COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 15/11/2018
la SELARL JALLET etamp; ASSOCIES
la SELARL 2BMP
la SCP LEROY
ARRÊT du : 15 NOVEMBRE 2018
No : 382 - 18
No RG : No RG 17/03599 - No Portalis DBVN-V-B7B-FS6Y
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOURS en date du 31 Octobre 2017
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265216701305658
SCI L2G
pris en la personne de son représentant légal , Monsieur Gilles A..., domicilié en cette qualité audit siège [...]
représentée par Me Jean-michel JALLET, membre de la SELARL JALLET etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS,
D'UNE PART
INTIMÉS :
Monsieur B... G...
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265215515894751
[...]
représenté par Me Vincent BRAULT- JAMIN, membre de la SELARL 2BMP, avocat au barreau de TOURS,
SA CAISSE D'EPARGNE LOIRE CENTRE
coopérative à Directoire au capital de 392.219.900 €, prise en la personne de son représentant légal
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265205850423841
[...]
ayant pour avocat postulant Me Hugues LEROY, avocat au barreau d'Orléans, et ayant comme avocat plaidant Me Fabrice TOURNIER-COURTES, membre de LAWFIELDS Avocats, avocat au barreau de Paris,
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 15 Décembre 2017
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 28 juin 2018
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 27 SEPTEMBRE 2018, à 14 heures, devant Madame Elisabeth HOURS, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre, qui en a rendu compte à la collégialité
Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,
Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,
Greffier :
Mme Irène ASCAR, Greffier placé lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé le 15 NOVEMBRE 2018 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur et Madame Gilles A... ont constitué le 1er février 2004 avec leurs six enfants mineurs, la SCI L2G (la SCI), laquelle a acquis, le 28 avril 2005, un immeuble de six appartements et un terrain de 225 m², le tout à usage locatif, situé lieudit [...] sur la commune de [...] et ce moyennant le prix de 237.900 euros.
Le 24 juillet 2006, la SCI a revendu cet immeuble à Monsieur B... G... moyennant le prix de 245.000 euros financé par l'acquéreur au moyen d'un prêt de 269.500 euros remboursable sur 20 ans contracté auprès de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Centre (la Caisse d'Epargne).
Par arrêt en date du 10 juin 2013, devenu irrévocable à la suite du rejet du pourvoi de la SCI par une décision de la Cour de cassation en date du 7 octobre 2014, cette cour a fait droit à la demande Monsieur G... tendant à la résolution de la vente et a condamné la SCI à lui rembourser la somme de 245.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt, 23.500 euros au titre des frais occasionnés par la vente et 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, a ordonné la capitalisation des intérêts échus et alloué à Monsieur G... la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Pour statuer ainsi, elle a retenu que l'immeuble était irrémédiablement insalubre puisqu'il nécessitait des travaux estimés à 492.365 euros HT.
En exécution de ces décisions, la SCI a, le 18 octobre 2013, adressé à Monsieur G... la somme de 276.000 euros.
Le 5 mars 2015, Monsieur G... a assigné la Caisse d'Epargne devant le tribunal de grande instance de Tours en lui demandant de constater la nullité ou la résiliation du contrat de prêt conclu avec la Caisse d'Epargne. Il a fait valoir à l'appui de cette demande que la banque avait refusé de tirer les conséquences des décisions définitives prononçant la résolution du contrat principal interdépendant du contrat de prêt et qu'il était donc contraint de l'assigner à cette fin. Il n'a formé aucune demande envers la SCI mais la Caisse d'Epargne a quant à elle assigné cette dernière en intervention forcée en sollicitant sa condamnation à réparer son préjudice.
Par jugement en date du 31 octobre 2017, le tribunal, statuant sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a dit que l'emprunt souscrit par Monsieur G... le 11 juillet 2006 modifié par l'avenant du 11 décembre 2010 est l'accessoire du contrat de vente du 24 juillet 2006, constaté que la résolution de la vente immobilière est devenue définitive par l'arrêt de la Cour de cassation en date du 7 octobre 2014, a prononcé la résolution du contrat de prêt, dit que Monsieur G... sera tenu de rembourser à la Caisse d'Épargne le capital d'un montant de 269.500 euros, condamné la banque à restituer à Monsieur G... les échéances versées et constaté la compensation entre les sommes respectivement dues par les parties. Le tribunal a en outre condamné la SCI à payer à la Caisse d'Épargne la somme de 81.691,16 euros, sauf à parfaire, représentant la totalité des intérêts perçus au jour du prononcé du jugement, dit irrecevable comme étant prescrite la demande de la SCI en remboursement des loyers perçus, et condamné in solidum la banque et la SCI à payer à Monsieur G... une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'à supporter les dépens.
La SCI L2G a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 15 décembre 2017.
Elle en poursuit l'infirmation partielle en demandant à la cour de déclarer irrecevables, ou à défaut mal fondées, les demandes de la banque à son encontre et de condamner Monsieur G... à lui payer la somme de 65.229 euros correspondant aux loyers encaissés entre la date de l'acquisition et la date de la résolution de la vente, déduction faite des frais justifiés. Très subsidiairement, elle demande qu'il soit jugé que les intérêts réclamés par la banque sont dus par Monsieur G... qui a perçu le remboursement du prix dès le 18 octobre 2013, et à défaut, de dire que la banque ne peut prétendre à aucun intérêt postérieur à ladite date. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation in solidum des intimés au paiement d'une indemnité de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et leur condamnation aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL JALLET etamp; ASSOCIES.
Elle soutient que le tribunal ne pouvait faire revivre le contrat de prêt après en avoir constaté la nullité. Elle affirme que le prêt pouvait être remboursé par anticipation dès le prononcé de l'arrêt annulant la vente, soit le 10 mars 2013 ; qu'en ne le faisant pas, et en conservant la somme prêtée, Monsieur G... a manifesté sans équivoque sa volonté de ne pas se prévaloir de l'interdépendance des deux contrats comme l'a fait la banque dans un courrier adressé à l'emprunteur le 12 décembre 2013. Elle affirme ensuite que c'est en dénaturant l'arrêt rendu par cette cour le 10 juin 2013 que le tribunal a retenu que les termes de cet arrêt permettent de retenir sa mauvaise foi. Elle soutient par ailleurs que Monsieur G... a obtenu 5.000 euros de dommages et intérêts qui lui ont précisément été alloués pour compenser le préjudice financier qu'il subissait, ce qui démontre qu'il entendait faire son affaire personnelle du remboursement de la banque et donc renoncer à se prévaloir de l'interdépendance des contrats. Elle critique également le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite sa demande en restitution des loyers perçus par Monsieur G... en retenant que le jour où la SCI a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant d'exercer son action en restitution des fruits était la date de l'assignation qui lui a été délivrée le 10 juin 2010 alors que le droit d'agir en remboursement des loyers n'a existé qu'à compter de l'annulation de la vente, puisqu'avant celle-ci, elle n'avait aucune qualité ni aucun droit à faire valoir à ce titre et que le délai de prescription a donc commencé à courir le 10 juin 2013. Elle fait valoir que Monsieur G... doit restituer les loyers perçus qui constituent pour lui un enrichissement sans cause. Elle prétend que Monsieur G... ne peut imputer sur les loyers perçus les frais et charges qu'il a exposés, notamment des intérêts d'emprunt, puisqu'à sa demande, l'emprunt a été annulé et il n'a pas eu à régler autre chose que le principal.
La Caisse d'Epargne sollicite à titre principal la confirmation du jugement déféré, hormis en ses dispositions relatives à l'indemnité de procédure et demande à la cour d'y ajouter la condamnation de l'appelante à lui verser la totalité de la quote-part des intérêts à percevoir (4%), entre le mois de janvier 2018 et le mois d'octobre 2030 au titre de la réparation de préjudice économique certain, soit la somme de 50.554,43 euros et la part substantielle de la quote-part des intérêts à percevoir (0,24%), entre le mois de janvier 2018 et le mois d'octobre 2030, au titre de la réparation de préjudice de perte de chance, soit la somme de 2.500 euros. En tout état de cause, elle sollicite condamnation de toute partie succombante à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause de première instance et celle de 4.000 euros au titre des mêmes frais exposés en appel.
Elle rappelle que la résolution du contrat de prêt l'a conduite à rembourser à l'emprunteur la part des intérêts contenue dans chacune des échéances qu'il avait versées et qu'elle est privée pour l'avenir de toute perception des intérêts ; qu'elle est fondée à faire état, sur le fondement délictuel, de la faute contractuelle commise par la SCI en cachant volontairement à Monsieur G... l'état de délabrement et d'insalubrité de l'immeuble. Elle précise que la perception des intérêts conventionnels par la banque lui permet à la fois de s'acquitter de ses propres charges de refinancement et de se rémunérer sur l'opération afin de compenser ses coûts de fonctionnement et le cas échéant de dégager une marge résiduelle. Elle soutient que la privation des intérêts lui fait subir un préjudice substantiel et fait valoir que la SCI fait mine de confondre la date de l'annulation du contrat de vente immobilière, prononcée par la cour d'appel le 10 juin 2013, avec celle du contrat accessoire que constitue le contrat de prêt prononcé par le jugement déféré et elle affirme que son préjudice ne peut s'apprécier qu'à la date de reddition de comptes. Enfin elle fait valoir que le jugement déféré sera nécessairement censuré en ce qu'il l'a condamnée, en vertu d'une solidarité avec la SCI qui n'existe pas, à payer à Monsieur G... la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Monsieur G... conclut à la confirmation du jugement entrepris, hormis en ce qu'il a arrêté à la date du 16 janvier 2017 le montant des sommes dues en compensation entre lui-même et la Caisse d'Epargne. Il demande à la cour de dire qu'il est tenu de rembourser le capital à l'exclusion d'intérêts et du coût de l'assurance, de condamner la banque à lui rembourser les échéances versées jusqu'au mois de janvier 2018 au lieu de janvier 2017 ; de juger satisfactoire le versement de 92.061,90 euros effectué le 11 janvier 2018, de débouter les parties de leurs demandes contraires et de condamner la SCI ou toute partie succombante à lui verser une indemnité de procédure de 5.000 euros ainsi qu'à supporter les dépens dont distraction au profit de la Selarl 2BMP.
Il fait valoir qu'il n'a jamais renoncé à se prévaloir de l'interdépendance des deux contrats de vente et de prêt et que son préjudice financier n'a pas été réparé. Il prétend qu'étant possesseur de bonne foi il conserve, comme le prévoit l'article 549 du code civil, les fruits perçus et il demande à la cour d'approuver le tribunal qui a retenu l'existence d'une prescription, la SCI ayant pour la première fois formé une demande de restitution dans des conclusions signifiées 7 octobre 2016 ; qu'en tout état de cause, seule la partie de bonne foi à une vente annulée peut demande la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice subi en raison de la conclusion du contrat annulé et que la SCI n'a pas été de bonne foi en lui cachant l'insalubrité de l'immeuble vendu.
A titre subsidiaire il demande à la cour de déduire la taxe foncière et les charges liées l'entretien de l'immeuble des sommes devant être restituées et il indique avoir, après ces déductions, perçu un revenu foncier net de 22.642 euros.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :
Attendu que le tribunal n'a aucunement fait revivre le contrat de prêt après en avoir constaté la nullité ;
Qu'il n'a en effet pas appliqué ce contrat pour statuer sur les rapports entre les deux seuls contractants, à savoir la Caisse d'Epargne et Monsieur G... ;
Qu'il n'a pas plus appliqué ce contrat à la SCI mais s'est bornée à constater que c'était la faute commise par cette dernière qui avait entraîné la résolution du contrat de prêt et occasionné à la banque un préjudice résultant de cette résolution ;
Que ce préjudice consiste bien dans la perte des sommes qui devaient être remboursées par l'emprunteur et que le premier juge n'a dès lors commis aucune erreur de droit en statuant comme il l'a fait ;
Attendu qu'il n'a pas plus dénaturé les termes des précédentes décisions et les pièces qui lui avaient été soumises en retenant que la faute de la SCI résultait de sa mauvaise foi lors de la vente en n'informant pas l'acquéreur de l'état de délabrement avancé dans lequel se trouvait le bien vendu, qui a peu de temps après la vente entraîné la prise d'un arrêté de péril frappant l'immeuble ;
Qu'en effet l'arrêt rendu le 10 juin 2013 constate d'une part que la SCI en sa qualité de professionnelle aurait dû connaître les vices affectant le bien vendu, ce qui caractérise une faute de négligence ou d'imprudence, d'autre part que Monsieur A..., gérant de la SCI L2G, a sciemment dissimulé à Monsieur G... les désordres affectant le bien vendu ;
Que la SCI conteste sa qualité de professionnelle en faisant valoir qu'elle est composée des membres de la même famille mais qu'il ne peut qu'être relevé qu'elle a acquis un immeuble, non pour loger cette famille ou certains de ses membres, mais exclusivement à des fins locatives et spéculatives comme le démontre son objet social ;
Qu'endossant ainsi la qualité de professionnelle reconnue à toutes les SCI ayant un objet purement locatif ou spéculatif, elle a accepté de supporter les obligations d'une professionnelle de l'immobilier et est donc responsable des manquements imputables à une telle professionnelle ;
Que surtout, l'arrêt rendu le 10 juin 2013 par cette cour a retenu " que la connaissance des vices affectant la chose vendue est au surplus parfaitement établie par le témoignage de Fabienne D..., locataire de l'un des appartements vendus, laquelle atteste, de manière très circonstanciée, subir depuis 1998 des problèmes liés à un chauffage insuffisant et à l'humidité des lieux, en avoir en son temps en vain avisé les époux E..., propriétaires à l'époque, en avoir fait état devant un visiteur venu visiter l'immeuble mis en vente par la SCI, s'être alors fait réprimander par l'agent immobilier puis par Monsieur A..., gérant de la SCI lequel lui a déclaré qu'elle n'avait pas le droit de "casser la vente en racontant des choses comme ça", raison pour laquelle elle n'a pas évoqué ces problèmes lorsque Monsieur G... a à son tour, visité l'appartement";
Que les deux fautes caractérisées ainsi commises par la SCI ont conduit la cour à écarter la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés contenue dans l'acte de vente et que l'appelante ne saurait sérieusement prétendre que les premiers juges auraient dénaturé la décision intervenue en retenant qu'elle avait commis des fautes ;
Que la Caisse d'Epargne est recevable et fondée, en qualité de tiers au contrat, à invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le manquement contractuel commis par la SCI envers Monsieur G... en lui cachant les vices affectant le bien vendu dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ;
Attendu que c'est sans pertinence que l'appelante soutient que le prêt pouvait être remboursé par anticipation dès le prononcé de l'arrêt annulant la vente, soit le 10 mars 2013 et, qu'en ne le faisant pas et en conservant la somme prêtée, Monsieur G... , a manifesté sans équivoque sa volonté de ne pas se prévaloir de l'interdépendance des deux contrats ;
Qu'en effet le remboursement anticipé aurait conduit l'emprunteur a supporter la charge d'intérêts et d'une indemnité de remboursement anticipé alors que ces frais ne lui incombaient pas, la résolution de la vente devant entraîner celle du prêt qui lui était accessoire et l'autoriser à ne rembourser que le capital prêté ;
Que l'absence de remboursement dès le 10 mars 2013 s'explique entièrement par cette considération, Monsieur G... ayant à bon droit refuser de procéder à un paiement anticipé qui ne correspondait pas à sa situation juridique ;
Que la Caisse d'Epargne ne pouvait quant à elle accepter de prononcer à l'amiable la résolution du prêt puisque l'accord intervenu aurait pu lui être opposé par la SCI pour refuser d'indemniser son préjudice né alors de cet accord et non d'une décision judiciaire lui imposant cette résiliation ;
Qu'enfin, la jurisprudence produite par l'appelante pour démontrer qu'en n'assignant pas la Caisse d'Epargne lors de l'instance en résolution de la vente, Monsieur G... a renoncé à se prévaloir de l'interdépendance des deux contrats de vente et de prêt, est inapplicable au présent litige puisque visant une espèce dans laquelle l'acquéreur qui avait obtenu la résolution de la vente avait dilapidé les fonds remis par son vendeur en exécution de la décision remettant les parties dans l'état antérieur à la vente ;
Que tel n'est pas le cas en l'espèce où Monsieur G... s'est présenté à la banque en proposant de rembourser les sommes dont il était redevable grâce au paiement obtenu de la SCI et qui s'est vu opposer un refus de la banque le contraignant à procéder à son assignation ;
Attendu que c'est sans plus de fondement que la SCI prétend que Monsieur G... a déjà obtenu 5.000 euros de dommages et intérêts qui lui ont été alloués pour compenser le préjudice financier qu'il subissait, ce qui démontrerait qu'il entendait faire son affaire personnelle du remboursement de la banque et donc renoncer à se prévaloir de l'interdépendance des contrats ;
Qu'en effet l'arrêt ayant alloué la somme de 5.000 euros à Monsieur G... en réparation de son préjudice est ainsi motivé : "qu'il a subi un préjudice financier du fait de l'arrêté d'insalubrité qui en est résulté mais il ne produit aucune pièce permettant d'apprécier l'étendue de ce préjudice en particulier en ce qui concerne l'emprunt qu'il dit avoir souscrit, les remboursements qu'il aurait effectués et les pénalités qu'il devrait supporter en cas de remboursement anticipé ; qu'à défaut de justification précise la cour estime à 5.000 euros ce chef de préjudice ;
Qu'il est ainsi exposé que l'appelant a exclusivement réclamé dédommagement des préjudices nés d'une part de la perte des gains prévus puisqu'il n'a plus perçu de loyers en raison de l'arrêté de péril frappant l'immeuble, d'autre part au titre des remboursements mensuels du crédit qu'il avait déjà opérés, ce qui avait effectivement grevé sans cause sa trésorerie puisque l'immeuble acquis n'était pas conservé par lui ; qu'il a également sollicité paiement au titre des pénalités qu'il devrait payer en cas de remboursement anticipé, demande que la cour a écarté en retenant qu'il ne produisait aucune pièce de ce chef ;
Qu'il ressort de la motivation de la décision ayant alloué les dommages et intérêts que Monsieur G... n'a jamais demandé remboursement des intérêts de l'emprunt qui sont ceux dont la banque réclame aujourd'hui paiement ;
Qu'à supposer même, pour les seuls besoins du raisonnement, que Monsieur G... ait présenté une telle demande, il n'appartiendrait pas à la SCI d'exiger de la Caisse d'Epargne qu'elle forme une demande en paiement envers Monsieur G... , puisque la banque est fondée, ainsi qu'il a été ci-dessus retenu, à rechercher sa responsabilité délictuelle en raison des fautes contractuelles qu'elle a commises envers Monsieur G... , mais qu'elle pourrait exclusivement demander à être garantie par ce dernier des paiements opérés par elle au profit de la banque et ce, à hauteur de la seule somme de 5.000 euros accordée à l'acquéreur évincé ;
Que cette argumentation sera donc également écartée ;
Attendu que c'est à bon droit que l'appelante critique le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite sa demande en restitution des loyers perçus par Monsieur G... en retenant que, le jour où la SCI a connu, ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action en restitution des fruits était la date de l'assignation qui lui a été délivrée le 10 juin 2010 ;
Qu'en effet, le droit d'agir en remboursement des loyers n'a existé qu'à compter de l'annulation de la vente ;
Que le délai de prescription quinquennal applicable en l'espèce a donc commencé à courir le 10 juin 2013 et que la SCI n'était dès lors pas prescrite en réclamant cette restitution avant le 10 juin 2018 ;
Mais attendu que cette demande de restitution n'est pas fondée ;
Qu'en effet seule la partie de bonne foi peut réclamer la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle a subi en raison de la conclusion du contrat de vente annulé (Cass. Ch. mixte , 9 juillet 2004, no 02-16.302) ;
Que la SCI ne peut être considérée comme partie de bonne foi puisque l'arrêt prononçant la résolution de la vente, qui a autorité de la chose jugée, a constaté ses négligences et ses fautes et a retenu qu'elle avait connaissance au moins d'une partie des vices affectant l'immeuble vendu et les a volontairement cachés à l'acquéreur ;
Que la demande en restitution des loyers perçus par Monsieur G... ne peut dès lors qu'être rejetée étant observé que l'enrichissement éventuel de Monsieur G... n'est pas sans cause mais est dû aux fautes commises envers lui par la SCI qui a volontairement tenté de le tromper ;
Attendu que la Caisse d'Epargne subit deux préjudices différents, d'une part celui résultant de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de restituer à Monsieur G... des intérêts déjà perçus, d'autre part celui résultant de la privation des intérêts qu'elle aurait dû percevoir si le contrat de prêt avait été normalement exécuté, ces deux préjudices étant des préjudices certains puisque la créance de ce chef de la banque est née par la conclusion du contrat ;
Que, contrairement à ce que prétend l'appelante sans d'ailleurs expliquer son raisonnement, la banque ne se contredit pas en sollicitant remboursement par la SCI des intérêts qu'elle ne percevra pas après avoir écrit à Monsieur G... que "La jurisprudence considère qu'en cas d'annulation ou de résolution de la vente, la résolution du prêt doit être judiciairement demandée et constatée, même si cette résolution est de plein droit" ;
Qu'en effet c'est lors de l'instance en résolution du prêt que le prêteur peut former à l'encontre du tiers à l'origine de la résolution, une demande d'indemnisation de son préjudice résultant de la disparition du contrat de prêt ;
Qu'il ne peut dès lors être prétendu que ce courrier, qui ne renonce à aucun droit, devrait conduire à refuser à la Caisse d'Epargne le paiement d'intérêts au-delà de la date de la résolution de la vente ;
