COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/03/2019
Me Jean Michel LICOINE
la SCP GUILLAUMA PESME
ARRÊT du : 21 MARS 2019
No : 107 - 19 No RG 17/03719 - No Portalis DBVN-V-B7B-FTGV
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance de MONTARGIS en date du 17 Novembre 2017
PARTIES EN CAUSE
APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265215459038395
Monsieur V... K...
né le [...] à GIEN (45500)
[...]
[...]
Ayant pour avocat postulant Me Jean-Michel LICOINE, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Grégory ROULAND, avocat au barreau de PARIS
D'UNE PART
INTIMÉE :
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265215291210547
SA CA CONSUMER FINANCE
anciennement dénommée SOFINCO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[...]
[...]
[...]
Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA membre de la SCP GUILLAUMA PESME, inscrit au barreau d'ORLEANS, et Me Jean-Pierre HAUSSMANN membre de la Selarl HAUSSMANN KAINIC HASCOET, inscrit au barreau de l'ESSONNE,
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 28 décembre 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 décembre 2018
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 10 JANVIER 2019, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Karine DUPONT, lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT lors du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé le 21 MARS 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Exposé du litige :
Le 27 mai 2013, Monsieur V... K... a conclu avec la société ECO PROTECTION un contrat de fourniture et de pose de deux pompes à chaleur et d'un ballon thermodynamique moyennant la somme forfaitaire de 25.400 euros entièrement financée par un crédit souscrit le même jour auprès de la société FINANCO, devenue CA CONSUMER FINANCE.
Le bon de commande et la fiche de dialogue initialement transmis étant raturés et incomplets, FINANCO les a refusés et a demandé l'établissement d'un bon de commande régulier qui lui a été adressé le 6 juin 2013.
Les fonds ont été libérés au profit du vendeur le 19 juin 2013 après réception d'une attestation de livraison datée du 13 juin 2013.
Par jugement en date du 12 juin 2014, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de ECO PROTECTION.
Le 4 août 2016, Monsieur K... a assigné CA CONSUMER FINANCE devant le tribunal d'instance de Montargis en demandant à être dispensé du remboursement du capital et des intérêts du prêt au motif de la nullité du contrat de prêt et de la faute commise par le prêteur en libérant les fonds au vu d'une attestation de livraison insuffisamment précise.
Par jugement en date du 17 novembre 2017, le tribunal a débouté le demandeur de toutes ses prétentions et l'a condamné à verser une indemnité de procédure de 1.000 euros. Pour statuer ainsi, il a retenu que Monsieur K... sollicitait la nullité du contrat de prêt à raison de celle du contrat principal ou à raison de l'absence de délai suffisant entre la demande de financement et le bon de commande, ces deux arguments étant liés au contrat principal et ne pouvant être examinés sans que le liquidateur à la liquidation judiciaire de ECO PROTECTION soit appelé en la cause.
Monsieur K... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 28 décembre 2017.
Il en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de déclarer caduc ou nul le contrat de crédit, de juger, en tout état de cause qu'il n'est pas tenu de payer la somme de 25.400 euros à la SA CA CONSUMER FINANCE, de condamner celle-ci à lui restituer à la somme de 14.537,64 euros arrêtée au 20 mars 2018, ainsi que toute autre somme prélevée sur son compte bancaire postérieurement à cette période, de prendre acte qu'il démontera à ses frais la pompe à chaleur, la portera dans un centre de tri et remettra en état à ses frais son domicile, et de condamner l'intimée aux dépens ainsi qu'à lui verser une indemnité de procédure de 3.500 euros.
Il fait valoir que CA CONSUMER FINANCE admet elle-même avoir demandé à la prestataire de conclure un nouveau contrat avec lui et ne peut donc fonder ses prétentions à paiement sur le contrat du 27 mai 2013 annulé et caduc.
Il prétend ensuite que le prêteur ne s'est pas assuré de l'exécution parfaite du contrat de vente puisque la demande de déblocage des fonds porte la même date que le bon de commande ; qu'il était indiqué sur l'attestation de fin de travaux que la pompe à chaleur et le ballon étaient installés mais que rien ne permettait d'être certain que les autres travaux portant sur les câbles, les raccords et les splits muraux diffuseurs avaient été réalisés ; qu'au regard du délai de moins de 30 jours écoulé entre la commande et la demande de financement, le prêteur ne pouvait que constater que les autorisations administratives n'avaient pas été obtenues ; que les fonds ont été débloqués avant l'expiration du délai de rétractation ; qu'il n'a pas à démontrer un préjudice puisqu'il est autorisé à ne pas rembourser le crédit soit parce que le matériel n'est pas livré, soit parce que le prêteur a commis une faute dans la remise des fonds, peu important le dommage qui en est ou non résulté ; qu'en tout état de cause, il a subi un préjudice résultant de ce qu'il a dû régler un crédit en violation de ses droits.
Il soutient que l'on ne peut accepter les agissements du prêteur, "sinon c'est la porte ouverte à l'anarchie judiciaire" puisque toute banque pourrait régler un vendeur sans que l'emprunteur ne lui en donne l'ordre et il affirme qu'il va devoir démonter à ses frais la pompe à chaleur et remettre son domicile en état, "ce qui engendrera un coût".
CA CONSUMER FINANCE conclut à la confirmation du jugement déféré et demande à la cour d'y ajouter la condamnation de l'appelant à lui verser une nouvelle indemnité de procédure de 2.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP GUILLAUMA-PESME.
Elle souligne tout d'abord que le matériel est livré, installé et fonctionne parfaitement et que Monsieur K... entend s'exonérer des remboursements sous des prétextes fallacieux et sans bonne foi.
Elle fait valoir que la demande fondée sur une inexistence ou une caducité du contrat de prêt est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, ou subsidiairement non fondée, et relève des contradictions dans les écritures de l'appelant qui indiquent selon ses intérêts soit que le contrat de prestation et de prêt sont indivisibles, soit qu'ils ne le sont pas. Et elle souligne que l'indivisibilité du contrat de prêt et de vente ne permet pas d'annuler l'un sans annuler l'autre.
Elle rappelle la jurisprudence de cette cour qui retient que, lorsqu'une installation fonctionne, son propriétaire ne peut solliciter d'être déchargé de tout paiement puisqu'il ne peut établir aucun préjudice. Elle fait également valoir que l'attestation de livraison est précise ; que le court délai écoulé entre la commande et la signature de cette attestation est indifférent puisqu'il est constant que le matériel a bien été livré et installé ; et elle souligne que Monsieur K..., qui prétend ne pas avoir signé le contrat de prêt litigieux, ne le démontre aucunement et n'a sollicité ni expertise graphologique, ni vérification d'écritures.
Si la cour retenait que la signature litigieuse n'est pas celle de l'appelant, elle lui demande de juger qu'elle n'a commis aucune faute en ne le constatant pas puisqu'elle ne pouvait le faire au regard des seules pièces qui lui étaient communiquées.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu que la demande de Monsieur K... tendant à voir juger que le contrat de prêt est nul ou caduc tend aux mêmes fins que ses prétentions de première instance, à savoir obtenir qu'il soit dit qu'il n'est débiteur d'aucune somme envers l'intimée ;
Que cette demande n'est dès lors pas nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile ;
Qu'elle est donc recevable mais qu'elle est cependant dépourvue de toute pertinence ;
Attendu en effet qu'il n'est pas sérieux, pour Monsieur K..., de soutenir que CA CONSUMER FINANCE ne peut réclamer versement au titre d'un contrat de prêt annulé ou caduc ;
Que l'intimée, qui avait fait connaître à la prestataire que son contrat principal emportant vente conclu le 27 mai 2013 n'était pas complet, a obtenu un nouveau contrat, cette fois complet, signé le 6 juin 2013 ;
Que le contrat de prêt signé le même jour n'a pas été modifié ;
Que Monsieur K... ne conteste pas avoir signé ce nouveau contrat de vente qui régularisait la commande en respectant les dispositions du code de la consommation ;
Que la commande a bien été passée le 27 mai 2013 par Monsieur K..., qui ne le conteste pas, et qu'elle n'a été que régularisée le 6 juin 2013 par un contrat conforme aux dispositions du code de la consommation qui précise que l'acquéreur a sollicité la fourniture immédiate du bien, ce qui entraînait l'application d'un délai de rétractation de trois jours ;
Que cette régularisation permettait au contrat de crédit accessoire à la commande de prendre tous ses effets, même s'il avait été ainsi conclu avant le contrat de vente ;
Qu'il ne peut qu'être en outre constaté que l'appelant ne prétend pas que le contrat de prêt serait nul en raison du non respect de dispositions du code de la consommation et que son argumentation d'une nullité de ce contrat est dès lors dépourvue de fondement et sera rejetée ;
Attendu que Monsieur K... fonde ensuite ses demandes sur l'article L311-31 du code de la consommation, qui énonce, dans sa rédaction applicable au litige, que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation de service ;
Attendu que les longs rappels, par l'appelant, de jurisprudences émanant de cours d'appel ou de tribunaux sont sans intérêt pour la solution du litige ;
Que Monsieur K... aurait tout aussi bien pu produire des arrêts de cette cour statuant, au visa des dispositions légales qu'il invoque, parfois en donnant raison à l'emprunteur, parfois en donnant raison au créancier ;
Qu'en effet, l'appréciation de l'application de l'article L.311-31 du code de la consommation se fait lors de chaque litige in concreto en fonction des éléments de fait soumis à l'appréciation du juge et qu'il ne peut dès lors être tiré aucune conclusion d'une décision ou d'une autre ;
Attendu qu'en l'espèce, le prêteur a reçu une attestation de livraison ainsi rédigée - « Je soussigné (la venderesse) certifie que le et/ou la prestation de services financé(e)pour un montant de 25.400 euros, acceptée par l'acheteur le 27 mai 2013 a été livrée ou exécutée, et au surplus est conforme au bon de commande et/ ou à la facture. Je demande en conséquence que le prêteur procède au financement de ce crédit »
Que Monsieur K... conteste avoir apposé sa signature sous la mention suivante : "j'ai bénéficié ce jour de la première exécution ou d'une livraison avec installation, telle que prévue à mon entière satisfaction. Je demande le financement correspondant à l'offre de contrat de crédit que j'ai acceptée." ;
Que cependant, il n'existe pas de dissemblance flagrante entre cette signature et les signatures non contestées de l'appelant sur les autres pièces du contrat ou entre cette signature et celle figurant sur sa carte nationale d'identité ;
Que c'est à raison que l'intimée souligne que Monsieur K... ne réclame ni expertise graphologique ni vérification d'écritures et que la cour observe en outre que l'appelant ne tire pas non plus de conséquences juridiques de l'imitation de signature qu'il invoque sans aucunement la démontrer ;
Attendu que Monsieur K... ne saurait de bonne foi soutenir que le paiement de la prestataire est intervenu avant la fin du délai de rétractation, lequel avait commencé à courir le 27 mai 2013 ;
Qu'il ne démontre aucunement que des autorisations administratives aient été nécessaires avant la réalisation des travaux, le contrat n'en faisant pas état et SOFINCO, qui n'a pas à vérifier si les travaux ont été réalisés dans les règles de l'art, ne pouvant se voir reprocher une quelconque faute résultant d'une éventuelle - mais non démontrée- violation des règles d'urbanisme par la prestataire ;
