COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 24/01/2019
Me Nelly X...
la SCP D... - FIRKOWSKI
ARRÊT du : 24 JANVIER 2019
No : 47 bis - 19
No RG 18/01799 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FXBE
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 22 Juin 2018
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265218888679035
SCI MAISON DE LA COQUILLE
représentée par son représentant légal Monsieur Denis A... domicilié en cette qualité audit siège [...]
Ayant pour avocat postulant Me Nelly X..., avocat au barreau de BLOIS, et ayant pour avocat plaidant Me Thomas B..., membre de l'AARPI B...-DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX,
D'UNE PART
INTIMÉS :
Maître Julien C...
mandataire judiciaire ès qualités de liquidateur de la SCI MAISON DE LA COQUILLE
[...]
Ayant pour avocat Me Olivier D..., membre de la SCP D... - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS,
Madame LE PROCUREUR GENERAL- COMMERCIAL
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 13 Juillet 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 décembre 2018
Dossier communiqué au Ministère Public le 28 septembre 2018
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du 13 DECEMBRE 2018, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé le 24 JANVIER 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
La SCI MAISON DE LA COQUILLE qui a été constituée en vue d'acquérir 2 immeubles contigus sis [...] et [...] aux fins de restauration et de location ayant connu des difficultés financières a été placée en redressement judiciaire suivant jugement du tribunal de grande instance d'Orléans du 16 juin 2017 qui a désigné Maître C... en qualité de mandataire judiciaire et a ouvert une période d'observation de 6 mois jusqu'au 16 décembre 2017.
La période d'observation a été prolongée jusqu'au 16 juin 2018 par jugement du 8 décembre 2017.
Par jugement du 22 juin 2018, le tribunal de grande instance d'Orléans a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire considérant qu'il n'y avait pas lieu d'accorder une troisième période d'observation en l'absence de propositions sérieuses en l'état du passif déclaré et compte tenu de l'absence de perspectives de redressement dans la mesure ou le plan proposé repose sur de simples projections non étayées par des éléments tangibles.
La SCI LA MAISON DE LA COQUILLE a relevé appel de la décision le 13 juillet 2018.
Par ordonnance du 17 octobre 2018, le premier président de cette cour a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire.
La SCI MAISON DE LA COQUILLE, qui poursuit l'infirmation de la décision dont appel, demande à la cour de juger que sa proposition de plan d'apurement du passif est réalisable, que le redressement n'est pas manifestement impossible et, en conséquence, de la maintenir en redressement judiciaire, de dire que la période d'observation doit se poursuivre, de renvoyer l'affaire au tribunal de grande instance d'Orléans pour qu'il soit statué sur le plan de redressement après sa diffusion par le mandataire, de condamner le mandataire judiciaire à lui payer la somme de 3.000 euros pour frais de procédure ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de Maître Thomas B....
Détaillant les difficultés rencontrées avec l'architecte chargé de la maîtrise d'oeuvre et les entreprises titulaires de marchés de travaux de restauration des immeubles avec lesquels elle est en litige, elle relève que le ministère public avait donné son accord en première instance au renouvellement exceptionnel de la période d'observation auquel le mandataire n'était pas opposé et s'étonne de ce que le parquet général considère désormais que les conditions pour l'adoption d'un plan ne sont pas réunies alors qu'elle avait communiqué au tribunal tous les éléments pour l'adoption d'une troisième période d'observation.
Elle fait valoir que sur un passif déclaré de 1.924.264,12 euros, les procédures en cours portent sur un total de 1.287.213 euros, que le montant des créances contestées s'élève à la somme de 1.374.977,38 euros et celui des créances non contestées à 201.270 euros. Elle soutient que les créances du CIC OUEST pour 962.567 euros et du CIL VAL DE LOIRE pour 193.750 euros sont prescrites, que s'agissant des procédures en cours aucune somme n'est due à la société ALMA qui n'a pas exécuté de travaux et à laquelle elle réclame le remboursement d'un acompte de 10.000 euros, que la société ROC a engagé sa responsabilité et qu'elle poursuit sa condamnation in solidum avec le maître d'oeuvre et les entreprises intervenantes à lui payer la somme de 8.514.460,72 euros, que les factures de la société SOCEM sont discutées dans la mesure où les travaux n'ont pas donné lieu à un devis ou ne sont pas conformes, que la société EBE qui lui réclame 16.508 euros lui doit 42.259 euros et enfin, s'agissant des comptes courants d'associés d'un montant de 359.180,15 euros que les associés en font l'abandon sous condition de retour à meilleure fortune.
Elle chiffre ses actifs à la somme de 9.684.877 euros correspondant à la valorisation de l'immeuble pour 1.100.000 euros et à ses créances à l'encontre des entreprises et de l'architecte pour le surplus et à 11.084.877 euros après achèvement des travaux.
Elle propose un plan d'apurement du passif non contesté de 201.270 euros après abandon des créances en compte courant des associés selon 2 options, la 1ère par règlement de 20% sur 6 mois au terme de la première année soit 40.255 euros et la seconde par règlement progressif sur 10 ans à raison de 5% la 1ère année, 8% la 2ème année, 10% les 3ème, 4ème et 5ème années, 12% les 6ème, 7ème, 8ème et 9ème années et 9% la 10ème année.
Elle indique que ses revenus locatifs seront de 90.000 euros par an à compter de 2020, qu'elle perçoit 12.000 euros de loyer annuel pour les locaux à usage de bureau donnés à bail à la SASU HRL depuis le mois de juin 2018 et qu'elle a le projet de louer à compter de 2019 un local restaurant de 120 m² moyennant un loyer annuel de 24.000 euros et des locaux de 243 m² pour y installer un PUB pour un loyer annuel de 36.000 euros. Elle précise qu'elle a en outre le projet de louer 2 logements pour 1.800 euros mensuels ou de les revendre ce qui augmentera sa capacité de remboursement.
Elle insiste sur la valeur de l'immeuble qui constitue le gage des créanciers, sur le fait que les charges courantes sont faibles et qu'elles sont assumées par les associés, sur le montant des prétentions qu'elle a formées dans le cadre des procédures en cours qui s'élève à 8.500.000 euros qui doit être rapproché de celui du passif contesté pour 1.363.550 euros ce qui, selon elle, constitue une marge de prudence compte tenu en outre des revenus locatifs attendus, sur les plaintes qu'elle a déposées pour escroquerie qui permettront de déterminer les responsabilités des intervenants à l'opération de restauration et sur les conséquences d'une éventuelle liquidation judiciaire qui obérerait ses chances de succès dans les instances en cours et préjudicierait à ses créanciers.
Maître C... ès qualités, qui demande à la cour de statuer ce que de droit sur le mérite de l'appel, entend voir débouter la SCI MAISON DE LA COQUILLE de sa demande pour frais de procédure et la voir condamner à lui payer à ce titre la somme de 1.500 euros.
Il indique s'en rapporter à justice sur les mérites de l'appel et déplore un manque de coopération du débiteur en première instance qui ne lui a pas fourni les éléments relatifs aux procédures en cours de sorte qu'il n'a pu avoir une vision précise de l'état du passif et qui lui a transmis tardivement le projet de plan empêchant sa circularisation auprès des créanciers.
Il souligne que le chantier qui a débuté depuis plus de 10 ans n'est toujours pas achevé, que la mise en location des lots n'est pas possible, qu'aucun bail n'est produit, que les recettes prévisionnelles sont illusoires, que les propositions d'apurement sont sommaires et que l'avis de l'expert comptable est assorti de beaucoup de réserves.
Le ministère public par avis communiqué aux parties avant l'audience a requis la confirmation de la décision rendue par le tribunal au motif que les conditions nécessaires pour l'adoption d'un plan n'étaient pas réunies à l'issue de la période d'observation de 12 mois.
SUR CE
Attendu qu'aux termes de l'article L 640- 1 du code de commerce, il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible ;
Attendu que la SCI MAISON DE LA COQUILLE présente un plan de redressement sur 10 ans en retenant un passif de 201.270 euros après abandon de la créance en compte courant des associés à hauteur de 359.180,15 euros ;
Attendu que selon la liste des créances en établie le 13 septembre 2018 par le mandataire Maître C..., le passif déclaré s'élève à 1.949.332,52 euros dont 198.985,65 euros à titre privilégié, 361.465,92 à titre chirographaire (dont 359.181,15 euros de compte courant abandonné par les associés avec retour à meilleure fortune), 1.363.550,55 euros à titre provisionnel correspondant aux instances en cours ;
Attendu qu'il s'ensuit que le montant du passif certain dans l'attente des instances pendantes devant les juges du fond qui peut être soumis au plan s'élève après abandon des créances en compte courant par les associés à 201.270 euros ;
Attendu que la SCI MAISON DE LA COQUILLE présente un plan d'apurement du passif sur 10 ans comprenant des règlements progressifs de 10.063,50 euros la 1ère année, 16.101,60 euros la 2ème année, 20.127 euros de la 3ème à la 5ème année, 24.152,40 euros de la 6ème à la 9ème année et 18.114,30 euros la 10ème année ;
Attendu que le financement de ce plan repose sur des recettes locatives attendues de 90.000 euros par an au titre du bail consenti à la SASU HRL et de projets de location d'un local restaurant et d'un PUB dès 2019 et de 2 logements à une date ultérieure ;
Attendu que la SCI DE LA COQUILLE justifie qu'elle a donné à bail à effet du 1er juin 2018 à la SASU HRL ayant pour associé unique Monsieur Roland A... par ailleurs associé de la SCI, des locaux à usage de bureau d'une contenance de 80 m² situés au second et troisième étage de l'immeuble du [...] moyennant un loyer de 1.000 euros mensuel sous condition suspensive d'approbation du plan d'apurement ;
Attendu que s'agissant du projet de location concernant les locaux pour y installer un restaurant, il porte selon les écritures de la SCI DE LA COQUILLE sur les 120 m² situés au sous-sol, rez-de-chaussée et 1er étage de l'immeuble du [...] , côté quai, pour un montant de 2.000 euros par mois soit 24.000 euros par an ;
Attendu qu'il convient de relever qu'il résulte de sa pièce no7 que la SCI MAISON DE LA COQUILLE a transmis au tribunal par note en délibéré un projet de bail commercial concernant ces locaux au profit d'une SARL Jimmy's Fisch and Chips à créer par une société TAPASOIF CENTRE ayant pour dirigeant Monsieur Jonathan E... moyennant un loyer mensuel de 2.000 euros ; que cette proposition n'est manifestement plus d'actualité devant la cour puisque l'appelante se prévaut désormais d'une attestation datée du 20 novembre 2018 émanant de Monsieur Luc F... (pièce 20) pour justifier de son projet de location;
Attendu qu'aux termes de cette attestation Monsieur F... indique souhaiter louer les locaux situés [...] au prix de 2.000 euros par mois à compter de la terminaison des travaux qu'il prend à sa charge, qu'il précise que ce projet se mettra en place dès que les conditions de sérénité le permettront à savoir "la SCI LA MAISON DE LA COQUILLE rétablie et son plan d'apurement validé" et que la famille A... lui a également proposé de prendre les 10 % du capital actuellement détenu par la SARL Groupe A... mise en liquidation judiciaire, qu'il reste intéressé mais demeure dans l'attente de la mise en place et de l'acceptation par les créanciers du plan d'apurement et qu'il prendra alors attache auprès du mandataire pour connaître le coût de la reprise des parts sociales ;
Attendu que ce projet est particulièrement imprécis alors même qu'il parait soumis à des conditions et relié à une autre procédure judiciaire, que surtout il n'est pas indiqué le coût des travaux pris en charge par Monsieur F... pour aménager les locaux en restaurant ni s'il entend faire l'avance des travaux où les investir à fonds perdu cette question étant susceptible d'avoir une incidence sur le montant du passif ;
Attendu que s'agissant du projet de louer à compter de 2019 des locaux d'une surface de 243m² moyennant un loyer mensuel de 3.000 euros pour y installer un PUB, il n'est produit aucun élément pour en justifier, étant relevé que l'immeuble ne pouvant être loué en l'état des travaux préalables sont nécessaires dont on ignore comment ils seraient financés ;
Attendu, enfin, que la possibilité également évoquée par l'appelante de louer deux appartements est manifestement illusoire puisqu'il n'est pas justifié que ces locaux soient davantage en état d'être loués ;
Attendu que dans son rapport sur les documents prévisionnels établi à la demande de SCI LA MAISON DE LA COQUILLE, Monsieur H... , expert comptable, écrit que "Du fait que l'entité est en période d'observation et des actions pendantes tant sur le passif faisant l'objet du plan que des réparations des préjudices la projection a été préparée sur la base d'un ensemble d'éléments comprenant des hypothèses théoriques sur des événements futurs et des actions de la direction qui ne se produiront peut être pas. En conséquence les lecteurs sont avertis que cette projection ne peut pas être utilisée à d'autres fins que celles indiquées ci-avant" ;
Or attendu que force est de constater qu'à l'issue d'une période d'observation d'un an la SCI MAISON DE LA COQUILLE n'est pas en mesure de fournir un projet construit et étayé par des éléments précis et probants concernant ses recettes à l'exclusion du bail en cours au profit de la SASU HRL de sorte que ses prévisions demeurent théoriques comme son plan qui n'est pas financé ;
Attendu que l'avis de valeur de l'immeuble communiqué retient une estimations en l'état de 1.100.000 euros à 1.150.000 euros et une estimation après travaux de 2.200.000 euros et de 2.500.000 euros ;
Attendu que cette seule estimation émanant de la société ADVENIS REAL ESTATE SOLUTIONS dont il est permis de s'interroger sur le sérieux puisqu'elle ne comporte aucun descriptif de l'immeuble ni indication quant aux élément retenus pour parvenir à cette évaluation ni davantage de précision quant aux travaux pris en compte pour chiffrer la valeur après travaux est insuffisante à elle seule à rendre compte de la valeur de l'immeuble, étant relevé qu'il ressort de la copie de la plainte qu'il a été acquis 170.000 euros pour l'immeuble de la Coquille et 60.000 euros pour l'immeuble du [...] soit des valeurs sans rapport avec les estimations ;
Attendu qu'il convient en outre de relever qu'il n'est pas explicité comment sont susceptibles d'être financés les travaux susceptibles d'améliorer la valeur de l'immeuble alors que les issues des instances en cours sont incertaines et que la SCI MAISON DE LA COQUILLE n'a pas fourni le rapport d'expertise judiciaire rendu dans le cadre des instances l'opposant au maître d'oeuvre et aux entreprises titulaires des marchés qui permettrait de connaître le véritable enjeu des litiges en cours, les éventuelles responsabilités et les chances de succès de ses prétentions;
Attendu qu'à cet égard, qu'il ne peut être tiré aucun élément d'appréciation des auditions de l'expert judiciaire et du maître d'oeuvre dans le cadre de la plainte déposée par la SCI DE LA COQUILLE qui sont communiquées ni davantage de la copie de la plainte pour escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux et destruction et dégradation de tout ou partie d'un bien classé monument historique ;
Attendu que pour ces mêmes motifs l'estimation de la valeur de ses actifs qui repose sur l'espérance d'obtention de dommages et intérêts ne peut être retenue ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que le plan présenté qui repose sur des recettes hypothétiques ne peut assurer le redressement de la SCI DE LA MAISON DE LA COQUILLE qui est manifestement impossible ;
Qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré ;
Attendu que les dépens seront employés en frais de procédure collective et il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire en dernier ressort :
CONFIRME le jugement déféré ;
DIT que le présent arrêt sera notifié par le greffe dans les conditions de l'article R 661-7 du code de commerce ;
DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE l'emploi des dépens en frais de privilégiés de procédure collective.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité et Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT