COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/02/2019
la SCP STOVEN PINCZON DU SEL
la SCP CABINET LEROY etamp; ASSOCIES
ARRÊT du : 21 FEVRIER 2019
No : 62 - 19
No RG 18/01748 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FW45
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 19 Janvier 2016, infirmé par un arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour d'Appel d'ORLEANS en date du 12 janvier 2017, cassé par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 5 avril 2018.
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265222248936836
CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORMANDIE SA inscrite au RCS de ROUEN sous le numéro 384 353 413,
représentée par ses représentants légaux domiciliés [...]
Ayant pour avocat Me Clemence STOVEN-BLANCHE, membre de la SCP STOVEN PINCZON DU SEL, avocat au barreau d'ORLEANS,
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265218602051407
Madame E... M... veuve D...
née le [...] à GRAIS (61) (61600)
[...]
Ayant pour avocat Me Hugues LEROY, membre de la SCP CABINET LEROY etamp; ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS,
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 13 Juin 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 22 novembre 2018
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 13 DECEMBRE 2018, à 14 heures, devant Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller présidant la collégialité, qui en a rendu compte à la collégialité
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,
Greffier :
Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 21 FEVRIER 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique du 9 janvier 2008, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORMANDIE a consenti à Madame E... M... veuve D... un prêt relais immobilier de 250.000 euros au taux de 4,95 % l'an pour une durée de 24 mois, avec 23 mois de différé, garanti par un privilège de prêteur de deniers inscrit sur un appartement acquis par Madame D....
Madame D... n'ayant pas vendu son immeuble avant l'arrivée du terme le 14 avril 2010, la CAISSE D'EPARGNE lui a accordé suivant offre du 24 mars 2010 acceptée le 6 avril 2010 un nouveau prêt de 278.811,01 euros au taux de 3,39 %, afin de solder le prêt notarié du 9 janvier 2008.
Ce prêt prévoyait une période de préfinancement de 24 mois, une période de différé total de 12 mois au taux fixe de 3,44 %.
Par acte du 5 avril 2013, la CAISSE D'EPARGNE a fait assigner Madame D... devant le tribunal de grande instance d'Orléans à l'effet de la voir condamner à lui payer la somme de 301.841,06 euros arrêtée au 18 juillet 2012 outre les intérêts contractuels postérieurs à cette date au titre du prêt du 24 mars 2010 ainsi que la somme de 10.000 euros pour frais de procédure.
Par jugement du 19 janvier 2016 le tribunal a constaté que l'action en paiement du prêt du 24 mars 2010 engagée par la CAISSE D'EPARGNE était prescrite, a déclaré en conséquence l'action de la banque irrecevable, a condamné la banque aux dépens et à payer à Madame M... la somme de 2.000 euros pour frais de procédure.
Par arrêt du 12 janvier 2017 la cour de ce siège, statuant sur l'appel formé par la CAISSE D'EPARGNE, a infirmé le jugement entrepris, a déclaré l'action de la CAISSE D'EPARGNE au titre du prêt de 278.811,01 euros souscrit selon offre acceptée le 6 avril 2010 prescrite au titre des 13 mensualités d'intérêts intercalaires dues par Madame D... pour la période du 10 mai 2010 au 10 avril 2011, a dit que son action n'était pas prescrite pour les autres sommes dues au titre du prêt, a condamné Madame D... à payer à la CAISSE D'EPARGNE au titre de ce prêt la somme de 297.993,25 euros avec intérêts au taux de 3,44% l'an sur 9.591,12 euros à compter du 18 juillet 2012 et au taux de 3,39% l'an sur 288.402,13 euros à compter du 10 mai 2013.
Par arrêt du 5 avril 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu par cette cour mais seulement en ce qu'il a dit non prescrite l'action de la CAISSE D'EPARGNE au titre du prêt du 6 avril 2010 pour les sommes dues par Madame D..., autres que les mensualités d'intérêts intercalaires échues du 10 mai 2010 au 10 avril 2011, et en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 297.993,25 euros augmentée des intérêts et a remis en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l'état où elle se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Orléans autrement composée.
La Haute cour, après avoir rappelé que l'arrêt retient pour dire non prescrite l'action de la banque en paiement des sommes dues au titre du prêt du 6 avril 2010 à l'exception des mensualités d'intérêts intercalaires échues du 10 mai 2010 au 11 avril 2011, qu'il n'y a pas eu de déchéance du terme et que le terme à retenir était celui initialement convenu par les parties au contrat de prêt litigieux, soit le 10 mai 2013, a jugé qu'en statuant ainsi, alors que la banque soutenait que la déchéance du terme était intervenue le 10 mai 2012 et que l'emprunteur invoquait celle de juin 2010, la cour avait violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.
La CAISSE D'EPARGNE a saisi cette cour par déclaration du 13 juin 2018.
Elle poursuit l'infirmation du jugement du 19 janvier 2016 et demande à la cour de condamner Madame D... à lui payer la somme de 310.841,06 euros, outre les intérêts au taux de 3,44% l'an postérieurs au 18 juillet 2012 et celle de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Invoquant les stipulations du contrat de prêt et notamment son article 7 relatif à la période d'anticipation ou de préfinancement, elle fait valoir qu'elle disposait d'un délai de 24 mois correspondant à la période de préfinancement pour débloquer les fonds, que cette période a été réduite à un mois puisqu'elle a libéré la totalité des fonds le 16 avril 2010, que la période d'amortissement de 12 mois a donc débuté en mai 2010 et qu'elle ne pouvait réclamer les intérêts mensuels au taux de 3,44% payables à l'issue de la période de différé de 12 mois qu'à compter de mai 2011, que c'est la raison pour laquelle elle a adressé à Madame D... le 14 juin 2010 un nouveau tableau d'amortissement, se substituant à celui du 16 avril 2010, précisant que les intérêts étaient calculés mois par mois mais qu'ils ne seraient réclamés qu'à l'expiration de la période de différé dont il a été indiqué par erreur qu'elle était de 2 ans et expirait en mai 2012, qu'ainsi, quel que soit le tableau d'amortissement retenu les intérêts ne pouvaient être réclamés au plus tôt qu'en mai 2011 ou en mai 2012, que Madame D... ne peut par conséquent se prévaloir d'une défaillance non régularisée remontant à mai 2010 et que la prescription n'est pas acquise puisqu'elle a été interrompue par l'assignation du 5 avril 2013.
Elle réplique qu'elle n'a jamais entendu libérer Madame D... de sa dette au titre du prêt du 6 avril 2010 en lui adressant un nouveau tableau d'amortissement le 16 juin 2010 et que celui-ci n'emporte pas exigibilité du prêt contrairement à ce que celle-ci soutient, qu'elle n'a jamais prononcé la déchéance du prêt et exigé son remboursement immédiat ce qui aurait nécessité en application du contrat de prêt une mise en demeure préalable, que le prêt est arrivé à échéance en mai 2012 et que ce n'est que le 18 juillet 2012 qu'elle a pour la première fois mis Madame D... en demeure de lui régler la somme de 301.841,06 euros.
Madame D... entend voir confirmer la décision entreprise, voir débouter la CAISSE D'EPARGNE de toutes ses prétentions et la voir condamner à lui payer la somme de 6.000 euros pour frais de procédure ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la SCP HUGUES LEROY.
Elle soutient que la banque méconnaît la portée de l'arrêt de la Cour de cassation en continuant à invoquer le plan d'amortissement du 14 juin 2010 dès lors que la cour d'appel dans son arrêt du 12 janvier 2017 ne lui a reconnu aucune valeur contractuelle pour déclarer prescrite les mensualités d'intérêts pour la période du 10 mai 2010 au 11 avril 2011 et que par conséquent, la cour ne peut statuer désormais que par référence aux seules stipulations du contrat du 24 mars 2010.
Elle expose que la banque lui a adressé le 16 avril 2010, un tableau d'amortissement correspondant au prêt du 24 mars 2010 prévoyant des échéances d'intérêts du 10 mai 2010 au 10 avril 2012, à raison de 692,69 euros pour la première échéance et de 799,26 euros pour les suivantes, puis un remboursement de 288.402,13 euros au 10 avril 2013, que n'ayant pu s'acquitter de l'échéance d'intérêts de mai 2010, la banque lui a adressé des lettres de relances les 15 et 31 mai 2010 puis un nouveau plan de remboursement portant un nouveau numéro de contrat pour paiement du capital à hauteur de 278 811,01 euros et de l'échéance impayée pour 692,69 euros le 16 juin 2010.
Elle estime que la banque a fait l'aveu judiciaire dans ses conclusions de première instance qu'elle avait clôturé le 16 juin 2010 le prêt du 24 mars 2010 et soutient qu'en clôturant le prêt et en établissant un nouveau tableau d'amortissement le 16 juin 2010, la banque a considéré que le prêt du 24 mars était devenu exigible à cette date peu important qu'elle n'ait pas procédé à une mise en demeure préalable dans les formes prévues au contrat et que par conséquent l'action en paiement qui a été introduite postérieurement au 10 juin 2012 est prescrite.
SUR CE
Attendu que suivant offre de prêt acceptée le 6 avril 2010, la CAISSE D'EPARGNE a consenti à Madame D... un prêt de 278.811,01 euros, que l'offre de prêt comporte une période de préfinancement d'une durée de 24 mois au cours de laquelle l'emprunteur doit régler mensuellement des intérêts intercalaires au taux de 3,44 % et une période de différé total de 12 mois ;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier, ce qui au demeurant n'est pas discuté, que la CAISSE D'EPARGNE a transmis à Madame D... par lettre du 16 avril 2010 un tableau d'amortissement prévoyant le paiement d'échéances d'intérêts intercalaires du 10 mai 2010 au 10 mai 2012 d'un montant de 692,69 euros pour la première et de 799,26 euros pour les suivantes ;
Qu'elle a par lettres des 15 et 31 mai 2010, réclamé à Madame D... le règlement de l'échéance d'intérêts devenue exigible le 10 mai 2010 d'un montant de 692,69 euros ;
Qu'elle lui a adressé par lettre du 14 juin 2010 un nouveau tableau d'amortissement couvrant la période du 10 juin 2010 au 10 mai 2012 comportant un différé total de 24 mois, un montant à recouvrer le 10 mai 2012 de 299.064,30 euros dont 279.503,70 euros au titre du capital amorti et 19.560,60 euros au titre des intérêts, qu'il était précisé dans la lettre d'envoi qu'à la suite d'un problème informatique il avait été opéré une renumérotation de l'offre de prêt consenti sous le no 7661647 qui était désormais enregistrée sous le no 7716012 ;
Attendu que Madame D... soutient qu'en éditant un nouveau tableau d'amortissement et en clôturant le prêt no 7661647 le 16 juin 2010, la banque a considéré qu'il était devenu exigible et que la déchéance du terme était acquise à cette date peu important qu'elle n'y ait pas procédé par lettre recommandée avec accusé de réception cette formalité ne valant qu'en cas de discussion ; qu'elle affirme que la banque a fait l'aveu judiciaire qu'elle avait mis fin au premier contrat le 10 juin 2016 en écrivant dans ses conclusions de première instance notifiées le 28 janvier 2015 : "certes la banque les a réclamés en mai 2010 à Madame D... (à hauteur de 692,09 euros), mais cette réclamation s'est faite sur la base du prêt no 7661647, lequel a été clôturé le 16 juin 2010 avec une nouvelle numérotation" ;
Mais attendu que la cour s'est prononcée dans son arrêt soumis à la Haute cour sur ces deux points en jugeant :
- sur l'aveu judiciaire : "que pour ce qui est de l'emprunteur, elle indique contester le caractère contractuel de ce plan de remboursement et le fait pertinemment; mais pour le surplus, elle ne peut prétendre être libérée des causes du prêt souscrit le 6 avril 2010, qu'elle reconnaît ne jamais avoir remboursé, au motif que la banque a évoqué sa clôture et une nouvelle numérotation et son moyen tiré d'un aveu judiciaire du prêteur n'est pas fondé, de même que celui soutenant que le recours à cette nouvelle numérotation et l'émission d'un plan de remboursement devraient être regardés comme ayant impliqué la déchéance du terme du prêt ce qui ne repose sur aucun élément avéré",
- sur la déchéance du terme : "qu'il ne peut être retenu que la déchéance du terme serait intervenue en dehors de toute manifestation de volonté du prêteur, alors que le contrat ne contient pas de clause prévoyant une résiliation et/ou une déchéance du terme de plein droit; qu'au contraire, l'article 17 "exigibilité anticipée- déchéance du terme", stipule que le prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement exigibles sans qu'il soit besoin d'autre formalité qu'une simple notification faite aux emprunteurs par lettre recommandée avec accusé de réception dans l'un ou l'autre des cas suivants (...) défaut de paiement des sommes exigibles en capital, intérêts et autres accessoires, quinze jours après mise en demeure par simple lettre recommandée ; et qu'il n'est pas justifié, ni fait état d'une telle notification par laquelle la banque aurait indiqué se prévaloir de cette faculté" ;
Attendu que la Haute cour a rejeté comme n'étant pas de nature à emporter la cassation les griefs énoncés dans les deuxième et troisième branche du moyen unique, tirés 2o branche, de ce que la cour aurait violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile en se bornant à affirmer que le prétendu aveu judiciaire de la banque n'était pas fondé et 3obranche, de ce qu'elle n'aurait pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 1184 du code civil en excluant le prononcé d'une déchéance du terme au motif que la banque n'avait adressé à Madame D... aucun courrier manifestant son intention de se prévaloir de la déchéance du terme en conséquence des échéances impayées qu'elle avait été mise en demeure de régler par courrier des 15 et 30 mai 2010, sans rechercher, comme elle y était invitée, si une "notification" ne résultait pas de la lettre du 14 juin 2010 adressée à Madame D... un nouveau plan de remboursement avec une nouvelle numérotation du contrat ;
Qu'il s'ensuit que Madame D... ne peut plus reprendre devant la cour les mêmes moyens qui ont été jugés exempts de critiques ;
Qu'au demeurant, Madame D... ne peut utilement se prévaloir d'un aveu judiciaire alors que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit comme en l'espèce s'agissant de la déchéance du terme et que par ailleurs, l'envoi d'un nouveau tableau d'amortissement assorti d'un nouveau numéro de prêt, dont il est précisé dans le courrier d'accompagnement que ce numéro a été édité par suite d'une erreur informatique, n'emporte pas déchéance du terme alors qu'en application des stipulations contractuelles la déchéance du terme ne peut intervenir que 15 jours après l'envoi d'une lettre de mise en demeure et qu'il n'est pas justifié de l'envoi d'une telle mise en demeure ;
Attendu que l'acte de prêt stipule à l'article 7 "modalités de remboursement" que la période de préfinancement est la date comprise entre la date d'acceptation de l'offre par l'emprunteur et la date fixée comme point de départ de l'amortissement et que les intérêts intercalaires dus pendant cette période, seront prélevés mensuellement à terme échu et calculés au taux stipulé dans l'offre de prêt sur la base des versements effectués, qu'ils pourront le cas échéant être ajoutés au capital initial indiqué dans l'offre de préalable du prêt, dans ce dernier cas, le total de ces intérêts et du capital initial constitue le montant du prêt amortissable ; qu'en cas de différé total les intérêts sont calculés au taux du prêt sur la base des versements effectués, selon la méthode des intérêts composés et qu'ils peuvent être payés à la fin de la période de différé total ; que le point de départ de l'amortissement intervient en principe à la première date utile qui suit le versement total des fonds et que pendant la période d'amortissement, le remboursement du prêt se fera à terme échu, conformément au tableau d'amortissement qui sera remis à l'emprunteur ;
Attendu qu'il n'est pas discuté que le montant du prêt a été libéré en totalité le 16 avril 2010 ;
Attendu que le nouveau tableau d'amortissement édité en juin 2010 à la suite de la libération du prêt comporte une erreur comme le souligne la banque puisqu'il mentionne une période de différé de 24 mois s'achevant le 10 mai 2012 alors que le contrat stipule que la période de différé et d'un an et que celle-ci ne peut excéder cette durée (article 7) ;
Attendu que la banque soutient que les intérêts produits par le déblocage des fonds ne pouvaient être réclamés au plus tôt qu'en mai 2011 en retenant un différé d'un an correspondant au tableau d'amortissement d'avril 2010 ou en mai 2012 en prenant en compte une période de différé de deux ans tableau de juin 2010 ;
Attendu que si l'appelante a fait bénéficier Madame D... d'une période de différé plus longue que celle prévue au contrat, la date d'exigibilité du capital et des intérêts doit être fixée conformément au contrat au 10 mai 2011 ;
Attendu qu'aux termes de l'article L 127-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la rédaction contractuelle, l'action des professionnels se prescrit par deux ans ;
Attendu qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance de sorte que, si l'action en paiement des mensualités impayées d'un prêt immobilier consenti par un professionnel à un consommateur se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité (Cass Civ 1ère du 11 février 2016 no14-22.938, no14-28.383, no 14-27.143 et 14-29.539) ;
Attendu que la prescription a été interrompue par l'assignation devant le tribunal de grande instance que la CAISSE D'EPARGNE a fait délivrer à Madame D... le 5 avril 2013 ;
Attendu que le 10 mai 2011, il était dû le montant du prêt amortissable incluant conformément à l'article 7 du contrat l'échéance intercalaire de 692,69 euros et les intérêts calculés au taux de 3,44 % ces sommes étant devenues exigibles à la fin de la période de différé ;
Qu'il s'ensuit que la demande en paiement de la banque n'est pas atteinte par la prescription;
Attendu que selon le décompte de la banque arrêté au 18 juillet 2012 date de la mise en demeure la créance de la banque est ainsi ventilée :
- échéance impayées au 10 mai 2012 : 299.064,30 euros
- pénalités et intérêt de retard : 2.353,97 euros
- intérêts de retard à compter du 3 juillet 2012 : 422,79 euros
TOTAL : 301.841,06 euros
Attendu qu'il convient d'infirmer la décision déférée et de condamner Madame D... à payer la somme de 301.841,06 euros à la CAISSE D'EPARGNE et non de 310.841,06 euros comme demandé, outre les intérêts au taux du contrat de 3,39% et non de 3,44% à compter de la mise en demeure le 18 juillet 2012 sur la somme de 279.503,70 euros correspondant au montant du capital amortissable ;
Attendu que Madame D... qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
Attendu que la situation économique respective des parties commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire en dernier ressort :
INFIRME la décision déférée ;
CONDAMNE Madame E... M... veuve D... à payer à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE la somme de 301.841,06 euros outre les intérêts au taux de 3,39% sur la somme de 279.503,70 euros à compter du 18 juillet 2012 ;
DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame E... M... veuve D... aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller présidant la collégialité et Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT