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06/12/2018 | FRANCE | N°18/008341

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 06 décembre 2018, 18/008341


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 06/12/2018
la SELARL E...
la SARL ARCOLE

ARRÊT du : 06 DECEMBRE 2018

No : 424 - 18
No RG 18/00834 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FU6S

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 12 Janvier 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé Y...: 1265211880346100

Madame Monique Z... épouse A...
née le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Jean-yves B..., membre de la SELAR

L E... , avocat au barreau de TOURS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé Y...: 1265223385436366

SA BANQUE CIC OU...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 06/12/2018
la SELARL E...
la SARL ARCOLE

ARRÊT du : 06 DECEMBRE 2018

No : 424 - 18
No RG 18/00834 - No Portalis
DBVN-V-B7C-FU6S

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de TOURS en date du 12 Janvier 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé Y...: 1265211880346100

Madame Monique Z... épouse A...
née le [...] [...]
[...]

Ayant pour avocat Me Jean-yves B..., membre de la SELARL E... , avocat au barreau de TOURS,

D'UNE PART

INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé Y...: 1265223385436366

SA BANQUE CIC OUEST Immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 855801072,
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...]

Ayant pour avocat Me Thierry C..., membre de la SARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS,

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 19 Mars 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 11 octobre 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 08 NOVEMBRE 2018, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Irène ASCAR, Greffier placé, lors des débats, et Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé, lors du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 06 DECEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé en date du 29 janvier 2008, la banque CIC OUEST (le CIC) a consenti à la société A... D... , dont Madame Monique Z..., épouse A..., était cogérante avec Madame D..., un prêt d'un montant de 82.000 euros en vue du rachat du fonds de commerce.

Ce prêt était remboursable en 84 mensualités au taux fixe de 5,01% et était garanti par le nantissement du fonds de commerce, une garantie OSEO à hauteur de 50%, ainsi que par le cautionnement personnel et solidaire de Madame D... et de Madame A... dans la limite de 49.200 euros pour une durée de 108 mois.

La société A... D... a été placée en redressement judiciaire par décision du tribunal de commerce de Tours en date du premier février 2011 et le CIC a déclaré sa créance le 2 mars 2011 pour la somme de 53.842,21 euros.

Par nouvelle décision en date du 28 juillet 2015, le tribunal de commerce a converti le la procédure collective en liquidation judiciaire.

Le CIC après avoir mis en vain en demeure Madame Z... d'honorer ses engagements l'a assignée le 2 novembre 2016 devant le tribunal de commerce de Tours afin d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 49.200 euros outre une indemnité de procédure.

Par jugement en date du 12 janvier 2018 le tribunal a fait droit à ces demandes en allouant au CIC, outre la somme principale réclamée assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 août 2015, une indemnité de procédure de 800 euros.

Madame Z... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 19 mars 2018.

Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de prononcer la nullité de son engagement de caution ou subsidiairement, de constater le manquement à l'obligation d'information précontractuelle de la banque quant au caractère subsidiaire de la garantie OSEO à l'égard des cautions et de la condamner à lui verser la somme de 41.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter ; de constater le défaut d'information et de mise en garde de la banque et de la condamner à lui verser 50.000 euros au titre de dommages et intérêts. A titre infiniment subsidiaire, elle demande qu'il soit constaté que son engagement était manifestement disproportionné et que la banque ne peut s'en prévaloir. En tout état de cause, elle réclame condamnation de l'intimée à lui verser 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas signé l'acte de cautionnement accolé au contrat de prêt souscrit par la société A... D... à la suite de la mention manuscrite portant son engagement ; qu'elle n'a donc pas eu conscience de la portée de ce dernier et que les dispositions de l'article L.341-2 ancien du code de la consommation n'ont pas été respectées, peu important qu'elle ait apposé son paraphe à la suite de la mention manuscrite.
Subsidiairement, elle prétend que la nullité du cautionnement résulte également d'une absence d'information suffisante sur la garantie OSEO puisqu'il n'est pas précisé au sein du contrat de cautionnement que ce dernier ne peut être invoqué par les tiers, notamment l'emprunteur ou ses garants personnels, ce qui l'a trompée sur l'étendue de cette garantie qu'elle pensait devoir jouer avant la sienne.
A titre encore subsidiaire, elle soutient que l'absence d'information donnée sur la garantie OSEO caractérise un manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde à l'égard des cautions, affirmant qu'elle n'avait pas la qualité de caution avertie puisqu'elle créait une société dans le domaine de l'alimentation de détail dans lequel elle n'avait aucune expérience, et elle fait valoir que son engagement était disproportionné à ses ressources en soutenant en substance que le fait que la banque ne puisse produire de fiche de renseignements sur ses ressources et patrimoine suffit à démontrer une telle disproportion qui est en outre établie au regard de la modicité de ses ressources.