Qu'enfin c'est avec une hardiesse certaine que Monsieur K... soutient que l'attestation de livraison ne faisait pas état de l'installation des câbles et splits muraux, ce qui caractériserait la "faute inexcusable" commise par le prêteur en payant la prestataire sans vérifier leur installation, alors qu'il est évidemment impossible que l'installation d'une pompe à chaleur puisse être terminée sans qu'aient été utilisés les câbles et posés les splits muraux mentionnés dans le bon de commande, ces éléments n'étant que des accessoires utilisés pour installer la pompe ;
Qu'en attestant de la fin des travaux d'installation de cette dernière, l'appelant a nécessairement attesté de l'utilisation des câbles et splits muraux qui leur étaient indispensables, sans que le prêteur ne doive procéder à des vérifications supplémentaires ;
Que n'est dès lors démontrée aucune faute commise par FINANCO lorsqu'elle s'est libérée des fonds entre les mains d'ECO PROTECTION ;
Attendu que ce n'est dès lors que surabondamment qu'il sera relevé qu'à supposer même que l'attestation de fin de travaux n'ait pas permis à elle seule à SOFINCO de payer la prestataire, l'article L 311-31 du code de la consommation, devenu dans des termes inchangés les articles L 312-48 et L 312-49 du code de la consommation, énonce que "Les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation ; en cas de contrat de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison ou de la fourniture et cessent en cas d'interruption de celle-ci. Le vendeur ou le prestataire de services doit conserver une copie du contrat de crédit et le présenter sur leur demande aux agents chargés du contrôle" ;
Que, si la privation de la créance de restitution invoquée par l'appelant sanctionne habituellement la faute commise par le prêteur, c'est parce qu'elle répare le préjudice tenant à ce que l'emprunteur se retrouve en situation de devoir payer le prix d'une installation qui n'a jamais été en mesure d'assurer correctement sa fonction et sans perspective de se retourner utilement contre son fournisseur en déconfiture alors que la livraison du bien n'est pas effectivement intervenue ;
Qu'il ne peut y avoir déchéance du droit à réclamer paiement des sommes dues lorsque la livraison du bien ou la fourniture de la prestation est réellement intervenue, ce qui conduit à rechercher, non si Monsieur K... a ou non subi un préjudice, mais si la prestation était ou non réalisée, seule l'absence de réalisation pouvant entraîner dispense de remboursement ;
Et attendu que Monsieur K... ne conteste pas que les travaux ont été effectivement réalisés, ne soutient même pas qu'ils n'aient pas encore été achevés le 19 juin 2013, date du paiement effectif de la prestataire, même si l'attestation de fin de travaux porte éventuellement une date erronée ;
Qu'il ne se plaint d'aucun dysfonctionnement, et ne prétend pas que les prestations ne sont pas conformes à sa commande ;
Qu'il ne peut convaincre lorsqu'il affirme qu'il va procéder au démontage de l'installation et à la remise en état de son domicile, alors que, demeurant seul propriétaire des matériels installés pour sa plus grande satisfaction, il n'a aucun motif de procéder à un tel démontage ;
Que, bénéficiant d'une installation en état de marche dont le prix de 24.500 euros a été entièrement financé pour son compte par SOFINCO devenue CA CONSUMER FINANCE, il ne fait état, au regard de ce qui vient d'être exposé, d'aucun moyen lui permettant de soutenir que le prêteur doit être privé du droit de solliciter paiement de sa créance ;
Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses prétentions ;
Attendu que l'appelant, succombant en toutes ses prétentions, supportera les dépens de la procédure d'appel ;
Qu'il a contraint le prêteur exposer des frais de procédure inutiles et qu'il sera en conséquence fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
STATUANT par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
DIT recevable mais non fondée la demande tendant à voir constater la nullité ou la caducité du contrat de crédit,
DÉBOUTE en conséquence Monsieur V... K... de cette demande,
CONFIRME la décision entreprise,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE Monsieur V... K... à payer à la société CA CONSUMER FINANCE la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
CONDAMNE Monsieur V... K... aux dépens d'appel,
ACCORDE à la SCP GUILLAUMA -PESME, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et par Madame Marie-Claude DONNAT greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT