux mars 2017,

CONDAMNE in solidum Monsieur Q... P... et Madame L... Y... à payer à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Monsieur Q... P... et Madame L... Y... aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/012751
Date de la décision : 18/04/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2019-04-18;18.012751 ?
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