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15/11/2018 | FRANCE | N°18/008821

France | France, Cour d'appel d'Orléans, C1, 15 novembre 2018, 18/008821


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/11/2018
Me X... Y...
la SCP LAVAL - Z...

ARRÊT du : 15 NOVEMBRE 2018

No : 389 - 18
No RG : No RG 18/00882 - No Portalis DBVN-V-B7C-FVCA

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge de l'exécution de Montargis en date du 1er Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265212018614750

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE
agissant poursuites et diligences de son représentant

légal domicilié [...]

représentée par Me X... Y..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant, et ayant pour avocat...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/11/2018
Me X... Y...
la SCP LAVAL - Z...

ARRÊT du : 15 NOVEMBRE 2018

No : 389 - 18
No RG : No RG 18/00882 - No Portalis DBVN-V-B7C-FVCA

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge de l'exécution de Montargis en date du 1er Février 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265212018614750

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié [...]

représentée par Me X... Y..., avocat au barreau d'ORLEANS, avocat postulant, et ayant pour avocat plaidant Me Cécile B..., membre de la SCP LAVILLAT et B..., avocat au barreau de MONTARGIS,

D'UNE PART

INTIMÉS : - Timbre fiscal dématérialisé No: Exonération

Monsieur Christophe C...
né le [...] à GIEN (45) (45500)
[...]

représenté par Me Joanna Z... membre de la SCP LAVAL - Z..., avocat au barreau d'ORLEANS,
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/004004 du 25/06/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)

Madame Sandra D... épouse C...
née le [...] à BEAUGENCY (45) (45190)
[...]

représentée par Me Joanna Z..., membre de la SCP LAVAL - Z..., avocat au barreau d'ORLEANS

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 30 Mars 2018
ORDONNANCE D'AUTORISATION D'ASSIGNATION A JOUR FIXE en date du :
17 avril 2018

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 27 SEPTEMBRE 2018, à 14 heures, devant Madame Elisabeth HOURS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Mme Irène ASCAR, Greffier placé lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé le 15 NOVEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon acte notarié en date du 3 septembre 2011, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire (la CRCAM) a consenti à Monsieur Christophe C... et à son épouse, Madame Sandra D... deux prêts immobiliers :
- un prêt no [...] (prêt 4422) d'un montant de 47.000 euros au TEG de 4,903%
- un prêt no [...](prêt 4431) d'un montant de 52.289 euros au TEG de 5,023%.

Par jugement en date du premier février 2018, le juge de l'orientation a constaté que la CRCAM agissait en vertu d'un titre exécutoire et que la saisie portait sur des droits saisissables, dit que la créance de la CRCAM est exigible, rejeté ou déclaré irrecevables les prétentions de Monsieur et Madame C..., fixé la créance de la banque arrêtée au 24 mars 2016 à 11.704,30 euros outre intérêts de 0,38% à compter du 24 mars 2016 et 37,63 euros au titre de l'indemnité légale pour le prêt 4422 et à 41.579,35 euros outre intérêts au taux de 0,38% à compter du 24 mars 2016 et 632,18 euros au titre de l'indemnité légale pour le prêt 4431. Le tribunal a en outre constaté la suspension de la procédure de saisie immobilière jusqu'à l'approbation d'un plan conventionnel de redressement, dit que la suspension n'a pas d'effet à l'égard de Madame C..., autorisé la vente amiable des biens et droits immobiliers des débiteurs moyennant un prix minimum de 90.000 euros et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure. Pour statuer ainsi, il a notamment retenu que les TEG réels calculés selon la formule du rendement interne étaient en réalité de 5,032 % pour le prêt 4422 et de 4,9091% pour le prêt 4431.

La CRCAM a, le 30 mars 2018, relevé un appel de cette décision limité aux montants auxquels ses créances ont été fixées.
Elle demande à la cour d'infirmer la décision en ce qu'elle a substitué le taux d'intérêt légal au taux d'intérêt contractuel, de déclarer les époux C... irrecevables en leur demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels ou de déclarer cette demande non fondée, de fixer ses créances à la somme totale de 89.959,33 euros outre intérêts au taux contractuel à compter du 25 avril 2016, de condamner les intimés à lui verser une indemnité de procédure de 1.500 euros et de renvoyer l'affaire à une audience du juge de l'exécution de Montargis dans un délai ne pouvant excéder quatre mois.

Elle soutient tout d'abord que les intimés étaient irrecevables comme prescrits à solliciter l'application du taux légal au lieu du taux contractuel. A titre subsidiaire, elle fait valoir que le premier juge, qui a procédé d'office à un recalcul du TEG, n'a pas vu que ses calculs, qu'elle conteste, n'étaient pas opérants puisqu'ils aboutissaient à une différence de moins d'une décimale avec les TEG contractuels et qu'aux termes d'une jurisprudence constante, une telle différence lui permet pas de substituer le taux légal au taux conventionnel. A titre subsidiaire elle répond à l'argumentation développée par les époux C... devant le premier juge sur les seules primes de l'assurance obligatoire prises en compte pour le calcul du TEG, sur le taux de période qui est clairement mentionné comme étant mensuel, sur la validité de la déchéance du terme, sur le montant de la créance et le caractère prétendument disproportionné de la procédure de saisie, sur l'application de l'article L 313-3 du code monétaire et financier, ainsi que sur la demande de suspension des poursuites et de délais de paiement.

Monsieur C... forme appel incident en demandant à la cour de constater que la déchéance du terme n'a pas été régulièrement prononcée et que la créance invoquée par l'appelante n'est pas liquide ni exigible. A titre subsidiaire il sollicite la confirmation du jugement déféré et en tout état de cause réclame condamnation de l'appelante à lui verser une indemnité de procédure de 5.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens.
Il soutient que la lettre recommandée qui lui a été adressée par la banque ne mentionne pas qu'à défaut de paiement de l'arriéré, l'intégralité des sommes seront dues. Et il demande à la cour d'approuver la motivation du jugement déféré sur l'irrégularité du TEG.

Madame C... assignée en l'étude de l'huissier de justice, n'a pas constitué avocat. Le présent arrêt sera donc rendu par défaut.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu que, pour soutenir que la déchéance du terme n'a pas été valablement prononcée au motif que la lettre que l'établissement prêteur lui a adressée le 16 juillet 2015, ne saurait valoir mise en demeure régulière ;

Mais attendu que cet argument ne peut qu'être écarté, ce courrier indiquant clairement que, faute pour les époux C... d' avoir réglé, dans un délai de quinze jours la somme totale de "1.762,37 € selon détail ci-après", le créancier procéderait au recouvrement de sa créance ;

Que la lecture de ce courrier ne permettait pas aux débiteurs de ne pas comprendre que la créance qui serait alors recouvrée serait celle due au titre du prêt puisque le contrat prévoyait expressément la déchéance du terme en cas d'impayés ;

Que le tribunal a dès lors à raison retenu que la mise en demeure était régulière et que la déchéance du terme était intervenue ;

Attendu que l'argument de la CRCAM d'une prescription de l'action en contestation du TEG introduite plus de 5 années après la conclusion du prêt ne peut qu'être rejeté;

Qu'en effet, le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG (cf notamment 1re Civ., 1 mars 2017, pourvoi no 16-10.142);

Qu'en l'espèce, la banque ne soutient pas que les prêts consentis aux débiteurs étaient très simples ou que les modalités de calcul des TEG étaient, comme tous les éléments permettant de vérifier ce calcul, précisées dans le contrat, et que les époux C... ayant indiqué avoir connu l'erreur affectant selon eux le TEG moins de cinq années avant d'engager leur action, aucune prescription ne peut leur être opposée ;

Attendu par ailleurs qu'aucune violation du principe du contradictoire ne peut être reprochée au juge de l'exécution qui était saisi d'une contestation du TEG débattue par les deux parties et devait procéder au recalcul de ce dernier pour vider cette saisine, la CRCAM ayant été à même de lui présenter ses propres calculs ;

Attendu cependant qu'il ne peut qu'être constaté que les calculs du premier juge aboutissent à une différence avec le TEG appliqué par la banque inférieure à une décimale ;

Que si le juge de l'exécution a retenu qu'il résulte de la lecture de l'annexe de l'article R 313-1 du code de la consommation que le caractère général et particulièrement exprès de cette disposition conduit à sanctionner toute mention de TEG erroné, ce qui est effectivement une lecture possible de ce texte, il n'en demeure pas moins qu'aux termes d'une jurisprudence désormais fixée, la Cour de cassation retient que, lorsque l'écart entre le TEG mentionné dans le contrat de prêt et le produit du taux de période par le nombre d'échéances de remboursement dans l'année est inférieur à la décimale mentionnée par l'article R 313-1 du code de la consommation, il n'y a pas lieu à annulation de la clause d'intérêts conventionnels (cf notamment Cass. Com. 18 mai 2017 no 16-11.147) ;

Qu'en l'espèce l'écart est loin d'atteindre la décimale puisqu'il est de 0,009% pour le prêt 4422 et de 0,061% pour le prêt 4431 ;

Qu'il convient dès lors d'infirmer les chefs de la décision déférée et de faire droit à la demande principale tendant à voir appliquer le taux conventionnel ;

Attendu que les créances de la CRCAM sont ainsi ventilées au 17 février 2016 :
prêt 4422
échéances impayées : 2.866,66 euros dont 155,93 euros d'intérêts
capital restant dû : 28.861,59 euros
indemnité contractuelle de 7% : 2.220,98 euros

prêt 4431
échéances impayées : 684,32 euros dont 675,54 euros d'intérêts
capital restant dû : 52.216,20 euros
indemnité contractuelle de 7% : 3.703,04 euros ;

Que les indemnités contractuelles ont le caractère d'une clause pénale qui peut être réduite d'office par le juge et qu'au regard du taux d'intérêt contractuel, de l'absence de préjudice spécifique allégué par la banque et de la vente de l'immeuble des emprunteurs, elles apparaissant manifestement excessives et seront réduites chacune à un euro ;

Que la créance de la banque sera donc fixée à :
- 31.728,25 euros assortie des intérêts au taux contractuel sur 31.572,32 euros à compter du 16 février 2016 pour le prêt no4422,
- 52.900,52 assortie des intérêts au taux contractuel sur 52.224,98 euros à compter du 16 février 2016 pour le prêt no 4431 ;

Attendu que, faute pour l'appelante d'indiquer à la cour les dates d'audiences du juge de l'exécution de Montargis, il ne peut être fait droit à sa demande tendant au renvoi à l'une de ces audiences et qu'il appartiendra à la CRCAM de faire réinscrire l'affaire au rôle de cette juridiction ;

Attendu que l'équité commande, au regard de la situation des débiteurs, de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, rendu contradictoirement et en dernier ressort,

STATUANT dans les limites de l'appel qui ne concerne que le montant de la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire,

INFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a fixé la créance de la banque à la somme de 11.704,30 euros arrêtée au 24 mars 2016 outre intérêts de 0,38% à compter du 24 mars 2016 et 37,63 euros au titre de l'indemnité légale pour le prêt 4422 et à 41.579,35 euros outre intérêts au taux de 0,38% à compter du 24 mars 2016 et 632,18 euros au titre de l'indemnité légale pour le prêt 4431.

STATUANT À NOUVEAU sur ces seuls chefs,

FIXE la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire à
- 31.728,25 euros assortie des intérêts au taux contractuel de 0,38% sur 31.572,32 euros à compter du 16 février 2016 pour le prêt no4422
- 52.900,52 assortie des intérêts au taux contractuel de 0,38% sur 52.224,98 euros à compter du 16 février 2016 pour le prêt no 4431,

DIT qu'il appartiendra à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire de faire réinscrire l'affaire au rôle du juge de l'exécution de Montargis,

Y AJOUTANT,

DÉBOUTE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Loire de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens d'appel seront utilisés en frais privilégiés de vente.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : C1
Numéro d'arrêt : 18/008821
Date de la décision : 15/11/2018
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2018-11-15;18.008821 ?
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