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22/11/2018 | FRANCE | N°17/025071

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 22 novembre 2018, 17/025071


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/11/2018
SCP X...
Me Véronique Y...

ARRÊT du : 22 NOVEMBRE 2018

No : 393 - 18
RG No17/02507
No Portalis DBVN-V-B7B-FQVK

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLÉANS en date du 28 avril 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE : timbre fiscal dématérialisé no: 1265206126554129

Madame Michèle A... épouse B...
née le [...] à SAINT GERMAIN DU PUY (18390)
[...] - [...]

Ayant pour avocat Me Susana C

..., membre de la SCP X... , avocats au barreau d'ORLÉANS,

D'UNE PART

INTIMÉE : timbre fiscal dématérialisé no: 1265207375648834

SA...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/11/2018
SCP X...
Me Véronique Y...

ARRÊT du : 22 NOVEMBRE 2018

No : 393 - 18
RG No17/02507
No Portalis DBVN-V-B7B-FQVK

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLÉANS en date du 28 avril 2017

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE : timbre fiscal dématérialisé no: 1265206126554129

Madame Michèle A... épouse B...
née le [...] à SAINT GERMAIN DU PUY (18390)
[...] - [...]

Ayant pour avocat Me Susana C..., membre de la SCP X... , avocats au barreau d'ORLÉANS,

D'UNE PART

INTIMÉE : timbre fiscal dématérialisé no: 1265207375648834

SA BANQUE DU GROUPE CASINO,
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège [...]

Ayant pour avocat Me Véronique Y..., avocat au barreau d'ORLÉANS,

D'AUTRE PART

Déclaration d'appel en date du : 11 août 2017
Ordonnance de clôture du : 28 juin 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 4 OCTOBRE 2018, à 9 heures 30, devant Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Irène ASCAR, greffier placé lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 22 NOVEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 24 mai 2013, Madame Michèle A... divorcée B... a souscrit un crédit de 8.000 euros auprès de la société Banque du groupe Casino (BANQUE CASINO).

Des échéances étant demeurées impayées, l'établissement prêteur a prononcé la déchéance du terme et a assigné Madame A... le premier septembre 2016 devant le tribunal d'instance d'Orléans en réclamant paiement de la somme de 8.494,79 euros.

Par jugement en date du 28 avril 2017, le tribunal a prononcé la déchéance de l'intégralité du droit aux intérêts de la BANQUE CASINO en raison de l'absence d'information annuelle de l'emprunteur sur les conditions de reconduction de l'ouverture de crédit et a condamné Madame A... à payer la somme de 7.322,35 euros au titre du capital restant dû outre les intérêts au taux légal à compter du 17 août 2015.

Madame A... a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 11 août 2017.

Elle en poursuit l'infirmation en demandant à titre principal à la cour de déclarer irrecevables comme étant forcloses les demandes formées à son encontre. À titre subsidiaire, elle conteste le montant des sommes mises à sa charge et demande à la cour d'enjoindre à l'intimée de produire un décompte tenant compte de l'imputation des intérêts dont elle s'est déjà acquittée, et elle réclame la restitution de ces intérêts en sollicitant leur capitalisation à son profit. Elle demande également à la cour de déchoir la banque de son droit à percevoir des intérêts légaux majorés. Elle sollicite par ailleurs paiement de 3.500 euros de dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde et, si des sommes devaient rester à sa charge malgré la compensation qu'elle réclame, sollicite des délais de paiement l'autorisant à s'acquitter de sa dette au moyen de 24 mensualités s'imputant en priorité sur le capital. En tout état de cause elle réclame versement d'une indemnité de procédure de 1.800 euros.

Elle affirme tout d'abord que le premier incident de paiement non régularisé est en date du mois d'octobre 2013 et que l'assignation a été délivrée près de trois années plus tard. Elle fait ensuite valoir que le premier juge l'a condamnée à verser la somme de 7.322 euros sans déduire de ce montant les intérêts qu'elle a déjà versés au prêteur alors que celui-ci, déchu de son droit à réclamer paiement d'intérêts contractuels, doit lui restituer ces intérêts. Et elle soutient qu'il convient de déchoir également la banque de son droit à percevoir des intérêts légaux majorés afin que la sanction prononcée à son encontre en raison du non respect des dispositions du code de la consommation soit dissuasive. Elle fait également valoir que BANQUE CASINO n'a pas suffisamment vérifié sa solvabilité et ne l'a pas mise en garde sur les risques d'endettement en la laissant s'engager sur 5 années alors qu'elle était déjà âgée de 68 ans, ne percevait qu'une modeste retraite, supportait déjà le coût d'un crédit, avait à sa charge deux enfants majeurs handicapés et elle fait valoir qu'elle est elle-même malade.

BANQUE CASINO sollicite la confirmation du jugement déféré, hormis en ce qu'il l'a déchue de son droit à percevoir les intérêts contractuels. Elle demande à la cour de condamner Madame A... à lui verser 8.494,79 euros en principal, outre les intérêts au taux du contrat à compter du 27 juillet 2015 et jusqu'à parfait paiement, de rejeter l'ensemble des prétentions de l'appelante et de la condamner à lui verser une indemnité de procédure de 500 euros ainsi qu'à supporter les dépens comprenant le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 22 mai 2008, portant modification du décret du 12 décembre 1996 no 96/1080 et dont distraction au profit de Maître Y....

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

- Sur la forclusion :

Attendu que les parties s'accordent à reconnaître qu'est applicable au litige la forclusion biennale édictée par l'article L.311-37 devenu L.311-53 du code de la consommation et pour retenir que le point de départ du délai de forclusion est la date du premier incident de paiement non régularisé ;

Qu'elles s'opposent au contraire sur la date de celui-ci ;

Attendu que Madame A... soutient que le premier incident de paiement non régularisé est en date du mois d'octobre 2013 et que, l'assignation lui ayant été délivrée 3 années plus tard, la banque est forclose en son action en paiement ;

Mais attendu que l'appelante ne conteste pas l'historique des versements produit par l'intimée sous le numéro 4 de ses pièces communiquées ;

Qu'il résulte de cette pièce qu'en raison de versements opérés après le mois d'octobre 2013 par Madame A..., lesquels ont été normalement imputés sur les impayés les plus anciens en application de l'article 1256 du code civil, le premier impayé non régularisé est en date du 10 novembre 2014 ;

Que l'assignation ayant été délivrée le premier septembre 2016, soit moins de deux années après le premier incident de paiement non régularisé, l'argumentation de Madame A... d'une forclusion de l'action engagée à son encontre est en conséquence sans fondement ;

- Sur la déchéance de la banque de son droit à réclamer paiement des intérêts contractuels :

Attendu que le tribunal a retenu que le prêt souscrit par Mme A... était un crédit renouvelable ;

Que tel n'est cependant pas le cas puisque les conditions contractuelles prévoient expressément en entête que Madame A... souscrit un "prêt personnel amortissable" et précisent ensuite que le crédit est remboursable en 60 échéances d'un même montant au taux de 7,63% ;

Que, pour un tel prêt, le prêteur n'est pas tenu d'une information annuelle de l'emprunteur sur les conditions de la reconduction annuelle tacite du contrat ;

Que la banque justifie également avoir consulté le FICP et qu'elle a régulièrement mis en demeure l'appelante à deux reprises de régulariser sa situation et l'a avisée la seconde fois que faute de paiement elle prononcerait la déchéance du terme ;

Qu'aucun manquement aux dispositions du code de la consommation ne peut donc lui être reproché et que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il l'a déchue de son droit à réclamer paiement des intérêts conventionnels ;

Attendu que la créance de l'intimée est ainsi ventilée au 27 juillet 2015 :

- échéances impayées : 1453,55 euros dont 343,06 euros d'intérêts et 96 euros d'assurance
- assurance courue à la date de déchéance du terme : 6,58 euros
- intérêts en cours à cette date : 49,90 euros
- indemnité conventionnelle : 578,11 euros ;

Que l'indemnité conventionnelle, qui a le caractère d'une clause pénale, apparaît manifestement excessive au regard du taux d'intérêts contractuels et de l'absence de préjudice spécifique allégué par le prêteur ;

Qu'elle sera donc réduite à un euro ;

Que Madame A... sera donc condamnée à payer la BANQUE CASINO la somme de 7.721,89 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 7,63% sur 7.226,35 euros et au taux légal sur le surplus à compter du 28 juillet 2015 ;

- Sur le devoir de mise en garde incombant au prêteur :

Attendu qu'un établissement de crédit, avant d'apporter son concours à un emprunteur non averti, doit en vertu du devoir de mise en garde auquel il est tenu à son égard, l'alerter sur les risques encourus de non remboursement et ne pas lui accorder un crédit excessif par rapport à ses facultés contributives ;

Attendu que Madame A... soutient qu'elle encourait un important risque d'endettement puisqu'elle ne perçoit qu'une retraite de 1.390 euros mensuels, doit s'acquitter d'un crédit de 220 euros mensuels contracté pour acquérir un véhicule, qu'elle a la charge de ses deux enfants majeurs lourdement handicapés et a elle-même une grave maladie ;

Mais attendu que l'appelante n'est pas fondée à opposer à l'établissement prêteur de tels revenus et de telles charges puisque, lorsqu'elle a rempli la fiche de solvabilité qui lui a été remise avant de lui accorder un crédit, elle a indiqué être mariée, sans enfant à charge, être propriétaire de son domicile, être retraitée depuis juillet 2010 et percevoir des revenus de 1.530 euros par mois pour des charges de 220 euros par mois au titre d'un prêt automobile ;

Qu'à l'appui de ces déclarations elle a communiqué son avis d'imposition pour l'année 2012, ce qui a permis au prêteur de vérifier ces revenus ;

Qu'elle ne saurait sérieusement soutenir que le prêteur aurait été entièrement informé de sa situation parce que l'objet du prêt indique que Madame A... souhaitait "aider sa fille", une telle mention n'établissant aucunement que cette fille était à sa charge ni qu'elle avait également son fils à charge, ni qu'elle-même était gravement malade ;

Qu'en outre, s'il est établi que les deux enfants de l'appelante sont handicapés par une maladie génétique, il n'est pas indiqué et encore moins justifié qu'ils ne perçoivent aucun revenu, et pas même l'allocation adulte handicapé, et ne pourraient contribuer à leur entretien au domicile de leur mère ;

Que l'appelante, étant tenue, lors de la déclaration de ses ressources et de ses charges, d'un devoir de loyauté envers l'établissement prêteur, ne peut dès lors faire état de charge ou de revenus contraires à ceux qu'elle lui a elle-même déclarés ;

Qu'au regard de revenus mensuels de 1.530 euros sans charge de loyer avec une seule charge d'emprunt de 220 euros, BANQUE CASINO a pu à raison retenir que le crédit souscrit, qui entraînait des remboursements mensuels de 172,79 euros, ne faisait courir aucun risque particulier d'endettement à Madame A... ;

Qu'au regard de l'espérance moyenne de vie, il n'était pas non plus anormal ou particulièrement risqué d'accorder à une personne de 68 ans un prêt amortissable en 5 années ;

Que BANQUE CASINO n'était donc tenue d'aucun devoir de mise en garde envers l'appelante qui sera donc déboutée de sa demande tendant au paiement de dommages et intérêts ;

- Sur les délais de paiement :

Attendu que Madame A... expose que sa situation ne peut s'améliorer mais n'indique pas quel est le montant des mensualités dont elle pourrait s'acquitter dans le délai maximum de deux années autorisé par la loi ;

Qu'au regard de la somme due elle devrait procéder à des paiements de plus de 300 euros mensuels pour régler l'intégralité de sa dette en deux années ;

Qu'elle n'a pu payer 173 euros mensuels et qu'elle ne pourra donc pas plus apurer cette dette au moyen de paiement de 300 euros ;

Qu'au surplus elle a déjà bénéficié, par les délais de la procédure, de délais de paiement de plus de deux années sans commencer à apurer, ne serait-ce que partiellement, cette dette et qu'il ne sera dès lors pas fait droit à sa demande tendant à l'octroi de délais de paiement ;

- Sur les autres demandes des parties :

Attendu que l'appelante, succombant à l'instance, en supportera les dépens, qui ne comprendront pas les émoluments d'huissier de justice que la loi laisse à la charge du créancier, étant observé que l'article 10 du décret du 22 mai 2008, portant modification du décret du 12 décembre 1996 no96/1080 n'est plus applicable ;

Qu'au regard des situations respectives des parties et malgré le caractère peu sérieux de l'appel, il ne sera pas fait droit à la demande formée par l'intimée au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise hormis en ce qu'elle a débouté l'établissement prêteur de sa demande en paiement d'une indemnité conventionnelle, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Madame Michèle A... aux dépens,

STATUANT À NOUVEAU sur les autres chefs,

CONDAMNE Madame Michèle A... à payer la société BANQUE du groupe Casino la somme de 7.721,89 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 7,63% sur 7.226,35 euros et au taux légal sur le surplus à compter du 28 juillet 2015,

Y AJOUTANT,

DÉBOUTE la société Banque du groupe Casino de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel ;

CONDAMNE Madame Michèle A... aux dépens d'appel, qui ne comprendront pas les émoluments d'huissier de justice que la loi laisse à la charge du créancier,

ACCORDE à Maître Y..., avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Madame Irène ASCAR, greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 17/025071
Date de la décision : 22/11/2018
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-11-22;17.025071 ?
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