COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/03/2019
la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES
la SELARL CASADEI-JUNG
ARRÊT du : 21 MARS 2019
No : 113- 19
No RG 18/00347 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FT7F
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 25 Janvier 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SARL I...
agissant poursuites et diligences de ses gérants domiciliés en cette qualité audit siège
[...]
[...]
Ayant pour avocat plaidant Me Gaetane MOULET membre de la SELARL ACTE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: [...]
SARL TF INTER
prise en la personne de ses représentants légaux domicilié audit siège.
[...]
[...]
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel POTIER membre de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d'ORLEANS substitué par Me Ludivine CASTAGNOLI, avocat au barreau d'ORLEANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 05 Février 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 novembre 2018
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 10 JANVIER 2019, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Karine DUPONT, Greffier lors des débats,
Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé le 21 MARS 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Exposé du litige :
Monsieur W... F... N..., engagé le 15 octobre 2002, en tant qu'attaché commercial par la société TF INTER qui a pour activité la vente de produits électroménagers et sanitaires, cuisines et salles de bains et a été le distributeur exclusif en France de la marque TEKA, a été licencié pour faute grave le 20 juillet 2012.
Monsieur D... T... engagé le 3 janvier 2011 par cette même société en tant que responsable commercial, a également été licencié pour faute le 5 octobre 2012.
Monsieur Q... C..., attaché commercial, a quitté son poste au sein de la société TF INTER le 13 août 2013.
Monsieur N... et Monsieur T... se sont associés pour créer ensemble, le 7 novembre 2012, la société I... qui a pour objet social la vente de produits électroménagers et sanitaires.
Le 24 novembre 2014, TF INTER a assigné I... devant le tribunal de commerce d'Orléans afin d'obtenir sa condamnation à lui verser 1.000.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui ont causé ses actes de concurrence déloyale.
Par jugement en date du 25 janvier 2018 le tribunal, statuant sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a dit que I... est complice et auteur d'actes de concurrence déloyale au détriment de TF INTER, et l'a condamnée à payer à cette dernière la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
I... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 5 février 2018.
Elle demande à titre principal à la cour d'annuler le jugement déféré en ce qu'il comporte une contradiction de motifs et une absence de motifs suffisants pour qualifier le parasitisme et allouer des dommages et intérêts ; en ce qu'il a omis de statuer sur certains de ses moyens et notamment celui tiré de la péremption d'instance et en ce qu'il a omis d'inviter les parties à s'expliquer sur l'existence d'un parasitisme et sur son éventuelle indemnisation alors qu'il avait été exclusivement débattu d'une concurrence déloyale. A titre subsidiaire, elle sollicite l'infirmation de la décision attaquée. En tout état de cause, que le jugement soit annulé ou infirmé, elle soutient à titre principal que les demandes formées à son encontre sont irrecevables, l'instance étant périmée et les prétentions étant formées à l'encontre de ses dirigeants lorsqu'ils étaient encore salariés de l'intimée mais non lorsqu'ils étaient ses gérants. A titre subsidiaire, elle conclut à leur mal fondé en demandant à la cour de débouter TF INTER de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser 20.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, 7.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens, dont distraction au profit de la SELARL ACTE AVOCATS ASSOCIES.
Elle fait tout d'abord valoir que l'instance a été engagée le 24 novembre 2014, qu'elle a été radiée, puis réinscrite le 3 février 2017, soit plus de deux années après son introduction. Elle prétend par ailleurs que les demandes sont certes, dans le dispositif des écritures, formées à son encontre, mais que l'intégralité de la motivation de l'intimée vise Messieurs N... et T... auxquels elle est déjà opposée dans le cadre de l'instance prud'homale engagée par eux, laquelle est actuellement soumise à la chambre sociale de cette cour.
Sur le fond, elle rappelle que la concurrence déloyale comme le parasitisme suppose la réunion de trois éléments factuels : des agissements déloyaux constitutifs d'une faute, un préjudice, et un rapport de causalité entre les agissements déloyaux et ce préjudice, une telle appréciation devant se faire au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
Elle fait valoir que les actes déloyaux allégués par l'intimée et retenus par le tribunal auraient été commis de mai à octobre 2012, non par elle-même qui n'existait pas encore, mais par Messieurs N... et T... ainsi que Monsieur C... alors qu'ils étaient tous trois salariés de TF INTER. Elle soutient qu'une société non créée ne peut s'être rendue coupable de complicité. Et elle souligne que, par deux jugements en date du 8 juillet 2016, le conseil de prud'hommes d'Orléans a dit les licenciements de Messieurs N... et T... sans cause réelle et sérieuse et débouté la société TF INTER de ses demandes fondées sur les actes de concurrence déloyale qu'elle reprochait à ses anciens salariés.
Elle fait par ailleurs valoir qu'en 2010, TF INTER est devenue distributeur exclusif de la marque TEKA ; qu'à compter de cette date cette exclusivité lui interdisait, sans autorisation écrite préalable de TEKA, de représenter, fabriquer, promouvoir ou vendre sur le territoire, tout produit concurrençant ce fournisseur ; que les marques POALGI, NAYES, GENEBRE, STEEL TIME et MAX-FIRE qu'elle exploite ne sont pas mentionnées dans la liste des fournisseurs de l'intimée autorisés par TEKA et qu'il est donc indifférent que Monsieur T... ait pu proposer POALGI à des clients ou prospects de l'intimée et ait fait profiter I... de cette prospection puisque TF INTER ne pouvait vendre cette marque et que le gérant de POALGI atteste que cette société n'a jamais entretenu de relations commerciales avec l'intimée.
Elle souligne que TEKA a rompu fin 2013 le contrat d'exclusivité avec TF INTER et que le fait que le tarif 2012 de TEKA ait été retrouvé dans ses locaux ne saurait démontrer des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme puisqu'elle ne pouvait vendre aucun produit TEKA au cours de l'année 2012 et qu'elle n'en a d'ailleurs pas vendu depuis.
Elle précise que les sociétés UBALDI et ETROUVETOUT n'exploitent ni l'activité de cuisiniste ni celle de grossiste mais sont des sites marchands spécialisés dans l'équipement de la maison de sorte que les offres émanant aussi bien de TF INTER que d'elle-même peuvent cohabiter sans difficulté dans les règles de la libre concurrence sans obstruction aucune au développement des opérations de TF INTER sur ces sites.
Et elle prétend que ne sont caractérisés ni une économie réalisée par un détournement à son profit du travail et des investissements réalisés par l'intimée, ni la démonstration de ce qu'elle a cherché à titrer profit de la renommée de l'intimée. Elle prétend que les annexes 6, 7 et 8 du constat d'huissier de justice dont se prévaut l'intimée démontrent que Messieurs T... et N... ont fait les déplacements qui leur sont reprochés à leurs frais et non à ceux de la société TF INTER.
Elle souligne qu'elle n'a pas de locaux commerciaux hormis un bureau, et exploite un modèle de revente direct via Internet entre les fournisseurs et les clients, qui est totalement différent de celui exploité par TF INTER, la simple production par celle-ci de sa liste de stocks permettant de le démontrer, ce qui suffit à établir que les parties ne sont pas en concurrence directe.
Elle précise que :
- la marque MAX FIRE qu'elle exploite est une marque haut de gamme sans rapport avec TEKA qui est une marque grand public,
-OSKAB est un site marchand appartenant à la société IHC qui n'est pas cliente de I... ainsi qu'elle l'atteste,
- elle n'est pas distributeur exclusif des marques GENEBRE, NAYES, MAX-FIRE, et TF INTER ne démontre aucunement des manoeuvres déloyales lui ayant permis de bénéficier de leur exploitation ,
- elle n'a jamais exploité la marque SIMECO (TEKA).
Elle prétend que Messieurs T... et N... ne pouvaient, lorsqu'ils étaient salariés de TF INTER, détourner des fournisseurs de celle-ci parce qu'ils avaient en charge le développement de la clientèle et non de ces fournisseurs et qu'ils n'ont pas plus détourné un savoir-faire spécifique puisque le modèle économique de I... est entièrement différent. Et elle prétend que les pièces communiquées par l'intimée démontrent qu'elle a pu consulter la messagerie de Monsieur T... après son départ, contrairement à ce qu'elle prétend et que les contacts y ont été préservés ; que les propositions commerciales étaient connues de tous de sorte qu'aucun dommage ne pouvait découler d'un éventuel effacement de messages; qu'elle-même n'est pas responsable de la rupture du contrat d'exclusivité accordé par TEKA à l'intimée, laquelle n'a pas respecté la clause d'exclusivité qui la liait à ce fournisseur et, ainsi qu'en atteste Monsieur B... E..., ancien directeur commercial de TF INTER n'était pas en mesure d'assumer la responsabilité du développement de la marque TEKA en France à moyen et long terme faute d'investissements financiers nécessaires pour ce type de projet ; qu'elle saurait d'autant supporter une perte de chiffre d'affaires qui ne lui incombe pas que TF INTER dissimule la réalité de ses résultats puisqu'elle en fait transiter une partie par une autre structure commerciale dénommée CAPTITUDE, qui a le même gérant, la même adresse qu'elle, un code APE similaire et les mêmes salariés. Elle soutient qu'aucun préjudice n'est démontré, pas plus que l'existence d'actes parasitaires puisque son adversaire ne possède aucun savoir-faire particulier, qu'il n'est fait état d'aucun acte de contrefaçon et qu'aucun risque de confusion n'est avéré.
Elle affirme que TF INTER tente uniquement de la déstabiliser et expose que ses multiples atermoiements et changements de demandes l'ont contrainte à supporter cette procédure longue et dépourvue de fondement, ce qui justifie le paiement de dommages et intérêts.
TF INTER conclut à la confirmation du jugement déféré, hormis dans le quantum des dommages et intérêts alloués, demandant à la cour de condamner I... à lui verser 1.102.799,50 euros ou subsidiairement 1.062.749,50 euros à titre de dommages et intérêts et d'y ajouter la condamnation de l'appelante à lui verser une nouvelle indemnité de procédure de 15.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens.
Elle fait valoir que le jugement n'encourt aucunement l'annulation ; que ses demandes sont recevables ; qu'aucune péremption n'est acquise ; qu'elle a bien engagé son instance contre I... et non contre ses anciens salariés puisque les agissements qu'elle reproche à ces derniers ont exclusivement profité à l'appelante.
Elle expose en détail les actes qu'elle reproche à ses anciens employés (effacement des messages de Monsieur T... avant son départ pour dissimuler ses agissements, prises de rendez-vous avec ses fournisseurs avant ou aussitôt après le licenciement, proposition de produits concurrents de TEKA auprès de ses clients alors même que ses salariés étaient encore à son service, enregistrement dès le 9 octobre 2012, par Q... C... du nom de domaine www.I....com et www.I....fr, chez la société OVH avec un espace de site Internet réservé mais non encore public). Elle souligne qu'elle a été autorisée par le président du tribunal de commerce à procéder à diverses saisies dans les locaux de l'appelante et que Maître P..., huissier de justice a, le 7 février 2013, étant assisté d'un expert informatique, pu constater que Messieurs T... et N... et I... avaient détourné des fournisseurs, mis en place la future activité de I... pendant qu'ils étaient en poste au sein de TF INTER, prospecté ses clients en leur proposant leurs futurs produits, et détourné ses documents pour utiliser son savoir-faire (sélection de produits et tarifs) et démarrer ainsi une activité concurrente à son détriment ; que l'ensemble de ces faits est constitutif d'une concurrence déloyale ; que les actes commis ont tous profité à I... une fois que celle-ci a été constituée et que de surcroît l'appelante a elle-même commis d'autres actes de concurrence déloyale en prospectant ses fournisseurs. Elle affirme que son statut de distributeur exclusif de TEKA ne l'empêchait aucunement de distribuer d'autres marques et elle détaille ces dernières. Elle fait valoir que le procès-verbal de constat permet également d'établir un détournement de clientèle, notamment des clients UBALDI et ETROUVETOUT, SIDER et OSKAB. Elle rappelle enfin la liste des treize fichiers lui appartenant trouvés par l'huissier de justice en possession de l'appelante. Et elle prétend que si les dirigeants de I... n'avaient pas refusé de remettre leurs ordinateurs portables à l'expert qui accompagnait l'huissier de justice, elle aurait pu démontrer encore bien d'autres pratiques déloyales.
Elle précise qu'elle a produit des messages reçus par ses anciens salariés sur leur messagerie professionnelle et soutient n'avoir donc commis aucune atteinte à la vie privée.
Elle rappelle que la jurisprudence retient qu'une concurrence déloyale cause nécessairement un préjudice à celui qui en est victime, souligne le démarrage rapide de l'appelante qui a réalisé, avec deux salariés seulement et aucun stock, un chiffre d'affaires de plus de 800.000 euros pour le premier exercice et ce sans avoir réalisé aucun investissement, explicite son préjudice, s'agissant notamment du fournisseur POALGI et de la perte de l'exclusivité TEKA qu'elle impute exclusivement au parasitisme de l'appelante. Elle conteste l'attestation de Monsieur E... en soulignant qu'il n'est resté que quatre mois à son service et n'était pas suffisamment informé pour établir un tel témoignage et elle soutient que l'exercice d'une activité par Internet par sa concurrente n'empêche aucunement la déloyauté de ses procédés.
Et elle fait valoir que la demande en paiement de dommages et intérêts formée par l'appelante est sans aucun fondement au vu des constatations effectuées par Maître P... dans ses locaux.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu que, pour solliciter l'annulation de la décision qui prononce condamnation à son encontre, l'appelante se fonde sur les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile qui énonce que le jugement doit être motivé et prétend que tel n'est pas le cas de la décision déférée ;
Mais attendu que la simple lecture tant du jugement que des conclusions de l'appelante persuade du contraire ;
Qu'en effet, la décision comporte plus de deux pages de motivation (cf notamment ses pages 15 à 17) ;
Que si l'appelante estime que le tribunal s'est contredit ou s'est trompé dans ses motifs, elle peut le faire valoir devant la cour dans des écritures sollicitant la réformation de la décision attaquée mais non réclamer l'annulation d'une décision qui, très motivée, ne l'encourt aucunement ;
Attendu que I... prétend ensuite que les premiers juges n'auraient pas répondu à tous ses moyens ;
Qu'en sollicitant la nullité du jugement pour ce motif, l'appelante méconnaît les dispositions du code de procédure civile sur l'omission de statuer ;
Attendu que I... fait enfin valoir que, saisi d'une action en concurrence déloyale et d'une demande indemnitaire correspondant à une perte de chiffres d'affaires, le tribunal après avoir retenu que l'action en concurrence déloyale n'était pas caractérisée, a requalifié les faits reprochés en parasitisme et a procédé à une indemnisation forfaitaire du préjudice sans avoir invité les parties à s'expliquer sur ces deux points ;
Mais attendu que, contrairement à ce qu'elle prétend, ce faisant les premiers juges n'ont pas modifié l'objet du litige mais ont exclusivement statué sur les faits de concurrence déloyale reprochés par TF INTER à I..., la Cour de cassation ayant eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises que la concurrence parasitaire n'est que l'une des formes de la concurrence déloyale ( Cf notamment Cass.Com.26 janvier 1999 no 96-22.457) ; que l'étendue du préjudice avait été contradictoirement discutée et que le tribunal n'avait pas à rouvrir les débats pour statuer comme il l'a fait ;
Que la demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement déféré sera donc rejetée, étant surabondamment relevé qu'elle n'offre pas d'intérêt pour l'appelante puisqu'une annulation aurait nécessairement conduit la cour à examiner le fond du litige comme elle le fait par le présent arrêt ;
Attendu qu'aux termes de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ;
Qu'en application de l'article 388 du même code, la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen et qu'elle est de droit ;
Que l'article 392 énonce que le délai de péremption continue à courir en cas de suspension de l'instance sauf si celle-ci n'a lieu que pour un temps ou jusqu'à la survenance d'un événement déterminé ;
Attendu qu'en l'espèce, il est constant que TF INTER a assigné I... le 24 novembre 2014 devant le tribunal de commerce d'Orléans ;
Que I... a conclu le 15 mai 2015, ce qui a interrompu le délai de péremption de deux ans et a fait courir un nouveau délai de la même durée ;
Que la radiation prononcée le 3 mars 2016, n'ayant pas interrompu le délai préemption (Cass. Civ. 2ème 24 septembre 2015 no 14.20-299), celui-ci, qui avait commencé à courir le 15 mai 2015, prenait fin le 15 mai 2017 ;
Que la réinscription au rôle a été opérée le 3 février 2017, soit moins de deux années après les écritures de la partie défenderesse ;
Que le moyen de la péremption d'instance sera donc écarté ;
Attendu que TF INTER formule divers reproches à l'encontre de Monsieur N... et de Monsieur T... ;
Qu'elle fait ainsi valoir qu'alors qu'ils étaient encore ses salariés, ils se seraient rendus en juillet et septembre 2012, en Espagne et en Italie pour rencontrer des fabricants pour le compte de leur future société tandis que Monsieur C..., également salarié de TF INTER, a procédé au dépôt de la marque I... ;
Qu'elle prétend également qu'alors qu'ils étaient ses salariés Messieurs N... et T... auraient proposé ses clients des produits POALGI ;
Mais attendu que ces reproches, à les supposer fondés, ne sauraient caractériser une faute de I... -qui n'était pas encore créée- mais concernent uniquement ces trois salariés s'il est établi que ceux-ci ont développé une future activité concurrente pendant leurs heures de travail ;
Que c'est dès lors à raison, et non pour entretenir une confusion, que l'appelante relève que lui sont reprochés des faits auxquels elle n'a pu participer puisqu'elle n'était pas encore créée ;
Qu'à supposer que des actes déloyaux aient été commis par d'anciens salariés de TF INTER, ces agissements, antérieurs à la constitution de I... par ces mêmes employés ne peuvent être reprochés à une personne morale qui, n'ayant aucune existence au moment ou ils ont été commis, n'a pu s'en rendre coupable et ce, même si elle a pu ensuite en profiter (Cass. Com.10/01/78 no 76-11. 405) ;
Que les pièces relatives à l'exécution de leur contrat de travail par Monsieur T... et Monsieur N..., voire par Monsieur C..., ne peuvent être présentées que dans le cadre de la procédure prud'homale qui oppose TF INTER à Messieurs T... et N... mais ne peuvent fonder des demandes à l'encontre de SANIZEO, société qui n'existait pas lors des agissements invoqués ;
Qu'il n'y a en conséquence pas lieu d'examiner le moyen de I... tiré d'une irrecevabilité des documents provenant des ordinateurs professionnels de Messieurs T... et N... puisque ces documents ne peuvent fonder les prétentions de TF INTER dans le cadre du présent litige ;
Que, pour ces motifs, l'ensemble de l'argumentation exposée par TF INTER au IV 1-2 de ses écritures récapitulatives ne peut qu'être écarté ;
Attendu que l'intimée fait ensuite valoir que l'huissier de justice, diligenté dans les locaux de I... pour procéder à la mesure d'instruction autorisée par le président du tribunal de commerce, y a découvert plusieurs grilles tarifaires TEKA, deux contrats de mise en exposition des produits TEKA par des cuisinistes, un power point de présentation des produits POALGI en date du 8 juin 2012, et une carte des cinq zones confiées par TF INTER à ses commerciaux ;
Mais attendu qu'il est constant que I... n'a jamais vendu de produits TEKA;
Que ces documents ne pouvaient donc lui servir à concurrencer de manière déloyale TF INTER lors de la vente des produits TEKA dont elle était distributeur exclusif ;
Que le power point POALGI ne peut démontrer un acte de concurrence déloyale puisque cette société n'est pas fournisseur de TF INTER ;
Qu'il n'est pas sérieux, pour cette dernière, de soutenir que le procès-verbal de constat est un élément de preuve très important sur la matérialité "du détournement de futurs fournisseurs" ;
Que sous peine d'interdire toute concurrence, une entreprise ne peut reprocher à une autre de conclure des contrats avec d'autres fournisseurs que les siens ;
Que la cour n'a pas à examiner le contrat de fourniture exclusive entre TEKA et TF INTER pour rechercher si cette dernière avait la possibilité juridique de conclure un contrat de fourniture avec POALGI puisque, d'une part il est soutenu que ce fabricant aurait été démarché par Messieurs N... et T... alors qu'ils étaient salariés de TF INTER et qu'un tel démarchage, s'il a été déloyal, incomberait exclusivement à faute à ces salariés qui n'étaient pas alors gérants de I..., d'autre part il n'est pas soutenu que I..., qui n'est pas fournisseur exclusif de POALGI, aurait pu exiger de cette société qu'elle ne travaille pas avec TF INTER ;
Que l'intimée ne s'est jamais fournie auprès de POALGI et ne produit aucune pièce démontrant qu'elle aurait envisagé de travailler avec cette société ou aurait entretenu avec elle des pourparlers qui n'auraient pas abouti du fait de I...;
Que rien ne lui permet donc d'affirmer comme elle le fait que POALGI "aurait dû devenir fournisseur de la société TF INTER" ;
Attendu que l'argumentation de ce que les fournisseurs GENEBRE, NAYES, MAX-FIRE et SIMECO n'ont pas pu travailler avec TF INTER "et que c'est bien ce qui est reproché à I..." repose elle aussi sur le fait que TF INTER a retrouvé, sur les ordinateurs de ses anciens salariés, des contacts pris par Messieurs T... et N... avec ces sociétés, ce qui ne saurait, ainsi qu'il a déjà été jugé, caractériser une déloyauté de I... après sa création ;
Qu'il ne peut qu'être relevé que les contacts pris avec SIMECO n'ont pas abouti et que les trois autres fournisseurs qui ont conclu un contrat de distribution avec I... n'ont jamais été en relations contractuelles avec TF INTER qui ne justifie aucunement et n'allègue même pas qu'elle aurait tenté d'entrer en relations avec eux;
Que TF INTER, qui n'a pas développé la gamme des produits qu'elle offrait pour des raisons qui lui sont propres ne saurait en conséquence reprocher à I... d'avoir distribué des produits qu'elle-même n'offrait pas ;
Attendu que ne peut dès lors être retenu, à l'encontre de I..., que la conservation, dans ses locaux, de grilles tarifaires de TEKA et de contrats de mise en exposition ainsi que de la carte de découpage des zones de vente de TF INTER ;
Qu'en ce qui concerne ces deux derniers documents, l'intimée ne soutient pas qu'ils ont pu être utilisés par l'appelante pour lui permettre d'effectuer une concurrence déloyale ;
Qu'en ce qui concerne les grilles tarifaires de TEKA, il ne suffit pas pour TF INTER de prétendre que ces documents permettaient à I... de connaître les détails de la gamme des produits, référencements, fiches techniques, fiches produits, contrats TEKA, ce qui est certain, mais qu'il lui appartient, puisque I... n'a jamais travaillé avec TEKA, de démontrer que cette connaissance lui permettait de la concurrencer de manière déloyale et de se positionner mieux qu'elle sur le marché ;
Or attendu que TF INTER se contente de produire les grilles tarifaires des produits distribués par I... sans procéder à une quelconque comparaison avec ses propres grilles TEKA, notamment en ce qui concerne les produits offerts, leurs tarifs et les délais de livraison offerts par I... pour justifier que celle-ci a établi des grilles tarifaires se situant juste au-dessous de ses propres tarifs ou offrant des prestations systématiquement en concurrence avec les siennes ;
Qu'elle se contente de faire valoir, que TEKA"produit également des hottes haut de gamme", ce qui ne caractérise qu'un unique point de concurrence entre les deux sociétés puisque la société MAX FIRE produit aussi des hottes haut de gamme mais ne dément pas les affirmations de l'appelante des différences notables entre les produits TEKA qu'elle distribue et les produis POALGI, GENEBRE, NAYES et MAX FIRE distribués par I... ;
Que TF INTER ne dément pas, par exemple, que TEKA ne produit que des éviers blancs, gris ou noirs alors que POALGI produit des éviers de couleurs ou que les matériaux utilisés par TEKA ne sont pas les mêmes que ceux utilisés par les autres marques de plus haut de gamme que celle qu'elle distribuait à titre principal ;
Qu'elle n'apporte donc pas la preuve qui lui incombe de ce que la possession des grilles tarifaires TEKA a permis à I... de la concurrencer de manière déloyale;
Attendu enfin, en ce qui concerne le détournement de clientèle reproché par TF INTER à I..., que celui-ci ne peut être démontré par la liste des commandes confiées à l'appelante par UBALDI et ETROUVETOUT et OSKA à compter du début de l'année 2013 étant au surplus relevé que ces trois clients sont des sites marchands de e-commerce qui mettent en concurrence de nombreux produits et de nombreux fournisseurs ;
Qu'il n'y a rien de curieux à ce que certains de ces clients aient fait partie du portefeuille de Monsieur T... lorsqu'il était salarié de TF INTER, le démarchage de la clientèle par un ancien salarié passé au service d'une autre société étant libre et autorisé s'il n'est pas accompagné de manoeuvres déloyales (Cass. Com. 26 octobre 10 no 09-71313), lesquelles ne sont en l'espèce pas même exposées et encore moins justifiées ;
Que les arrêts de la Cour de cassation produit par TF INTER ne peuvent appuyer son argumentation puisque la Haute cour caractérise à chaque fois les manoeuvres employées par un ancien salarié pour détourner la clientèle ( cf sur chacun des arrêts produits : comparaison faite devant les clients des tarifs de l'ancien employeur et de ceux offerts par une nouvelle compagnie d'assurance/conservation du fichier client et du répertoire des artistes par un ancien salarié d'une société de spectacles/même matériel provenant des mêmes fournisseurs de matériel agricole présenté à son ancienne clientèle par un ancien salarié passé à la concurrence) ;
Qu'en l'espèce aucune manoeuvre déloyale de l'un de ses anciens salariés après la création de I... n'est caractérisée par TF INTER ;
Attendu que ne peuvent pas plus être caractérisés des faits de parasitisme puisque TF INTER ne fait état d'aucun savoir-faire particulier, l'établissement de grilles tarifaires ne pouvant être considéré comme tel, et ne fait état d'aucun investissement capté par I... ;
Qu'elle ne soutient pas que celle-ci a usurpé sa notoriété, utilisé sa réputation, ses efforts intellectuels ou ses investissements financiers ;
Qu'elle n'expose pas quelle utilisation de ses grilles tarifaires aurait permis à I... de bénéficier de l'économie d'un effort financier important qu'elle aurait dû accomplir si elle avait dû créer ex nihilo son activité ;
Qu'enfin elle ne peut comparer son mode de gestion, basée sur le démarchage de clients et la détention de stocks avec celui de l'appelante qui pratique exclusivement le commerce par Internet sans aucun stock ;
Qu'il convient dès lors, par infirmation de la décision déférée, de débouter TF INTER de l'ensemble de ses prétentions ;
Attendu que l'appelante ne fait état d'aucun élément caractérisant l'abus de procédure qu'elle reproche à l'intimée et sera déboutée de sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts ;
Qu'il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée qui supportera les dépens de l'instance ;
PAR CES MOTIFS
STATUANT par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
DÉBOUTE la société I... de sa demande tendant à voir annuler le jugement déféré,
RÉPARANT l'omission de statuer affectant ce jugement,
DÉBOUTE la société I... de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes formées à son encontre en raison d'une péremption d'instance,
INFIRME la décision déférée,
STATUANT À NOUVEAU,
DÉBOUTE la société TF INTER de l'ensemble de ses prétentions,
DÉBOUTE la société I... de sa demande en paiement de dommages et intérêts formée par la société I...,
CONDAMNE la société TF INTER à supporter les dépens de première instance et d'appel,
CONDAMNE la société TF INTER à payer à la société I... la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT