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04/04/2019 | FRANCE | N°18/002621

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 04 avril 2019, 18/002621


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/04/2019
la SELARL CELCE-VILAIN
la SCP EVIDENCE SELATNA-DE MATOS-SI MOHAMED
ARRÊT du : 04 AVRIL 2019

No : 135 - 19
No RG : 18/00262 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FTZY

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 21 Décembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265216066973285
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
venant aux droits de SYGMA BANQUE, agissant poursuites et

diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Ayant pour avocat postulant...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/04/2019
la SELARL CELCE-VILAIN
la SCP EVIDENCE SELATNA-DE MATOS-SI MOHAMED
ARRÊT du : 04 AVRIL 2019

No : 135 - 19
No RG : 18/00262 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FTZY

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 21 Décembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265216066973285
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
venant aux droits de SYGMA BANQUE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Ayant pour avocat postulant Me Pascal VILAIN, membre de la SELARL CELCE-VILAIN, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Sébastien MENDES-GIL, membre de la SELARL CLOIXetamp;MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS,

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265213346118047
Monsieur N... Q...
né le [...] à PITILLAS (ESPAGNE)
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Maâdi SI MOHAMED, membre de la SCP EVIDENCE-SELATNA-DE MATOS-SI MOHAMED, avocat au barreau de TOURS,

Madame T... S... épouse Q...
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Maâdi SI MOHAMED, membre de la SCP EVIDENCE-SELATNA-DE MATOS-SI MOHAMED, avocat au barreau de TOURS,

- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265223751421246
SARL ECO ENVIRONNEMENT
exerçant sous l'enseigne commerciale AVENIR ECOLOGIE
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Emmanuel POTIER, avocat au barreau D'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Paul ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 26 Janvier 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 novembre 2018 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 24 JANVIER 2019, à 9 heures 30, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, en son rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :
Madame Marie-Lyne EL BOUDALI, Greffier lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé le 04 AVRIL 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur N... Q... a commandé le 9 décembre 2014 à la société ECO ENVIRONNEMENT la fourniture et l'installation d'une pompe a chaleur air-air et d'un chauffe- eau thermodynamique au prix de 22.500 euros TTC, financé au moyen d'un crédit d'un même montant souscrit avec son épouse T... Q... auprès de la société SYGMA BANQUE remboursable en 129 mois au taux d'intérêts de 5,76%.

Invoquant un manquement de la société ECO ENVIRONNEMENT à son obligation d'information précontractuelle, Monsieur Q... l'a fait assigner ainsi que la société SYGMA BANQUE par actes des 23 et 24 février 2016 devant le tribunal de grande instance de Tours. En l'état de leurs dernières prétentions, il était demandé au tribunal par Monsieur Q... et Madame Q... intervenue volontairement à la procédure :
- de prononcer la nullité du contrat du 9 décembre 2014 conclu avec la société ECO ENVIRONNEMENT,
- d'ordonner la restitution du prix par la société ECO ENVIRONNEMENT,
- d'ordonner la restitution du chauffe-eau thermodynamique et de la pompe à chaleur à la société ECO ENVIRONNEMENT,
- de prononcer la nullité du contrat de prêt conclu 1e 09 décembre 2014 avec la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE,
- de priver la banque de sa créance de restitution,
- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision,
- de condamner solidairement la société ECO ENVIRONNEMENT et la société SYGMA BANQUE à leur payer la somme de 3.000 euros à tire d'indemnité de procédure et à supporter les dépens.

La société ECO ENVIRONNEMENT et BNP PARIS PERSONAL FINANCE se sont opposées aux demandes. La société BNP PARIS PERSONAL FINANCE a sollicité à titre subsidiaire, en cas d'annulation du contrat principal, la condamnation solidaire des époux Q... à lui rembourser la somme de 22.500 euros, outre intérêts au taux légal, la condamnation de la société ECO ENVIRONNEMENT à la garantir du paiement de cette somme et à lui payer 8.546,40 euros à titre de dommages et intérêts et subsidiairement, à lui verser 30.965,40 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 21 décembre 2017, le tribunal a donné acte à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE qu'elle vient aux droits de la société SYGMA BANQUE, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, prononcé la nullité du contrat conclu le 9 décembre 2014 par Monsieur N... Q... avec la société ECO ENVIRONNEMENT, a condamné celle-ci à lui payer 22.500 euros en remboursement du prix, a ordonné la restitution de la pompe à chaleur et du chauffe-eau à la société ECO ENVIRONNEMENT une fois le prix restitué, à charge pour celle-ci de reprendre le matériel, a dit qu'il serait dressé procès-verbal par huissier de justice des opérations de restitution, a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 9 décembre 2014 entre les époux Q... et la société SYGMA BANQUE, a déchargé les époux Q... de la restitution du capital emprunté, a débouté la société SYGMA BANQUE de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre la société ECO ENVIRONNEMENT, a condamné in solidum les sociétés ECO ENVIRONNEMENT et SYGMA BANQUE à payer aux époux Q... la somme de 2.000 euros pour frais de procédure.

La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE (ci-après BNP) a relevé appel de la décision le 26 janvier 2018.

Elle en poursuit l'infirmation et demande à la cour de condamner in solidum Monsieur et Madame Q... à lui payer 24.002,60 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,76 % l'an à compter du 10 novembre 2017 en remboursement du crédit et 3.787,16 euros au titre des mensualités versées en vertu de l'exécution provisoire. Elle souhaite, à titre subsidiaire, en cas de nullité des contrats voir condamner in solidum les époux Q... à lui régler 22.500 euros au titre du capital prêté et voir ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques. Elle sollicite, plus subsidiairement, si la cour devait prononcer la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté, la condamnation in solidum des époux Q... à lui payer 22.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable et la compensation des créances réciproques à due concurrence. Elle réclame, en tout état de cause, en cas de nullité du contrat de crédit, la condamnation de la société ECO ENVIRONNEMENT à lui payer 22.500 euros correspondant au montant du prêt le cas échéant in solidum avec les emprunteurs, et la somme de 8.456,40 euros au titre des intérêts. Elle réclame en tout état de cause la condamnation des époux Q..., et en cas de nullité, in solidum avec la société ECO ENVIRONNEMENT, à lui payer la somme de 3.000 euros pour frais de procédure ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SELARL CELCE VILAIN.

Elle soutient que le bon de commande est conforme au code de la consommation puisqu'il mentionne la désignation des caractéristiques essentielles du bien permettant à l'acquéreur d'identifier précisément le matériel acquis, que Monsieur Q... qui a signé une attestation valant certificat de fourniture de la prestation a accepté les matériels livrés et posés sans formuler de contestation quant à leurs caractéristiques, qu'à supposer que les mentions ne seraient pas suffisamment détaillées, cela ne pourrait fonder, le cas échéant, qu'une action en responsabilité mais non en nullité, que les conditions générales figurant dans le bon de commande comportent des stipulations afférentes au délai de livraison, qu'aucun texte ne prévoit à peine de nullité la mention sur le bon de commande de l'identité du démarcheur, qu'au demeurant celle-ci y figure peu important qui l'a apposée.

Elle prétend, à titre subsidiaire, que s'agissant d'une nullité relative, celle-ci a été couverte, en application de l'article 1338 du code civil, par Monsieur Q... qui, en réceptionnant les travaux sans aucune réserve et en sollicitant le déblocage des fonds, a manifesté la volonté d'exécuter le contrat et de renoncer à le remettre en cause sur la base d'irrégularités purement formelles.

Elle s'estime en conséquence fondée en l'absence de nullité du contrat principal à obtenir la condamnation des époux Q... à lui payer les sommes dues au titre du prêt dont elle a prononcé la déchéance du terme le 10 novembre 2017 ainsi que des mensualités qu'elle leur a restituées en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire.

Dans l'hypothèse où la cour prononcerait la nullité du contrat principal, elle affirme qu'elle n'a commis aucune faute puisqu'elle a débloqué les fonds au vu du certificat signé par Monsieur Q..., qu'aucun texte n'impose à l'établissement de crédit de vérifier la régularité formelle du bon de commande, que l'appréciation de l'insuffisance des mentions qui se distingue de leur omission relève du pouvoir des tribunaux et qu'il ne peut lui être reproché, à les supposer établies, de ne pas avoir décelé ces insuffisances, qu'il a été jugé que la banque ne pouvait être tenue pour responsable des irrégularités du bon de commande imputables au vendeur et déjà sanctionnées par la nullité des contrats, qu'elle n'est pas garante du respect par le vendeur de ses obligations mais uniquement responsable en application de l'article L 311-51 du code de la consommation des obligations relatives au contrat de crédit, qu'en sollicitant la nullité du contrat et non sa résolution Monsieur Q... ne peut plus s'en prévaloir pour rechercher sa responsabilité, que sa responsabilité délictuelle ne peut être engagée pour inexécution d'une obligation contractuelle du vendeur, que la preuve d'un préjudice en lien de causalité avec la faute alléguée n'est pas caractérisée, qu'en tout état de cause la réparation doit être proportionnée.

Pour le cas où la cour la priverait de sa créance de restitution, elle reproche à Monsieur Q... d'avoir commis une faute lui ouvrant droit à réparation en signant l'attestation de travaux et en lui donnant l'ordre de paiement alors qu'il lui appartenait d'être vigilant lors de la signature des documents qui lui ont été soumis.

Elle sollicite enfin la condamnation par application de l'article L 311-33 du code de la consommation de la société ECO ENVIRONNEMENT à garantir l'emprunteur du remboursement du montant du capital emprunté et à réparer le préjudice correspondant à la perte des intérêts et subsidiairement sur le fondement de la responsabilité civile et de la répétition de l'indu à lui régler une indemnité équivalente à ces sommes.

Les époux Q..., qui concluent à la confirmation du jugement dont appel, sollicitent la condamnation solidaire des sociétés ECO ENVIRONNEMENT et BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE à leur verser 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil ainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Maâdi SI MOHAMED;

Ils exposent qu'après avoir régularisé le bon de commande, Monsieur Q... a pris conscience qu'il n'avait pas droit aux aides financières promises, qu'il a alors souhaité exercer son droit de rétractation mais que la société ECOENVIRONNMENT l'en a dissuadé, qu'il lui a alors indiqué qu'il ne procéderait à aucun règlement tant qu'il n'aurait pas perçu l'aide promise, que c'est dans ces conditions qu'il a signé, à la suite de la réalisation des travaux, le certificat de livraison sans avoir conscience qu'il s'agissait d'une autorisation de règlement, qu'ayant rencontré des problèmes techniques, il a demandé à l'entreprise de faire intervenir un technicien pour pouvoir réceptionner les travaux et s'est opposé à tout paiement et qu'il a découvert à réception de la facture acquittée que la banque avait libéré les fonds au profit du vendeur alors qu'il ne lui avait donné aucun ordre de paiement.

Ils soutiennent que le bon de commande est entaché de nullité pour non respect des dispositions des articles L 121-17, L 111-1 1o, 2o et 3o du code de la consommation, la société ECO ENVIRONNEMENT n'ayant pas informé Monsieur Q... des caractéristiques essentielles de sa prestation puisque contrairement à ce qui lui a été affirmé, les travaux ne donnent droit à aucune aide financière, et que le bon de commande ne précise ni la marque des matériels vendus ni leurs caractéristiques techniques, ni le prix de chacune des prestations, ni le délai d'installation et que le nom du démarcheur n'y figure pas.

Contestant avoir couvert la nullité du contrat, ils affirment que les nombreux courriers adressés à la banque et à la société ECO ENVIRONNEMENT démontrent qu'ils n'ont jamais eu l'intention de renoncer à s'en prévaloir, que Monsieur Q... n'a pas accepté le déblocage des fonds, qu'il a écrit au vendeur le jour de l'installation du matériel qu'il ne procéderait à aucun règlement tant qu'il n'aurait pas reçu les aides promises et en a avisé la banque, qu'il n'a pas davantage réceptionné les travaux puisqu'il a sollicité l'intervention d'un technicien à cette fin.

Ils prétendent subsidiairement que le contrat est nul pour dol, et reprochent à la société ECO ENVIRONNEMENT d'avoir fourni à Monsieur Q... de fausses informations concernant les aides financières auxquelles il pouvait prétendre ce qui a vicié son consentement.

Ils font valoir que par application de l'article L 311-32 du code de la consommation, la nullité du contrat principal emporte la nullité du contrat de crédit et que la banque doit être privée de sa créance de restitution en raison des fautes qu'elle a commises en libérant les fonds au vu d'une attestation qui ne lui permettait pas de s'assurer qu'il souhaitait ce déblocage alors que sa teneur et les conditions de sa signature les ont empêchés d'avoir conscience de l'autorisation donnée, et en s'abstenant de vérifier le bon de commande ce qui lui aurait permis de constater que le contrat principal était entaché de nullité.

La société ECO ENVIRONNEMENT, qui conclut à la réformation du jugement, souhaite voir débouter les époux Q... et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de toutes leurs prétentions Elle sollicite la condamnation des époux Q... à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 2.500 euros pour frais de procédure.

Elle soutient que le bon de commande est conforme aux dispositions du code de la consommation qu'il mentionne les caractéristiques essentielles des biens livrés qui sont en outre détaillées dans un fiche descriptive remise à Monsieur Q... qui a confirmé en avoir eu connaissance en acceptant la livraison sans réserve des travaux, qu'aucune disposition n'impose d'indiquer le prix unitaire de chaque matériel s'agissant en outre d'un prix forfaitaire comprenant la livraison des matériels leur installation et les démarches administratives, que le délai de livraison figure en haut du bon de commande peu important qu'il ait été inscrit par le client et que l'identité et les coordonnées des démarcheurs et de l'interlocuteur de Monsieur Q... y sont précisées alors même qu'aucune disposition n'en faisait l'obligation.

Elle fait valoir à titre subsidiaire que les époux Q... avaient nécessairement connaissance des vices de forme allégués puisque les articles du code de la consommation sont reproduits très lisiblement dans les conditions générales et que s'agissant d'une nullité relative, ils ont manifesté leur volonté de confirmer le contrat en laissant se poursuivre son exécution, en réceptionnant sans réserve les travaux, en signant le certificat de livraison et en autorisant la libération des fonds.
Elle s'oppose, pour le cas ou la cour retiendrait la nullité du contrat, à la demande en garantie de la banque et en paiement de dommages et intérêts aux motifs que celle-ci a commis une faute à l'occasion de la libération des fonds en ne vérifiant pas le formalisme du bon de commande et qu'elle ne justifie pas d'un préjudice.

Elle réplique subsidiairement que Monsieur Q... ne rapporte pas la preuve que son consentement ait été vicié, et déniant avoir commis des manoeuvres dolosives, elle conteste s'être engagée à ce qu'il bénéficie d'un crédit d'impôt et d'une aide de l'état.

Elle dénonce enfin le caractère abusif de la procédure engagée par les époux Q... et s'estime en droit d'obtenir réparation du préjudice qu'ils lui ont causé.

SUR CE

I - Sur la nullité du contrat de vente et du contrat de prêt affecté :

Attendu que compte tenu de la date de conclusion du contrat le 9 décembre 2014 les articles du code de la consommation applicables sont ceux issus de la loi du 17 mars 2014 ;

Attendu qu'en vertu de l'article L 121-17 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat, préalablement à la conclusion du contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible les informations suivantes :
1o les informations prévues aux articles L 111-1 et L 111-2 ;

Que l'article L 121-18-1 du code de la consommation, dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au 1 de l'article L 121-17 ;
Que selon l'article L 111-1 du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1o Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2o Le prix du bien ou du service, en application des articles L 113-3 et L 113-3-1 ;
3o En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4o Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

Attendu que l'examen du bon de commande révèle :
- que la marque de la pompe à chaleur et du chauffe-eau vendus n'est pas mentionnée ni davantage la puissance de ces appareils alors qu'il s'agit de caractéristiques essentielles des biens vendus s'agissant d'appareils de chauffage et destinés à chauffer l'eau, étant relevé que, sans que cela puisse d'ailleurs exonérer la société ECO ENVIRONNEMENT de son obligation de respecter le formalisme imposé par le code de la consommation, elle ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait remis à Monsieur Q... une note technique sur ces matériels ;
- qu'il est mentionné un prix unique pour la fourniture et l'installation de la pompe à chaleur et du chauffe-eau thermodynamique, alors qu'il s'agit de deux biens d'équipements distincts fonctionnant indépendamment l'in de l'autre dont le prix devait dès lors être mentionné pour chacun de ces biens pour assurer l'information complète du consommateur et lui permettre d'opérer une comparaison avec d'autres produits comparables, étant observé que les dispositions de l'article L 121-23 du code de la consommation concernant l'indication du prix global à payer visées par le tribunal n'étaient plus applicables à la date de signature du contrat comme ayant été abrogées,
- qu'il n'est précisé aucune date de livraison sur le bon de commande à l'emplacement réservé à cet effet ni davantage dans les conditions générales comme le prétend la banque, que c'est sans pertinence et de manière opportuniste que la société ECO ENVIRONNEMENT soutient que la date du 30 décembre 2014 apposée en regard des coordonnées téléphoniques de Madame X... correspondrait à la date de livraison alors qu'il est manifeste que cette mention n'est pas de la main du démarcheur, que Monsieur Q... indique en être l'auteur, ce que l'examen des courriers manuscrits figurant au dossier permet de confirmer, et qu'il s'agit de la date à laquelle il devait rappeler Madame X... ce dont il n'y a pas lieu de douter puisque la date précède les coordonnées téléphoniques de cette personne et qu'elle ne figure pas à l'emplacement réservé relatif à la date de livraison qui au demeurant a été effectuée la 5 janvier et non le 30 décembre ;
Qu'il s'ensuit que le bon de commande qui n'est pas conforme aux dispositions de l'article L 111-1 1o, 2o et 3o du code de la consommation, encourt la nullité ;

II - Sur la confirmation d'un acte nul :

Attendu qu'aux termes de l'article 1338 du code civil visé par l'appelante et par la société ECO ENVIRONNEMENT, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer (cf Cass Civ 1ère 27/02/2013 P no12-15972) ;

Attendu qu'il n'est pas démontré que Monsieur Q... était conscient et informé des causes de nullité aujourd'hui invoquées lorsqu'il a laissé installer le matériel commandé ;

Que la reproduction de certains des articles du code de la consommation dans les conditions générales du contrat ne suffit en effet pas, à elle seule, pour retenir que le consommateur non juriste doit vérifier lui-même que le contrat conclu est régulier en se reportant à ces articles ;

Que la loi qui impose leur reproduction, sans exiger d'éclairer les consommateurs sur les conditions d'exercice d'une action en nullité ou sur ses conséquences, prévoit expressément la nullité du contrat en cas d'absence de mentions obligatoires, et ce sans limiter cette nullité aux contrats ne reproduisant pas le code de la consommation ou aux contrats qui n'ont reçu aucun commencement d'exécution, ce qui prive de pertinence l'argumentation de la banque et de la société ECO ENVIRONNEMENT ;

Que la confirmation d'un acte nul exigeant à la fois la connaissance des vices l'affectant et la volonté de les réparer, il ne saurait être tiré de l'installation des éléments commandés de la signature du certificat de livraison le 5 janvier 2015 et de l'exécution partielle du contrat de crédit, la preuve de la volonté de Monsieur Q... de régulariser le contrat initial en ne se prévalant pas des nullités pouvant l'affecter ;

Qu'en l'absence d'une telle confirmation, c'est à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité du contrat de vente ;

III - Sur la nullité du contrat de crédit :

Attendu qu'en application de l'ancien article L 311-21 du code de la consommation en sa rédaction applicable au litige, le contrat de crédit affecté est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé ;

Attendu que le jugement doit par conséquent être également confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté par suite de l'annulation du contrat principal;

IV - Sur les conséquences de l'annulation des contrats :

Attendu que la nullité du contrat entraîne la remise des parties en l'état antérieur à sa conclusion ;

Attendu que l'annulation du contrat de crédit implique la restitution des prestations reçues de part et d'autre et emporte l'obligation pour les emprunteurs de rembourser le capital versé en leur nom par l'établissement de crédit à la société ECO ENVIRONNEMENT sauf pour les époux Q... à démontrer l'existence d'une faute privant l'établissement prêteur de sa créance de restitution ;

Attendu qu'ils font valoir à bon droit que le prêteur a fautivement omis de vérifier l'opération qu'il finançait alors qu'à la simple lecture du bon de commande, il aurait dû constater les carences que celui-ci présentait au regard des dispositions protectrices du consommateur, se persuader ainsi que le contrat principal s'en trouvait nul ou à tout le moins annulable, et refuser en conséquence de mettre les fonds à la disposition du vendeur ;

Attendu que la remise fautive par le prêteur des fonds au vendeur cause un préjudice aux époux Q... dans la mesure où par l'effet de la nullité du contrat principal, ils sont tenus de restituer le matériel au vendeur et que le remboursement du capital emprunté les conduirait à payer une prestation dont ils n'ont plus l'usage;

Que par conséquent le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déchargé les époux Q... de la restitution du capital emprunté en raison de la faute commise par la banque ;

Attendu que c'est à juste titre que par suite de la nullité du contrat principal le tribunal a ordonné la restitution de la pompe à chaleur air-air et du chauffe-eau thermodynamique à charge pour la société ECO ENVIRONNEMENT de reprendre ce matériel en faisant procéder à ses frais à un constat d'huissier avant et après son intervention ; que le jugement sera également confirmé sur ce point ;

Attendu en revanche que c'est à tort que le tribunal a condamné la société ECO ENVIRONNEMENT à rembourser à Monsieur Q... la somme de 22.500 euros en remboursement du prix de vente puisque le contrat de crédit affecté ayant été annulé et la banque privée de sa créance de restitution en raison de la faute commise, il n'a réglé aucune somme au titre du contrat principal dont l'anéantissement ne peut dès lors lui ouvrir droit à restitution du prix ;

Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ECO ENVIRONNEMENT à payer à Monsieur Q... la somme de 22.500 euros et en ce qu'il a subordonné la restitution de la pompe à chaleur air-air et du chauffe-eau thermodynamique à la restitution du prix et de débouter les époux Q... de leur demande en paiement ;

V- Sur la demande indemnitaire de la BNP :

Attendu que le contrat de crédit a été annulé en raison de la nullité du contrat principal pour non respect par la société ECO ENVIRONNEMENT des dispositions du code de la consommation ;

Attendu que la société ECO ENVIRONNEMENT n'ayant pas de lien contractuel avec l'établissement de crédit, elle ne peut lui reprocher pour s'exonérer de sa responsabilité de ne pas avoir vérifié les mentions du bon de commande alors qu'il n'était pas tenu d'une telle obligation à son égard ;

Attendu que la faute commise par la société ECO ENVIRONNEMENT à raison du non respect des dispositions de code de la consommation emportant la nullité du contrat principal a causé un préjudice à la banque résultant de la nullité consécutive du contrat de crédit affecté et de la privation de sa créance de restitution ;

Que par conséquent, la BNP est bien fondée à obtenir sa condamnation en réparation du préjudice qu'elle a subi par sa faute à lui payer la somme de 20.500 euros au titre du capital prêté et celle 8.456 euros au titre des intérêts ;

VI - Sur les autres demandes :

Attendu que les époux Q... obtenant majoritairement gain de cause la procédure qu'ils ont engagée afin de voir reconnaître le bien fondé de leurs prétentions ne revêt pas un caractère abusif et la société ECO ENVIRONNEMENT sera déboutée de se demande de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il y a lieu de condamner in solidum la BNP et la société ECO ENVIRONNEMENT qui succombent aux dépens ainsi qu'à payer une indemnité de procédure aux époux Q... de 2.000 euros ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort ;

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la société ECO ENVIRONNEMENT à payer à Monsieur N... Q... la somme de 22.500 euros en remboursement du prix, a ordonné la restitution de la pompe à chaleur air-air et du chauffe-eau une fois le prix restitué, a débouté la société SYGMA BANQUE de sa demande de dommages et intérêts ;

STATUANT À NOUVEAU

DÉBOUTE Monsieur N... Q... et Madame T... S... épouse Q... de leur demande en paiement de la somme de 22.500 euros à titre de restitution du prix ;

DIT en conséquence que la restitution ordonnée par le tribunal de la pompe à chaleur air-air et du chauffe-eau n'est pas subordonnée à la restitution du prix de vente par la société ECO ENVIRONNEMENT ;

CONDAMNE la société ECO ENVIRONNEMENT à payer à titre de dommages et intérêts à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE la somme de 22.500 euros correspondant au capital prêté et celle de 8.456,40 euros représentant le montant des intérêts;

Y AJOUTANT

DÉBOUTE la société ECO ENVIRONNEMENT de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ou contraires ;

CONDAMNE in solidum la société ECO ENVIRONNEMENT et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à Monsieur N... Q... et Madame T... S... la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum la société ECO ENVIRONNEMENT et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux dépens ;

ACCORDE à Maître Maâdi MOHAMED le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/002621
Date de la décision : 04/04/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2019-04-04;18.002621 ?
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