Le CIC conclut à la confirmation du jugement déféré et demande en tout état de cause à la cour d'y ajouter condamnation de l'appelante à lui verser une indemnité de procédure de 2.500 euros ainsi qu'à supporter les dépens. A titre subsidiaire et si un manquement à son devoir d'information était retenu, il demande à la cour de limiter le montant des dommages et intérêts alloués à Madame Z....
Il soutient que l'argumentation de l'appelante quant à l'absence de signature de son engagement de caution est sans bonne foi puisque Madame Z... a apposé sa signature en marge de la mention manuscrite et non au pied de celle-ci dans la mesure où cette mention occupait tout l'espace de la page qui lui était réservé et que, si elle avait voulu signer en dessous de la clause pré-imprimée, elle l'aurait fait en milieu de page et qu'il y aurait alors eu un espace entre la clause et le début de la mention manuscrite ; qu'il est clair que la signature a été apposée pour valider la mention manuscrite et non la clause pré-imprimée et que l'appelante a en outre apposé son paraphe sous la mention de son engagement dont elle avait pleine et entière conscience.

Il fait valoir que Madame Z... prétend tout aussi inexactement ne pas avoir été informée du contenu de la garantie OSEO puisque l'acte de prêt stipule en page 3 à la rubrique "définition des garanties" que "le présent cautionnement s'ajoute et s'ajoutera à toutes garanties réelles ou personnelles qui ont pu ou qui pourront être fournies au profit de la banque par la caution, par le cautionné ou par tout tiers" et elle soutient qu'en tout état de cause, une carence d'information sur cette garantie ne saurait entraîner la nullité du contrat, faute de démonstration de son intention dolosive.
Il souligne qu'une garantie ne profite qu'à celui à qui elle est donnée et que Madame Z... ne peut raisonnablement invoquer le fait qu'elle ait pu croire qu'elle avait elle-même un recours contre OSEO ou pouvait invoquer cette garantie pour diminuer son engagement. Et à titre subsidiaire, il prétend que l'appelante ne démontre aucunement que si elle avait su que la garantie OSEO ne pouvait lui profiter, elle n'aurait pas souscrit son propre engagement de caution alors que ce dernier n'était que de 50% du prêt accordé et que si elle ne s'était pas engagée, le prêt n'aurait pas été accordé, ce qui aurait réduit à néant son projet.
Il ne conteste pas que Madame Z... n'était pas une caution avertie mais il soutient qu'il n'était tenu d'aucun devoir de mise en garde puisque le prêt finançait l'achat du fonds de commerce pour le prix de 82.000 euros dont il n'est pas allégué qu'il était excessif ou inadapté ; que les échéances d'emprunt étaient payées sans retard au moment du dépôt de bilan lui-même dont il ignore les motifs puisque Madame Z... n'a pas produit le jugement arrêtant le plan de redressement et qu'il avait été remboursé pendant trois ans ce qui démontre que la société avait la capacité de supporter et d'y faire face. Il souligne que les prévisionnels qui lui avaient été transmis établissaient en outre que l'affaire était viable et le prêt adapté.

Enfin, elle souligne que, dans la fiche caution qu'elle a remplie, Madame Z... a fait état de revenus annuels de 13.200 euros dont rien ne permet d'affirmer comme elle le fait qu'il se serait agi de revenus futurs de la nouvelle activité financée et d'autre part a indiqué qu'elle était propriétaire de sa maison construite en 1998, cette acquisition ayant été complétée en 2001 par celle d'une parcelle adjacente ; que, si subsistait encore à cette date un emprunt sur la maison, il incombait à l'appelante de l'indiquer dans la fiche à la rubrique "emprunts et engagements " ce qu'elle n'a pas fait et la rend irrecevable à invoquer aujourd'hui cet élément.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code de la consommation toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : En me portant caution de X
dans la limite de la somme de
couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de
je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X
n'y satisfait pas lui-même ;

Que l'article L.343-1 du même code rappelle que ces formalités sont prévues à peine de nullité ;

Que le terme "formalités" désigne tant la mention manuscrite que la signature de la caution;

Que l'article L.331-1 précisant que la mention légale doit " précéder" la signature de la caution, la jurisprudence applique rigoureusement ce texte en ce qui concerne l'exigence de l'apposition de la signature immédiatement après les mentions manuscrites ;

Qu'elle admet une certaine souplesse en cas d'apposition d'une signature qui n'est pas située immédiatement sous ces dernières par exemple ( Cass. Com. 28 juin 2016, no 13-27.245) lorsque la mention manuscrite a été interrompue par un texte pré- imprimé tiré de la loi informatique et libertés, qui empêchait une rédaction en continu, et avait été reprise, au dessous de ce texte, pour se terminer tout en bas de page, empêchant ainsi l'apposition de la signature à sa suite ;

Qu'a également été admise la signature de la caution apposée à la suite de ces mentions, non pas immédiatement après mais au bas de la même page, à la suite de mentions pré-imprimées qui ne sont que l'indication de précisions à donner dans la mention manuscrite et le modèle du texte de ladite mention ( Cass. Com., 28 février 2018, no 16-24.637 )
Qu'il ressort de cette jurisprudence que l'apposition de la signature de la caution doit se faire en dessous de la mention manuscrite -même si ce n'est pas immédiatement en dessous- et qu'une signature dans un endroit autre n'est admise qu'en cas d'impossibilité matérielle ;

Que ceci s'explique par la nécessité, en respectant les dispositions impératives de l'article L 331-2 du code de la consommation, de s'assurer de l'accord plein et entier donnée par la caution à son engagement ;

Attendu qu'en l'espèce Madame Z... a apposé sa signature en bas de la formule pré-imprimée et à côté à gauche des trois premières lignes de la mention manuscrite ;

Que, contrairement à ce que soutient le prêteur, il existait un espace disponible au- dessous du passage manuscrit, à droite de celui-ci, cet espace ayant été ensuite occupé par les paraphes des parties qui auraient pu être portés à un autre endroit ;

Qu'il ne peut en conséquence être retenu que Madame Z... ne pouvait apposer sa signature ailleurs qu'en marge de la mention manuscrite ;

Que son paraphe en bas de la page ne peut substituer l'absence de la signature exigée par les dispositions d'ordre public du code de la consommation ;

Qu'il convient dès lors de constater que l'engagement de caution dont se prévaut la banque n'est pas conforme aux dispositions d'ordre public de l'article L.331-1 susvisé et d'en prononcer la nullité ;

Attendu que le sens du présent arrêt conduit à ne pas examiner les demandes subsidiaires de l'appelante ;

Que le CIC, succombant à l'instance, en supportera les dépens sans qu'il y ait lieu cependant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU,

DÉCLARE nul et de nul effet l'engagement de caution souscrit le 29 janvier 2008 par Madame Monique Z..., épouse A..., pour garantir les engagements de la S.A.R.L. A... D... ,

DÉBOUTE en conséquence la banque CIC OUEST de toutes ses demandes formées à l'encontre de Madame Monique Z..., épouse A...,

DÉBOUTE Madame Monique Z..., épouse A..., de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la banque CIC OUEST aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Maëlle BOUGON, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/008341
Date de la décision : 06/12/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-12-06;18.008341 ?
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