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04/04/2019 | FRANCE | N°17/032001

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 04 avril 2019, 17/032001


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/04/2019
Me Laurent LECOMBLE
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
ARRÊT du : 04 AVRIL 2019

No : 130 - 19
No RG : 17/03200 - No Portalis
DBVN-V-B7B-FSED

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 14 Septembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265206708322590
SAS ÉTABLISSEMENTS I... IMMATRICULEE AU RCS D'ORLEANS
Agissant poursuites et diligences des ses representants legaux


domicilies en cette qualite audit siege
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Laurent LECOMBLE, avocat au barreau d'O...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 04/04/2019
Me Laurent LECOMBLE
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
ARRÊT du : 04 AVRIL 2019

No : 130 - 19
No RG : 17/03200 - No Portalis
DBVN-V-B7B-FSED

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 14 Septembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265206708322590
SAS ÉTABLISSEMENTS I... IMMATRICULEE AU RCS D'ORLEANS
Agissant poursuites et diligences des ses representants legaux
domicilies en cette qualite audit siege
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Laurent LECOMBLE, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265216521619463
SARL MISSIONS-CADRES
prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL-FIRKOWSKI, avocat au barreau D'ORLEANS et pour avocat plaidant Me MOINE-PICARD, avocat au barreau de THONON-LES-BAIN,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 25 octobre 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 octobre 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 24 JANVIER 2019, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :
Madame Marie-Lyne EL BOUDALI, Greffier lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé le 04 AVRIL 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société ETABLISSEMENTS I..., qui a pour activité principale la fabrication et la commercialisation de bâches, a convenu, au cours de l'année 2015 avec Monsieur H... N... d'un contrat aux termes duquel ce dernier prospecterait des clients pour son compte en contrepartie d'une commission de 15% par affaire apportée.

La S.A.R.L. MISSIONS-CADRES, se présentant comme une société de portage, a émis des factures pour le travail effectué par Monsieur N... et, n'obtenant pas paiement, a le 5 août 2016 assigné ETABLISSEMENTS I... devant le tribunal de commerce d'Orléans en sollicitant sa condamnation à lui verser la somme de 19.596,09 euros.

Par jugement en date du 14 septembre 2017 le tribunal, statuant sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a retenu qu'il y a bien eu une relation tripartite dès le mois de mai 2015, reçu les demandes de la société MISSIONS CADRES et les a déclarées partiellement fondées, condamné ETABLISSEMENTS I... à payer à MISSIONS CADRES la somme de 8.595,79 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, débouté la demanderesse du surplus de ses prétentions, débouté ETABLISSEMENTS I... de sa demande de dommages et intérêts, débouté MISSIONS CADRES de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et condamné ETABLISSEMENTS I... à payer à MISSIONS CADRES la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

ETABLISSEMENTS I... a relevé appel de cette décision.

Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de débouter l'intimée de toutes ses prétentions et de la condamner à lui verser 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens. Elle prétend que les conditions légales d'un portage salarial ne sont pas réunies ; que le portage salarial ne peut être utilisé que pour l'exécution d'une tâche occasionnelle ne relevant pas de l'activité normale et permanente de l'entreprise, ou pour une prestation ponctuelle nécessitant une expertise qu'elle n'a pas ; qu'il n'y a eu aucun échange tripartite sur l'existence d'un tel portage salarial ; que Monsieur N... a travaillé comme il l'entendait et a été payé à la commission ; que MISSIONS CADRES ne produit aucun contrat de travail qui l'aurait liée à Monsieur N..., ce qui est pourtant un élément fondamental du portage salarial ; qu'en tout état de cause, Monsieur N... a dissimulé son contrat de travail et lui a demandé de le payer directement et que, si MISSIONS-CADRES a peut-être été lésée par Monsieur N..., qui ne lui aurait pas rétrocédé les sommes qu'il a perçues lui-même, il lui appartient d'actionner ce dernier.

MISSION CADRES sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné ETABLISSEMENTS I... à lui payer uniquement la somme de 8.595,79 euros, et elle réclame paiement de celle de 19.596,09 euros correspondant aux six factures émises, et ce avec intérêts au taux légal a compter de la mise en demeure du 22 juin 2016. Elle sollicite en outre 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnation de l'appelante à supporter les dépens.

Elle soutient que le contrat de portage est consensuel et qu'elle n'est dès lors pas contrainte de produire un écrit et elle communique les courriels qui lui ont été adressés par Monsieur N... pour lui demander de facturer à ETABLISSEMENTS I... les prestations qu'il avait réalisées. Elle souligne que Monsieur N... a adressé le 21 octobre 2015 un courrier à l'appelante dans lequel il lui indiquait "avoir continué dans cette activité avec vous comme partenaire dans le rôle de consultant, régi par une société de portage salarial MISSIONS CADRES" et rappelle qu'avant d'engager une procédure devant le tribunal de commerce, elle avait tenté un arrangement amiable auquel ETABLISSEMENTS I... ne s'était pas opposée. Elle précise que l'appelante s'abstient par ailleurs,de fournir un quelconque justificatif de paiement afférent aux commissions et soutient qu'en tout état de cause, les paiements faits à Monsieur N... ne sauraient être libératoires à son égard. Et elle reproche au tribunal d'avoir, pour réduire le montant de sa créance à 8.595,79 euros, fait application des dispositions de l'article 1842 du code civil qui énoncent que « le paiement fait à une personne qui n'avait pas qualité pour le recevoir est néanmoins valable si le créancier le ratifie. ›› alors que ce texte n'est entré en vigueur que le premier octobre 2016 et ne s'applique pas aux contrats conclus avant cette date ; que la validité du paiement n'est retenue qu'en cas de bonne foi du solvens, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où ETABLISSEMENTS I... a refusé d'exécuter un engagement non équivoque qui l'aurait amenée à régler ses factures mensuelles au lieu de verser des acomptes directement à Monsieur N... alors qu'elle connaissait le contrat de portage salarial qui la liait à Monsieur N....

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 1315 ancien du code civil, applicable au litige, il appartient à celui qui se prétend créancier de démontrer le bien fondé de sa créance ;

Attendu qu'en l'espèce MISSIONS CADRES ne produit aucun contrat de travail signé avec Monsieur N... ;

Que, contrairement à ce qu'elle soutient et en application de l'article L 1254-23 du code du travail du code du travail, le contrat de prestation de services en portage salarial doit être conclu par écrit et doit mentionner les clauses et mentions suivantes:
L'identité du salarié porté ;
Le descriptif des compétences, des qualifications et des domaines d'expertise du salarié porté ;
Le descriptif de la prestation et ses conditions d'exécution par le salarié porté ;
La date du terme de la prestation et, le cas échéant, la durée minimale de la prestation lorsque le terme est incertain et lié à la réalisation de la prestation ;
Le prix de la prestation convenu entre le salarié porté et l'entreprise cliente ;
La responsabilité de l'entreprise cliente relative aux conditions d'exécution du travail du salarié porté, en particulier les questions liées à sa santé, à sa sécurité et à la durée du travail, pendant l'exécution de sa prestation dans ses locaux ou sur son site de travail ;
S'il y a lieu, la nature des équipements de protection individuelle mis à disposition par l'entreprise cliente ;
L'identité du garant financier de l'entreprise de portage salarial ;
L'identité de l'assureur et le numéro d'assurance garantissant la responsabilité civile souscrite pour le compte du salarié porté pour les dommages provoqués dans l'entreprise cliente pendant l'exécution de la prestation ;

Que, non seulement MISSIONS CADRES ne justifie pas de la signature d'un tel contrat mais qu'elle ne démontre pas plus l'existence d'une quelconque rémunération versée à Monsieur N..., ne produit aucune déclaration préalable à l'embauche, aucun bulletin de salaire et ne prouve pas le versement de cotisations sociales concernant Monsieur N... ;

Qu'elle fonde exclusivement ses demandes sur des courriels que ce dernier lui a adressés en lui demandant d'établir des facturations en juin, juillet, août, octobre et décembre et mars 2016 ainsi que sur un courriel que Monsieur N... lui a affirmé avoir adressé le 21 octobre 2015 à Monsieur P..., membre de la direction d'ETABLISSEMENTS I... ;

Qu'il ne peut qu'être relevé que, dans ce courriel, dont rien ne démontre qu'il ait été adressé à cette date à l'appelante qui produit quant à elle une lettre de Monsieur N... datée du début de l'année 2016, dans laquelle Monsieur N... indique qu'il a obtenu un paiement partiel des 12.000 euros qu'il a lui-même facturés à ETABLISSEMENTS I... qui l'a payé directement et continue en exposant qu'il "doit facturer" 2.300 euros pour le chantier Bailowski ; qu'il termine en indiquant qu'il attend les réponses et les règlements d'ETABLISSEMENTS I... sans évoquer à aucun moment l'existence d'un contrat de portage salarial ;

Que dans ce même courrier, adressé à ETABLISSEMENTS I... en janvier 2016, Monsieur N... indiquait expressément " Concernant la facturation des commissions, je n'ai pas rajouté les frais de déplacements mais ils sont bien inclus dans le montant de mes commissions et il s'agit de Hors Taxes. Au titre des commissions j'ai d'ailleurs facturé 11.373 euros HT. Pour en finir, j'attend un délai de 15 jours. Passé ce délai, avec toutes les preuves et les écrits te concernant j'entamerai une procédure juridique avec dommages et préjudices" ;

Qu'il ne peut donc qu'être constaté qu'ETABLISSEMENTS I... n'a jamais été avisée d'un portage salarial avant avril 2016, que ce soit par Monsieur N... qui se présente clairement comme son seul interlocuteur et réclame paiement direct à son profit, ou que ce soit par MISSIONS CADRES qui ne lui a jamais adressé copie d'un contrat de travail conclu avec Monsieur N... et ne l'a pas fait participer à la convention tripartite de portage salarial ;

Attendu que MISSIONS CADRES justifie avoir réclamé paiement en adressant un courrier recommandé reçu par ETABLISSEMENTS I... le 6 avril 2016 et que, bien qu'elle ne produise pas cette autre pièce, elle vise dans son courrier de réponse du mois de juin 2016 le courriel adressé par ETABLISSEMENTS I... le 19 avril 2016 pour contester sa créance ;

Qu'il est constant que, par courrier du 5 juillet 2016, ETABLISSEMENTS I... a pris acte de la convention de portage salarial qui lui avait été dénoncée en avril 2016 et fait part de son souhait de trouver une issue amiable au litige ;

Que, cependant, elle ne s'est, à aucun moment, reconnue redevable des factures émises par MISSIONS CADRES mais a au contraire joint à son courrier un tableau récapitulatif des affaires commerciales conclues par Monsieur N..., des factures émises par celui-ci, des paiements effectués, et de ses contestations des honoraires réclamés en raison d'avoirs qui auraient dû être accordés à des clients mécontents des prestations de Monsieur N... ;

Qu'ETABLISSEMENTS I... proposait, au regard des sommes dues à Monsieur N... et des facturations émises par ce dernier dont elle estimait ne pas être redevable, de solder le litige à hauteur de 3.272,63 euros, somme restant due par elle à Monsieur N... ;

Attendu qu'au regard de ces échanges, il est démontré qu'ETABLISSEMENTS I... a été informée à compter du mois d'avril 2016 de l'existence de la convention de portage salarial qu'elle n'a pas contestée ;

Qu'elle ne pouvait donc sans faute régler les sommes restant dues à Monsieur N... à compter de cette date et qu'elle ne prétend d'ailleurs pas l'avoir fait ;

Qu'elle s'est expressément reconnue redevable envers Monsieur N... à hauteur de 3.272,63 euros et qu'elle sera donc condamnée à verser cette somme à l'intimée à laquelle Monsieur N... a délégué ses droits à paiement ainsi qu'il est démontré par les courriels produits ;

Attendu que MISSIONS CADRES ne justifie aucunement être créancière d'autres sommes, les facturations émises à la demande de Monsieur N... ne démontrant pas le bien fondé des prétentions de ce dernier ;

Que, faute pour elle d'avoir établi un contrat écrit faisant état du prix des prestations convenues entre Monsieur N... et ETABLISSEMENTS I... et d'avoir associé cette dernière à ce contrat, elle ne démontre pas la réalité et le montant de la créance qu'elle invoque aujourd'hui et ne peut obtenir paiement que des seules sommes dont l'appelante s'est expressément reconnue redevable ;

Qu'il convient dès lors, par infirmation de la décision déférée, de limiter la condamnation de l'appelante à régler la seule somme de 3.272,63 euros retenue ci-dessus ;

Attendu que chacune des parties succombe partiellement dans ses prétentions, ce qui conduit à rejeter les demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure ou résistance abusive, à laisser à chacune d'elles les dépens exposés lors de la procédure de première instance et d'appel, et à rejeter les demandes tendant au paiement d'une indemnité de procédure ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME la décision entreprise

STATUANT À NOUVEAU

CONDAMNE la société ETABLISSEMENTS I... à payer à la société MISSIONS-CADRES la somme de 3.272,63 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

LAISSE à la charge de chacune d'elles les dépens exposés en première instance et en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/032001
Date de la décision : 04/04/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2019-04-04;17.032001 ?
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