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21/03/2019 | FRANCE | N°18/005361

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 21 mars 2019, 18/005361


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/03/2019
Me Estelle GARNIER
la SCP LAVAL-FIRKOWSKI
ARRÊT du : 21 MARS 2019

No : 114 - 19
No RG : 18/00536 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FUMK

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 12 Décembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265214827762395
ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES
agissant poursuites et diligences du Directeur des Finances Publiques de PROVE

NCE-ALPES-COTE D'AZUR et du département des BOUCHES DU RHONE, seul compétent pour représenter l'Etat dans les inst...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/03/2019
Me Estelle GARNIER
la SCP LAVAL-FIRKOWSKI
ARRÊT du : 21 MARS 2019

No : 114 - 19
No RG : 18/00536 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FUMK

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 12 Décembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265214827762395
ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES
agissant poursuites et diligences du Directeur des Finances Publiques de PROVENCE-ALPES-COTE D'AZUR et du département des BOUCHES DU RHONE, seul compétent pour représenter l'Etat dans les instances juridictionnelles fiscales d'assiette engagées devant la cour d'appel d'ORLEANS, en application de l'arrêté du 22 août 2016 du Ministère des Finances et des Comptes Publics,
[...]
[...]

Ayant pour avocat Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265227370609004
SARL LUCCOTEL
prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[...]
[...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Naïm DRIBEK, membre de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de TOURS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 20 Février 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 novembre 2018 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 10 JANVIER 2019, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :
Madame Karine DUPONT, Greffier lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé le 21 MARS 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Exposé du litige :

Le 6 octobre 2009, Monsieur W... V... et son épouse, Madame H... O..., ont constitué la SCI LBA qui a acquis, le 12 novembre 2009, un immeuble sis à Loches dans lequel la SAS HÔTEL-RESTAURANT LUCCOTEL, dont Monsieur V... était président, exploitait un hôtel-restaurant.

Le 28 décembre 2009, Monsieur et Madame V... ont cédé pour une durée de 20 ans à la société LUCCOTEL l'usufruit des 100 parts sociales qu'ils détenaient dans la SCI.

La valeur en pleine propriété de ces parts sociales a été fixée à 1.000 euros, de sorte que, par application des dispositions de l'article 669 II du code général des impôts, la valeur soumise à droits d'enregistrement a été arrêtée à 460 euros.

Le 17 décembre 2012, l'administration fiscale a établi un courrier dans lequel elle faisait connaître à la SAS que la valeur en pleine propriété des parts sociales devait être fixée à 7.619 euros par part, et en conséquence la valeur de l'usufruit temporaire à 3.810 euros par part, de sorte qu'était réclamé un complément de droits de 19.000 euros assorti de pénalités.

A la suite d'observations de la société, la valeur des parts sociales a été arrêtée à 5.079 euros et la mise en recouvrement du complément de droits a été opérée pour un montant réduit à 11.630 euros majorés de 1.628 euros de pénalités, soit un total de 13.258 euros.

Contestant ce redressement, la société LUCCOTEL a, le 9 décembre 2015, saisi le tribunal de grande instance de Tours en sollicitant la décharge de l'imposition. Elle a d'une part fait état de la prescription intervenue, d'autre part contesté la valorisation des parts sociales réalisée par l'administration fiscale.

Par jugement en date du 12 décembre 2017, le tribunal a fait droit à la demande de décharge en retenant que l'administration des finances publiques était prescrite dans l'exercice de son droit de reprise.

L'administration des finances publiques a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 7 mai 2018.

Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de débouter Monsieur et Madame V... de toutes leurs prétentions, de lui allouer une indemnité de procédure de 3.000 euros et de condamner les intimés aux dépens dont distraction au profit de Maître GARNIER.

Elle fait valoir qu'elle disposait, pour exercer son droit de reprise, d'un délai qui expirait le 31 décembre 2012 ; qu'elle a adressé à la société LUCCOTEL le 17 décembre 2012 une proposition de rectification ; que ce courrier a été présenté le 19 décembre 2012, ce qui suffit pour interrompre le délai de prescription, peu important que la lettre n'ait effectivement été distribuée à l'intimée que le 2 janvier 2013.

Elle expose la valorisation des parts sociales à laquelle elle a procédé en faisant valoir qu'en application des articles 666 et 726 du code général des impôts, la base de perception des droits d'enregistrement est constituée par le prix exprimé dans l'acte, augmenté de toutes les charges en capital et de toutes les indemnités stipulées au profit du cédant à quelque titre et pour quelque cause que se soit ; que la Cour de cassation retient que la valeur vénale des parts doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments permettant d'obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande et n'impose pas à l'administration le choix d'une méthode particulière de valorisation ; qu'elle exige uniquement que la ou les méthodes retenues soient justifiées au regard des caractéristiques et des spécificités des titres à évaluer ; que la jurisprudence procède habituellement à une évaluation combinant plusieurs méthodes ; qu'elle a procédé à un calcul combinant la valeur mathématique et la valeur de productivité ; que cette méthode, qui est celle usuellement appliquée pour la valorisation des parts de SCI, n'est pas contestée par l'intimée qui est également d'accord avec la valeur mathématique mais se trompe quant à la valeur de productivité.

Elle fait valoir que cette dernière est en effet obtenue par capitalisation du résultat net d'impôt de l'entreprise, qu'il soit distribué ou mis en réserve, suivant l'hypothèse d'une rente infinie du bénéfice dégagé selon la formule : VP (valeur de productivité) = revenu/taux de capitalisation; qu'il existe une communauté d'intérêts entre les cédants et la cessionnaire qui explique la différence entre la valeur vénale qu'elle a retenue et le prix de cession, ce qui établit l'existence d'une libéralité consentie au profit de LUCCOTEL ; que, pour évaluer cette libéralité, elle a retenu, dans son calcul, le revenu dont aurait bénéficié le cédant en l'absence de cession temporaire d'usufruit, soit le revenu de la SCI LBA déterminé selon les règles des revenus fonciers, estimé a minima à 76.190 euros, montant auquel elle a appliqué une décote de 33 1/3% représentative d'un impôt sur les sociétés théorique au taux plein, soit un montant retenu comme base de calcul de 50.793 euros ; qu'elle a appliqué un taux de capitalisation de 5% en fonction d'un taux couvrant l'inflation d'une part et d'autre part d'une prime de risque modique et elle rappelle que le taux de capitalisation généralement admis varie entre 5 et 7%; qu'elle a combiné les deux méthodes mathématique et de productivité par moitié en prenant en compte le fait qu'il s'agit d'une société patrimoniale et en considération de la communauté d'intérêts existant entre le cédant et le cessionnaire.

Elle rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article 669 II du code général des impôts que, pour la liquidation des droits de mutation, «l'usufruit constitué pour une durée fixe est estimée à 23% de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l''usufruit, sans fraction et sans égard à l'âge de l'usufruitier. » Et elle en déduit une valeur des parts de la SCI de 7.619 euros ramenée à 5.079 euros pour tenir compte de l'application d'une décote de 33 1/3% représentant l'impôt sur les sociétés théorique, soit une valeur unitaire de l'usufruit, d'une durée de 20 ans, des parts de la SCI LBA, par application de l'article 669 II du CGI, évaluée à 2.336 euros (46% x 5.079).

Répondant à l'argumentation de l'intimée, elle fait valoir que les principes d'égalité devant la loi fiscale et d'égalité devant les charges publiques ne font pas obstacle à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi. Et elle affirme que la procédure produite par la société intimée pour démontrer une rupture d'égalité concerne une situation différente, le fait que la problématique juridique puisse être identique ne signifiant pas que les éléments matériels et factuels qui ont fondé les rappels d'impôt soient strictement identiques.

La société LUCCOTEL conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour d'y ajouter la condamnation de l'appelante à lui verser une indemnité de procédure de 3.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens et notamment ceux mentionnés à l'article R.207-1 du Livre des procédures fiscales.

Elle soutient que l'administration fiscale est prescrite en son action ; que, dans le cas de notification par voie postale d'une proposition de rectification, la prescription est en effet interrompue à la date de la réception du pli postal et qu'elle n'a signé l'avis de réception que le 2 janvier 2013, soit postérieurement à l'écoulement du délai de trois années imposé à l'appelante pour exercer son droit de reprise après la cession intervenue à son profit.

