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13/12/2018 | FRANCE | N°17/024051

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 13 décembre 2018, 17/024051


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/12/2018
Me Alexis DEVAUCHELLE
la SELARL LUGUET DA COSTA
ARRÊT du : 13 DECEMBRE 2018

No : 437 - 18
No RG 17/02405 - No Portalis
DBVN-V-B7B-FQOT

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 06 Juillet 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265199255164824

Monsieur Patrice A...
né le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, av

ocat au barreau d'ORLEANS, et ayant pour avocat plaidant Me Mathieu CAVARD, avocat au barreau de PARIS,

Monsieur Jean-Marie C....

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 13/12/2018
Me Alexis DEVAUCHELLE
la SELARL LUGUET DA COSTA
ARRÊT du : 13 DECEMBRE 2018

No : 437 - 18
No RG 17/02405 - No Portalis
DBVN-V-B7B-FQOT

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLÉANS en date du 06 Juillet 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265199255164824

Monsieur Patrice A...
né le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d'ORLEANS, et ayant pour avocat plaidant Me Mathieu CAVARD, avocat au barreau de PARIS,

Monsieur Jean-Marie C...
né le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d'ORLEANS, et ayant pour avocat plaidant Me Mathieu CAVARD, avocat au barreau de PARIS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265211286267951

SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [...]

Ayant pour avocat MeArthur DA COSTA, membre de la SELARL LUGUET DA COSTA, avocat au barreau d'ORLEANS,
D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 01 Août 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 15 mars 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du 11 OCTOBRE 2018, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de la Collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de la Collégialité et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de la Collégialité,
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffiers :

Madame Irène ASCAR, Greffier placé lors des débats, et Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé lors du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé le 13 DECEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société EDELWEISS CONFORT MÉDICAL (EDELWEISS) a signé le 10 février 2011 avec la Société Générale une convention de compte courant professionnel assortie d'une convention de trésorerie courante accordant à la cliente une autorisation de découvert de 500 euros, montant porté à 15.000 euros par avenant du 24 janvier 2013.

Le 23 février 2011, la Société Générale a consenti à EDELWEISS un prêt de 170.000 euros remboursable en 7 ans au taux de 3,30% garanti par un nantissement.

Monsieur Jean-Marie C... et Monsieur Patrice A..., dirigeants d'EDELWEISS, se sont portés cautions solidaires de sa bonne fin, ce pour une durée de 10 ans et à hauteur de 221.000 euros, l'épouse de Monsieur A... ayant acquiescé à cet engagement.

EDELWEISS a bénéficié le 24 janvier 2013 d'un crédit de trésorerie de 30.000 euros au taux fixe de 2,70% l'an hors frais et assurance.

Messieurs C... et A... se sont alors portés cautions d'EDELWEISS par acte sous seing privé du 24 janvier 2013 pour une durée de 10 ans et dans la limite de la somme de 19.500 euros.

Le 18 janvier 2014, la Société Générale a accordé à EDELWEISS un deuxième prêt d'investissement d'un montant de 15.000 euros remboursable en 38 mois au taux de 3,25 %.

Le 3 juillet 2014, elle lui a accordé un troisième prêt d'investissement d'un montant de 15.000 euros, remboursable en 39 mois au taux fixe de 2,50 %.

Par actes sous seing privé en date du 24 octobre 2014 pour Monsieur C... et du 26 juin 2013 pour Monsieur A... les dirigeants de la société ont garanti solidairement pour une durée de 10 ans chacun dans la limite de la somme de 36.000 euros les engagements souscrits par EDELWEISS envers la Société Générale.

Chacun de ces actes de caution précise que chaque engagement s'ajoute ou s'ajoutera à toutes garanties réelles ou personnelles qui ont pu ou qui pourront être fournies au profit de la banque par la caution, par le cautionné ou par tout tiers.

EDELWEISS a été placée en liquidation judiciaire le 11 septembre 2015.

La banque a déclaré sa créance entre les mains de Maître E..., désigné liquidateur, et, après avoir mis en vain en demeure les cautions d'honorer leurs engagements, les a assignées le 20 mai 2016 devant le tribunal de commerce d'Orléans en réclamant leur condamnation solidaire à lui verser en vertu de leurs engagements de caution du 24 janvier 2013 :

- 4.582,01 euros au titre du solde du compte courant de la société,
- 8.987,59 euros au titre du prêt de 15.000 euros contracté le 18 janvier 2014
- 10.748,35 euros au titre du second prêt de 15.000 euros contracté le 3 juillet 2014,
et ce dans la limite, pour chacune des cautions, de la somme de 19.500 euros constituant le plafond de leurs cautionnements respectifs.
Elle a en outre sollicité leur condamnation solidaire en vertu de leurs engagements de caution des 24 octobre 2011 et 26 juin 2013, à lui verser :
- 34.111,15 euros au titre du crédit de trésorerie,
- 71.648,26 euros au titre du prêt de 170.000 euros contracté le 23 février 2011.

Monsieur C... et Monsieur A... se sont opposés à ces demandes.

Par jugement en date du 6 juillet 2017, le tribunal a écarté le moyen tiré d'une disproportion des engagements des cautions, rejeté les demandes des défendeurs tendant à la communication des fiches de renseignements individuels et de l'étude réalisée par le pôle franchise de la Société Générale, débouté Messieurs C... et A... de leur demande tendant à la déchéance du prêteur de son droit à percevoir les intérêts contractuels, et les a condamnés solidairement à payer à la Société Générale :

-4.582,01 euros selon comptes arrêtés au 14 mars 2016, avec intérêts au taux légal à compter du19 octobre 2015,
- 8.987,59 euros selon comptes arrêtés au 14 mars 2016 majorés des intérêts aux taux de 7,25% l'an calculés sur la somme de 8.541,25 euros à compter du 15 mars 2016 jusqu'à la date du parfait et complet paiement,
- 10.748,35euros selon comptes arrêtés au 14 mars 2016 majorés des intérêts aux taux de 6,50% l'an calculés sur la somme de 10.281,13 euros à compter du 15 mars 2016 jusqu'à la date du parfait et complet paiement,

Le tribunal a dit que ces trois sommes seront plafonnées, pour chacun des défendeurs, à la somme en principal de 19.500 euros, lequel plafond une fois atteint, portera intérêts au taux légal en application de l'article 1153 du code civil.

Il les a en outre condamnés solidairement à payer à la banque :
-34.111,45 euros selon comptes arrêtés au 14 mars 2016 majorés des intérêts aux taux de 2,70 % l'an calculés sur la somme de 34.060,06 euros à compter du 15 mars 2016 jusqu'à la date du parfait et complet paiement, et a dit que cette somme sera plafonnée pour chacun des défendeurs à 36.000 euros lequel plafond de leur cautionnement respectif une fois atteint, portera intérêts au taux légal en application de l'article 1153 du code civil,
- 71.648,26 euros selon comptes arrêtés au 14 mars 2016 majorés des intérêts aux taux de 7,30 % l'an calculés sur la somme de 68.043,95 euros à compter du 15 mars 2016 jusqu'à la date du parfait et complet paiement et a dit que cette somme sera plafonnée pour chacun des défendeurs à 221.000 euros lequel plafond de leur cautionnement respectif une fois atteint, portera intérêts au taux légal en application de l'article 1153 du code civil.

Le tribunal a en outre ordonné la capitalisation annuelle des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, dit, qu'en cas de recouvrement forcé, le droit prévu à l'article 10 du décret no96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale sera supporté par Monsieur A... et Monsieur C..., dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné les défendeurs à supporter les dépens.

Messieurs C... et A... ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du premier août 2017.

Ils demandent à a cour de :
- faire injonction à la Société Générale de communiquer l'étude réalisée par son Pôle franchise dans le cadre de la demande de financement de la société EDELWEISS CONFORT MÉDICAL,
- juger que les cautionnements qu'ils ont souscrits sont disproportionnés au regard de leurs biens et revenus,
- débouter la Société Générale de l'ensemble de ses demandes formées à leur encontre,
- dire qu'elle a violé l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et de la déchoir en conséquence de son droit aux intérêts,
- la condamner au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Ils soutiennent que la société EDELWEISS était un emprunteur profane, qu'eux-mêmes étaient des cautions profanes et ils rappellent que la Cour de cassation précise que la banque est tenue, vis-à-vis d'une telle caution, non pas d'une simple obligation d'information, mais d'une obligation de mise en garde sur l'importance des risques présentés par l'opération cautionnée. Ils précisent que la banque a créé un pôle franchise, dont la mission est d'examiner préalablement à l'octroi des prêts, si les modalités d'exploitation annoncées par les franchiseurs correspondent à la réalité de leur expérience et de leur réseau ou si au contraire, ces modalités d'exploitation sont purement hypothétiques et ils affirment que, contrairement au candidat à la franchise, la banque a accès à des informations relevant du secret bancaire, est en mesure de procéder à des vérifications sur la personne du franchiseur et la situation du réseau de franchise existant, et ce d'autant plus lorsqu'elle est la banque du franchiseur lui-même. Ils affirment qu'ils n'avaient aucune connaissance du secteur d'activité concerné par le projet de franchise, ce que la Société Générale ne pouvait ignorer au stade de l'étude de faisabilité du dossier de financement et que la banque a en conséquence manqué à son obligation de contracter de bonne foi tant avec l'emprunteur qu'envers eux-mêmes. Ils indiquent que l'étude de leurs patrimoines, tant à ce jour que lors de la souscription des engagements litigieux, confirme leur caractère disproportionné. Et ils soutiennent que le prêteur n'a pas respecté son obligation annuelle d'information.

La Société Générale conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation des appelants à lui verser une nouvelle indemnité de procédure de 3.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la Selarl LUGUET-DA COSTA.

Elle fait valoir qu'elle n'était pas tenue d'un quelconque devoir de mise en garde, tout d'abord parce que tant Monsieur C... que Monsieur A... étaient des cautions averties puisqu'en leurs qualités de gérants, ils ne pouvaient ignorer la situation de la personne morale emprunteuse et détenaient toutes les informations utiles pour apprécier la portée de leurs engagements et qu'ils ne démontrent pas qu'elle-même aurait eu sur leur situation ou sur celle de la franchisée des informations qu'ils auraient ignorées ; ensuite parce que les projets qu'elle a financés ne présentaient aucun risque excessif, ce qui est démontré par le fait que liquidation judiciaire est intervenue plus de 4 ans après la souscription du premier prêt et que EDELWEISS a fait face à ses engagements financiers jusqu'à l'ouverture de la procédure collective.

Elle soutient que les engagements de caution n'étaient pas disproportionnés au regard des déclarations qui lui ont été faites par Messieurs C... et A... et dont elle n'avait pas à vérifier l'exactitude en l'absence d'anomalies apparentes.

Elle affirme enfin avoir respecté l'obligation d'information annuelle des cautions imposée par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

- Sur les manquements de la banque :

Attendu qu'après avoir exposé qu'ils étaient novices dans le domaine des activités exercées par la société qu'ils ont créée, et qu'ils étaient des cautions "profanes", indiqué qu'ils revendiquent la qualité de caution non avertie envers laquelle la banque est tenue d'un devoir de mise en garde sur les risques d'endettement résultant de l'opération cautionnée, les appelants se contentent de soutenir qu'en ne communiquant pas l'étude de faisabilité du dossier de financement ni son analyse du DIP faisant ressortir des risques, "la banque a manqué à son obligation de contracter de bonne foi à l'égard de l'emprunteur, mais également des cautions profanes" ;

Qu'ils se bornent à demander, dans le dispositif de leurs écritures qui lie seul la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, qu'il soit enjoint à l'intimée "de verser au débat l'étude réalisée par son Pôle franchise dans le cadre de la demande de financement de la société EDELWEISS CONFORT MÉDICAL" ;

Que l'argumentation de Messieurs C... et A... n'est dès lors pas aisée à cerner ;

Qu'elle n'est en effet pas clairement fondée sur un manquement du prêteur à son devoir de mise en garde puisque, s'ils évoquent une telle obligation dans le paragraphe de leurs écritures intitulé "en droit", ils ne reprennent pas, dans celui intitulé " au cas d'espèce", les éléments qui caractériseraient un tel défaut de mise en garde mais se contentent de faire état d'"un manquement de la banque à son obligation de contracter de bonne foi" et de réclamer communication de documents d'études en possession du prêteur ;

Qu'il convient toutefois de rappeler que la preuve d'un manquement de la banque à son devoir de mise en garde incombe à la caution qui doit, en application de l'article 954 du code de procédure civile, exposer les éléments de fait et les moyens qu'il développe à l'appui de chacune de ses prétentions, ce que ne font pas les appelants ;

Que surtout, le préjudice né du manquement d'un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter ;

Qu'il est donc exclusivement réparé par l'octroi de dommages et intérêts ;

Attendu qu'en l'espèce, ni Monsieur A..., ni Monsieur C... ne sollicitent paiement de tels dommages et intérêts ;

Que, s'il avait pu être retenu, malgré le caractère imprécis de leurs explications mais au regard des pièces produites par la banque, et notamment de leurs premiers engagements de cautions, qu'ils n'étaient pas des cautions averties puisque Monsieur A... était ingénieur chez Shell lorsqu'il a créé la société EDELWEISS et que Monsieur C... bénéficiait d'indemnités Pole emploi, ce qui peut démontrer qu'il était auparavant salarié et non chef d'entreprise, il ne peut cependant qu'être constaté que les appelants ne tirent aucune conséquence d'un manquement éventuel de la banque à son obligation de mise en garde puisqu'ils ne sollicitent pas l'indemnisation du préjudice qui leur aurait été causé par ce manquement ;

Qu'en l'absence de demande en paiement de dommages et intérêts, la communication des documents réclamés n'apparaît dès lors pas utile à la solution du litige, étant au surplus observé que les appelants reprochent à la banque de ne pas avoir complètement informé l'emprunteur alors qu'en cas de liquidation judiciaire et en application de l'article L.650-1 du code de commerce la banque ne peut être tenue pour responsable des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises (Cass. Com. 27/03/2012 P no10-20077);

Que le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de communication de pièces qui est aujourd'hui encore seule demandée à la cour ;

- Sur le caractère disproportionné des engagements :

Attendu qu'aux termes de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du code de la consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ;

Que la disproportion s'apprécie lors de la conclusion du contrat de cautionnement au regard du montant de l'engagement souscrit et des biens et revenus de la caution et que doit être pris en considération l'endettement global de cette dernière, fût-il constitué par des engagements de caution précédents annulés en raison de leur disproportion ;

Qu'au regard des dispositions légales applicables et de la jurisprudence établie sur les règles gouvernant l'appréciation de la disproportion, la Société Générale soutient à tort que celle-ci doit s'apprécier au regard des différentes garanties souscrites, en soulignant qu'en l'espèce chaque caution bénéficie d'un recours contre l'autre caution à hauteur de ses parts et portions, ce qui revient, au final, à diviser par deux l'encours garanti par chacune d'elles, et qu'elles bénéficient en outre toutes deux de la subrogation dans les droits du créancier, leur ouvrant la possibilité de se prévaloir du nantissement de fonds de commerce inscrit en garantie du prêt contracté le 23 février 2011 ;

Que, professionnelle du crédit, elle ne peut en effet ignorer qu'elle doit vérifier la proportionnalité des engagements d'une caution au regard de ses seules ressources et patrimoine, pour vérifier si ceux-ci lui permettent de faire face à l'intégralité de ses propres engagements et ce sans tenir compte de l'existence d'autres cautions solidaires ou d'autres garanties ;

Que la Société Générale reproche également sans fondement à Messieurs C... et A... de ne pas avoir produit de pièces justifiant de ce que leur situation financière actuelle ne leur permettrait pas de faire face au règlement des sommes sollicitées puisqu'il résulte de la combinaison de l'article 1315 du code de commerce et de l'article L 341-4 du code de la consommation qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution lors de sa conclusion d'établir, qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ;

Attendu que Monsieur A... a déclaré :

? le 17 décembre 2010, disposer de ressources mensuelles d'un montant de 3.500 euros, être à la tête d'une épargne de 138.000 euros, être propriétaire d'un bien immobilier commun d'une valeur de 400.000 euros grevé d'un endettement d'un montant de 196.000 euros et disposer en conséquence d'un actif net de 342.000 euros, ce qui lui permettait de s'engager sans difficultés à hauteur de 221.000 euros ;

-? le 11 juin 2013 disposer de ressources mensuelles de 2.915 euros et posséder un bien immobilier d'une valeur de 270.450 euros sans charge d'emprunt ;

Que cet actif net de 262.000 euros lui permettait de faire face à son engagement du 17 février 2011, pour un montant plafonné à 221.000 euros ;

Que sa seconde déclaration fait ressortir, en tenant compte de son premier engagement à hauteur de 221.000 euros, un actif de 49.450 euros qui lui permettait sans disproportion de cautionner EDELWEISS le 24 janvier 2013 pour un montant plafonné à 19.500 euros, et le 26 juin 2013 de s'engager sans disproportion manifeste à hauteur de 36.000 euros puisque son actif net était encore de 29.950 euros lors de la souscription de ce denier engagement ;

Que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que ses engagements n'étaient pas disproportionnés à ses revenus et patrimoine ;

Attendu que Monsieur Jean-Marie C... a déclaré :

? le 17 décembre 2010 disposer de ressources mensuelles d'un montant de 3.000 euros et posséder une épargne d'un montant de 102.500 euros ;

Que dès le 17 février 2011 son engagement souscrit à hauteur de 221.000 euros était dès lors manifestement disproportionné à son actif de 102.500 euros et que ses ressources ne lui permettaient pas de s'acquitter sans difficultés de la somme supplémentaire de 120.000 euros s'il était recherché par le prêteur ;

Que le second engagement souscrit le 24 janvier 2013 était également disproportionné au regard de ces mêmes éléments ;

? le 22 octobre 2014 disposer de ressources mensuelles de 2.000 euros et posséder une épargne d'un montant de 65.000 euros, et que le troisième engagement qu'il a souscrit le 24 octobre 2014 à hauteur de 36.000 euros était, au regard des deux premiers cautionnements et de ses ressources et patrimoine, encore plus disproportionné ;

Qu'au regard de ces disproportions manifestes, il convient de faire droit à la demande de Monsieur C... tendant à se voir déclarer inopposables les trois engagements de caution qu'il a consentis à la Société Générale pour garantir les engagements d'EDELWEISS ;

- Sur l'obligation d'information annuelle des cautions :

Attendu qu'aux termes de l'article L.313-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou par une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution ainsi que le terme de cet engagement ;

Que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information et que les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ;

Que la Société Générale soutient démontrer qu'elle a rempli son obligation en produisant sous ses pièces 31 et 32 les courriers adressés aux cautions les 21 mars 2013, 6 mars 2014 et 16 mars 2015, soit avant le 31 mars de chaque année, ces lettres mentionnant, d'une part la date du terme de l'engagement, d'autre part la somme restant due en principal, les intérêts n'étant précisés que pour le solde débiteur du compte courant ;

Que ces courriers ne précisent pas le montant des intérêts, commissions frais ou accessoires pour les autres crédits et ne respectent donc pas les dispositions d'ordre public de l'article L.313-22 du code monétaire et financier ;

Que Monsieur A... sera donc condamné à payer à la Société Générale la somme réclamée au titre du solde débiteur du compte courant mais que, par infirmation du jugement déféré, la Société Générale sera déchue de son droit à lui réclamer paiement des intérêts dus par l'emprunteur principal au titre des autres crédits ;

Qu'il convient en conséquence, avant dire droit sur les sommes dues par cette caution, d'ordonner la réouverture des débats pour permettre au prêteur de communiquer un décompte tenant compte de cette déchéance et de l'imputation de tous les paiements déjà effectués sur le capital emprunté ;

Attendu que cette réouverture des débats ne concernant que Monsieur A..., il convient d'ores et déjà de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur C... ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise hormis en ce qu'elle a :

-rejeté la demande de Monsieur Patrice A... et de Monsieur Jean-Marie C... tendant à voir enjoindre à la Société Générale de produire l'étude réalisée par son Pôle franchise dans le cadre de la demande de financement de la société EDELWEISS CONFORT MÉDICAL,

- rejeté la demande de Monsieur Patrice A... tendant à se voir déclarer inopposables pour disproportion ses engagements de caution,

- condamné Monsieur A... à verser à la Société Générale 4.582,01 euros au titre du solde débiteur du compte courant, selon comptes arrêtés au 14 mars 2016, avec intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2015 et capitalisation des intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Société Générale ou de Monsieur A...,

STATUANT À NOUVEAU sur ses autres chefs,

DIT disproportionnés à ses revenus et patrimoine les trois engagements de caution souscrits par Monsieur Jean-Marie C... pour garantir la société EDELWEISS MÉDICAL CONFORT,

DÉBOUTE en conséquence la Société Générale de ses demandes en paiement formées à son encontre,

CONDAMNE la Société Générale à payer à Monsieur Jean-Marie C... la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que la banque est déchue de son droit à réclamer paiement, par Monsieur Patrice A..., des intérêts dus par la société EDELWEISS MÉDICAL CONFORT au titre des crédits cautionnés par lui autres que le solde débiteur du compte courant,

AVANT DIRE DROIT sur les sommes dues par Monsieur Patrice A...,

ORDONNE la réouverture des débats pour permettre à la banque de communiquer un décompte tenant compte de cette déchéance et de l'imputation de tous les paiements déjà effectués sur le capital emprunté et à Monsieur A... de s'expliquer sur ce décompte,

DIT que l'affaire sera à nouveau évoquée lors de l'audience du 07 février 2019 à 9h30,

SURSOIT À STATUER sur les dépens et les demandes formées en cause d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/024051
Date de la décision : 13/12/2018
Sens de l'arrêt : Réouverture des débats

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-12-13;17.024051 ?
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