COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/04/2019
la AARPI LIBRAJURIS
la SCP BERTRAND RADISSON BROSSAS
ARRÊT du : 04 AVRIL 2019
No : 131 - 19
No RG 18/00067 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FTNF
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 23 Octobre 2017
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265
Monsieur Z... O...
né le [...] [...]
[...]
Ayant pour avocat Maître Jean-Marc RADISSON, membre de la SCP BERTRAND-RADISSON-BROSSAS, avocat au barreau d'ORLEANS,
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265216296478874
SA BANQUE CIC OUEST
[...]
Ayant pour avocat Maître Jean-Christophe SILVA, membre de L'AARPI LIBRAJURIS, avocat au barreau d'ORLEANS,
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 08 Janvier 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 20 décembre 2018 2019
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 24 JANVIER 2019, à 9 heures 30, devant Monsieur Jean-Louis BERSCH , Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, qui en a rendu compte à la collégialité
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Elisabeth PIERRAT, Greffier lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 04 AVRIL 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
18/67 Z... O... / CIC OUEST audience du 24 janvier 2019 délibéré au 4 avril 2019
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant acte sous seing privé du 6 septembre 2012, le CIC OUEST a consenti à Monsieur Z... O... un prêt personnel de 70.000 euros remboursable en 25 échéances au taux de 4,2%.
Par acte sous seing privé du 5 septembre 2012, Monsieur O... a pris l'engagement de consentir à la banque à première demande de sa part une hypothèque en 1er rang sur sa maison de [...] et en second rang sur sa maison de [...].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 novembre 2014, le CIC OUEST a prononcé la déchéance du terme et a mis en demeure Monsieur O... de lui payer la somme de 66.403,92 euros.
Par acte du 19 novembre 2015, le CIC OUEST a fait assigner Monsieur O... devant le tribunal d'instance d'Orléans à l'effet de le voir condamner à lui payer la somme de 68.957,28 euros dont 4.890,35 euros d'indemnité de clause pénale, outre les intérêts au taux contractuel et au taux légal sur l'indemnité légale, à compter de la mise en demeure et ordonner la capitalisation des intérêts. Il était également réclamé 1.500 euros pour frais de procédure.
Monsieur O..., qui a soulevé in limine litis la nullité de l'assignation, a demandé au tribunal de juger que le CIC OUEST a commis un manquement à son devoir de mise en garde et de le débouter en conséquence de ses demandes. Il a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de la société CIC OUEST à lui payer la somme de 50.000 euros en indemnisation du préjudice pour perte de chance, 5.000 euros au titre du préjudice moral et 3.000 euros pour frais de procédure.
Par jugement du 23 octobre 2017, le tribunal a annulé le contrat de crédit du 6 septembre 2012, a condamné Monsieur O... à payer au CIC OUEST la somme de 54.895,29 euros après imputation des versements sur le capital prêté, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, a réduit l'indemnité sollicitée au titre de la clause pénale à néant, a rejeté le surplus des demandes.
Monsieur O... a relevé appel de la décision le 8 janvier 2018.
Il en poursuit l'infirmation sauf en ce qu'elle a prononcé la nullité du contrat de crédit consenti le 6 septembre 2012 et demande à la cour de constater la faute de la banque la privant de sa créance de restitution, subsidiairement, de condamner le CIC OUEST à lui payer la somme de 55.000 euros au titre des préjudices subis. Il souhaite, en tout état de cause, voir condamner le CIC OUEST à lui payer la somme de 15.104,71 euros au titre des sommes déjà versées, de débouter le CIC OUEST de l'ensemble de ses demandes et de le condamner aux dépens.
Il fait valoir que la banque a commis 3 fautes engageant sa responsabilité à son égard en omettant de vérifier l'opération qu'il finançait, en manquant à son obligation de mise en garde et en débloquant les fonds avant l'expiration du délai de 7 jours à compter de l'acceptation de l'offre.
Il fait valoir s'agissant de l'omission de vérifier l'opération financée et l'obligation de mise en garde, que la banque a fautivement financé au moyen d'un crédit personnel une opération professionnelle au profit d'une société qui a fait l'objet d'une procédure collective alors qu'elle aurait dû, ayant connaissance de l'objet du prêt et de la situation de l'entreprise, lui accorder ou non un prêt professionnel, et dans le cadre de son devoir de mise en garde attirer son attention sur le caractère illicite de l'opération et sur les risques qu'il encourait.
Il soutient que les fautes commises par la banque emportent privation de sa créance de restitution et l'obligent à réparer les préjudices qu'elle lui a causés.
Le CIC OUEST, qui souhaite voir confirmer le jugement dont appel, demande à la cour de débouter Monsieur O... de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2.000 euros pour frais de procédure.
Déniant avoir commis une faute de nature à engager sa responsabilité, il réplique que Monsieur O..., gérant de société était un emprunteur averti et que c'est en toute connaissance de cause qu'il a sollicité un prêt personnel pour consolider les fonds propres de sa société comme le précise le prêt, que la fiche de renseignement qu'il a rempli établit que le crédit consenti n'était pas excessif au regard de ses revenus et de son patrimoine et que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que le financement était adapté compte tenu des modalités de remboursement et de la prise d'une hypothèque.
SUR CE :
Attendu qu'il y a lieu de relever à titre liminaire que n'est plus soulevée devant la cour la nullité de l'assignation de sorte que le jugement qui a rejeté ce moyen est définitif sur ce point ;
I - Sur la nullité de l'acte de prêt :
Attendu qu'il n'est pas discuté que c'est à juste titre, dès lors que les fonds empruntés ont été débloqués avant l'expiration du délai de 7 jours prévu par l'article L 311-14 du code de la consommation, que le tribunal a prononcé la nullité du contrat de prêt pour violation des dispositions de ce texte et de l'article L 311-12 du code de la consommation ;
Que ce chef du jugement qui n'est pas critiqué est par conséquent également définitif ;
Attendu que du fait de la nullité du contrat de prêt l'emprunteur doit restituer au prêteur le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées ;
II - sur les fautes reprochées à la banque :
Attendu que Monsieur O... reproche à la banque d'avoir commis des fautes la privant de sa créance de restitution et subsidiairement qui lui ouvrent droit à des dommages et intérêts à hauteur de 55.000 euros, en omettant de vérifier l'opération financée, en violant l'obligation de remise en garde et en débloquent les fonds avant l'expiration du délai de 7 jours de l'acceptation de l'offre ;
Attendu c'est à tort que Monsieur O... invoque la jurisprudence rendue en matière de contrats interdépendants relative à l'obligation de vérifier l'opération financée dont le non respect emporte privation pour l'établissement de crédit de sa créance de restitution qui est inapplicable en l'espèce puisque le prêt consenti n'est pas un crédit affecté ;
Attendu que s'agissant d'un crédit simple, la banque intervenant en qualité de prêteur de deniers n'a pas l'obligation, sauf à contrevenir au principe de non immixtion dans les affaires de son client de vérifier l'opération financée ;
Que par conséquent ce moyen n'est pas fondé ;
Attendu qu'il est constant et établi par la clause spécifique du prêt que les fonds prêtés devaient être affectés au compte courant de Monsieur O... gérant et associé à 99 % de la société PLANETE HABITAT pour assurer la consolidation des fonds propres de la société;
Attendu qu'une telle opération manifestement astucieuse était destinée à permettre la poursuite de l'activité de la société en consolidant ses fonds propres sans doute devenus négatifs et alors qu'elle n'était pas en capacité d'emprunter ; qu'un tel montage qui traduit une bonne connaissance de la part Monsieur O... de la gestion des affaires n'était possible qu'en empruntant à titre personnel et en se soumettant aux dispositions du code de la consommation ;
Attendu que Monsieur O... ne peut dès lors sérieusement reprocher à la banque d'avoir dévoyé le crédit à la consommation alors qu'il a pu ainsi poursuivre l'activité de sa société tout en bénéficiant des dispositions protectrices du code de la consommation qui lui ont d'ailleurs permises d'obtenir l'annulation du prêt ;
Attendu que la particularité de ce financement révèle que Monsieur O... était un emprunteur averti de sorte que la banque n'était pas tenue à son égard d'une obligation de mise en garde ;
Qu'en tout état de cause même à considérer qu'il ne l'était pas, la banque communique la fiche de renseignements qu'il a remplie et dont il ressort qu'il disposait d'un revenu mensuel disponible de 2.118 euros ;
Attendu que le prêt souscrit par Monsieur O... était remboursable en 1 échéance de 120,92 euros, 23 échéances de 245 euros et 1 échéance de 70.129,37 euros ; qu'aux termes de la clause spécifique, Monsieur O... s'est engagé à justifier de l'enregistrement de l'apport de la somme empruntée en compte courant dans la comptabilité de la société et à maintenir le compte courant d'associé bloqué pendant la durée du prêt et jusqu'à parfait remboursement ;
Attendu que le revenu disponible de Monsieur O... lui permettait d'assurer les 23 échéances du prêt ; que par ailleurs, la clause prévoyant le maintien de la somme empruntée sur le compte courant pendant la durée du prêt avait pour objet de garantir le remboursement de la dernière échéance de sorte que le prêt n'emportait aucun risque d'endettement excessif pour Monsieur O... qui est seul responsable du non respect des dispositions contractuelles qui l'a empêché de régler la dernière échéance étant relevé qu'il ne justifie ni ne précise même à quelle date l'entreprise a fait l'objet d'une procédure collective et ne fournit aucun élément sur la situation de l'entreprise ;
Qu'il s'ensuit qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de la banque ;
Attendu enfin que la libération des fonds avant l'expiration du délai de 7 jours prévu par l'article L 311-14 du code de la consommation a été sanctionnée par la nullité du contrat ; qu'il n'est pas justifié que ce manquement aurait entraîné pour Monsieur O... un préjudice distinct ;
Attendu qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement qui a débouté Monsieur O... de sa demande de dommages et intérêts ;
III - sur la créance de restitution :
Attendu qu'après déduction du capital prêté de la somme de 15.104,71 euros versée par Monsieur O... la créance de restitution de la banque s'élève à la somme non discutée de 54.895,29 euros ; que par conséquent le jugement qui l'a condamné à payer cette somme au CIC OUEST doit être confirmé ;
Attendu que la somme versée par Monsieur O... au titre du prêt ayant été déduite du capital à restituer, il doit être débouté de sa demande en paiement formée à ce titre ;
Attendu que les autres dispositions du jugement qui ne sont pas querellées seront confirmées ;
Attendu que Monsieur O... qui succombe en son appel sera condamné aux dépens et à payer au CIC OUEST la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort :
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
CONDAMNE Monsieur Z... O... à payer au CIC OUEST la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE Monsieur Z... O... de sa demande en paiement de la somme de 15.104,71 euros au titre des sommes déjà versées,
CONDAMNE Monsieur Z... O... aux dépens,
ACCORDE à la SCP BERTRAND RADISSON BROSSAS, avocats le droit prévu à l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT