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21/02/2019 | FRANCE | N°17/032301

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 21 février 2019, 17/032301


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/02/2019
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
la SCP LAVAL-FIRKOWSKI
ARRÊT du : 21 FEVRIER 2019

No : 51 - 19
No RG 17/03230 - No Portalis
DBVN-V-B7B-FSF6

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 15 Septembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265215850713628

SAS EURYNOME ASSOCIES au capital de 100 000.00€, immatriculée au RCS de Toulouse sous le no B 493 411

490, dont le siège social est [...] ,
est prise en la personne de son Président en exercice et de tous autres repré...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/02/2019
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
la SCP LAVAL-FIRKOWSKI
ARRÊT du : 21 FEVRIER 2019

No : 51 - 19
No RG 17/03230 - No Portalis
DBVN-V-B7B-FSF6

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 15 Septembre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265215850713628

SAS EURYNOME ASSOCIES au capital de 100 000.00€, immatriculée au RCS de Toulouse sous le no B 493 411 490, dont le siège social est [...] ,
est prise en la personne de son Président en exercice et de tous autres représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. [...]

Ayant pour avocat postulant Me Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS, et ayant pour avocat plaidant Me Romain WAÏSS-MOREAU, membre de la SELAS LLC etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265206343539831

SAS DELTA S.I
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [...]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS, et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric DALIBARD, membre de la SELARL WALTER etamp; GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS,

D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 27 Octobre 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 octobre 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 13 DECEMBRE 2018, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé le 21 FEVRIER 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société EURYNOME ASSOCIES (ci-après EURYNOME) qui exerce une activité de conseil aux entreprises dans le domaine de la stratégie de transformation, du pilotage de performance et de la stratégie des systèmes d'information et la société DELTA SI qui est spécialisée dans le conseil aux entreprises en stratégie et management des organisations sont entrées en relation d'affaires en 2009 à l'occasion d'un marché public pour la ville de Toulouse.

Elles ont régularisé le 17 octobre 2015 un contrat cadre de sous-traitance définissant les conditions d'intervention de la société EURYNOME pour les missions réalisées dans le cadre de divers marchés.

Se plaignant de ce que de nombreuses factures ne lui avait pas été réglées par la société DELTA SI en dépit de ses mises en demeure, la société EURYNOME l'a fait assigner par acte du 7 octobre 2016 devant le tribunal de commerce de Tours à l'effet, en l'état de ses dernières prétentions, de la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 353.786,58 euros TTC au titre des factures impayées majorée des intérêts de retard et de l'indemnité légale forfaitaire prévue à l'article L 441-6 du code de commerce outre intérêts au taux légal majoré de 50% à compter de la signification, la somme de 249.395,41 euros en réparation du préjudice matériel et moral outre intérêts au taux légal majoré, de voir ordonner la publication du jugement à intervenir et de la voir condamner à lui verser 20.000 euros pour frais de procédure.

La société DELTA SI qui a conclu au rejet des prétentions de la société EURYNOME en opposant l'exception d'inexécution pour non remise des livrables, a demandé, à titre reconventionnel, au tribunal de juger que la société EURYNOME avait commis des fautes en ne lui remettant pas les livrables prévus au contrat cadre, en manquant à son obligation de non concurrence en contractant avec la communauté d'agglomération de Limoges, en rompant brutalement son engagement de cotraitance en vue de l'obtention du marché du groupement de coopération sanitaire UNIHA et en la dénigrant auprès de sa clientèle et de ses partenaires, de lui enjoindre de remettre sous astreinte l'ensemble des livrables pour les marchés des villes de Périgueux, Vannes, Limoges, de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, de la communauté d'agglomération de Limoges Métropole (CALM) sauf à la condamner à lui payer la somme de 285.000 euros, de la condamner à lui payer la somme de 235.500 euros au titre du surplus de ses fautes contractuelles, d'ordonner la publication du jugement à intervenir. Il était demandé subsidiairement d'ordonner le cas échéant, la compensation entre les créances réciproques et réclamé en tout état de cause une somme de 15.000 euros pour frais de procédure.

Suivant jugement du 15 septembre 2017, le tribunal a condamné la société DELTA SI à payer à la société EURYNOME la somme 331.192,58 euros TTC augmentée des intérêts de retard au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne majoré et de l'indemnité légale forfaitaire prévue par l'article L. 441-6 alinéa 12 du code de commerce, a condamné la société EURYNOME à fournir à la société DELTA SI : le rapport complet du SIDN intégrant les décisions du dernier Copil pour le marché du Grand Périgueux, le support de la formation dispensée pour la Mairie de Limoges, le référentiel gestion de projet AERMC et les documents du SDSI et notamment les CRR des CGSI pour le marché de l'Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse, les livrables concernant les marchés d'Econocom et de la CALM et ce sous astreinte, a dit que la société EURYNOME n'a pas à fournir de livrables concernant la Mairie de Vannes, a débouté la société EURYNOME de sa demande d'indemnisation de préjudice résultant des retards de paiement, a débouté les sociétés EURYNOME et DELTA SI de leurs demandes de publication du jugement, a condamné la société EURYNOME à payer à la société DELTA SI la somme 26.615,80 euros au titre du préjudice pour la perte de chance sur le marché GCS UNIHA, la somme de 59.850 euros pour violation de la clause de non-concurrence, a débouté la société DELTA SI de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice d'image, a ordonné la compensation des créances réciproques des parties, a ordonné l'exécution provisoire pour partie de la décision.

La société EURYNOME a relevé appel de la décision le 27 octobre 2017 en ses dispositions qui lui sont défavorables.

Elle poursuit la réformation du jugement dont appel et entend voir constater la nullité de la clause VIII de non-concurrence prévue au contrat-cadre, voir juger dans l'hypothèse ou la clause serait reconnue valide qu'elle a rempli l'ensemble de ses obligations à ce titre, voir condamner au visa des articles 1134, 1153,1181 et 1382 anciens du code civil, la société DELTA SI à lui payer la somme de 112.000 euros au titre du préjudice pour la perte de chance sur le marché GCS UNIHA, la somme de 15.000 euros au titre du préjudice d'image, la somme de 132.395,41 euros à parfaire au titre du préjudice lié au retard de paiement, la somme de 10.000 euros au titre de ses préjudices matériel et moral. Elle conclut au débouté des prétentions de la société DELTA SI et souhaite en tout état de cause voir ordonner la publication de la décision à intervenir et voir condamner la société DELTA SI à lui payer 40.000 euros pour frais de procédure.

Contestant avoir manqué à son obligation de non concurrence, elle soutient que la clause insérée à l'article VIII du contrat cadre qui stipule qu'elle s'engage à ne pas initier des actions commerciales auprès de clients avec lesquels la société DELTA SI l'aurait déjà fait travailler ou l'aurait présentée au cours de rendez-vous en face à face ou au téléphone et ce, pendant la durée du contrat et pendant 12 mois au-delà, est entachée de nullité dans la mesure où elle porte atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie faute d'être limitée dans l'espace, que si la nullité de la clause n'était pas reconnue par la cour, la CALM avec laquelle elle a conclu un marché négocié en juin 2016 ne peut être qualifiée de cliente de la société DELTA SI puisqu'elle avait déjà accompli une mission pour cette structure en dehors du contrat cadre et que la seconde mission du 19 janvier 2016 a été confiée à la société ADMINEXT titulaire du marché, la société DELTA SI, qui l'a fait travailler, n'étant intervenue qu'en qualité de sous-traitante, que le tribunal a dénaturé l'article VIII du contrat cadre en l'étendant aux clients avec lesquels elle avait travaillé sous couvert de la société DELTA SI, qu'au demeurant il ne peut être retenu qu'elle est intervenue dans ces conditions puisqu'elle a été approchée directement par la CALM pour la première mission et que la seconde n'est que la continuation de la première, que la conclusion du marché litigieux est due au non respect des règles des marchés publics par la société DELTA SI qui n'a pas jamais déclaré le contrat cadre à ses clients et n'a pas défini le cadre de ses missions et ses honoraires ce qui l'a contrainte à le dénoncer et enfin qu'elle n'a jamais démarché la CALM qui a sollicité ses services et lui a attribué le marché car elle était la seule à pouvoir mener à bien ce chantier dont elle avait une connaissance approfondie.

Elle explique qu'elle a répondu avec la société DELTA SI à l'appel d'offre du GCS UNIHA sous la forme d'un groupement conjoint qui a été retenu le 20 septembre 2016 à titre provisoire sous réserves de fournir certains justificatifs, qu'elle a été contrainte en raison du différend qui les opposait de ne pas donner suite au marché. Elle estime que c'est à tort que le tribunal a mis à sa charge la totalité du prétendu préjudice pour perte de chance de conclure le marché alors que dans un groupement conjoint chacun des membres n'est tenu que pour sa quote part d'exécution du marché et elle conteste avoir commis une quelconque faute. Elle fait valoir qu'elle n'était pas tenue en application de l'article 45 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics de se maintenir au sein du groupement et qu'il appartenait à la société DELTA SI de proposer un nouveau membre à l'adjudicateur, qu'elle était fondée à se retirer du groupement en invoquant l'exception d'inexécution du fait des manquements de la société DELTA SI à ses obligations puisqu'elle avait refusé de lui régler ses factures et qu'il s'agissait d'obligations réciproques découlant du contrat cadre, et elle souligne qu'en raison de leurs relations conflictuelles consécutives au comportement de la société DELTA SI qui a bloqué le paiement des factures a cosigné frauduleusement un courrier adressé à la CALM le 11 juillet 2016 et n'a pas effectué de déclaration de sous-traitance, il aurait été dangereux et contraire à l'intérêt de tous de donner suite au marché.

Elle affirme en revanche avoir souffert un préjudice résultant de la perte de chance de participer au marché GCS UNIHA du fait des manquements de la société DELTA SI à ses obligations au titre du contrat cadre qui l'ont obligée à le dénoncer et à ne pas donner suite au marché et elle évalue ce préjudice à 120.000 euros en fonction du chiffre d'affaires escompté, calculé en tenant compte du coût moyen d'une prestation de réalisation d'un schéma directeur du système d'information, du nombre de membres du groupement demandeurs d'une telle prestation, du nombre maximum d'attributaires et des pourcentages de répartition des missions entre les deux sociétés.

Elle indique avoir communiqué par acte d'huissier de justice du 22 novembre 2017, la totalité des livrables réclamés après autorisations de chacun des clients concernés et critiquant la décision déférée fait valoir en substance :
- s'agissant du marché de la CALM, que le tribunal n'a pas tenu compte de ce que tous les livrables avaient déjà été communiqués et que la société DELTA SI en sa qualité de sous-traitant avait la faculté de consulter tous les documents pendant la durée des travaux,
- s'agissant du marché du Grand Périgueux, que le livrable a été communiqué par courriel du 5 juillet 2016,
- s'agissant de l'Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse, que le client a refusé la transmission du livrable compte tenu des informations nominatives qu'il contient et que la société DELTA SI avait eu accès à ces documents pendant la durée de sa mission en sa qualité de mandataire.

Elle fait observer qu'en cette même qualité, la société DELTA SI avait l'obligation de valider les missions avant facturation et qu'elle a nécessairement eu accès pour ce faire aux livrables, que ce n'est que pour se soustraire au paiement des factures qu'elle a prétexté le défaut de leur communication et soutient qu'en vertu de l'article L 311-6 du code des relations entre le publique et l'Administration, elle n'a pas le droit de communiquer les livrables après leur livraison sans autorisation des clients.

Elle prétend avoir subi un préjudice résultant du retard de paiement des factures correspondant au montant de son déficit pour l'exercice 2016 qui s'élève à 132.395,41 euros, un préjudice pour l'atteinte à son image dû au fait qu'elle a été contrainte d'impliquer ses clients dans le litige l'opposant à l'intimée pour la remise des livrables qu'elle chiffre à 15.000 euros et un préjudice matériel et moral qu'elle évalue à 10.000 euros.

Elle s'estime fondée à voir ordonner la publication de l'arrêt au regard du préjudice d'image qu'elle a subi.

Elle réplique en ce qui concerne l'appel incident que la demande de condamnation au titre de l'obligation d'exclusivité et de loyauté constitue une demande nouvelle qui est irrecevable, qu'il ne peut lui être réclamé la communication de livrables intermédiaires dont la société DELTA SI ne fournit aucune définition et qui n'ont pas fait l'objet de lettres de mission, qu'ayant satisfait à son obligation de communication des livrables à trois reprises la condamnation au paiement des factures ne peut être remise en cause et que la société DELTA SI ne produit aucun justificatif de ses prétendus préjudices.

La société DELTA SI, qui sollicite la confirmation du jugement dont appel sauf en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 331.192,58 euros TTC augmentée des intérêts de retard, a plafonné le montant des condamnations de la société EURYNOME à son profit à la somme de 86.465,80 euros, a omis de condamner sous astreinte la société EURYNOME à lui remettre les livrables intermédiaires du marché de la communauté d'agglomération du GRAND PÉRIGUEUX et a rejeté sa demande indemnitaire au titre de son préjudice d'image, demande à la cour d'enjoindre à la société EURYNOME de lui remettre sous astreinte les livrables intermédiaires du marché du Grand Périgueux, de la débouter de sa demande en paiement de la somme de 331,192,58 euros TTC faute de lui avoir remis l'intégralité des livrables dus, de la condamner à lui payer la somme de 118.057 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2016 à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation contractuelle d'exclusivité et à défaut pour concurrence déloyale pour s'être fait attribuer de nouveaux marchés publics de la Communauté d'Agglomération de Limoges Métropole, de la communauté d'agglomération du GRAND PÉRIGUEUX, de la Ville de Limoges, celle de 50.000 euros de dommages et intérêts pour dénigrement et la même somme en réparation de son préjudice d'image. Elle réclame en outre une somme de 15.000 euros pour frais de procédure.

Elle reproche à la société EURYNOME de ne pas lui avoir remis, au mépris de ses obligations contractuelles, l'ensemble des livrables confectionnés dans le cadre de ses interventions en sous-traitance et s'estime fondée à lui opposer l'exception d'inexécution pour refuser de lui régler ses factures correspondantes contrairement à ce que le tribunal a retenu en se contredisant.

Elle soutient que la société EURYNOME, en interrogeant les clients finaux sur la possibilité de lui remettre les livrables réclamés, a fait l'aveu qu'elle ne les lui a jamais communiqués et souligne qu'en dépit de l'astreinte assortissant la décision déférée, elle ne lui a toujours pas fourni l'intégralité des livrables relatifs aux prestations exécutées. Elle fait valoir que la société EURYNOME reste débitrice des livrables intermédiaires pour le marché de la ville de Périgueux, qu'en prétendant qu'elle n'est plus en mesure de communiquer les livrables réclamés, elle confirme qu'elle n'a jamais satisfait à son obligation pour les marchés de la ville de Limoges et de l'Agence de l'Eau Rhône Méditerranée Corse, que la liste des livrables relatifs au marché de la CALM a fait l'objet d'une mise en demeure du 30 septembre 2016 à laquelle il n'a pas été satisfait et elle détaille les livrables manquant au titre de ces quatre marchés.

Elle répond que la remise des livrables aux clients par la société EURYNOME pour autant qu'elle soit avérée, ne vaut pas respect de ses obligations contractuelles à son égard, que les attestations des clients qui sont produites ne permettent pas d'identifier les livrables concernés et qu'elles ne prouvent pas que l'appelante ait satisfait à ses obligations ni davantage le fait non démontré qu'elle ait pu consulter certains documents, qu'il ne peut lui être opposé un prétendu devoir de confidentialité tiré de l'article L 311-6 du code des relations entre le public et l'administration alors que s'agissant d'un contrat de sous traitance les livrables devaient impérativement transiter par le donneur d'ordre, que la société EURYNOME ne peut s'exonérer de son obligation au motif que la communication des livrables serait désormais impossible alors que cette situation lui est imputable, qu'il n'est pas justifié du prétendu secret qui ferait obstacle à cette communication et qu'il ne lui est pas opposable.

Elle insiste sur l'importance de la remise des livrables pour lui permettre d'assurer notamment la continuité des relations avec ses clients et la bonne exécution de ses engagements.

Elle fait grief à la société EURYNOME d'avoir enfreint la clause du contrat cadre qui lui faisait interdiction pendant la durée du contrat et un an après son expiration de mener des actions commerciales auprès de ses clients en candidatant seule puis en contractant avec la CALM un marché négocié après avoir dénoncé le contrat cadre le 2 septembre 2016 et que c'est à juste titre que le tribunal l'a condamnée à réparer le préjudice qu'elle lui a causé. Elle rétorque que la clause qui constitue une clause d'exclusivité et non de non concurrence est licite dès lors qu'elle est limitée et n'est pas disproportionnée à l'objet du contrat, que l'intention commune des parties était de s'assurer que la société EURYNOME ne contracte pas avec des clients pour lesquels elle était intervenue en qualité de sous traitant et qu'elle ne peut s'affranchir de ses obligations en prétextant que la société DELTA SI était un client indirect de la CALM en sa qualité de sous traitant de premier rang d'ADMINEX, qu'elle avait été en relation d'affaires avec la CALM avant d'intervenir en qualité de sous-traitant, que le marché lui a été attribué à la demande de cette dernière et dans le respect des règles de la commande publique et en invoquant des manquements de la société DELTA SI à ses obligations réglementaires alors qu'elle n'avait pas à la déclarer en tant que sous traitant de second rang.

Elle se plaint de ce que la société EURYNOME a brutalement rompu la convention de groupement constituée en vue de l'obtention du marché du GCS UNIHA ce qui a empêché la notification du marché qui leur avait été attribué et lui a fait perdre la chance de réaliser un chiffre d'affaires correspondant. Elle estime que c'est à tort que la société EURYNOME prétend qu'elle avait la faculté de quitter le groupement en application de l'article 45 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics puisque ce texte pose le principe de l'intangibilité des groupements sauf exception qui n'est pas remplie en l'espèce tenant à l'impossibilité d'un des membres d'accomplir sa tâche pour des raisons qui lui sont extérieures et qu'en tout état de cause le délai était trop court pour rechercher un remplaçant. Et elle objecte que la société EURYNOME ne peut justifier son retrait du groupement en lui opposant l'exception d'inexécution pour non paiement des factures dues au titre du contrat de sous traitance alors qu'il ne s'agit pas d'obligations réciproques nées d'un même contrat.

Elle s'oppose à la demande indemnitaire formée par la société EURYNOME pour perte de chance de conclure le marché GCS UNIHA dans la mesure où elle résulte de sa décision brutale de se retirer du groupement et dont elle est seule responsable et sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué en réparation de son préjudice la somme de 26.615,80 euros correspondant au taux de marge sur le chiffre d'affaires escompté pour les deux sociétés.

Elle affirme quant au préjudice allégué par la société EURYNOME pour retard de paiement des factures que celle-ci ne peut en vertu du principe de non cumul des responsabilités rechercher sa responsabilité quasi-délictuelle, que ce refus de paiement est justifié par la non remise des livrables et que la preuve d'un préjudice autonome n'est pas rapportée, le déficit invoqué pouvant avoir des causes multiples.

Elle estime que l'appelante ne peut pas davantage rechercher sa responsabilité pour atteinte à son image dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une faute et d'un préjudice et qu'il ressort de ses explications qu'elle a sollicité ses clients en raison du non respect de ses obligations contractuelles de remise des livrables.
Elle soutient que le tribunal a commis une erreur de droit et s'est contredit en la condamnant à payer à la société EURYNOME le montant de ses factures alors que celle-ci n'avait pas satisfait à ses obligations contractuelles faute de lui avoir remis les livrables de sorte qu'elle est bien fondée à lui opposer l'exception d'inexécution.

Elle reproche encore aux premiers juges d'avoir limité le quantum des condamnations pour méconnaissance de la clause d'exclusivité et fait valoir qu'elle a découvert que la société EURYNOME avait, postérieurement à la conclusion du marché avec la CALM, continué à enfreindre son obligation en contractant un marché d'assistance à la maîtrise d'ouvrage avec la communauté d'agglomération du GRAND PÉRIGUEUX et deux marchés de prestations de service avec la ville de Limoges. Elle considère dans l'hypothèse où la cour estimerait que la clause d'exclusivité est entachée de nullité, que la société EURYNOME a engagé, en tout état cause sa responsabilité, en raison de ses pratiques déloyales et anti-concurrentielles dans la mesure où elle a tout mis en oeuvre pour la concurrencer en substituant ses logos sur les documents remis aux clients, en refusant de communiquer les livrables, en négociant et en candidatant seule de nouveaux marchés pour l'évincer. Elle chiffre son préjudice correspondant à la perte de marge sur les marchés dont elle a été privée à la somme de 118.057,02 euros incluant l'indemnité de 26.615 euros au titre du préjudice pour rupture brutale de la convention de groupement et réplique que ses demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent uniquement à la réformation du jugement.

Elle prétend avoir souffert d'un préjudice pour atteinte à son image qu'elle évalue à 50.000 euros en raison du dénigrement dont elle a fait l'objet de la part de la société EURYNOME pour l'évincer des marchés et des démarches qu'elle a entreprises auprès de ses clients qu'elle a impliqués dans leur différend.

Par note en délibéré du 18 janvier 2019 la société EURYNOME a sollicité la réouverture des débats.

La société DELTA s'est opposée à cette demande par note du 28 janvier 2019.

SUR CE

Attendu qu'en application de l'article 455 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ;

Attendu que les parties n'ayant pas été autorisées à produire de note en délibéré, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande de la société EURYNOME ;

I - Sur la nullité de la clause stipulée au contrat cadre :

Attendu que le contrat de sous-traitance conclut le 7 octobre 2015 entre la société DELTA et EURYNOME désignée comme le fournisseur, comporte un article VIII "exclusivité" ainsi rédigé : "Le fournisseur s'engage à ne pas initier des actions commerciales auprès de clients avec lesquels la société l'aurait déjà fait travailler ou l'aurait présenté au cours de rendez-vous en face ou par téléphone. Le fournisseur s'engage à informer DELTA S.I s'il détecte lui-même ou si un tiers lui propose une opportunité de mission, chez des clients de DELTA S.I pour lesquels elle aurait déjà permis de réaliser des prestations. Dans ce sas, les deux parties conviendront au cas par cas de la marche à suivre dans le respect des investissements commerciaux réalisés par DELTA S.I, de la cohérence du positionnement de chacune des parties auprès de ce client et du besoin du Fournisseur de réaliser des missions. (...) Les limites posées aux actions commerciales du Fournisseur, s'appliqueNT uniquement aux prestations intellectuelles dans le domaine d'intervention de DELTA S.I. La présente clause s'applique pendant la durée du présent contrat et pendant 12 mois au-delà."

Attendu que la société EURYNOME fait valoir que s'agissant d'une clause de non concurrence celle-ci est entachée de nullité dès lors qu'elle n'est pas limitée dans l'espace et qu'elle porte trop largement atteinte à la liberté d'entreprendre qui a valeur constitutionnelle et au principe de la liberté du commerce et de l'industrie ;

Attendu que la société DELTA SI soutient qu'il s'agit d'une clause d'exclusivité comme l'indique son intitulé et non d'une clause de non concurrence ;

Attendu qu'en application de l'article 1156 du code civil dans sa rédaction applicable, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes ;

Attendu que la clause d'exclusivité a pour objet d'interdire à un salarié ou à une société cocontractante de travailler ou de fournir des prestations à un concurrent de la société créancière de l'obligation ;

Attendu qu'en l'espèce la clause qui est destinée à interdire à la société EURYNOME de fournir des prestations à des clients de la société DELTA SI pour laquelle elle a travaillé et non à des concurrents de cette dernière s'analyse en une clause de non concurrence ;

Attendu que cette clause n'emporte aucune restriction géographique à l'activité de la société EURYNOME qui peut l'exercer librement sur tout le territoire national puisqu'elle lui fait uniquement interdiction d'initier des actions commerciales avec les clients de la société DELTA S.I pour lesquels elle a travaillé ou auxquels elle a été présentée et pour les prestations intellectuelles correspondant aux domaines d'intervention de DELTA SI et qu'elle ne lui impose pas une interdiction générale d'exercer une activité similaire ou identique à celle de la société DELTA SI ;

Attendu que cette restriction à la liberté de commerce est ainsi très limitée quant à son objet puisqu'elle laisse même la liberté à la société EURYNOME d'entrer en relation d'affaires avec les clients de la société DELTA SI dès lors qu'elle n'a pas a travaillé pour eux et qu'ils ne lui ont pas été présentés et qu'elle conserve dans les mêmes conditions la faculté d'effectuer des prestations intellectuelles dans les domaines d'intervention de la société DELTA SI ; que cette restriction est par ailleurs limitée dans le temps à une durée de 12 mois suivant la fin du contrat de sous-traitance ;
Qu'il s'ensuit que cette clause qui est proportionnée aux intérêts en présence n'encoure pas la nullité ;

II - Sur la mise en jeu de la responsabilité d'EURYNOME pour non respect de l'article 8 du contrat de sous-traitance :

1) sur le marché de la CALM :

Attendu que la société EURYNOME qui conteste avoir contrevenu aux dispositions de l'article 8 du contrat de sous-traitance soutient que la CALM ne peut pas être qualifiée de cliente de la société DELTA SI au sens de cet article puisque le titulaire du marché était la société AMDINEXT et que la société DELTA SI n'était que sous-traitant ; que le tribunal a dénaturé l'article 8 en étendant l'interdiction d'initier des relations commerciales aux clients avec laquelle elle a travaillé sous couvert de la société DELTA SI ; qu'elle a été directement contactée par la CALM dès le mois d'avril 2015 soit avant la signature du contrat conclut avec la société DELTA SI pour réaliser la première mission et que la deuxième mission n'était que la continuation de la précédente ; que la conclusion du marché négocié avec la CALM résulte des manquements de la société DELTA SI à ses obligations, cette dernière n'ayant jamais déclaré le contrat cadre de sous-traitance aux clients pour lesquels elle est intervenue ce qui l'a contrainte à dénoncer le contrat cadre et à conclure directement avec la CALM ; qu'elle n'est pas à l'initiative du marché négocié qui lui a été attribué par la CALM qui l'a choisie en raison de sa connaissance et de son expertise technique du dossier qu'était la seule apte à mener à bonne fin ;

Attendu qu'il résulte tant de la note du service des marchés publics du 10 octobre 2016 que de l'attestation de réception du directeur général des services de Limoges Métropole (pièce 6 b appelante et 6 intimée) que le marché UGAP attribué à ADMINEXT a été prolongé jusqu'en septembre 2015 pour l'accompagnement de la création de la nouvelle DSI de sorte que la société DELTA SI ne peut soutenir que la société EURYNOME aurait violé une première fois l'article 8 du contrat à cette date en fournissant des prestations de service à la CALM alors que le contrat expirait le 31 août 2015 puisque la prestation a été accomplie à l'occasion du marché UGAP au titre duquel elle intervenait comme sous-traitant et que, comme l'ajustement relevé le tribunal, ces prestations ont été facturées par EURYNOME à DELTA SI au titre du marché et non à la CALM ;

Attendu qu'il est en revanche constant et établi par la note du service des marchés publics de Limoges Métropole du 10 octobre 2016 et par le procès-verbal d'attribution d'un marché négocié (pièces 6 et 16 intimée) que la CALM a attribué à la société EURYNOME un marché négocié pour finaliser l'opération d'internalisation du système d'information de Limoges Métropole ayant débuté en 2015 sous la forme d'un marché de l'UGAP ayant pour titulaire la société ADMINEXT et comme sous-traitant de premier rang de la société DELTA SI ;

Attendu que la société EURYNOME produit une attestation du directeur général des services de la CALM datée du 23 septembre 2016 dans laquelle il déclare "avoir sollicité le président de la société EURYNOME directement en avril 2015 par mail pour une mission d'assistance auprès de Limoges Métropole pour l'internalisation et la création de la DSI, qu'après vérification des capacités d'EURYNOME à répondre aux besoins de Limoges Métropole, les équipes de cette société sont intervenues pour réaliser entièrement une première mission qui a été contractualisée en juin 2015 avec l'UGAP qui a désigné la société ADMINEXT comme titulaire du marché, la société DELTA SI n'est présente dans le montage contractuel qu'au titre de son statut de sous-traitant de la société ADMINEXT et n'est en aucun cas à l'origine de cette première mission réalisée par EURYNOME" ;

Qu'elle verse également aux débats un courriel échangé le 12 avril 2015 entre Monsieur BUCHET de Limoges Métropole et Monsieur M... de la société EURYNOME dans lequel celui-ci écrit : "comme convenu voici mes premières idées de démarche pour construire l'autonomie SI de LM . A votre disposition pour échanger et préparer la première réunion du groupe de travail. En fonction du plan de travail qui sera retenu nous pourrons établir le contour de la mission" ;

Attendu que ces pièces établissent uniquement que la société EURYNOME a bien été en relation avec la CALM dès le mois d'avril 2015 ; que toutefois, comme en atteste le directeur général des services et comme cela ressort des propositions techniques et financières (pièces 6 a et 20 b appelante) le marché a été attribué par l'UGAP à la société ADMINTEX qui a retenu comme sous-traitant, pour réaliser les missions d'accompagnement SDSI et le cadrage et appui de la conduite du changement pour la mise en oeuvre de la nouvelle DSI, la société DELTA SI et non la société EURYNOME qui n'est intervenue qu'en qualité de sous-traitant de cette dernière étant au surplus relevé qu'il ressort du document intitulé Audit des systèmes d'informations (pièce 14 de l'intimé) que c'est bien la société DELTA SI qui est rentrée la première en relation avec la ville de Limoges au titre du projet d'audit du service informatique étendu à Limoges métropole en lui adressant une proposition méthodologique et financière mentionnant comme rédacteur Messieurs W... et M... intervenants pour la société DELTA SI ;

Attendu que dans la note du 10 octobre 2016 relative à la poursuite de l'accompagnement de Limoges Métropole dans la mise en oeuvre de son système d'information dans le cadre d'un marché négocié avec EURYNOME, le responsable du service des marchés public de Limoges Métropole, écrit que "le marché actuel avec la centralE d'achat UGAP utilisé par Limoges Métropole pour la conduite de cette opération (opération d'internalisation du système d'information) a pris fin en septembre. Ce marché même s'il a été conclu avec la société ADMINEXT, permettait les interventions des sociétés DELTA SI comme sous-traitant de 1er rang et EURYNOME comme sous-traitant de 2ème rang." ; Qu'il indique au paragraphe résultat des négociations que "Les sociétés DELTA SI et EURYNOME sollicitées, Limoges Métropole n'a pu que constater l'impossibilité pour elles de continuer à travailler ensemble en raison de la remise en cause des accords commerciaux qui les lient. Aussi Limoges Métropole ne conclurait plus de marché avec les deux sociétés en cotraitance, mais avec la seule société EURYNOME, qui jusqu'à ce jour, assurait seule l'exécution des prestations commandées (la société DELTA SI n'en assurant que le suivi contractuel)." ;

Qu'il en résulte que la société EURYNOME est bien intervenue en qualité de sous-traitant de la société DELTA SI et que contrairement à ce qu'elle soutient la CALM était parfaitement informée des conditions de son intervention et des accords existant entre les deux sociétés et que la société DELTA SI n'a commis par conséquent aucune faute qui aurait pu justifier la dénonciation de leurs accords, qu'au demeurant, cette question est sans incidence sur l'appréciation du manquement de la société EURYNOME à l'obligation de non concurrence;

Attendu que la CALM était bien le client de la société DELTA S.I puisqu'elle était bénéficiaire en qualité de pouvoir adjudicateur des prestations dont l'exécution a été sous-traitée à DELTA SI, peu important que le marché ait été attribué par l'UGAP à ADMITEX; que par ailleurs, c'est bien la société DELTA SI qui a fait travailler la société EURYNOME en lui sous-traitant l'exécution des prestations ce qui empêche celle-ci de se prévaloir de la qualité de client de la CALM puisque son intervention n'a été rendue possible que grâce à la société DELTA SI ;

Attendu enfin qu'il ressort de la note du service des marchés que c'est en raison de la dénonciation des accords existants entre la société DELTA SI et EURYNOME, dont cette dernière à pris l'initiative par lettre du 2 septembre 2016 que la CALM a décidé d'écarter la société DELTA SI du marché qu'elle a conclu directement avec la société EURYNOME alors qu'il ressort de la délibération du conseil communautaire de l'agglomération de Limoges dans sa séance du 30 juin 2016 qu'il était envisagé de conclure le marché négocié avec la société DELTA SI pour la poursuite de l'accompagnement de Limoges Métropole dans la mise en oeuvre de son système d'information ;

Qu'ainsi, la société EURYNOME ne peut de bonne foi prétendre que l'attribution du marché ne résulte d'aucune démarche de sa part, alors qu'au surplus les dispositions de l'article 8 qui continuaient à s'appliquer pendant 12 mois suivant la rupture de l'accord lui interdisaient de contracter avec la CALM ;

Qu'il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que la responsabilité de la société EURYNOME était engagée à l'égard de la société DELTA SI pour non respect de l'article 8 de l'accord cadre de sous-traitance ;

2) sur les marchés de l'agglomération du Grand Périgueux et de la ville de Limoges :

Attendu que la société DELTA SI communique la copie d'une lettre du 30 août 2017 (pièce 20 intimée) de la communauté d'agglomération LE GRAND PÉRIGUEUX l'informant dans le cadre de l'appel d'offre auquel elle a participé pour une mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour la mise en place d'une gestion électronique des documents, que l'offre de la société EURYNOME a été retenue pour un montant de 43.920 euros HT au motif qu'elle était la moins disante ;

Attendu que la société DELTA SI justifie encore par la production d'avis d'attribution (pièces 30 et 31) que la ville de Limoges a attribué à la société EURONYME le 20 juillet 2017 un marché de mission d'assistance pour la maîtrise d'ouvrage pour l'accompagnement à la mise en place d'une application pour la jeunesse pour un montant maximum de 20.000 euros et qu'elle lui a attribué les lots no 2 assistance à maîtrise d'ouvrage et à maîtrise d'oeuvre et no 3 expertise et assistance technique d'un montant maximum chacun de 100.000 euros du marché de prestation de tierce maintenance applicative, d'assistance à maîtrise d'ouvrage et à maîtrise d'oeuvre, d'expertise et d'assistance technique ;

Attendu qu'il n'est pas discutable que la communauté d'agglomération LE GRAND PÉRIGUEUX et la ville de Limoges étaient des clients de la société DELTA SI pour lesquels elle a fait travailler la société EURYNOME puisque cette dernière lui réclame paiement dans le cadre de la procédure de prestations qu'elle a accomplies à leur profit ;

Attendu qu'aux dates auxquelles la société EURONYME s'est engagée la clause de non concurrence était toujours applicable puisque d'une durée de 12 mois au-delà du contrat rompu par lettre du 2 septembre 2016 ;

Qu'il s'ensuit que la responsabilité de la société EURYNOME se trouve également engagée pour violation de la clause de non concurrence ;

3) sur la réparation du préjudice :

Attendu que le préjudice subi par la société DELTA SI s'analyse en la perte de chance de se voir attribuer les marchés qui ont été obtenus par la société EURYNOME en violation de la clause de non concurrence ;

Attendu qu'il a été vu ci-dessus que le conseil communautaire de l'agglomération de Limoges envisageait dans sa séance du 30 juin 2016 de conclure le marché négocié avec la société DELTA SI pour la poursuite de l'accompagnement de Limoges Métropole dans la mise en oeuvre de son système d'information de sorte que le marché lui était acquis ; ;

Attendu que s'agissant du marché conclu par EURYNOME avec la communauté d'agglomération du GRAND PÉRIGUEUX, il est établi par la lettre du 30 août 2017 du directeur général de l'administration de cette communauté territoriale que la société DELTA SI s'est portée candidate dans le cadre de l'appel d'offres relatif à la mission à la maîtrise d'ouvrage pour la mise en place d'une gestion électronique de documents et qu'elle a été évincée au profit de la société EURYNOME dont l'offre de prix était inférieure ;

Attendu qu'il n'est pas justifié que la société DELTA SI se soit portée candidate sur les marchés qui ont été attribués par la ville de Limoges à la société EURYNOME et qu'elle ait été évincée au profit de cette dernière, de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'une perte de chance à ce titre ;

Qu'il convient, en conséquence, sur la base d'un taux de marge de 11,97% réalisé sur ce type de mission comme en atteste l'expert comptable de la société et qui est conforme au ratio applicable en ce domaine, d'évaluer au regard du montant des marchés que la société DELTA SI a perdu la chance de se voir attribuer en raison de la violation par la société EURYNOME de son obligation de non concurrence, soit 500.000 euros pour la CALM et 43.920 euros pour le GRAND PÉRIGUEUX, d'évaluer le montant de son préjudice à la somme de 61.850 euros en retenant une perte de chance estimée à 95 % soit ;

Qu'il convient de porter le montant de la condamnation prononcée par le tribunal à cette somme ;

III - Sur la rupture de la convention de groupement pour l'obtention du marché du GCS UNIHA :

Attendu qu'il est établi que les sociétés DELTA SI et EURYNOME (pièce 9 intimée) ont transmis un dossier de candidature le 7 juillet 2016 dans le cadre de la consultation organisée par le GCS UNIHA pour une prestation d'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour l'élaboration du schéma directeur du système d'information des groupements hospitaliers de territoire, le dossier précisant que l'offre émane du groupement des cabinets DELTA SI (mandataire) et EURYNOME ;

Que par courriel en date du 20 septembre 2016 (pièce 4 intimée) le chef de projet de la centrale achat a informé la société DELTA SI que cette offre était retenue à titre provisoire et lui a réclamé, en vue de finaliser la notification du marché, la fourniture dans le délai de 11 jours les certificats URSSAF et les attestations de régularité fiscale des sociétés DELTA et EURYNOME ;

Que par lettre du 26 octobre 2016 (pièce 5 intimée) le GCS UNIHA a informé la société DELTA SI que le droit de la commande publique posait le principe de l'intangibilité d'un groupement momentané d'opérateurs économiques entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché public et qu'en raison de la décision de la société EURYNOME de renoncer à la réalisation du marché et en application de l'article 45.IV du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, son offre était rejetée ;

Que par courriel du 23 septembre 2016 (pièce 12 a appelante), la société EURYNOME a fait savoir par l'intermédiaire de son conseil à la société DELTA SI qu'à défaut de paiement des factures non réglées à ce jour, elle ne donnerait pas suite au marché GCS UNIHA en raison de la détérioration du lien de confiance qui unissait les deux sociétés qui rendait inenvisageable de maintenir un groupement désignant la société DELTA SI comme mandataire ;

Attendu que la société EURYNOME fait valoir que le groupement n'est pas un groupement solidaire mais conjoint, que chaque membre ne peut être tenu que pour l'exécution du marché dans le périmètre de son intervention, que DELTA SI avait vocation à sous-traiter l'intégralité de ses prestations ce qui était prohibé, qu'elle ne s'est engagée que pour sa quote-part d'exécution du marché de sorte que sa responsabilité ne peut être recherchée pour l'éventuelle perte de chance de contracter avec le pouvoir adjudicateur, que le comportement déloyal et fautif de la société DELTA SI qui refusait de lui régler ses factures et de la déclarer comme sous-traitant constituent des manquements à ses obligations au titre du contrat cadre qui l'ont contrainte à le dénoncer et qui faisaient obstacle à ce qu'elle maintienne ses relations au sein du groupement au risque de remettre en cause la bonne exécution du marché et les intérêts du client, de mettre en péril l'existence de la société et de nuire à son image , qu'il appartenait à la société DELTA SI de proposer à l'acheteur un nouveau membre, que l'attitude fautive de la société DELTA SI lui a causé un préjudice correspondant à sa perte de chance d'obtenir le marché GCS UNIHA .

Mais attendu que c'est sans pertinence que la société EURYNOME prétend pour justifier sa décision de retrait du groupement que la société DELTA SI aurait envisagé de sous-traiter la totalité du marché en violation de la loi de 1975, alors que la candidature a été présentée sous la forme d'un groupement ce qui impliquait une cotraitance et non une sous-traitance et que surtout le pouvoir adjudicateur qui était seul habile à apprécier la légalité de la candidature l'avait agréée de sorte qu'il l'avait nécessairement considérée comme étant conforme au code des marchés publics ;

Attendu que c'est sans davantage de pertinence que la société EURYNOME se prévaut du non paiement des factures et du manquement de la société DELTA SI aux obligations nées du contrat cadre de sous-traitance alors que l'exception d'inexécution ne peut être opposée que pour les obligations nées d'un même contrat synallagmatique et que la candidature en cause n'a pas été présentée en application de ce contrat mais sous la forme d'un groupement momentané d'entreprises exclusif de toute sous-traitance ; qu'en outre, l'article 12.1.1 du cahier des clauses administratives prévoit qu'en cas de groupement conjoint, chaque membre du groupement perçoit directement les sommes se rapportant à l'exécution de ses propres prestations de sorte que le différend relatif au paiement des factures en exécution du contrat cadre de sous-traitance n'était pas de nature à affecter l'exécution du marché GCS UNIHA puisque la société EURYNOME devait être directement payée pour ses prestations et que par conséquent comme l'a justement relevé le tribunal le risque d'impayé n'existait pas, étant au surplus relevé que le différend n'avait pas fait obstacle au dépôt d'une candidature conjointe puisque la première facture impayée remonte à juillet date de remise de l'offre ;

Attendu que la société EURYNOME ne peut pas plus se prévaloir des dispositions de l'article 45 du décret du 25 mars 2016, alors que comme l'a rappelé le président du GCS UNIHA dans sa lettre de rejet de l'offre initialement retenue, le code des marchés consacre le principe d'intangibilité du groupement momentané d'opérateurs, et que la société DELTA SI ne pouvait pas demander le remplacement de la société EURYNOME dès lors que son retrait du groupement ne résultait pas d'une impossibilité d'accomplir ses prestations pour des raisons qui n'étaient pas de son fait mais procédait de sa décision unilatérale ; qu'au surplus, à supposer que cela ait été possible, ce qui n'est pas le cas, la société DELTA SI n'en avait pas matériellement le temps puisque la société EURYNOME a rompu la relation contractuelle le 23 septembre 2016, ce qui laissait 7 jours à la société DELTA SI pour rechercher un nouveau cotraitant, la production des attestations fiscales et URSSAF étant attendue par le GCS UNIHA dans les 11 jours suivants son courriel du 20 septembre ;

Attendu que la rupture brutale de l'engagement de la société EURYNOME de se porter candidate avec la société DELTA SI à l'appel d'offres lancé par le GCS UNIHA engage sa responsabilité et l'oblige à réparer le préjudice lié à la perte de chance de pouvoir obtenir ce marché ;

Attendu que la société EURONYME évalue le chiffre d'affaires espéré au titre du marché perdu à la somme de 536.000 euros dont 60% à lui revenir et 40% pour la société DELTA SI soit une somme de 214.400 euros pour cette dernière ;

Attendu que le tribunal a justement apprécié sur la base de ce calcul, le préjudice subi par la société DELTA SI à la somme de 26.615,80 euros en retenant un taux de marge de11,97% mentionné par l'expert comptable de la société DELTA SI et conforme à la marge appliquée pour ce type de prestations intellectuelles ;

Qu'il convient, par conséquent, de confirmer la décision déférée sur ce point et de débouter par suite la société EURYNOME de sa demande indemnitaire ;

IV - Sur la remise des livrables :

Attendu le contrat cadre de sous-traitance contient un article IV "propriété et partage de documents " qui stipule que "sauf clause contraire dans le contrat de vente de la prestation au client, le fournisseur doit remettre à DELTA SI une copie de tout document finalisé livré au client : cahier des charges, étude, support de formation, etc." ;

Attendu que par lettre des 16, 30 septembre 2016 et 13 février 2017, la société DELTA SI a mis en demeure la société EURYNOME de lui communiquer en application de l'article sus visé, les livrables afférents au marché conclu avec la CALM et aux marchés AERMC, commune de Limoges, commune de Vannes, CC du GRAND PERIGUEUX et l'a avisée que le paiement de ses factures était subordonné à la fourniture de ces documents ;

1) livrables CC GRAND PERIGUEUX :

Attendu que la société EURYNOME produit un courriel adressé par Monsieur P... M... de la société EURONYME à Monsieur L... de la société DELTA SI, le 5 juillet 2016, dont l'objet est : "envoi d'un message projets SIDN LGP VO.9.8xlsx, SIDN LGP 2016-2019 V1r3.pptx" et qui reprend en pièces jointes les mêmes projets (pièce 26) ;

Attendu que ce courriel n'a donné lieu à aucune réponse ni réclamation de la société DELTA SI de sorte qu'il suffit à établir la preuve de l'envoi des rapports et de leur réception dès lors que cette dernière n'aurait pas manqué de les réclamer si elle ne les avait pas reçu ;

Qu'il ressort par ailleurs de l'acte d'huissier de justice du 22 novembre 2017 que la société EURYNOME a remis à la société DELTA SI les documents suivants : la notice explicative Périgueux, (1page), Périgueux attestation SDIN (1 page) et SDIN LGP 2016-2019 V1r5 (74 pages) ;

Attendu que la société EURYNOME soutient que la société DELTA SI ne fournit aucune définition des livrables dit intermédiaires dont elle réclame la production devant la cour ;

Mais attendu qu'il ressort du mémoire technique de la société DELTA SI pour le marché du Grand Périgueux (pièce 23 de l'intimée) qu'il était prévu aux paragraphes5.1.3 et 5.23 "résultats" la production des livrables suivants : résultats de l'enquête chef de services, comptes rendus d'entretiens, document de diagnostic du SI actuel , comptes rendus des entretiens avec les services métier, schéma directeur numérique de la CAGP (version Word et sa version de présentation Powerpoint) les projets applicatifs ou techniques à conduire, les préconisations en terme d'externalisation, d'urbanisation et de gouvernance du SI, document de synthèse su schéma directeur numérique (version Word et sa version de présentation Powerpoint) ;

Attendu qu'il n'est pas soutenu ni justifié que ces livrables seraient inclus dans les documents remis par l'huissier de justice à la société DELTA SI ;

Attendu que la société EURYNOME ne peut prétendre que la société DELTA SI a eu nécessairement connaissance des livrables en sa qualité de mandataire au titre du contrat cadre à l'occasion de la validation des missions avant chaque facturation alors qu'elle ne justifie pas de leur remise effective comme elle en avait l'obligation en vertu du contrat cadre et qu'il n'est pas établi que ces documents dont la société DELTA SI n'est pas la rédactrice aient été transmis par son intermédiaire au client final ; qu'au demeurant si la société EURYNOME avait satisfait à son obligation, elle devrait être en mesure d'en rapporter la preuve en justifiant des modalités de remise de ces documents ;

Qu'elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de l'impossibilité de communiquer les livrables après leur livraison sans obtenir l'autorisation préalable des clients finaux, alors que la société DELTA SI n'est pas un tiers par rapport au client final mais son co-contractant, la société EURYNOME n'intervenant que pour le compte de celle-ci dans le cadre du contrat cadre de sous-traitant ;

Qu'il convient, en conséquence, la société EURYNOME ne justifiant pas avoir satisfait à son obligation contractuelle de remise des livrables intermédiaires et le tribunal ayant omis de se prononcer sur ce point, de la condamner à les remettre à la société DELTA SI sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard dans la limite de 3 mois ;

2) livrables de la ville de Limoges :

Attendu que la société DELTA SI soutient que le nombre des livrables qui devaient être établis par la société EURYNOME ne lui ont pas été remis ;

Attendu que les mémoires techniques de la société DELTA SI des 30 juin 2014, 20 octobre 2014 et 20 décembre 2015 (pièce 24 intimée) concernant la ville de Limoges mentionnent la liste des livrables à savoir : note de lancement avec volet de communication, vision globale du système d'information, des infrastructures, rapport de préconisations pour l'accompagnement au changement, diagnostic des freins accompagné d'une analyse d'impact, le plan d'accompagnement, l'ingénierie de formation et les supports associés, guides méthodologiques et des procédures, RACI du bureau des projets, exemple de cahier des charges et process associé, exemples de grille de choix ;

Attendu que la société EURYNOME ne justifie pas avoir remis ces livrables à la société DELTA SI ; qu'elle reste taisante sur ce point, étant relevé que le tribunal n'a ordonné s'agissant de la ville de Limoges que la production du support de formation ;

Attendu que les objections générales opposées par la société EURYNOME concernant le fait que la société DELTA SI qui devait valider les missions avant chaque facturation avait nécessairement connaissance des livrables et qu'elle ne peut transmettre les livrables sans autorisation du client final ne sont pas recevables pour les motifs exposés ci-dessus ; qu'au surplus, la signature des attestations de réception par le titulaire du marché ne prouvent en rien que la société EURYNOME a satisfait à ses obligations contractuelles à l'égard de la société DELTA SI ;

Qu'il convient, par conséquent, de retenir le manquement de la société EURYNOME à ce titre ;

Attendu que la cour relève que la société DELTA SI n'a pas formulé de demande de production des documents des livrables qu'elle liste dans ses écritures et repris ci-dessus alors que le tribunal n'a ordonné s'agissant de la ville de Limoges que la production du support de formation ;

3) livrables de AERMC :

Attendu que la société DELTA SI soutient qu'elle reste dans l'attente de la remise des livrables suivants : sur la méthodologie de projet : dossier de choix du référentiel et plan de travail, référentiel gestion de projet AERMC, (2 versions V0 et V1), modalités de gestion des modes de projet et MCO, sur le pilotage proprement dit du SDSI : CRR CGSI exploitables (3CGSI) ;

Attendu que la société EURYNOME fait valoir qu'elle n'avait pas obtenu l'accord du client final pour transmettre les livrables et que celui-ci lui avait confirmé que la société DELTA SI en avait eu connaissance ;

Qu'elle communique pour en justifier, un courriel de Monsieur E... O... de AERMC à Monsieur M... du 11 janvier 2016 qui écrit : "je n'ai pas suivi le fil des échanges et j'espère que vous avez bien été payé pour cette prestation qui date. Je suis contrairement à T..., contre la divulgation de livrables ou tout élément concernant les prestations réalisées par l'agence. Je peux vous proposer le PV de recette établit par nos soins qui valide les prestations réalisées. Après l'analyse juridique est complexe. Notre interlocuteur est l'UGAP. Celui-ci a négocié avec Adminext qui a des comptes à rendre à l'UGAP."

Or, attendu que la société DELTA SI n'est pas un tiers puisqu'elle est intervenue comme sous-traitant ; qu'il ne s'agit pas de la divulgation d'informations auxquelles elle ne pouvait avoir accès alors que ces documents entrent dans le cadre des prestations qui lui ont été commandées et qu'elle s'est engagée à livrer ;

Attendu que le fait que le marché ait été réceptionné prouve uniquement que ces documents ont été remis au pouvoir adjudicateur mais en aucun que la société DELTA SI en ait été destinataire dans la mesure où il n'est pas justifié que ce soit elle qui les ait transmis à AERMC ;

Attendu qu'il n'est pas vain de relever que la société EURYNOME produit également un courrier de Monsieur Y... de AERMC adressé à Monsieur M... le 20 décembre 2017, qui lui répond : " je laisse E... (M. O...) décider. Mais cette société est dans la chaîne de commande. Donc à regard sur le travail effectué. Elle a au titre de la sous-traitance obligations de réserve. Effectivement, si le référentiel gestion de projet AERMC n'a pas de caractère confidentiel, les document du SDSI, notamment les CRR des CGSI contiennent des informations nominatives à ne pas diffuser en dehors de la chaîne de commande. Comme cette société vous bloque le paiement. Et qu'elle est dans la chaîne de commande, je ne vois pas de raison de ne pas lui communiquer ces livrables qui solutionneront votre souci."

Attendu qu'il ressort au contraire des termes de ce courriel que la société DELTA SI n'a pas été destinataire de ces documents, ce que n'aurait pas manqué d'indiquer si tel avait été le cas son rédacteur qui a à juste titre relevé qu'elle était partie à la commande et qu'il ne voyait pas de raison de ne pas lui communiquer ;

Attendu que l'examen de l'acte d'huissier de justice du 22 novembre 2017 révèle que la société EURYNOME a communiqué à cette date à la société DELTA SI les pièces suivantes: pièce no1 AERMC méthode de projet ORGA MCO V0r3 (confidentiel) (81 pages), pièce no 1.2 AERMC SDSI Orientation 15042016 V1.1 (6 pages), pièce no 1.3 attestation signée, pièce CR CGSI N3 15042016 V0r1 (2 pages), pièce no 1.5 notice explicative AERMC V0(1page);

Attendu qu'il résulte de ces éléments que la société EURYNOME n'avait pas satisfait à ses obligations avant d'avoir été condamnée à remettre les livrables par le tribunal de sorte que ce manquement est également caractérisé ;

Attendu que le tribunal a condamné la société EURYNOME à fournir à la société DELTA SI pour le marché AERMC le référentiel gestion de projet AERLMC et les documents SDSI et notamment les CRR des CGSI ;

Attendu que la cour relève que les autres documents dont la société DELTA SI soutient qu'ils ne lui ont toujours pas été communiqués ne figurent pas au rang de ceux que la société EURYNOME a été condamnée à lui remettre et qu'elle ne forme aucune demande de production complémentaire ;

4) livrables de la CALM :

Attendu les mémoires techniques établis par la société DELTA SI au titre du marché passé par la CALM (pièce 26) énumèrent la liste des livrables suivants : installation de la fonction SI : mise en place de l'équipe et animation, référentiel méthodologique DSI : outils de suivi d'activité et de cartographie du SI, réunions hebdomadaires des agents de la DSI, plan de déploiement des processus ITIL majeurs, mise en oeuvre de la gouvernance SI LM : support et CRR de CGSI, tableau de bord du portefeuille de projets, CRR des réunions d'animation des référents, assistance méthodologique aux projets applicatifs :planning et apport méthodologique, dossier d'analyse des offres, plan de déploiement, mise en oeuvre dispositif de production, animation des réunions de cadrage de l'infogérance, animation et tableau de bord du chantier de désimbrication, météo projet (hebdomadaire),

Attendu que la société EURYNOME qui critique le jugement déféré soutient que "le tribunal n'a pas pris la peine de constater que l'intégralité des livrables avait été communiqués" et que la CALM a indiqué qu'en sa qualité de sous-traitant la société DELTA SI était en mesure de consulter ces documents ;

Attendu qu'elle produit un courrier du directeur des services de Limoges Métropole en date du 11 janvier 2017 qui répond à la demande de la société EURYNOME de communication des livrables produits par la société Adminext : "J'autorise sa transmission dans le cadre de la procédure contentieuse, tout en m'étonnant d'une telle demande de la société DELTA SI; d'une part, cet intervenant agissait en qualité de sous-traitant régulièrement déclaré par la société Adminext et agréé par l'UGAP: assurant un suivi mensuel de l'exécution des prestations, elle possède dès lors tous les éléments nécessaires. D'autre part, Limoges Métropole a procédé dès la fin de la prestation au règlement des factures qui lui ont été présentées." ;

Attendu que ce courrier ne prouve pas que la société DELTA SI ait été destinataire des livrables alors que le rédacteur de ces documents était la société EURYNOME et que celle-ci ne justifie pas les lui avoir remis étant observé que si tel avait été le cas, elle aurait nécessairement conservé une trace de cette transmission ;

Attendu que le fait que les factures aient été réglées par la CALM prouve uniquement que les prestations correspondant aux livrables ont été réalisées par EURYNOME mais non que les livrables aient été communiqués par cette dernière à DELTA SI alors qu'il n'est pas soutenu ni justifié que les livrables aient été remis au client final par cette dernière ;

Attendu qu'il ressort de l'acte de signification de l'huissier de justice du 22 novembre 2017 que la société EURYNOME a communiqué, en exécution du jugement querellé qui l'a condamné à remettre les livrables relatif à la CALM, 19 pièces correspondant aux documents intitulés météo à l'exclusion des autres documents ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la société EURYNOME a manqué à ses obligations nées du contrat cadre de sous-traitance au titre de la remise des livrables pour le marché de la CALM ;

5) sur les autre livrables :

Attendu que la décision n'est pas critiquée en ce que le tribunal a dit que la société EURYNOME n'avait pas à fournir à la société DELTA SI de livrables concernant à la mairie de Vannes ;

Attendu que concernant le marché Econom, ce point ne fait pas l'objet de discussion ; qu'il ressort du procès verbal d'huissier de justice du 22 novembre 2017 qu'il est mentionné au titre des pièces communiquées : pièce 2 livrable Econom (17 pages) ;

Attendu qu'il convient, en conséquence, de ce qui précède de confirmer la décision déférée sur les livrables sauf à limiter le montant de l'astreinte à 200 euros pour l'ensemble des livrables et la durée de l'astreinte à une durée 6 mois ;

V - Sur la demande en paiement des factures :

Attendu que la société DELTA SI ne discute pas le montant des factures qu'elle a été condamnée à payer à la société EURYNOME au titre des prestations réalisées par cette dernière dans le cadre des marchés pour lesquels elle est intervenue pour son compte en vertu de l'accord cadre, qu'elle soutient qu'elle est fondée à lui opposer l'exception d'inexécution faute de prouver qu'elle lui a remis tous les livrables correspondant et d'avoir satisfait à l'obligation nées du contrat cadre de sous-traitance ;

Mais attendu qu'il n'est pas justifié ni simplement soutenu par la société DELTA SI qu'elle n'a pas été payée des sommes dues au titre des marchés pour lesquels la société EURYNOME a effectué des prestations en vertu du contrat cadre de sous-traitance qui les liaient et qui font l'objet des factures litigieuses ;

Attendu que le fait que les marchés aient été soldés sans qu'il soit procédé à des retenues par les pouvoirs adjudicateurs établi que la société EURYNOME, qui était chargée de la réalisation des prestations techniques, a accompli ses travaux sans réserve ce qui au demeurant n'est pas discuté ;

Attendu qu'aux termes de l'accord cadre, la facturation et le règlement des honoraires de la société EURYNOME correspondent à ses interventions, qu'ils ne sont pas la contrepartie la remise des livrables de sorte que la société DELTA SI ne peut exciper de l'absence de fourniture de ces document pour ne pas s'acquitter du montant des prestations facturées ; qu'au demeurant et même à retenir qu'elle puisse invoquer utilement l'exception d'inexécution, le manquement reproché n'est pas suffisamment grave pour refuser le paiement des factures dès lors que la société EURYNOME a accompli l'ensemble des prestations qui lui ont été confiées dans le cadre des marchés et en exécution du contrat cadre de sous-traitance et que la société DELTA SI a été payée de la totalité des sommes dues à ce titre ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamnée la société DELTA SI à payer à la société EURYNOME la somme de 331.192,58 euros ;

Attendu que les factures mentionnent les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire ;

Qu'il convient également de confirmer la décision en ce qu'elle a dit que cette somme serait augmentée des intérêts de retard au taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage et de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 441-6 du code de commerce ;

VI - sur le préjudice pour retard de paiement :

Attendu que la société EURYNOME réclame au visa de l'article 1382 ancien du code civil en réparation du préjudice résultant des retards de paiement une somme de 132.395,41 euros correspondant au montant de son déficit pour l'exercice 2016 ;

Mais attendu que les parties étaient liées par un contrat ;

Qu'en application de l'article 1153 du code civil dans sa rédaction applicable, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistenet jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement, ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte, ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il n'en ressort une interpellation suffisante excepté le cas ou la loi les faits courir de plein droit, le créancier auquel son débiteur en retard a causé par sa mauvaise foi ;

Attendu que la règle de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle fait obstacle à ce que la société EURYNOME recherche la responsabilité délictuelle de la société DELTA SI à raison du préjudice allégué au titre des retards de paiements des factures qui est réparé par les intérêts majorés ;

Qu'en tout état de cause le fait d'enregistrer un résultat négatif à la suite de la constitution d'une provision pour dépréciation de créance client ne suffit pas à caractériser un préjudice correspondant, imputable au retard de paiement alors que la société n'a pas subi de perte effective du fait de cette provision ;

Qu'il convient de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la demande ;

VII - sur l'atteinte à l'image :

- sur la demande de la société EURYNOME :

Attendu que la cour relève que la société EURYNOME recherche la responsabilité de la société DELTA SI avec laquelle elle était liée par un contrat pour préjudice d'image sur le fondement de l'article 1382 du code civil en se référant à un arrêt de la Cour de cassation rendu au visa de l'article 1147 du même code ;

Attendu qu'en tout état de cause elle ne peut se plaindre d'une atteinte à son image résultant de ce qu'elle a dû solliciter l'ensemble des clients auprès desquels elle a réalisé des missions au titre du contrat cadre afin d'obtenir la communication des livrables, d'attestations et de témoignages et qu'elle s'est trouvée contrainte de les impliquer dans le différend l'opposant à la société DELTA SI ;

Qu'en effet, c'est en raison de ce qu'elle n'a pas rempli ses obligations contractuelles de remise des livrables qu'elle a effectué ces démarches, qu'au demeurant elle n'était manifestement pas tenue de les accomplir dans la mesure où il n'est pas crédible qu'elle n'ait pas conservé ces documents qu'elle a élaborés et qu'elle n'avait aucune autorisation à solliciter alors que la société DELTA SI n'était pas un tiers mais une partie au marché qui, en outre, était débitrice de la prestation dont elle lui avait confié l'exécution ;

Qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société EURYNOME de sa demande de dommages et intérêts ;

- sur la demande de la société DELTA SI :

Attendu que la société DELTA SI fait valoir que la société EURYNOME a porté atteinte à son image en sollicitant, sous prétexte de la méconnaissance de ses obligations contractuelles concernant la remise des livrables, ses clients pour les faire attester et pour la dénigrer à cette occasion ;

Mais attendu qu'il n'est pas justifié que la société EURYNOME ait dénigré la société DELTA SI que cela ne résulte pas des courriers et courriels communiqués ; que le seul fait d'avoir interrogé les clients de la société DELTA SI même à tort sur les conditions de remise des livrables alors que les marchés étaient soldés n'est pas de nature à caractériser une faute susceptible d'engager sa responsabilité alors que ces démarches n'ont été accompagnées d'aucune mise en cause de la société DELTA SI et qu'elles n'ont par conséquent pas pu lui nuire ;

Qu'au demeurant, elle ne justifie pas que ses clients aient eu une image dégradée de la société à la suite de ces démarches ni davantage du préjudice allégué ;

Qu'il convient de confirmer le jugement qui a débouté la société DELTA SI de sa demande;

VIII - sur le préjudice matériel et moral :

Attendu que la société EURYNOME soutient que depuis 2016 elle a dû effectuer de nombreuses démarches amiables auprès de la société DELTA SI, que la prolongation du différend en cause d'appel l'a empêchée de se consacrer pleinement à son activité et à la satisfaction de ses clients ;

Mais attendu que la société EURYNOME a sa part de responsabilité dans le différend qui l'oppose à la société DELTA SI ; que par suite, elle ne peut prétendre à réparation du préjudice qui en résulterait pour elle et dont au demeurant elle ne prouve pas la réalité ;

Qu'il convient de confirmer le jugement sur ce point ;

IX - sur la demande de publication de la décision :

Attendu que les sociétés EURYNOME sollicite la publication du jugement au regard notamment du préjudice d'image subi ;

Mais attendu qu'elle ne justifie d'aucun préjudice pouvant être réparé par la publication de la décision à intervenir ;

Qu'il convient de la débouter de sa demande ;

X - Sur les autres demandes :

Attendu que la compensation entre les créances réciproques des parties sera ordonnée ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur des demandes de donner acte qui n'ont pas pour objet de faire trancher un différend, les parties ayant la libre disposition des droits qu'elles envisagent d'exercer ;

Attendu qu'au regard de la nature de la décision, chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel et il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 euros code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré hormis en ce qui concerne l'astreinte et le montant de la condamnation de la société EURYNOME ASSOCIES pour violation de la clause de non concurrence ;

STATUANT À NOUVEAU

CONDAMNE la société EURYNOME ASSOCIES payer à la société DELTA SI la somme de 61.850 euros de dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence ;

LIMITE la durée de l'astreinte prononcée par le tribunal à 6 mois et à 200 euros pour l'ensemble des livrables ;

Y AJOUTANT

ORDONNE à la société EURYNOME ASSOCIES de remettre à la société DELTA SI les livrables intermédiaires du marché du GRAD PERIGUEUX dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision et ce sous astreinte de 100 euros pour l'ensemble des documents dans la limite de 6 mois ;

DÉBOUTE la société EURYNOME ASSOCIES de sa demande de publication du présent arrêt ;

DÉBOUTE les parties de leurs plus amples demandes ou contraires ;

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/032301
Date de la décision : 21/02/2019
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2019-02-21;17.032301 ?
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