A titre subsidiaire, elle fait part de son accord sur la méthode de valorisation des parts par combinaison de la valeur mathématique et de la valeur de productivité. Elle ne conteste pas la valeur mathématique nulle retenue par l'administration mais lui reproche, en ce qui concerne la valeur de productivité, d'avoir capitalisé des revenus fonciers alors que, les titres étant détenus par une société commerciale, il convenait de capitaliser, soit les flux nets de trésorerie, soit les résultats déterminés par la méthode applicable à la société, avec la déduction d'un amortissement des biens. Elle soutient que le calcul de l'appelante est erroné tant sur le bénéfice retenu, puisque sa déclaration fiscale faisait ressortir un déficit de 9.321 euros pour 2010, que sur le taux de capitalisation, la méthode consistant à retenir un résultat prévisionnel sans tenir compte des règles comptables et fiscales qui s'imposent à l'acquéreur ne pouvant être approuvée. Et, pour démontrer l'erreur commise, elle procède elle-même à un calcul du résultat net déterminé en partant du postulat que les règles régissant le régime des BIC trouvent à s'appliquer puisqu'elle est assujettie à l'impôt sur les sociétés. Elle obtient un résultat comptable négatif correspondant selon elle en tout point à sa situation de trésorerie sur les années à venir puisqu'elle doit supporter un emprunt de 1.880.000 euros l'amenant à payer des annuités de 83.400 euros par an pendant 20 ans. Et elle en déduit que le résultat à capitaliser était égal à zéro, d'où une valeur de productivité nulle. Elle fait valoir que l'autre méthode de calcul serait fondée sur les flux de trésorerie qu'elle pourrait percevoir du fait de l'usufruit ; que le raisonnement porterait alors, non pas sur un bénéfice mais sur un cash flow correspondant à la trésorerie disponible, et que la capitalisation d'un flux négatif justifie en conséquence pleinement la valeur de 460 euros retenue lors de la cession.

Elle souligne que le taux de capitalisation retenu par l'appelante est de 5% alors que la commission de conciliation avait défini un taux de 6,88%, et que la cession avait été opérée au regard d'un taux de 7% en adéquation avec celui retenu par cette commission. Et elle fait valoir que le prix d'acquisition de 1.996 .000 euros et le loyer de 187.066 euros (hors taxe foncière) sont parfaitement connus et que le taux de rentabilité réel est donc de 9,37%, très éloigné du taux retenu par l'administration puisqu'il représente presque le double.

Elle soutient enfin que le principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques doit conduire l'administration fiscale à appliquer des méthodes identiques dans des situations similaires, donc à déterminer les résultats selon la méthode des BIC/IS dans chaque dossier. Et elle reproche à l'appelante d'avoir appliqué un autre calcul qu'à elle-même à une autre société dans une situation similaire.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que l'article L.17 du livre des procédures fiscales autorise l'administration à rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle, au jour de la transmission, des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations ;

Que l'article L.180 du même livre dispose que "pour les droits d'enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration ou de l'accomplissement de la formalité fusionnée définie à l'article 647 du code général des impôts ou, pour l'impôt de solidarité sur la fortune des redevables ayant respecté l'obligation prévue au 2 du I de l'article 885 W du même code, jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due" ;

Attendu que les parties s'accordent pour indiquer que, la cession litigieuse étant intervenue le 28 décembre 2009, le délai de prescription expirait le 31 décembre 2012;

Que l'appelante fait valoir qu'elle a rédigé le 17 décembre 2012 un courrier faisant connaître à LUCCOTEL qu'elle entendait exercer son droit de reprise et que, si l'intimée n'a effectivement reçu cette lettre que le 2 janvier 2013, elle a cependant été avisée dès le 19 décembre 2012 qu'elle lui était adressée et qu'il lui appartenait de faire diligence pour aller la retirer au bureau de Poste puisqu'il lui avait été indiqué qu'elle y avait été déposée ;

Attendu que selon l'article 668 du code de procédure civile : "Sous réserve de l'article 647-1, la date de notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre" ;

Que l'article 669 du même code énonce que : "La date de l'expédition d'une notification faite par la voie postale est celle qui figure sur le cachet du bureau d'émission. La date de la remise est celle du récépissé ou de l'émargement. La date de réception d'une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est celle qui est apposée parl'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire".

Qu'il résulte dès lors de ces dispositions que la date de réception par le destinataire est celle à laquelle il a signé l'avis de réception ;

Qu'il est cependant dérogé à cette règle lorsqu'il est démontré que le destinataire a su qu'un pli était mis à sa disposition mais n'a pas été le retirer ou lorsqu'il a expressément demandé que son courrier soit conservé alors qu'il savait qu'il ne pourrait pas en prendre connaissance ;

Que, dans ces cas, strictement contrôlés par le juge comme étant dérogatoires au droit commun, la date de réception est celle à partir de laquelle le pli recommandé est tenu à la disposition du destinataire ;

Que dans son arrêt no 53052 du 23 juin 1986, cité par l'appelante, le Conseil d'Etat a ainsi retenu "qu'il incombe à l'administration, lorsqu'elle oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'action introduite devant le tribunal administratif, d'établir que le contribuable a reçu notification régulière de la décision prise sur sa réclamation. En cas de retour à l'administration du pli contenant la notification, cette preuve peut résulter soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal, conformément à la réglementation en vigueur, de deux avis d'instance prévenant le destinataire de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste" ;

Que l'arrêt de la Cour de cassation produit par l'appelante pour démontrer le bien fondé de son argumentation (Cass. Com. 20 mars 2007 no06-15.535) ne dit rien d'autre en sanctionnant un contribuable qui avait décidé de ne pas faire suivre son courrier pendant son absence et de demander au bureau de Poste de le lui conserver jusqu'à son retour, l'administration justifiant de la carence de ce contribuable en produisant une attestation de la Poste ;

Attendu que l'appelante produit l'avis de réception de son envoi recommandé qui porte les mentions suivantes :Présenté/ avisé le 19/12
Distribué le 2/01/13, ;
la signature du dirigeant de LUCCOTEL étant portée sous cette dernière mention;

Attendu qu'il est établi par ce document que l'intimée a été avisée le 19 décembre 2012 de ce qu'elle avait reçu une lettre recommandée et devait aller la retirer au bureau de Poste ;

Que LUCCOTEL n'a jamais expressément contesté, que ce soit devant les premiers juges ou devant la cour, avoir reçu un avis l'informant qu'un pli recommandé contenant le courrier du 17 décembre 2012 était à sa disposition au bureau de Poste, se contentant de se référer à la date à laquelle elle a signé l'avis de réception ;

Qu'elle n'indique pas avoir été dans l'impossibilité d'aller retirer ce courrier à la Poste ni avoir tenté en vain de se le faire remettre avant le 2 janvier 2013 ;

Qu'il ne peut donc qu'être retenu qu'elle est seule responsable de la non remise de ce courrier entre le 19 décembre 2012 et le 2 janvier 2013 ;

Que le délai de prescription ayant été interrompu le 19 décembre 2012, aucune prescription ne peut être opposée à l'appelante ;

Que la décision déférée sera en conséquence infirmée ;

Attendu que les parties s'accordent pour indiquer que la valeur vénale des parts doit être appréciée en tenant compte de tous les éléments permettant d'obtenir un chiffre aussi proche que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande ;

Qu'elles s'accordent également pour retenir que les parts sociales litigieuses peuvent en l'espèce être valorisées en appliquant une combinaison entre la valeur mathématique, qu'elles sont également d'accord pour voir fixer à 0 euro, et la valeur de productivité sur laquelle elles sont en désaccord ;

Attendu que cette valeur de productivité se définit par la capitalisation du résultat net d'impôt de l'entreprise suivant l'hypothèse d'une rente infinie dudit bénéfice selon la formule: VP = revenu/ taux de capitalisation ;

Attendu, s'agissant de la détermination du revenu, que l'intimée reproche à l'administration de s'être fondée sur des éléments comptables "théoriques";

Que LUCCOTEL ne saurait cependant reprocher à l'administration fiscale d'avoir fixé un revenu net annuel "théorique" de la SCI alors que Monsieur et Madame V... ont revendu l'usufruit de leurs parts sociales quelques semaines après leur acquisition intervenue en décembre 2009 soit peu avant le début de l'année 2010 ;

Que les lieux étaient donnés à bail avant l'acquisition de l'immeuble par la SCI et qu'il n'est pas soutenu que le montant du loyer aurait pu varier significativement entre décembre 2009 et l'année 2010 et qu'il sera d'ailleurs relevé que la cession d'usufruit avait pour but d'assurer la pérennité de l'occupation des locaux ;

Que le montant du produit annuel de la location doit donc être retenu comme étant de 187.116 euros annuels ;

Attendu que le montant des dépenses est quant à lui connu puisqu'elles sont constituées des honoraires d'expertise comptable, de frais d'assurance afférents à l'emprunt, de la taxe foncière et des intérêts de l'emprunt ;

Que LUCCOTEL prétend cependant qu'il convient de prendre en considération les règles comptables et fiscales qui s'imposent à l'acquéreur ;

Qu'elle déduit dès lors des revenus de la SCI un amortissement annuel de 94.832 euros selon les règles BIC-IS et aboutit à un revenu annuel net nul ;

Mais attendu que cette méthode repose sur la nécessité d'un résultat comptable distribuable et d'une situation de trésorerie disponible ce qui conduit LUCCOTEL à prendre en considération, non la valeur de productivité d'une SCI mais une valeur de rendement-distribution non prise en compte pour une telle société ;

Qu'elle ne saurait dès lors être approuvée dans cette démonstration qui consiste à appliquer à des revenus perçus par une SCI des règles comptables appliquées à une SAS ;

Attendu que l'intimée fait également valoir qu'une autre méthode applicable serait celle d'actualisation des cash flow ;

Qu'elle déduit alors des revenus de la SCI la totalité du capital emprunté ;

Mais attendu que l'endettement en capital de la SCI ne doit pas être pris en considération pour déterminer la valeur de productivité, laquelle est fixée par capitalisation du résultat net ;

Qu'en effet, le montant en capital des emprunts souscrits ou du compte courant ne constitue pas une charge annuelle influant sur les revenus annuels de la SCI ;

Que cette dernière méthode ne peut être mise en oeuvre qu'à l'égard d'entreprises sociétaires pratiquant des distributions régulières et non à l'égard d'une SCI, de nature patrimoniale, ayant pour objet la gestion d'un patrimoine immobilier privé ;

Attendu qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé que, pour démontrer que la valeur de productivité des parts sociales est négative, LUCCOTEL procède à la détermination du résultat de la SCI selon les règles BIC-IS mais ne prend pas en considération le revenu foncier cumulé ni le résultat net cumulé qui présentent des valeurs positives supérieures au prix de cession de l'usufruit ;

Qu'il résulte en effet des calculs opérés selon les indications de l'intimée que, sur la période de 20 ans considérée :
- le revenu foncier s'élève à 3.185.505 euros
- le résultat net cumulé s'élève à 997.759 euros après imputation du déficit comptable constaté les trois premières années et déduction de l'impôt sur les sociétés;
- la trésorerie nette cumulée est de 1.175.281 euros selon les règles des revenus fonciers et de 827.354 euros selon les règles BIC-IS ;

Attendu en conséquence que LUCCOTEL n'oppose pas d'argument pertinent aux calculs opérés par l'administration des finances qui conduisent à retenir un revenu net de 50.793 euros, donc une valeur des parts de 5.079 euros ;

Attendu, s'agissant du taux de capitalisation, que l'administration a retenu un taux de 5% tenant compte d'un coefficient de risque de 0,6% ;

Que le coefficient de risque correspond aux risques internes et externes de la société, en l'espèce le risque de non paiement des loyers, le taux de base retenu comme étant sans risque étant le taux de rendement des obligations publiques garanties par l'Etat;

Qu'ainsi que l'a retenu la commission départementale de conciliation, il convient cependant de tenir compte du fait que la SCI LBA est adossée à un commerce à risque exercé dans une ville où l'activité est stagnante ;

Qu'il convient donc de retenir un coefficient de risque de 0,95% qui conduit à appliquer un taux de capitalisation de 6,88% ;

Que la valeur de productivité est donc :
R (50.793) / taux de capitalisation (6,88% ) = 7.382,70 euros
Que la moyenne entre la valeur mathématique (0) et la valeur de productivité (7.382,70) conduit à retenir une valeur unitaire des parts s'élevant à 3.691,35 euros ;

Que les parties sont d'accord pour retenir que l'usufruit s'élève, en application de l'article 669 II du code général des impôts à 46% de la valeur de la part en pleine propriété ;

Que la valeur de l'usufruit par part sera donc fixée à 1.698 euros et qu'il sera en conséquence jugé que l'administration fiscale est fondée à opérer un redressement tenant compte d'une valeur vénale de l'usufruit des parts sociales fixée à 1.698 euros;

Attendu que l'intimée, succombant principalement en ses prétentions, supportera les dépens de la procédure de première instance et d'appel sans qu'il y ait lieu cependant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT A NOUVEAU

DÉBOUTE la société LUCCOTEL de sa demande tendant à voir juger prescrit le droit de reprise de l'administration des finances publiques,

DIT que l'administration des finances publiques est fondée à exercer un droit de reprise tenant compte d'une valeur vénale unitaire de l'usufruit des parts sociales de la SCI LBA fixée à 1.698 euros,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur W... V... et son épouse, Madame H... O... à supporter les dépens de première instance et d'appel,

ACCORDE à Maître GARNIER, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/005361
Date de la décision : 21/03/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2019-03-21;18.005361 ?
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