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14/03/2019 | FRANCE | N°18/007261

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 14 mars 2019, 18/007261


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 14/03/2019
Me Olivier BERRON
la SELARL SEBAUX ET ASSOCIES

ARRÊT du : 14 MARS 2019

No : 98 - 19
No RG 18/00726 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FUYF

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 08 Décembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265212326883660

Monsieur L... G...
né le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Olivier BERRON, avocat au barreau de B

LOIS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265224006772679

SA SOCIETE GENERALE ,
société anonyme au capital ...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 14/03/2019
Me Olivier BERRON
la SELARL SEBAUX ET ASSOCIES

ARRÊT du : 14 MARS 2019

No : 98 - 19
No RG 18/00726 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FUYF

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 08 Décembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265212326883660

Monsieur L... G...
né le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Olivier BERRON, avocat au barreau de BLOIS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265224006772679

SA SOCIETE GENERALE ,
société anonyme au capital social de 1 009 641 917,50 €, inscrite au RCS de Paris sous le no 552 120 222, dont le siège social est [...] , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Ayant pour avocat Me Yves-André SEBAUX, membre de la SELARL SEBAUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de BLOIS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 09 Mars 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 décembre 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 07 FEVRIER 2019, à 9 heures 30, devant Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, qui en a rendu compte à la collégialité
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé lors des débats et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors du prononcé.

ARRÊT :

Rédigé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité.
Prononcé le 14 MARS 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La Société Générale a consenti le 28 juin 2010 à la S.A.R.L. GITEM devenue la S.A.R.L. FDPASS BLOIS, qui avait ouvert un compte courant dans ses livres, un prêt de 250.000 euros destiné au financement de travaux et remboursable en 60 mensualités au taux de 3.30 %.

Monsieur L... G... et son épouse, Madame B... E..., se sont le même jour tous deux portés cautions solidaires de la bonne fin du remboursement de cet emprunt chacun à hauteur de 100.000 euros.

Par jugement du 7 mars 2014, le tribunal de commerce de Blois a prononcé la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. FDPASS BLOIS.

Après avoir mis en vain en demeure les cautions d'honorer leurs engagements, La Société Générale a, le 9 septembre 2015, assigné Monsieur G... devant le tribunal de commerce de Blois en sollicitant paiement des sommes restant dues ainsi que d'une indemnité de procédure.

Par jugement en date du 8 décembre 2017, le tribunal a condamné Monsieur G... à payer à la Société Générale, la somme de 33.735,10 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 3,30% avec capitalisation outre 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur G... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 9 mars 2018.

Il sollicite l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de juger que la banque ne peut se prévaloir de l'acte de cautionnement et de la débouter de toutes ses demandes. A titre subsidiaire, il sollicite le prononcé de la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts contractuels et la production d'un décompte expurgé d'intérêts et d'agios. En tout état de cause il réclame paiement d'une indemnité de procédure de 3.000 euros et condamnation de la Société Générale à supporter les dépens.

Il fait valoir que l'engagement du couple était au total de 200.000 euros ; qu'il percevait des revenus annuels de 23.760 euros tandis que son épouse percevait des salaires annuels de 17.280 euros ; que l'intégralité de ces revenus provenait de leur activité commerciale, ce qui devait empêcher la banque d'en tenir compte ; qu'ils ne disposaient d'aucune épargne ; qu'ils étaient propriétaires du bien immobilier qu'ils occupaient, lequel a été vendu le 24 février 2011 pour un prix de 235.000 euros, le disponible de 176.000 euros obtenu étant immédiatement et quasi intégralement réintégré en trésorerie dans leurs sociétés, qui connaissaient des difficultés de trésorerie, ou crédité sur leurs comptes courants d'associés. Il soutient qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de la valeur de ses parts sociales et de son compte courant au moment de la souscription de son cautionnement et souligne que les parts de la S.A.R.L. FDPASS étaient détenues, non par lui-même, mais par la société holding BAGUI. Il détaille les engagements antérieurs souscrits par son couple à hauteur de 538.000 euros. Et il souligne que cette cour, par arrêt du 15 mars 2018, a retenu que son engagement souscrit en 2011 envers la SOCOREC était manifestement disproportionné. Il reconnaît ne pas avoir fait état de toutes ses dettes dans la fiche de renseignements remplie à la demande de la Société Générale mais prétend que les renseignements qu'il y avait portés suffisaient à démontrer la disproportion de son cautionnement puisque la valeur du bien immobilier de 230.000 euros était la seule garantie du couple qui déclarait des engagements pour un montant de 197.512 euros (56024+4868+5000+23620+54000+54000), laissant donc un reliquat de seulement 32.000 euros, bien inférieur au montant de l'engagement souscrit de 100.000 euros par chacun d'eux, soit 200.000 euros pour le couple. Et il précise que sa situation actuelle ne lui permet pas plus de faire face à ce cautionnement.

A titre subsidiaire il prétend que les lettres d'information annuelle adressées par la banque n'étaient pas conformes aux dispositions du code monétaire et financier puisque n'y est mentionné que le montant du principal (et pas celui des intérêts, frais et commissions) pour les années 2010 à 2012, puis uniquement le montant du principal et des intérêts (et pas celui des frais et commissions) pour les années 2013 et 2014, et que le terme de l'engagement de caution est erroné puisqu'il s'est engagé le 8 juin 2010 pour une durée de 7 ans, soit jusqu'au 8 juin 2017 ; qu'enfin pour l'année 2013 il est produit deux décomptes contradictoires.

La Société Générale conclut à titre principal à la confirmation du jugement déféré. A titre subsidiaire et si elle était déchue de son droit à réclamer paiement des intérêts conventionnels, elle demande à la cour de juger que sa créance produira des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure adressée à Monsieur G... le 22 août 2014 et sollicite la réouverture des débats afin de produire un décompte expurgé des intérêts contractuels. En tout état de cause, elle demande confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts et réclame condamnation de l'appelant à lui verser une nouvelle indemnité de procédure de 3.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens, dont distraction au profit de la Selarl SEBAUX etamp; ASSOCIES.

Elle soutient que le cautionnement souscrit par l'appelant n'était aucunement disproportionné à son patrimoine et à ses revenus et verse aux débats les fiches de renseignements qui ont été remplies le 28 mai 2010 par chacune des cautions desquelles il résulte que Monsieur G... percevait un revenu annuel de 26.400 euros depuis le mois de juillet 2007, que Monsieur et Madame G... étaient propriétaires d'un immeuble non hypothéqué sis à MAROLLES estimé à 230.000 euros avec des encours de prêts immobiliers de 56.024 euros et de 4.869 euros et disposaient d'une épargne de 5.000 euros ; que, s'agissant de ses charges, le couple a déclaré un crédit automobile avec des mensualités de remboursement de 655,71 euros venant à échéance au mois de mai 2013 et un engagement de caution précédemment souscrit à hauteur de 54.000 euros au profit de la Banque Populaire. Et elle expose que Monsieur G..., qui a certifié exacts les renseignements portés sur cette fiche, ne peut faire état aujourd'hui de deux autres cautionnements souscrits le 26 mars 2008 et le 27 mars 2009 à hauteur de 110.000 euros et de 104.000 euros au profit du Crédit Agricole.

Elle souligne que la garantie de Monsieur L... G... comportait une double limite cumulative, d'une part un cautionnement de 30,77% de la dette, d'autre part de 100.000 euros couvrant le principal, les intérêts ainsi que les pénalités ou les intérêts de retard.

Elle prétend enfin avoir rempli les obligations d'information annuelle que lui imposaient le code monétaire et financier et produire les lettres adressées à la caution qui le démontrent.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

- Sur la disproportion :

Attendu qu'aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Attendu que la proportionnalité de l'engagement doit être appréciée, en ce qui concerne un engagement solidairement souscrit par deux époux, au regard de la charge du montant total de cet engagement et des revenus, patrimoine et charges du couple ;

Attendu qu'en l'espèce, Monsieur G... s'est engagé à hauteur de 100.000 euros mais que la banque n'ignorait pas que son épouse s'était également engagée le même jour et dans le même acte à hauteur de ce même montant ;

Que le raisonnement de la banque consiste aujourd'hui à retenir les ressources et patrimoine du couple mais à ne tenir compte que des charges souscrites par Monsieur G..., ce qui aboutit à des calculs erronés ;

Que la Société Générale ne pouvait apprécier la proportionnalité du cautionnement souscrit par Monsieur G... à hauteur de 100.000 euros au regard des ressources, patrimoine et charges communs du couple sans retenir que ce patrimoine était grevé du cautionnement donné par Madame G... à hauteur de 100.000 euros ;

Attendu que la fiche de renseignements remplie par Monsieur G... fait état de revenus annuels de 23.760 euros dont le prêteur a, à raison tenu compte puisqu'il ne s'agissait pas de revenus escomptés mais de revenus réellement perçus l'année précédente par Monsieur G... ;

Qu'elle mentionnait un patrimoine immobilier net de 169.107 euros (valeur estimée de 230.000 euros - 56.024 euros et 4.869 euros d'encours de prêt) ainsi qu'une épargne de 5.000 euros et ce pour le couple ;

Que Monsieur et Madame G... ont indiqué s'acquitter d'un crédit automobile entraînant des mensualités de remboursement de 655,71 euros venant à échéance en mai 2013 pouvant être remboursé sur les revenus du couple, et un engagement de caution précédemment souscrit à hauteur de 54.000 euros au profit de la Banque Populaire ;

Attendu que la Société Générale fait valoir qu'il convient également de prendre en considération, pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de la caution à ses biens et revenus, les parts sociales de Monsieur G... dans les sociétés FDPASS et BAGUI et la créance inscrite en compte courant d'associé dont il était titulaire au sein de la société cautionnée ;

Qu'il est parfaitement exact que font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation des biens et revenus de la caution les parts sociales et le montant du compte courant d'associé dont il est titulaire à la date de la souscription de son engagement ;

Qu'il n'est aucunement justifié qu'à la date de la souscription du cautionnement de Monsieur L... G..., celui-ci était créancier d'un compte courant au sein de la Société BAGUI d'un montant de 15.972,87 euros et son épouse d'un compte courant d'un montant de 12.476,33 euros ;

Que, par ailleurs la banque ne donne à la cour aucune indication sur la valeur des parts sociales éventuellement détenues par Monsieur G... ni même sur le nombre de ces parts détenues par l'un ou l'autre des époux ;

Que l'appelant indique sans être démenti que les parts sociales de FDPASS BLOIS étaient détenues par la société BAGUI ;

Que la banque réplique cependant que Monsieur G... détenait les parts sociales de BAGUI, ce dont il doit être tenu compte ;

Mais attendu que le capital social de la société BAGUI s'élevait à 30.000 euros (pièce 18 de l'appelant) ;

Qu'en retenant que Monsieur G... détenait 100% de ces parts, et en l'absence de toute autre valorisation des parts sociales par la Société Générale ou de tout élément permettant de penser que leur valeur totale excédait le montant du capital social, il convient d'ajouter au patrimoine de l'appelant la somme de 30.000 euros ;

Attendu qu'au regard de ces éléments, le patrimoine net de Monsieur G... s'élevait à 150.000 euros (169.000 + 5.000 + 30.000 - 54.000) ;

Qu'il devait être considéré comme étant grevé du cautionnement de 100.000 euros souscrit le même jour par Madame G... ;

Qu'il apparaît dès lors que cet engagement était manifestement disproportionné au patrimoine net de Monsieur G... qui s'élevait donc à 50.000 euros puisque les revenus du couple ne lui permettaient aucunement de s'acquitter du solde de 50.000 euros dans des conditions raisonnables après liquidation -peu probable au maximum de leur valeur- de l'intégralité de leurs actifs ;

Que Monsieur et Madame G... auraient en effet dû, avec des revenus mensuels déclarés de 3.830 euros grevés d'un emprunt entraînant paiement d'échéances mensuelles de 651,71 euros, soit des revenus mensuels de 3.168,29 euros, assurer le paiement d'un loyer, des impôts et l'entretien d'une famille de 4 personnes, ce qui ne leur laissait pas un disponible suffisant pour s'acquitter d'un solde restant dû de 50.000 euros ;

Attendu enfin que le prêteur ne soutient pas que la situation financière actuelle de Monsieur G... lui permettrait de faire face au règlement de la somme de 33.735,10 euros sollicitée ;

Qu'il résulte de la combinaison de l'article 1315 du code de commerce et de l'article L.341-4 du code de la consommation qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution lors de sa conclusion d'établir, qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ;

Que l'immeuble de Monsieur et Madame G... a été vendu et qu'il n'est pas contesté que le solde du prix non consacré au remboursement des emprunts a été investi dans les sociétés gérées par l'appelant ou son épouse désormais en liquidation ;

Que la Société Générale n'apportant pas la preuve qui lui incombe de ce que le patrimoine actuel de l'appelant lui permet de faire face à ses obligations, il convient de déclarer inopposable à Monsieur G... l'engagement de caution souscrit le 28 juin 2010 et de débouter l'intimée de toutes ses demandes ;

Attendu que la Société Générale, succombant à l'instance, en supportera les dépens et qu'il sera fait application, au profit de Monsieur G..., des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARE inopposable à Monsieur L... G... l'engagement de caution souscrit le 28 juin 2010 à hauteur de 100.000 euros au profit de la Société Générale,

DÉBOUTE en conséquence la Société Générale de toutes ses demandes

LA CONDAMNE à payer à Monsieur L... G... la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/007261
Date de la décision : 14/03/2019
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2019-03-14;18.007261 ?
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