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22/11/2018 | FRANCE | N°18/003891

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 22 novembre 2018, 18/003891


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/11/2018
la SCP X...
Me Sandra Y...

ARRÊT du : 22 NOVEMBRE 2018

No : 403 - 18

No RG : 18/00389 - No Portalis DBVN-V-B7C-FUBR

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 17 Octobre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 215290873084

SA CA CONSUMER FINANCE
anciennement dénommée SOFINCO,
Pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en c

ette qualité au siège social [...]

représentée par Me Pierre A... de la SCP X... , avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

IN...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/11/2018
la SCP X...
Me Sandra Y...

ARRÊT du : 22 NOVEMBRE 2018

No : 403 - 18

No RG : 18/00389 - No Portalis DBVN-V-B7C-FUBR

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLEANS en date du 17 Octobre 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 215290873084

SA CA CONSUMER FINANCE
anciennement dénommée SOFINCO,
Pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social [...]

représentée par Me Pierre A... de la SCP X... , avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 212979495489

Monsieur Manuel C...
né le [...] à PITHIVIERS
[...]
[...]

représenté par Me Sandra Y..., avocat au barreau d'ORLEANS

Madame Isabelle D... épouse C...
née le [...] à CAMBRAI [...]

représentée par Me Sandra Y..., avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 8 Février 2018
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 27 septembre 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 4 OCTOBRE 2018, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Mme Irène ASCAR, Greffier placé lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 22 NOVEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 30 avril 2013 la société CONSUMER FINANCE a consenti à Monsieur Manuel C... et son épouse, Madame Isabelle D..., un prêt de 52.000 euros remboursable en 96 mensualités au taux de 8,5%.

Plusieurs échéances étant demeurées impayées, le prêteur a prononcé la déchéance du terme avant d'assigner le 23 mai 2017 Monsieur et Madame C... devant le tribunal d'instance d'Orléans afin d'obtenir leur condamnation solidaire à lui verser le solde du prêt restant dû outre une indemnité de procédure

Par jugement en date du 17 octobre 2017 le tribunal a condamné solidairement Monsieur et Madame C... à payer à la SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 8.346,80 euros au taux contractuel de 8,50% l'an à compter du 14 janvier 2017 et a accordé 24 mois de délai aux emprunteurs pour s'acquitter de cette somme. Pour statuer ainsi il a retenu que la déchéance du terme n'était pas intervenue faute de mise en demeure préalable.

CONSUMER FINANCE a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 8 février 2018.

Elle en poursuit l'infirmation en demandant à la cour de condamner solidairement Monsieur et Madame C... à lui verser la somme de 52.096,46 euros au taux contractuel de 8,106% l'an à compter du 9 janvier 2017. A titre subsidiaire, si la cour retenait que la déchéance du terme n'était pas acquise de prononcer la résolution judiciaire du contrat de crédit et de condamner solidairement les intimés à lui verser 33.219,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2017, date de la délivrance de l'assignation. Elle réclame en tout état de cause 2.000 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnation des intimés à supporter les dépens.

Elle fait valoir que le tribunal ne l'a pas invitée à s'expliquer sur l'absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme et n'a pas statué sur sa demande subsidiaire de résiliation du contrat de crédit. Elle soutient avoir adressé des mises en demeures régulières aux emprunteurs, précise que le premier impayé non régularisé est en date du 5 septembre 2015 et qu'elle n'était pas forclose en son action en délivrant assignation le 23 mai 2017 ; que les emprunteurs ont gravement manqué à leurs obligations contractuelles et que la clause résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques. Elle fait observer que les intimés fondent leurs écritures sur les articles 1225 et 1226 du code civil issus de l'ordonnance no2016-131 du 10 avril 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016 alors que seuls les anciens articles 1183 et suivant du même code s'appliquent en l'espèce pour régir la résolution judiciaire ; qu'aucun de ces textes n'imposait au créancier de transmettre une mise en demeure préalable au débiteur. Elle affirme enfin n'avoir commis aucune faute et souligne que les intimés ne s'expliquent pas sur le préjudice qu'ils indiquent avoir subi. Elle s'en rapporte enfin sur la demande de délais de paiement.

Monsieur et Madame C... concluent également à l'infirmation du jugement déféré, sollicitent le rejet des condamnations formées à leur encontre, le versement de la somme de 33.219,85 euros à titre de dommages et intérêts et la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties. A titre subsidiaire ils réclament les plus larges délais de paiement et sollicitent en tout état de cause versement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils prétendent qu'ils n'ont reçu aucun des courriers adressés par l'établissement prêteur qui ne justifie pas de l'avis de réception de ses lettres et prétendent qu'il ressort des articles 1225 et 1226 du Code civil, que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification ; que cependant sauf urgence, il doit, dans ce cas, préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire son engagement dans un délai raisonnable ; que cette mise en demeure doit également mentionner expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier peut résoudre le contrat. Ils font valoir que c'est CONSUMER FINANCE qui vise elle-même ces articles dans le cadre de ses écritures d'appelante et qu'elle a donc voulu soumettre le litige à l'application des articles 1225 et 1226 du code civil, issus de l'ordonnance de du 10 avril 2016. Ils précisent que si la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, cette gravité n'est pas exclusive d'un délai de préavis ; que CONSUMER FINANCE ne sollicite la résiliation judiciaire que pour tenter de pallier sa carence et n'est donc pas de bonne foi. Ils soutiennent par ailleurs que "la cour ne pourra pas prononcer la résolution judiciaire dès lors que la SA CA CONSUMER FINANCE par son courrier en date du 9 janvier 2007, reçu par les intimés le 14 janvier 2007 a d'ores et déjà notifié la rupture du contrat."

Si par impossible la cour venait à prononcer la résolution judiciaire du contrat de crédit, ils affirment que la demande en paiement n'est ni justifiée ni fondée juridiquement au regard du comportement fautif du prêteur et qu'ils sont bien fondés à solliciter l'indemnisation de leur préjudice et ils soutiennent que la condamnation prononcée à leur encontre par le tribunal ne repose sur aucun fondement et n'est nullement motivée en droit.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que l'appelante ne démontre pas avoir notifié aux emprunteurs la prochaine déchéance du terme en cas de non paiement des arriérés puisque, si elle communique des lettres de mise en demeure elle ne produit aucun avis de leur réception ;

Que c'est dès lors à raison et sans violation du principe du contradictoire que le tribunal, devant lequel les époux C... avaient expressément contesté la réception de courriers, ce qui permettait au prêteur de communiquer toutes pièces démontrant cette réception, a retenu que la déchéance du terme n'avait pas été régulièrement prononcée ;

Mais attendu que le premier juge a omis de statuer sur la demande subsidiaire de CONSUMER FINANCE tendant à voir prononcer la résiliation (et non la résolution) du contrat pour manquements graves et répétés des emprunteurs à leurs obligations contractuelles ;

Que c'est sans aucune pertinence que les intimés soutiennent que l'appelante aurait entendu faire application des dispositions des articles 1225 et 1226 du code civil issus de l'ordonnance de du 10 avril 2016 alors qu'ils ne contestent pas que ces dispositions légales ne sont pas applicables au présent litige et qu'ils indiquent uniquement que c'est l'appelante elle-même qui les a citées dans ses écritures ;

Que la volonté d'une partie de se soumettre à des dispositions légales non applicables doit être expresse et sans équivoque, ce qui n'est manifestement pas le cas en l'espèce puisqu'une telle citation ne saurait caractériser la volonté de CONSUMER FINANCE de soumettre le litige à ces articles alors qu'elle prétend très clairement dans ses écritures que ces dispositions légales ne lui sont pas applicables ;

Attendu qu'en tout état de cause, si le prêteur ne peut prononcer lui-même la déchéance du terme qu'après une mise en demeure de régulariser les arriérés demeurée vaine, il n'en demeure pas moins qu'aucun texte de loi, et même pas les articles 1225 et 1226 du code civil, ne lui interdit de demander à un juge de prononcer la résiliation du contrat, les intimés confondant manifestement la clause résolutoire de plein droit, dont le prêteur peut se prévaloir sans avoir recours au juge, et la clause résolutoire sous entendue dans tout contrat synallagmatique dont le prêteur peut demander au juge de faire application en apportant la preuve qui lui incombe d'un manquement de son cocontractant à ses obligations ;

Que les époux C..., qui ne contestent aucunement avoir laissé impayées plusieurs échéances du crédit qu'ils avaient souscrit et être en conséquence débiteurs de CONSUMER FINANCE, n'ont pas exposé pour quel motif un prêteur souhaitant légitimement recouvrer sa créance serait de mauvaise foi en sollicitant le prononcé de la déchéance du terme par le juge, cette possibilité lui étant, ainsi qu'il vient d'être exposé, ouverte concomitamment avec celle de prononcer lui-même cette déchéance après mise en demeure préalable ;

Que les intimés, qui contestent formellement la rupture du contrat prononcée sans mise en demeure préalable de leur prêteur, se contredisent en prétendant que la cour ne pourrait prononcer la déchéance du terme au motif que CONSUMER FINANCE par son courrier en date du 9 janvier 2007, reçu par les intimés le 14 janvier 2007, a d'ores et déjà notifié la rupture du contrat" ;

Que c'est précisément parce que cette "rupture" n'était pas régulière que CONSUMER FINANCE forme une demande subsidiaire qui ne saurait être écartée au regard d'une précédente rupture à bon droit contestée par les emprunteurs et qui ne produit en conséquence aucun effet;

Attendu par ailleurs qu'assignés le 23 mai 2017 devant le tribunal, les époux C..., qui ont été avertis à cette date de ce que le prêteur sollicitait subsidiairement la résiliation du contrat pour manquement grave et répété à leur obligation de remboursement, cette assignation valant mise en demeure, ne sauraient sérieusement prétendre, alors que l'audience devant la cour s'est tenue le 4 octobre 2018, qu'ils n'ont pas bénéficié d'un délai suffisant pour leur permettre de régulariser leur situation ;

Que depuis 17 mois ils n'ont procédé à aucun paiement et n'ont même pas exécuté la décision déférée qui les avait condamnés au seul paiement des échéances restant dues, et ce alors même qu'ils n'objectent rien à l'argumentation de l'appelante concernant l'absence de règlement des échéances dues jusqu'à l'assignation ;

Attendu dès lors qu'il convient de constater que les manquements des époux C... à leurs obligations ne sont ni contestés ni expliqués et de faire droit à la demande de CONSUMER FINANCE tendant à voir prononcer la déchéance du terme au 23 mai 2017;

Attendu que l'appelante n'a pas communiqué devant la cour de décompte permettant de vérifier les échéances impayées et le capital restant dû à la date du prononcé du présent arrêt mais se contente de solliciter paiement de 33.219,85 euros qui correspond au seul capital restant dû à la date de déchéance du terme ;

Qu'il convient dès lors de faire droit à cette demande en paiement et d'assortir la condamnation des intérêts au taux légal, ainsi qu'il est demandé ;

Attendu que Monsieur et Madame C... justifient par la production de leurs revenus et de leurs charges d'emprunt immobilier de leur situation de débiteurs malheureux mais de bonne foi ;

Que l'appelante ne s'opposant pas à l'octroi de délais de paiement, ceux-ci seront accordés dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt ;

Attendu qu'au regard des situations respectives des parties, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise hormis en ce qu'elle a condamné Monsieur Manuel C... et son épouse, Madame Isabelle D..., à supporter les dépens de première instance,

STATUANT À NOUVEAU sur ses autres chefs

CONMNE solidairement Monsieur Manuel C... et son épouse, Madame Isabelle D..., à payer à la société CONSUMER FINANCE la somme de 33.219,85 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 mai 2017,

AUTORISE Manuel C... et Madame Isabelle D..., à se libérer de cette dette au moyen de 23 versements de 800 euros, le dernier du solde,

DIT qu'en cas de non paiement d'une seule des échéances ainsi fixées, l'intégralité de la somme due deviendra immédiatement exigible après un délai de 8 jours suivant une mise en demeure adressée par la société CONSUMER FINANCE à la dernière adresse des débiteurs que ceux-ci lui auront communiquée,

Y AJOUTANT,

DÉBOUTE la société CONSUMER FINANCE de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONMNE in solidum Monsieur Manuel C... et Madame Isabelle D... aux dépens d'appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/003891
Date de la décision : 22/11/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-11-22;18.003891 ?
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