Qu'il sera donc fait droit à la demande de réparation formée par la banque ;
Attendu que le tribunal a condamné la SCI à verser à la Caisse d'Epargne la somme de 81.691,16 euros, "sauf à parfaire" ;
Que cette formulation ne peut être approuvée puisque, s'il est constant que la banque a restitué, ainsi qu'elle en justifie, la somme de 81.691,16 euros à l'emprunteur, cette somme n'est pas à parfaire mais que doit être indemnisé également son préjudice né de l'absence de perception d'une somme de 50.554,43 euros au titre des intérêts à percevoir (4%), entre le mois de janvier 2018 et le mois d'octobre 2030 ;
Que si ce préjudice est certain, il ne saurait cependant être égal à la somme de 50.554,43 euros qui aurait dû être perçue puisque la banque pourra percevoir immédiatement cette somme alors que si le contrat était parvenu à son terme, elle aurait dû attendre encore 12 années pour la toucher ;
Que cette modification substantielle dans la date de perception des intérêts conduit à réparer entièrement le préjudice né de l'absence de leur perception par l'octroi d'une somme de 20.000 euros;
Que la Caisse d'Epargne sollicite par ailleurs 2.500 euros au titre de la part substantielle de ces intérêts qu'elle qualifie de perte de chance de percevoir sa rémunération mais qu'une telle prétention n'étant pas justifiée par les pièces produites aux débats sera rejetée ;
Attendu que les demandes formées en appel par Monsieur G... et tendant à voir juger qu'il est tenu de rembourser le capital à l'exclusion d'intérêts et du coût de l'assurance, condamner la banque à lui rembourser les échéances versées jusqu'au mois de janvier 2018 au lieu de janvier 2017, juger satisfactoire le versement de 92.061,90 euros effectué le 11 janvier 2018 ne peuvent être comprises, puisque tribunal n'avait pas arrêté les intérêts en janvier 2017 mais avait indiqué le montant de la somme due à cette date et indiqué qu'elle serait "à parfaire" en fonction de la date effective de remboursement ;
Que la restitution a été définitivement soldée le 11 janvier 2018 par le paiement opéré par Monsieur G... à hauteur de 92.061,90 euros qui correspond au montant retenu par la décision déférée et que la Caisse d'Epargne ne lui réclame d'ailleurs plus rien;
Que la décision déférée sera donc confirmée dans ses chefs concernant les effets de la résolution du prêt entre Monsieur G... et la Caisse d'Epargne ;
Attendu enfin que le tribunal n'a pas condamné la Caisse d'Epargne solidairement avec la SCI à verser une indemnité de procédure à Monsieur G... mais a prononcé une condamnation in solidum qui se justifie en ce que la banque a vu prononcer la résolution du prêt consenti à l'acquéreur ;
Que la Caisse d'Epargne ne sollicite pas la condamnation de la SCI à la relever indemne de cette condamnation et que la cour ne peut dès lors que rejeter sa demande tendant à voir réformer ce chef de décision ;
Qu'il n'y a pas lieu de réformer le chef de la décision déférée ayant rejeté la demande de paiement d'une indemnité de procédure formée par la banque ;
Que la SCI succombant entièrement en ses prétentions, supportera les dépens de la procédure d'appel et qu'il sera fait application, au profit des deux parties intimées, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME la décision entreprise, hormis en ce qu'elle a condamné la SCI L2G à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Centre "la somme de 81.691,16 euros, sauf à parfaire", et dit irrecevable comme étant prescrite la demande de la SCI en remboursement des loyers perçus,
STATUANT À NOUVEAU sur ces seuls chefs,
CONDAMNE la SCI L2G à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Centre : - 81.691,16 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de l'obligation de restituer à l'emprunteur les intérêts perçus,
- 20.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de l'absence de perception des intérêts devant courir sur l'emprunt et sa part de rémunération,
DÉBOUTE la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Centre de sa demande en réparation d'une perte de chance de percevoir sa rémunération,
DÉCLARE recevable mais non fondée la demande de la SCI L2G tendant à obtenir la condamnation de Monsieur G... à lui rembourser les loyers perçus,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SCI L2G à payer d'une part à Monsieur B... G... , d'autre part à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Centre la somme de 1.500 euros, d'autre au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI L2G aux dépens d'appel,
ACCORDE à la Selarl 2BMP et à la F... , avocats, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller faisant fonction de Président de chambre et Mme Irène ASCAR, Greffier placé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT